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Date: 20010201

Dossier: 1999-4986-IT-I

ENTRE :

TRACEY L. JOHNSON,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée,

ET

Dossier: 1999-4985-IT-I

ENTRE

ADRIAN M. D'SILVA,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

Le juge en chef adjoint Bowman

[1]            Les présents appels ont été entendus ensemble. Les appelants, qui sont mariés, ont interjeté appel des cotisations établies pour les années d'imposition 1996 et 1997.

[2]            En 1995, ils ont acheté un bien situé au 8807, chemin Findlay Creek, à Canal Flats (Colombie-Britannique), dans lequel ils avaient l'intention d'exploiter des chambres d'hôtes. Ils ont subi des pertes de 22 772,75 $ en 1996 et de 21 209,57 $ en 1997, pertes qu'ils ont partagées à parts égales. Les pertes ont été rejetées aux termes de la cotisation.

[3]            À cette époque, les deux appelants travaillaient pour Syncrude Canada Ltd., à Fort McMurray. Tracey Johnson est ingénieure chimiste. Ils ont décidé de changer de carrière. Tracey Johnson trouvait son emploi stressant, et son époux avait des problèmes de santé. Ils ont acheté le bien de Findlay Creek en vue d'y exploiter des chambres d'hôtes. Le bien est composé d'une maison de 4 000 pieds carrés et d'un terrain de 20 acres.

[4]            Avant de se lancer en affaires, ils ont suivi un cours commercial offert dans un collège de leur région et ont lu des livres sur l'exploitation de chambres d'hôtes. Ils ont cherché un endroit convenable et, lorsqu'ils ont trouvé le bien de Findlay Creek, ils ont décidé de l'acheter parce qu'ils trouvaient qu'il jouissait d'une situation idéale. Outre un logement pour les propriétaires, on pouvait y aménager quatre chambres à coucher avec salle de bain, une cuisine et un salon.

[5]            Ils ont établi un plan d'affaires détaillé qu'ils ont présenté à des comptables agréés de Fort McMurray.

[6]            Au début, ils ont loué le bien 550 $ par mois, pendant 11 mois, à la soeur de Mme Johnson et à son époux. Il a été déterminé que ce chiffre représentait la juste valeur marchande après vérification des prix exigés pour des logements comparables. En outre, ils versaient 200 $ par mois au beau-frère de l'appelante pour l'entretien du bien.

[7]            Après le départ de la soeur de Mme Johnson, les appelants ont loué le bien 75 $ par nuit à des tiers, et à l'occasion à la soeur de Mme Johnson. Je tiens pour avéré que le loyer exigé des tiers et de la soeur de Mme Johnson représentait la juste valeur marchande et que le montant versé à l'époux de cette dernière était raisonnable.

[8]            En 1998, ils ont décidé de mettre fin à cette activité, d'ajouter trois chambres à coucher et d'agrandir la cuisine. Pour financer ce projet, les époux ont vendu leur résidence respective à Fort McMurray et ont retiré de l'argent de leur plan d'épargne de compagnie. Ils n'ont contracté aucun emprunt, si ce n'est qu'ils ont maintenu l'hypothèque initiale consentie lors de l'achat du bien de Findlay Creek. Lorsqu'ils ont redémarré leur entreprise, en septembre 1998, ils ont fait beaucoup de publicité à Fort McMurray, sous forme d'affiches ainsi que sur des babillards.

[9]            Ils n'ont ni déclaré le coût de la rénovation à titre de dépense courante ni demandé de déduction pour amortissement.

[10]          Ils ont confié la gestion du bien à une société de gestion, laquelle prévoyait des revenus de 400 $ par nuit du mois d'avril au mois d'octobre, selon une moyenne d'une nuit sur deux. Cela aurait donné environ 6 000 $ par mois pendant sept mois, soit 42 000 $ par année. Cette prévision ne s'est pas concrétisée. Le bien n'a été loué que pendant 32 jours durant la période d'avril à octobre 1999, et les chambres ne rapportaient que 200 $ par nuit. Ils ont dû mettre fin à cette activité en septembre 1999 parce que le réseau d'aqueduc ne fonctionnait plus.

