Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

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Date: 20010131

Dossier: 2000-38-IT-I

ENTRE :

PETER S. CARLISI,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

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Pour l'appelant : L'appelant lui-même

Avocat de l'intimée : Me Jocelyn Espejo-Clarke

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Motifs du jugement

(Rendus oralement à l'audience à Toronto (Ontario), le 3 octobre 2000.)

Le juge McArthur

[1]            La question en litige est celle de savoir si le ministre du Revenu national a correctement imposé la pénalité pour production tardive répétée pendant l'année d'imposition 1996 en vertu du paragraphe 162(2) de la Loi de l'impôt sur le revenu, qui est libellé comme suit :

162(2)      La personne qui ne produit pas de déclaration de revenu pour une année d'imposition selon les modalités et dans le délai prévus au paragraphe 150(1) après avoir été mise en demeure de le faire conformément au paragraphe 150(2) et qui, avant le moment du défaut, devait payer une pénalité en application du présent paragraphe ou du paragraphe (1) pour défaut de production d'une déclaration de revenu pour une des trois années d'imposition précédentes est passible d'une pénalité égale au total des montants suivants :

a)             10% de l'impôt payable pour l'année en vertu de la présente partie qui était impayé à la date où, au plus tard, la déclaration devait être produite;

b)             le produit de 2% de cet impôt impayé par le nombre de mois entiers, jusqu'à concurrence de 20, compris dans la période commençant à la date où, au plus tard, la déclaration devait être produite et se terminant le jour où la déclaration est effectivement produite.

[2]            Les hypothèses de fait suivantes, sur lesquelles le ministre s'est appuyé, ne sont pas contestées :

                                [TRADUCTION]

a)              la déclaration de revenus T1 de 1996 de l'appelant a été produite le 22 juin 1998, comme en fait foi le cachet de la poste apposé sur l'enveloppe postale;

b)             la première demande par TX11 a été envoyée à l'appelant le 12 janvier 1998;

c)              l'avis de demande formelle par TX14D a été envoyé à l'appelant le 26 février 1998;

d)             au sujet du dossier de l'appelant, la déclaration de revenus T1 de 1995 de l'appelant a également été produite en retard, soit le 16 octobre 1996, et une pénalité de 1 539 $ pour production tardive a été imposée.

L'appelant s'appuie sur la défense de diligence raisonnable établie dans l'affaire Pillar Oilfield Projects Ltd c. La Reine, C.C.I., no 93-614(GST)I, 19 novembre 1993 ([1993] G.S.T.C. 49), qui a été suivie par de nombreuses affaires, lesquelles ont été citées par l'appelant.

[3]            L'appelant est un avocat âgé de 49 ans qui possède un cabinet de contentieux à Toronto. Il a témoigné de manière franche. Jusqu'en 1995, il avait été un employé au sein d'un cabinet d'avocats et il produisait ses déclarations de revenus à temps. En 1995, le système comptable du cabinet d'avocats a changé, et l'appelant est devenu associé. Ses déclarations de revenus sont devenues beaucoup plus complexes et dépassaient ses capacités comptables, et, par conséquent, il a laissé le comptable du cabinet, M. Weisman, remplir ses déclarations. J'accepte que la déclaration de revenus de 1995 de l'appelant ait été produite avec cinq mois de retard sans que ce soit par sa faute.

[4]            Son cabinet a changé ses comptables après cette date et a embauché BDO Dunwoody. La situation de l'appelant a empiré, et sa déclaration de revenus de 1996 a été produite avec une année de retard. Pendant cette période de défaut, il a constamment demandé au bureau comptable de préparer et de produire sa déclaration de revenus. L'intimée a respecté les conditions du paragraphe 162(1), et une première demande de production de la déclaration de revenus de 1996 a été faite par le ministre le 12 janvier 1998, et un avis de demande formelle, envoyé le 26 février 1998.

