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Date: 20000818

Dossier: 97-947-UI

ENTRE :

DANUAL NOBBS,

appelant,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

Motifs du jugement

Le juge Bell, C.C.I

QUESTIONS

[1]

1.              Il s'agit de déterminer si, concernant les périodes où l'appelant était au service de son père, Fred Nobbs, entre le 19 mars 1991 et le 31 décembre 1993, le ministre du Revenu national (le « ministre » ) a exercé légitimement le pouvoir discrétionnaire qui lui est conféré par le sous-alinéa 3(2)c)(ii) de la Loi sur l'assurance-chômage[1] lorsqu'il a conclu que l'appelant et Fred n'auraient pas conclu entre eux un contrat de travail à peu près semblable s'ils n'avaient pas eu de lien de dépendance.

2.              Il s'agit de déterminer si l'appelant exerçait un emploi assurable pour Fred au cours de la période allant du 6 mars au 2 avril 1994.

EXPOSÉ GÉNÉRAL

[2]            L'avocat de l'appelant a prétendu qu'une décision rendue par le conseil arbitral en application de l'article 79 de la Loi avait pour effet de rendre sans objet les présents appels pour les périodes visées par les demandes d'août 1991 et de novembre 1992. Il voulait dire par là que la question en l'instance avait déjà été tranchée par le conseil arbitral pour ces deux périodes et que, au fond, notre cour ne pouvait en être saisie. La Commission avait demandé le remboursement des prestations pour les périodes en question. Plus précisément, le conseil arbitral a conclu que, étant donné que la Commission avait procédé à un nouvel examen à l'égard de versements excédentaires de prestations pour ces périodes plus de 36 mois après le moment où les prestations avaient été versées, il ne pouvait rendre de décision sur ces versements excédentaires[2].

FAITS

[3]            L'intimé a reconnu, aux termes de l'évaluation révisée établie à l'égard de l'appelant en vertu du sous-alinéa 3(2)c)(ii) de la Loi et par aveu tacite dans la réponse à l'avis d'appel, que l'appelant était employé par son père, Fred Nobbs, durant les périodes suivantes :

                du 19 mars 1991 au 26 juillet 1991

                du 4 novembre 1991 au 6 décembre 1991

                du 3 août 1992 au 31 octobre 1992

                du 4 juillet 1993 au 31 juillet 1993

                du 29 août 1993 au 30 septembre 1993

                du 29 novembre 1993 au 31 décembre 1993.

[4]            Relativement à ces périodes, le ministre a exercé le pouvoir discrétionnaire qui lui est conféré par le sous-alinéa 3(2)c)(ii) pour rendre une décision selon laquelle les parties n'auraient pas conclu un contrat de travail semblable si elles n'avaient pas eu de lien de dépendance et que, par conséquent, l'appelant exerçait un emploi exclu[3]. Pour ces mêmes motifs, le ministre a établi que l'appelant n'exerçait pas un emploi assurable durant la période du 6 mars au 2 avril 1994 et a conclu qu'il n'était pas au service de son père durant cette période.

[5]            Au cours de son témoignage, Fred Nobbs a indiqué qu'il vivait à 40 milles de Dawson Creek (Colombie-Britannique) et à 100 milles de Grande Prairie (Alberta). Il a déclaré que, avant 1994, sa ferme comptait 20 quarts de section lui appartenant en totalité et qu'il faisait l'élevage de vaches allaitantes — il en possédait 500 en 1993-1994 et de 250 à 300 en 1990-1991. Il a dit qu'il exerçait des activités de fenaison à grande échelle. Il a déclaré que l'appelant ne recevait aucune part des bénéfices. L'avocat de l'appelant a produit des copies de feuilles de présence se rapportant à Danual. Ces feuilles avaient été établies par Fred. Il a indiqué qu'il payait Danual 760 $ par semaine, à raison de 40 heures de travail hebdomadaire selon un salaire horaire de 19 $. Il a déclaré devoir payer ce montant en raison de la concurrence exercée par les « champs de pétrole » et l'industrie du bois de sciage dans la région, ce qui entraînait une pénurie de main-d'oeuvre dans le secteur agricole.