[11]          En 2000, ils ont mis le bien en vente et l'ont loué 1 500 $ par mois.

[12]          La question est de savoir s'il s'agit véritablement d'une entreprise permettant aux appelants de déduire leurs pertes.

[13]          Je reproduis au long ci-dessous le paragraphe 6 de la réponse à l'avis d'appel produite à l'égard de Tracey Johnson. La réponse produite à l'égard d'Adrian D'Silva est en grande partie la même, avec les adaptations nécessaires.

                                [TRADUCTION]

6.              Pour établir ainsi une nouvelle cotisation à l'égard de l'appelante, le ministre s'est fondé sur les hypothèses suivantes :

a)              l'appelante et Adrian D'Silva (le " conjoint ") ont commencé une activité de location (l'" activité ") en 1996;

b)             l'adresse où l'activité avait lieu est le 8807, chemin Findlay Creek, à Canal Flats (Colombie-Britannique) (" le bien ");

c)              l'appelante et son conjoint ont acheté le bien 299 000 $ et en ont pris possession en septembre 1995;

d)             la description officielle est la suivante : lot 1, lot de district 4596, plan NEP 20894 du district de Kootenay;

e)              le bien est composé d'une maison de 4 000 pieds carrés et d'un terrain de 20 acres;

f)              le bien comporte une chambre à coucher ouverte et une salle de bain;

g)             le bien a été loué 550 $ par mois à David et Tammy Heard;

h)             Tammy Heard est la soeur de l'appelante;

i)               David et Tammy Heard ont loué le bien pendant 11 des 24 mois en cause;

j)               l'appelante et son conjoint ont versé 200 $ par mois à David Heard pour effectuer des travaux d'entretien extérieur;

k)              l'appelante et son conjoint ont déclaré le montant de 200 $ par mois versé à David Heard à titre de dépense pour travaux d'entretien extérieur;

l)               le loyer net reçu de Tammy et David Heard n'était que de 350 $ par mois;

m)             pendant les 13 autres mois (des 24 mois en cause), le bien a été loué à différentes reprises, suivant un tarif quotidien de 75 $ (Voir Annexe B);

n)             le revenu de location s'élevait à 4 700 $ pour l'année d'imposition 1996, soit 4 400 $ reçus de Tammy et David Heard et 300 $ reçus de tiers non liés à l'appelante et à son conjoint;

o)             le revenu de location s'élevait à 7 275 $ pour l'année d'imposition 1997, soit 1 650 $ reçus de Tammy et David Heard et 5 625 $ reçus d'autres parents et de tiers non liés à l'appelante et à son conjoint;

p)             le loyer exigé comprenait les frais des services publics, notamment le téléphone;

q)             les pertes ont été partagées à parts égales entre l'appelante et son conjoint;

r)              pendant les 24 mois en cause, l'appelante et son conjoint ont résidé au 117, chemin Brintnell, à Fort McMurray (Alberta);

s)              l'activité était sous-capitalisée;

t)              l'appelante et son conjoint n'avaient aucune formation relativement à l'activité;

u)             durant toute la période pertinente, l'appelante gagnait un revenu d'emploi à plein temps (elle travaillait pour Syncrude Canada Ltd.);

v)             avant de commencer l'activité, l'appelante et son conjoint n'ont établi aucun plan d'affaires pour déterminer si elle serait rentable;

w)             l'appelante et son conjoint n'ont pas fait de publicité pour l'activité;

x)              l'activité n'était pas une entreprise commerciale;

y)             l'appelante et son conjoint ont mis fin à l'activité en 1998, époque à laquelle ils ont préparé des plans pour rénover le bien afin de le convertir en chambres d'hôtes;

z)              de 1996 à 1997, l'appelante et son conjoint ont déclaré le revenu (perte) suivant de l'activité :

Année     Revenu brut           Dépenses                               Revenu net /

d'imposition                                                                           (pertes)

                1996         4 700 $     27 472,75 $*            (11 386,27 $)**

                1997         7 275 $     28 484,57 $*            (10 604,79 $)**

                *               Dépenses détaillées figurant à l'Annexe A

                **                            Pertes partagées à parts égales entre l'appelante et son conjoint

aa)            l'appelante et son conjoint n'avaient pas d'attente raisonnable de profit pendant les années d'imposition 1996 et 1997;

bb)           les dépenses déclarées relativement à l'activité étaient des frais personnels ou de subsistance de l'appelante et de son conjoint.

