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Date: 20010130

Dossier: 2000-173-IT-I

ENTRE :

HENRY GRZYWNOWICZ,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

(Rendus oralement à l'audience à London (Ontario), le 7 décembre 2000.)

Le juge Beaubier, C.C.I.

[1]            Le présent appel a été entendu à London (Ontario), le 7 décembre 2000. Le seul témoin a été l'appelant lui-même. Les paragraphes 4 à 6 inclusivement de la réponse à l'avis d'appel se lisent comme suit :

                                [TRADUCTION]

4.              En établissant de nouvelles cotisations à l'égard de l'appelant pour les années d'imposition 1995 et 1996, au moyen d'avis de nouvelle cotisation simultanés datés du 4 mars 1999, le ministre a rejeté les pertes agricoles de 3 543 $ et de 3 205 $ respectivement.

5.              En établissant ainsi de nouvelles cotisations à l'égard de l'appelant, le ministre a formulé les hypothèses de fait suivantes :

a)              en novembre de l'année d'imposition 1992, l'appelant a acheté 57 acres de terres agricoles situées au 332, promenade Donnybrook, à Dorchester (Ontario);

b)             des 57 acres, environ 45 acres, loués à un voisin à des fins d'exploitation agricole, étaient exploitables, environ 1,5 acre a été utilisé pour la résidence principale, et le reste a été réparé et exploité;

c)              pendant toute la période pertinente, l'appelant était employé à plein temps par Kellogg Canada Inc.;

d)             la principale source de revenu de l'appelant était son revenu d'emploi, tiré de son travail chez Kellogg Canada Inc.;

e)              pendant les années d'imposition 1995 et 1996, l'appelant a déclaré un revenu agricole brut de 3 733 $ et de 3 464 $, qui consistait en la location de la terre et en remboursements de taxe;

f)              la principale source de revenu de l'appelant, pendant les années d'imposition 1995 et 1996, ne provenait pas de l'agriculture ou d'une combinaison de l'agriculture et d'une autre source de revenu;

g)             l'appelant a déclaré un revenu agricole brut et des pertes agricoles nettes pendant d'autres années de la manière suivante :

ANNÉE    REVENU BRUT    PERTES AGRICOLES

                                                                             NETTES

1993         3 541 $           2 712 $

1994         3 679 $           3 322 $

1997         4 147 $           4 456 $

1998         4 520 $           2 760 $

h)             les pertes agricoles n'ont pas été engagées en vue de tirer un revenu de l'agriculture;

i)               l'appelante n'avait pas d'attente raisonnable de profit à l'égard de l'activité agricole au cours des années d'imposition 1995 et 1996.

6.              Il s'agit de déterminer si l'appelant a le droit de déduire certaines pertes agricoles dans le calcul de son revenu pour les années 1995 et 1996.

[2]              Les hypothèses énoncées aux alinéas 5 a), c), d), e) et g) n'ont pas été réfutées. L'hypothèse énoncée à l'alinéa 5 b) est exacte, mais on a planté, sur l'acre ou les deux acres restants, en les mélangeant, environ 250 arbres provenant de cinq variétés. Les autres hypothèses sont contestées.

[3]              L'appelant a planté les 250 arbres en 1994 et en a vendu pour 520 $ en 1998 et pour 170 $ en 1999. Le reste n'a pas été vendu pour diverses raisons, dont le fait que certains arbres ayant atteint leur maturité avaient été mangés par des cerfs, mais aucune raison n'a été donnée en ce qui concerne les épinettes.

[4]              De 1993 à 1999, l'appelant a perçu un loyer sur la terre. De 1993 à 1997 inclusivement, le loyer et les remboursements d'impôt foncier de l'Ontario constituaient le seul revenu tiré de la terre. Ses pertes locatives provenant de la terre agricole ont été acceptées, mais non celles de la dépendance de la ferme. Le vérificateur a considéré le revenu provenant de la vente des arbres comme " accessoire ". La superficie de terre arable que l'appelant a consacrée à la plantation des arbres représentait moins de 5 p. 100 de la superficie louée. En outre, la petite quantité et la grande diversité d'arbres plantés indiquent que l'appelant n'avait pas l'intention d'exploiter une ferme forestière. Il n'a pas non plus indiqué qu'il avait déjà eu une telle intention. Ainsi, la preuve révèle que les arbres et le revenu tiré de leur vente étaient en réalité accessoires à la terre et à tout revenu tiré de celle-ci.