[6]            Fred a témoigné qu'il payait Danual par chèque ou en liquide lorsque celui-ci demandait de l'argent pour acheter des vaches. Il a dit l'avoir rétribué à quelques occasions avec des vaches, évaluées selon leur juste valeur marchande. Il a dit que le travail de Danual consistait surtout à engranger le foin, à conduire le tracteur et la ramasseuse-botteleuse, à transporter le foin, à nourrir les animaux et à soigner les vaches durant la période de vêlage. Fred a également indiqué que son fils Wade travaillait pour lui à l'occasion, effectuant le même genre de tâches. Il avait aussi deux autres employés, Chuck et Brad, avec lesquels il n'avait pas de lien de dépendance. Il les payait 12 $ l'heure, indiquant que leur travail comportait moins de responsabilités.

[7]            Il a déclaré qu'il gardait les carnets de chèque de l'entreprise agricole, mais qu'il lui arrivait à l'occasion de donner à Danual ou à Wade, son autre fils, un chèque déjà signé, de façon qu'ils puissent acquitter le prix d'achat des pièces ou des fournitures requises, étant donné qu'ils ne savaient pas toujours au juste où ils allaient pouvoir se les procurer. Danual signait lui aussi des chèques de paye. Il a indiqué tout simplement qu'il leur donnait un chèque en blanc portant sa signature. Au sujet des relevés d'emploi qu'il a préparés pour chaque période d'emploi de Danual, il a déclaré qu'il avait cessé de faire appel à ses services en raison du manque de travail. Il a déclaré que le plus gros du travail avait été effectué et qu'il pouvait s'occuper seul de ce qui restait à faire après la cessation des fonctions de l'appelant. À la question de savoir si Wade avait travaillé immédiatement après que Danual eut été mis à pied, Fred a répondu qu'il ne s'en souvenait pas.

[8]            Aucun employé n'appartenant pas à la famille n'avait de pouvoir de signature à l'égard des comptes de l'entreprise agricole.

[9]            En contre-interrogatoire, l'avocate de l'intimé a posé un certain nombre de questions sur les feuilles de paye, les chèques payés et les feuilles de présence. Fred a déclaré que les vaches qu'il avait données à l'appelant en guise de paiement partiel de ses services sont demeurées à sa ferme. Il a dit ne pas savoir au juste si elles étaient marquées mais a ajouté que l'appelant avait à un moment donné obtenu sa propre marque.

[10]          L'appelant a témoigné qu'il avait acheté une petite ferme, où il résidait depuis 1990, et que, en 1991 et en 1992, il possédait deux quarts de section, exploitait une petite entreprise céréalière et n'élevait pas de bétail. Il a déclaré qu'il possédait de l'équipement, qu'il en louait auprès d'une société de Dawson Creek et qu'une petite partie seulement de l'équipement qu'il utilisait était à Fred. Son témoignage visait au départ à établir son indépendance au chapitre de la propriété et de l'exploitation de la terre. Il a déclaré que Fred lui avait donné des vaches en guise de paiement partiel et que celles-ci étaient demeurées à la ferme de son père tout au long de la période en cause. Il a affirmé avoir obtenu sa propre marque pour le bétail mais que, jusque-là, il avait apposé des étiquettes d'identification sur ses vaches, qui étaient gardées avec le troupeau de son père. Il a déclaré en contre-interrogatoire avoir répondu par la négative à la question « Exploitez-vous une ferme? » figurant sur sa demande de prestations d'assurance-chômage du 6 avril 1994, parce qu'il pensait que la question avait trait à la ferme de son père. Il a donné la même réponse dans ses demandes du 14 janvier 1994, du 4 novembre 1992 et du 20 août 1991.

[11]          L'avocate de l'intimé a produit une lettre datée du 3 février 1994 émanant du Centre d'emploi du Canada à Grande Prairie, dans laquelle on informait l'appelant qu'il n'avait que 14 semaines d'emploi assurable, alors qu'il en fallait 17 dans cette région pour avoir droit à des prestations. Ses demandes avaient été présentées au bureau de Dawson Creek, où seulement 14 semaines d'emploi assurable étaient exigées, selon l'avocate de l'intimé.

[12]          L'avocate de l'intimé a demandé à l'appelant s'il avait obtenu plus de temps de travail de son père relativement à la demande visée par cette lettre, avant de présenter une nouvelle demande. Il a répondu que non. Il a ensuite déclaré qu'il avait travaillé jusqu'au 31 décembre 1993 et n'avait pas accumulé assez de semaines de travail pour recevoir des prestations d'assurance-chômage. Il a dit encore qu'il était retourné travailler pour son père en mars et que, lorsque son travail a été terminé, [TRADUCTION] « il [Fred] n'avait plus besoin de moi » , de sorte qu'il avait présenté une nouvelle demande de prestations d'assurance-chômage.