[5]            Dans son avis d'appel, l'appelant n'a pas invoqué la diligence raisonnable parce qu'il n'a su que la veille de l'audience qu'il pouvait se prévaloir d'un tel recours. Compte tenu du temps qu'il lui restait, il n'a pu faire témoigner le comptable responsable de BDO Dunwoody (" BDO "). Dans une lettre datée du 30 août 1999 (pièce A-5), BDO a expliqué de manière plutôt arrogante que la production des états financiers avait été retardée en raison du volume et de la complexité des transactions. En réponse à cette lettre, Revenu Canada a correctement déclaré, en partie, ce qui suit dans une lettre datée du 9 septembre (pièce A-6) :

                [TRADUCTION]

Au cours de l'année d'imposition 1995, il revenait à votre client de s'assurer que la déclaration de revenus soit produite à temps. S'il ne savait pas que la déclaration avait été produite en retard, selon l'agent des appels, c'est qu'il ne s'était pas tenu informé.

Au cours de l'année d'imposition 1996, en application du sous-alinéa 150(1)d)(ii) de la Loi, la déclaration de revenus devait être produite le 15 juin 1997 ou avant cette date. Selon l'agent des appels, la date d'échéance de production accordait à votre client suffisamment de temps pour trouver un nouveau comptable et faire préparer la déclaration sans égard au volume et à la complexité des transactions. Votre client aurait dû savoir que le volume et la complexité des transactions auraient constitué un problème en ce qui concerne la préparation et la production des états financiers. Votre client aurait dû tenir compte de ces problèmes. Il est déraisonnable qu'il ait fallu jusqu'au 21 avril 1998 pour préparer une déclaration de revenus de 1996 compte tenu des motifs donnés dans la télécopie.

[6]            Le juge Bowman, dans l'affaire Pillar Oilfield, a établi la base de la position selon laquelle en vertu d'une loi semblable, la pénalité de l'article 280 en est une de " responsabilité stricte " plutôt que de " responsabilité absolue ". Selon son raisonnement, [TRADUCTION] " si la personne pénalisée peut démontrer une " diligence raisonnable " en tentant de se conformer à la loi, la pénalité ne sera pas imposée. Il serait révoltant qu'une personne puisse être administrativement pénalisée par un fonctionnaire sans avoir l'occasion de se disculper en établissant la diligence raisonnable. Les pénalités ne sont pas différentes des infractions criminelles ou provinciales à cet égard. "

[7]            Dans l'affaire Bennett c. La Reine, C.C.I., no 93-976(IT)G, 17 février 1995 ([1995] 2 C.T.C. 2308), la juge Lamarre Proulx a déclaré, à la page 9 (C.T.C.: à la page 2316) :

[...] Ainsi, de la même façon que ce que notre cour a conclu dans l'affaire Pillar Oilfield, précitée, je conclus que la formulation du paragraphe 162(2) de la Loi permet une défense de diligence raisonnable.

             Je suis toutefois d'avis que, pour que la loi atteigne son objectif public, on doit s'attendre du contribuable qu'il se conforme aux exigences de la loi avec un degré élevé de diligence.

Je reconnais que la diligence raisonnable s'applique à la présente affaire. Toutefois, un contribuable doit démontrer un degré élevé de diligence afin d'échapper aux pénalités du paragraphe 162(1), comme l'a suggéré la juge Lamarre Proulx. La question revient à se demander si l'appelant a agi avec un degré élevé de diligence.

[8]            Bien que la présente affaire soit un cas limite, je conclus que l'appelant a agi avec suffisamment de diligence raisonnable pour respecter les exigences de la common law. Il a produit ses déclarations de revenus à temps pendant 20 années. En raison du changement de comptables du cabinet et de sa condition d'associé, ses déclarations de revenus échappaient à son contrôle. Le comptable du cabinet a produit la déclaration de revenus de 1995 en retard sans que ce soit, à mon avis, par la faute de l'appelant. Son cabinet a congédié le comptable et a embauché un grand cabinet d'expertise comptable, BDO. Malgré l'insistance de l'appelant, BDO n'a pas respecté les délais de production. L'appelant, en tant qu'avocat, connaissait sa responsabilité. Toutefois, on peut comprendre qu'il ne pouvait agir sans l'expertise de professionnels, et il devait s'en remettre au fait qu'ils préparaient les déclarations financières pour le cabinet d'avocats au complet. Bien que je considère que BDO est loin d'avoir fait preuve de diligence, les gestes de l'appelant respectent les exigences relatives à la diligence raisonnable, et l'appel est admis. Il n'y a pas d'ordonnance quant aux dépens.

Signé à Ottawa, Canada, ce 31e jour de janvier 2001.

" C. H. McArthur "

J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme ce 3e jour d'août 2001.

Isabelle Chénard, réviseure

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

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