[14]          L'alinéa l) est clairement erroné. Le loyer reçu était de 550 $ par mois. Le montant de 200 $ par mois versé à David Heard représentait des dépenses d'entretien nécessaires et raisonnables.

[15]          Les alinéas s), t), v) et w) sont incompatibles avec la preuve présentée devant la Cour et en fait incompatibles avec les faits présentés à l'ADRC. Je considère qu'il est totalement inacceptable que les fonctionnaires de l'ADRC qui rédigent les réponses aux avis d'appel sous le régime de la procédure informelle appuient simplement sur un bouton d'ordinateur et extraient des hypothèses passe-partout préprogrammées du genre de celles figurant aux alinéas s), t), v) et w). Ces " hypothèses " sont censées correspondre à une divulgation précise et honnête des détails sur lesquels l'ADRC fonde sa cotisation. Une récitation aveugle et automatique de ce genre de chose ne constitue pas l'exécution des obligations que l'intimée a envers cette cour ou un appelant.

[16]          En outre, les hypothèses alléguées, qui démontrent, comme elles le font souvent, que le ministre a invoqué de manière inconsciente et machinale des " hypothèses " ne correspondant pas aux faits, ne constituent pas un fondement permettant de défendre une cotisation. Cette cour accordera aux hypothèses passe-partout le respect et l'attention qu'elles méritent.

[17]          L'alinéa x) précise que l'activité n'était pas une entreprise commerciale. Je ne vois pas comment elle peut être autre chose qu'une entreprise commerciale. Les appelants se sont lancés en affaires de façon méthodique et avec sérieux et y ont consacré une partie importante de leur temps et de leurs ressources. Ce sont des motifs échappant à leur contrôle, et non l'absence de caractère commercial, qui ont causé l'échec du projet. Leurs prévisions avaient été élaborées avec l'aide de professionnels.

[18]          L'alinéa y) est clairement erroné selon la preuve. Le plan des appelants était depuis le début de louer des chambres d'hôtes.

[19]          Quatre autres points méritent un commentaire.

a)              L'argument invoqué est que l'activité n'offrait pas d'attente raisonnable de profit pendant les années en cause. Cette allégation est fondée sur le fait que, comme l'activité n'a pas généré de profit au cours de ces années, elle ne pouvait nécessairement pas offrir d'attente raisonnable de profit. De toute évidence, s'il s'agissait là du critère à appliquer, aucune personne subissant une perte ne pourrait jamais contester le rejet de cette perte par le ministre. Avancer une telle prétention, c'est présumer que ce qui est à prouver est vrai, alors que l'assertion est erronée au plan de la logique.

b)             Le fait que, en 1996 le bien ait été loué à la soeur de Tracey Johnson fait en sorte que les dépenses deviennent des frais personnels ou de subsistance. Ce n'est pas ce que la définition de l'article 248 indique. Le bien doit avoir été entretenu " pour l'usage ou l'avantage du contribuable ou de toute personne unie à ce dernier [...] ". Lorsque le bien est loué à un parent pour la juste valeur marchande, moyennant le même loyer que celui qui aurait été exigé d'un tiers, je ne vois pas comment le contribuable pourrait être visé par cette définition.