[13]          En réponse à une question de l'avocate de l'intimé sur le même sujet, il a dit que, à l'occasion, il était mis à pied et remplacé par son frère, et vice versa.

[14]          La déposition d'un témoin de l'intimé, James English, enquêteur en matière d'assurance-emploi, s'est avérée peu utile, que ce soit lors de l'interrogatoire ou du contre-interrogatoire, en vue de trancher les questions dont je suis saisi.

[15]          Karen Walchuk ( « Mme Walchuk » ), agente des appels relatifs au Régime de pensions du Canada et à l'assurance-emploi, a examiné les demandes de prestations d'assurance-chômage présentées à Dawson Creek, où, a-t-elle indiqué, il ne fallait que 14 semaines d'emploi assurable pour avoir droit à des prestations, contre 17 dans la région de Grande Prairie. Elle a examiné divers documents, entre autres un état récapitulatif des salaires versés et des heures, des chèques payés et des feuillets T4 ainsi que des relevés récapitulatifs signés par l'appelant et par Fred. Elle a fait observer qu'il y avait des chèques payés qui étaient établis en chiffres ronds, ce qui n'aurait pas été le cas si l'employeur avait effectué des retenues. Elle a dit que l'appelant avait reçu des chèques de paye à des dates irrégulières, à savoir le 26 avril, le 30 avril, le 3 mai, le 31 mai, le 10 juin, le 26 juin et le 31 juillet 1991. Elle a déclaré que, d'après le registre des gains, l'appelant était payé sur une base mensuelle. Elle a indiqué avoir remarqué au cours de l'examen des salaires et des relevés d'emploi que les périodes de paye — mensuelles et hebdomadaires — indiquées sur les relevés ne correspondaient pas à la façon dont l'appelant était payé. Elle a déclaré qu'il recevait parfois un chèque, parfois du liquide et, parfois encore, des vaches.

[16]          Mme Walchuk a déclaré qu'il n'y avait pas de chèque payé pour 1994 ni aucune preuve de rémunération. Elle a mentionné n'avoir parlé ni à Fred ni à l'appelant à ce sujet, leur envoyant simplement des questionnaires. Elle a déclaré que les agents des appels ne demandent pas de preuve de versement de salaires. Elle a aussi dit qu'on n'interrogeait pas directement le payeur, mais qu'on lui envoyait plutôt un questionnaire.

[17]          En l'absence de présentation chronologique claire des faits et dates pertinents, voici la reconstitution la plus exacte qu'il soit possible de faire relativement aux appels portant sur les deux périodes en cause :

1.              Les deux premières demandes de prestations d'assurance-chômage ont été présentées le 22 août 1991 et le 2 novembre 1992.

2.              L'appelant a reçu les prestations demandées.

3.              Le 2 ou le 25 mars 1996[4], un représentant de la Commission s'est rendu chez l'appelant, de toute évidence en vue d'obtenir le remboursement des prestations.

4.              À la suite de cette visite, une demande a été présentée à Revenu Canada pour que soit rendue une décision sur l'assurabilité de l'appelant. On peut lire ce qui suit dans la décision du conseil arbitral :

                                [TRADUCTION]

Cette visite a conduit à la présentation à Revenu Canada d'une demande de décision sur l'assurabilité le 12 juillet 1996.

5.              Le prestataire a été informé le 21 août 1996 de la décision de Revenu Canada selon laquelle il n'exerçait pas un emploi assurable.

6.              Le prestataire a interjeté appel de cette décision par un document qui est daté du 15 octobre 1996 et qui, selon le timbre dateur, a été reçu par Revenu Canada, Impôt à Edmonton le 18 octobre 1996.

7.              Le 1er avril 1997, le ministre a conclu que le prestataire n'exerçait pas un emploi assurable.

8.              À un moment donné, la Commission a demandé à l'appelant de rembourser les prestations, et ce dernier a interjeté appel de la décision devant un conseil arbitral.

9.              Le 1er décembre 1997, le conseil arbitral a rendu sa décision, dans laquelle il concluait que la Commission avait dépassé le temps qui lui était imparti (trois ans) concernant les deux premières demandes. Voici un passage de cette décision :

                                [TRADUCTION]

Après examen de la preuve, de la jurisprudence et de la législation, le conseil conclut que la Commission ne peut décider, en se fondant sur la décision sur l'assurabilité rendue par Revenu Canada, qu'il y a eu versement excédentaire de prestations relativement aux deux premières demandes de prestations du prestataire, en août 1991 et en novembre 1992, étant donné que l'examen a été effectué après la fin de la période de trente-six mois prévue à cette fin dans la Loi.