[5]              Dans l'affaire William Moldowan c. La Reine, [1978] 1 R.C.S. 480 (77 DTC 5213) aux paragraphes 11 et 12, le juge Dickson a écrit :

11             Il y a d'abord eu controverse, mais il est maintenant admis que pour avoir une " source " de revenu, le contribuable doit avoir en vue un profit ou une expectative raisonnable de profit. L'expression source de revenu équivaut donc au terme entreprise : Dorfman c. M.R.N., [[1972] C.T.C. 151]. Voir également l'al. 139(1)ae) de la Loi de l'impôt sur le revenu qui inclut à titre de " frais personnels ou frais de subsistance ", donc non déductibles aux fins de l'impôt, les dépenses inhérentes aux propriétés entretenues par le contribuable pour son propre usage et avantage, et non entretenues relativement à une entreprise exploitée en vue d'un profit ou dans une expectative raisonnable de profit. Si le contribuable, en exploitant sa ferme, se livre simplement à un passe-temps, sans expectative raisonnable de profit, il ne peut réclamer aucune déduction pour les dépenses engagées.

12             Une jurisprudence volumineuse traite de la signification de l'expression expectative raisonnable de profit, mais il ne s'en dégage aucune constante. À mon avis, on doit s'appuyer sur tous les faits pour déterminer objectivement si un contribuable a une expectative raisonnable de profit. On doit alors tenir compte des critères suivants : l'état des profits et pertes pour les années antérieures, la formation du contribuable et la voie sur laquelle il entend s'engager, la capacité de l'entreprise, en termes de capital, de réaliser un profit après déduction de l'allocation à l'égard du coût en capital. Cette liste n'est évidemment pas exhaustive. Les facteurs seront différents selon la nature et l'importance de l'entreprise : La Reine c. Matthews [...]. Personne ne peut s'attendre à ce qu'un fermier qui achète une affaire déjà productive subisse au départ les mêmes pertes que celui qui met sur pied une exploitation forestière sur un terrain vierge.

[6]                En utilisant les critères du paragraphe 12 susmentionné, la Cour conclut de la façon suivante :

1.                  L'appelant n'a connu que des pertes jusqu'à maintenant.

2.                    L'appelant n'a pas décrit de formation qu'il possédait dans le domaine de l'agriculture. Il a affirmé qu'il avait un peu d'expérience.

3.                  L'appelant n'a pas décrit de plan ou de voie sur laquelle il entendait s'engager afin de réaliser un profit de l'agriculture et n'a pas non plus établi au moyen d'éléments de preuve le revenu qu'il pouvait tirer de l'exploitation agricole de la terre. Il a indiqué dans son témoignage avoir tiré un revenu brut de 3 900 $ du maïs, plus 1 500 $ de la location de la terre agricole en 1999, mais avoir déclaré une perte de 5 273,33 $ après la DPA de 4 754,91 $. Il a également indiqué qu'après avoir déduit la DPA en 2000, il subira une perte. Il n'a ni établi le moment où il pourrait raisonnablement réaliser un profit ni la manière dont il s'y prendrait, comme il est tenu de le faire conformément à l'affaire La Reine c. Andrew Donnelly, [1998] 1 C.F. 513, à la page 522 (97 DTC 5499, à la page 5501).

4.                  Aucun élément de preuve n'indique que l'exploitation agricole alléguée avait une expectative raisonnable de profit pendant les années en cause ou que l'appelant avait un plan d'exploitation permettant la réalisation d'un profit.

[7]                En réalité, la preuve révèle qu'en 1995 et en 1996, la terre a été louée et qu'il s'agissait d'un bien locatif. En outre, l'appelant a indiqué dans son témoignage que la moitié du prix de la terre se rapportait à la résidence existant sur la terre qui se situe près de London, en Ontario. L'équipement qu'il a acheté, un tracteur et un petit cultivateur de 50 pouces, pouvait facilement être utilisé pour déblayer la neige et cultiver un abri d'arbres décoratifs. La " grange " qu'il a construite pouvait très bien être un garage pour l'automobile de la famille et le tracteur.

[8]                  Selon la preuve, en 1995 et en 1996, l'appelant n'exploitait pas une ferme. Il louait 45 acres de terres agricoles.

[9]                  L'appel est rejeté.

Signé à Ottawa, Canada, ce 30e jour de janvier 2001.

" D. W. Beaubier "

J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme ce 3e jour d'août 2001.

Isabelle Chénard, réviseure

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

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