c)              Une partie importante des pertes découlait des intérêts hypothécaires. Comme l'alinéa 20(1)c) de la Loi de l'impôt sur le revenu permet la déduction des intérêts sur un montant d'argent emprunté en vue d'acquérir un bien qui sera utilisé pour l'exploitation d'une entreprise, le ministre ne peut s'appuyer sur les intérêts déductibles pour invoquer le mantra " absence d'attente raisonnable de profit ". Cela ressort de la décision rendue par cette cour dans l'affaire Allen c. La Reine, C.C.I., no 97-3096(IT)G, 12 août 1999 (99 DTC 968), conf. par C.A.F., no A-596-99, 26 septembre 2000 (2000 DTC 6559).

d)             Enfin, on a soutenu que l'entreprise n'avait pas démarré avant 1998 et que les dépenses de 1996 et de 1997 constituaient des dépenses en immobilisations engagées avant le démarrage de l'entreprise.

                Même si cet argument était fondé, ce dont je doute à la lumière de l'affaire Gartry c. La Reine, C.C.I., no 92-2492(IT)G, 14 avril 1994 ([1994] 2 C.T.C. 2021), les cotisations n'étaient pas basées la-dessus, et l'argument n'a pas été plaidé. Il ne peut pas être maintenant avancé comme motif pour confirmer les cotisations. S'il avait constitué le fondement de la décision du ministre, il aurait entraîné des cotisations fondamentalement différentes, impliquant une capitalisation de dépenses, donc un coût en capital plus élevé, ainsi qu'une perte finale lors de la dernière vente.

[20]          Le fondement sur lequel reposent les cotisations a été complètement démoli. Les appels sont admis avec dépens, et les cotisations sont déférées au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelles cotisations en tenant compte du fait que la déduction des pertes déclarées est autorisée. Les appelants ont droit à un seul mémoire d'honoraires d'avocat pour le procès.

Signé à Ottawa, Canada, ce 1er jour de février 2001.

" D. G. H. Bowman "

J.C.A.

Traduction certifiée conforme ce 10e jour d'août 2001.

Philippe Ducharme, réviseur

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

1999-4986(IT)I

ENTRE :

TRACEY L. JOHNSON,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Appels entendus avec les appels d'Adrian M. D'Silva (1999-4985(IT)I)

le 9 janvier 2001 à Victoria (Colombie-Britannique) par

l'honorable juge en chef adjoint D. G. H. Bowman

Comparutions

Avocat de l'appelante :                         Me George F. Jones, c. r.

Avocat de l'intimée :                            Me Eric A. Douglas

JUGEMENT

          Les appels des cotisations établies en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour les années d'imposition 1996 et 1997 sont admis, avec dépens, et les cotisations sont déférées au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelles cotisations en tenant compte du fait que la déduction des pertes déclarées est autorisée.


          L'appelante et Adrian M. D'Silva ont droit à un seul mémoire d'honoraires d'avocat pour le procès.

Signé à Ottawa, Canada, ce 1er jour de février 2001.

" D. G. H. Bowman "

J.C.A.

Traduction certifiée conforme

ce 10e jour d'août 2001.

Philippe Ducharme, réviseur


[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

1999-4985(IT)I

ENTRE :

ADRIAN M. D'SILVA,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Appels entendus avec les appels de Tracey L. Johnson (1999-4986(IT)I)

le 9 janvier 2001 à Victoria (Colombie-Britannique) par

l'honorable juge en chef adjoint D. G. H. Bowman

Comparutions

Avocat de l'appelant :                          Me George F. Jones, c.r.

Avocat de l'intimée :                            Me Eric A. Douglas

JUGEMENT

          Les appels des cotisations établies en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour les années d'imposition 1996 et 1997 sont admis, avec dépens, et les cotisations sont déférées au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelles cotisations en tenant compte du fait que la déduction des pertes déclarées est autorisée.


          L'appelant et Tracey L. Johnson ont droit à un seul mémoire d'honoraires d'avocat pour le procès.

Signé à Ottawa, Canada, ce 1er jour de février 2001.

" D. G. H. Bowman "

J.C.A.

Traduction certifiée conforme

ce 10e jour d'août 2001.

Philippe Ducharme, réviseur


[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

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