ANALYSE ET CONCLUSION

[18]          Les témoignages de l'appelant et de son père — sans compter les manières parfois brusques de l'appelant — n'ont pas su me persuader que les faits examinés par le ministre ne suffisaient pas à étayer la conclusion à laquelle il était arrivé aux termes du sous-alinéa 3(2)(c)(ii). Rien ne démontre que le ministre ait agi de mauvaise foi, ou sans but ou mobile légitimes. Cela vaut pour toutes les périodes mentionnées précédemment. La preuve relative à la période allant du 6 mars au 2 avril 1994 est très mince. On a produit en preuve une feuille de présence pour cette période — reconnue par Frederick Nobbs — qui faisait état de quatre semaines de 40 heures chacune, pour une rémunération hebdomadaire de 760 $, ainsi qu'une mention, signée par l'appelant, indiquant qu'il avait reçu une somme de 3 040 $ pour cette période. Je n'ai aucune raison de croire que l'appelant n'ait pas été un employé durant cette période.

[19]          Considérons maintenant la question des périodes à l'égard desquelles l'avocat de l'appelant qualifie la décision de nulle et non avenue.

[20]          Les dispositions de la Loi en matière de procédure sont très embrouillées - c'est le moins que l'on puisse dire - et par conséquent très difficiles à comprendre. L'article 43 figure à la partie I de la Loi, sous le titre « Procédure de présentation des demandes » . Voici les passages pertinents de cet article, qui ont trait aux circonstances dans lesquelles le commissaire peut décider de procéder à un réexamen :

43. (1)      Nonobstant l'article 86 mais sous réserve du paragraphe (6), la Commission peut, dans les trente-six mois qui suivent le moment où des prestations ont été payées ou sont devenues payables, examiner de nouveau toute demande au sujet de ces prestations et, si elle décide qu'une personne a reçu une somme au titre de prestations pour lesquelles elle ne remplissait pas les conditions requises ou au bénéfice desquelles elle n'était pas admissible ou n'a pas reçu la somme d'argent pour laquelle elle remplissait les conditions requises et au bénéfice de laquelle elle était admissible, la Commission calcule la somme payée ou payable, selon le cas, et notifie sa décision au prestataire.

(2)            Toute décision rendue par la Commission en vertu du paragraphe (1) peut être portée en appel en application de l'article 79.

(3)            [...] la somme calculée en vertu du paragraphe (1) est celle qui est remboursable conformément à l'article 35. [5]

[21]          Comme le lui permet le paragraphe 43(2), le prestataire a interjeté appel de la décision devant le conseil arbitral mentionné précédemment, conformément à l'article 79 de la Loi[6].

[22]          La décision rendue par un conseil arbitral peut être portée en appel devant un juge-arbitre en vertu de l'article 80 de la Loi. Aux termes de l'article 84 :

La décision du juge-arbitre sur un appel d'une décision d'un conseil arbitral est définitive et sans appel; elle peut cependant faire l'objet d'une demande de contrôle judiciaire aux termes de la Loi sur la Cour fédérale.

[23]          L'article 61[7] de la Loi, qui porte sur la procédure permettant au ministre de déterminer si une personne exerce un emploi assurable, se trouve à la partie III de la Loi, sous le titre « PERCEPTION DES COTISATIONS » et l'intertitre « Paiement des cotisations » . L'article 70 de la Loi[8] autorise les appels concernant le « règlement d'une question par le ministre ou une décision sur appel au ministre, en vertu de l'article 61 » . Voici le libellé de l'article 72, qui s'apparente assez à celui de l'article 84 à propos de la décision rendue par un juge-arbitre :

La décision rendue par la Cour canadienne de l'impôt en vertu de l'article 70 est définitive et sans appel; elle peut cependant faire l'objet d'une demande de contrôle judiciaire aux termes de la Loi sur la Cour fédérale.

[24]          Il peut donc arriver que la Commission décide que des prestations sont remboursables aux termes de l'article 35 si une personne a reçu des prestations « pour lesquelles elle ne remplissait pas les conditions requises ou au bénéfice desquelles elle n'était pas admissible » [9]. Si un conseil arbitral, puis un juge-arbitre, arrivent à la même conclusion, la décision est sans appel, mais elle peut être l'objet d'un contrôle judiciaire aux termes de la Loi sur la Cour fédérale.

[25]          Le prestataire peut également, en vertu de l'article 70, interjeter appel devant la Cour canadienne de l'impôt, dont la décision est sans appel mais peut être l'objet d'un contrôle judiciaire aux termes de la Loi sur la Cour fédérale. Si la Cour devait rendre une décision selon laquelle le prestataire exerçait un emploi assurable, deux conclusions contraires, portant sur les mêmes faits, pourraient être l'objet d'un contrôle judiciaire de la part de la Cour d'appel fédérale.

[26]          L'absurdité d'un tel résultat illustre bien le déconcertant désordre de ces dispositions législatives mal conçues et éparpillées dans la Loi.

[27]          C'est dans ce contexte qu'il faut examiner la prétention de l'appelant voulant que notre cour ne puisse se prononcer sur les questions qui lui sont soumises pour les deux périodes indiquées précédemment. Cette prétention se fonde sur la conclusion du conseil arbitral selon laquelle la Commission ne peut établir qu'il y a eu versement excédentaire de prestations, en conséquence de quoi l'appelant n'est pas tenu de rembourser les prestations reçues.

[28]          Dans ses observations écrites, l'avocat de l'appelant a déclaré ce qui suit :

                                [TRADUCTION]

Du fait de cette absence d'obligation, la question de savoir si les prestations ont été versées à juste titre ou non n'a plus de pertinence relativement aux droits et aux obligations des parties à cet appel.

[...] en raison de la décision du conseil arbitral, il n'est pas nécessaire de statuer sur cet appel relativement à la période visée.

[29]          L'avocate de l'intimé a soutenu que la décision du conseil arbitral avait pour seule conséquence d'empêcher la Commission de prendre des mesures en vue de recouvrer les prestations versées, ce qui n'a aucune incidence sur la question débattue devant la Cour, à savoir le bien-fondé de la décision du ministre selon laquelle l'appelant n'exerçait pas un emploi assurable.

[30]          Lorsque l'on considère la structure compliquée de la Loi, on peut sans peine comprendre pourquoi l'avocat de l'appelant a adopté cette argumentation.

[31]          Il est très difficile de saisir la philosophie et l'orientation qui sous-tendent les diverses fonctions et procédures prévues par la loi et aboutissant à un système que l'absence de clarté rend inutilement et désespérément compliqué[10]. L'avocate de l'intimé a fait l'observation suivante :

                                [TRADUCTION]

[...] le Parlement voulait que les fonctions respectives de la Commission et du ministre soient clairement définies. La Loi énonce les fonctions et les voies d'appel rattachées aux décisions rendues par eux.

Si telle était la volonté du Parlement, celui-ci a échoué. Cette allégation de l'avocate de l'intimé aurait plus de poids si la loi était libellée clairement et si les fonctions de perception, de décision en matière d'admissibilité et de contrôle étaient décrites en termes clairs et suivant un plan logique, de telle sorte que l'argumentation de l'appelant serait contraire à la logique, alors que ce n'est pas le cas. J'ai déjà évoqué l'absurdité d'une situation où des conclusions différentes d'un juge-arbitre et de la Cour canadienne de l'impôt pourraient être l'objet de deux contrôles judiciaires. Il aurait été possible d'éviter ce genre de confusion en adoptant une démarche et un libellé plus clairs.

[32]          La Loi prévoit que les décisions du ministre concernant le caractère assurable d'un emploi peuvent être portées en appel devant la Cour. Ne peut-on s'étonner de la confusion suscitée dans des circonstances où, d'une part, il peut être décidé qu'une personne exerce un emploi assurable et où, d'autre part, cette même personne est censément tenue de rembourser des prestations parce qu'une autre procédure, avalisée par cette loi prétendument claire, a mené à une conclusion exactement contraire à partir d'autres dispositions?

[33]          Aux termes du paragraphe 70(2), la Cour canadienne de l'impôt :

peut infirmer, confirmer ou modifier le règlement de la question.

Ce paragraphe établit également les pouvoirs de la Cour relativement aux évaluations, ce qui entoure d'encore plus de confusion les pouvoirs que peut exercer la Cour à l'égard à la fois du règlement d'une question et d'une évaluation.

[34]          Étant donné que la Cour ne peut se prononcer que sur le règlement de la question de savoir si l'appelant exerçait un emploi assurable, elle n'a pas le pouvoir de décider si cet appel est nul et non avenu au regard des deux périodes pertinentes.

[35]          Malheureusement, les deux avocats, conformément à la demande que je leur avais faite avant d'avoir pu examiner plus à fond jusqu'où allait la compétence de notre cour aux termes de l'article 70, ont présenté des observations écrites exhaustives sur ce point. C'est seulement après avoir étudié soigneusement la compétence de la Cour et après avoir déployé de très grands efforts pour rassembler les faits pertinents que j'en suis venu à la conclusion que je ne pourrais statuer sur cette question[11].

[36]          À cet égard, on trouvera des commentaires utiles sur la doctrine de l'obligation d'opter dans le Words & Phrases de Carswell, volume 3, pages 3-640 à 642. Les observations mentionnées précédemment et l'exploration de cette doctrine m'auraient aidé à répondre à la question soulevée par l'appelant. Une analyse des déroutantes dispositions législatives évoquées précédemment, ainsi que du risque inacceptable qu'un prestataire d'assurance-chômage voie son dossier être l'objet de deux contrôles judiciaires de la Cour fédérale portant sur deux réponses opposées données à la même question, m'aurait également été d'un grand secours. Il est regrettable que notre cour ne puisse se prononcer sur ce point, mais sa compétence est expressément circonscrite. Cette question devra être tranchée ailleurs.

[37]          En conséquence, je conclus que l'appelant n'exerçait pas un emploi assurable durant les périodes en cause. Le ministre a exercé légitimement son pouvoir discrétionnaire, puisqu'il n'a pas agi de mauvaise foi et que son but ou son mobile n'étaient pas illicites, qu'il a tenu compte de toutes les circonstances pertinentes, et qu'il n'a pas tenu compte de circonstances non pertinentes. Je ne puis donc me substituer au pouvoir discrétionnaire du ministre.

[38]          L'appel est rejeté.

Signé à Ottawa, Canada, ce 18e jour d'août 2000.

« R. D. Bell »

J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme ce 19e jour de février 2001.

Philippe Ducharme, réviseur

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

97-947(UI)

ENTRE :

DANUAL NOBBS,

appelant,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

Appel entendu le 8 décembre 1999 à Edmonton (Alberta) par

l'honorable juge R. D. Bell

Comparutions

Avocat de l'appelant :                         Me Bruce Logan

Avocate de l'intimé :                            Me Margaret McCabe

JUGEMENT

          L'appel est rejeté et la décision du ministre est confirmée selon les motifs de jugement ci-joints.

Signé à Ottawa, Canada, ce 18e jour d'août 2000.

« R. D. Bell »

J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme

ce 19e jour de février 2001.

Philippe Ducharme, réviseur


[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]



[1] Dans le présent jugement, tous les renvois se rapportent à cette loi.

[2]           Article 43 de la Loi.

[3]           Le paragraphe 3(1) de la Loi précise qu'un emploi assurable est un emploi non compris dans les emplois exclus.

[4]           Ces deux dates sont indiquées dans la décision du conseil arbitral.

[5]           On peut lire à l'article 35 :

            Lorsqu'une personne a touché des prestations en vertu de la présente loi au titre d'une période pour laquelle elle était exclue du bénéfice des prestations ou a touché des prestations auxquelles elle n'est pas admissible, elle est tenue de rembourser la somme versée par la Commission à cet égard.

[6]        Les passages pertinents de l'article 79 sont les suivants :

79. (1) Le prestataire ou un employeur du prestataire peut, dans les trente jours de la date où il reçoit communication d'une décision de la Commission, ou dans le délai supplémentaire que la Commission peut accorder pour des raisons spéciales dans un cas particulier, interjeter appel de la manière prescrite devant le conseil arbitral.

[...]

(2)         La décision d'un conseil arbitral doit être consignée. Elle comprend un exposé des conclusions du conseil sur les questions de fait essentielles.

[7]      Les passages pertinents de l'article 61 sont les suivants :

     61. (3) Dans le cas d'une demande de prestations faite en vertu de la présente loi, la Commission peut demander au ministre de déterminer les points suivants :

(a) le fait qu'il y a ou qu'il y a eu exercice d'une emploi assurable;

            [...]

L'employé en cause, ou l'employeur — effectif ou présenté comme tel — de celui-ci, peut aussi, dans les quatre-vingt-dix jours suivant la date où la décision de la Commission lui a été notifiée, présenter les mêmes demandes au ministre.

(4)        Lorsqu'une question ou un appel visé aux paragraphes [...] (3) doit être réglé par le ministre, il notifie son intention de régler la question à l'employeur ou à la personne présentée comme étant l'employeur et à toute personne qui peut être concernée par la demande, ainsi qu'à la Commission en cas de demande introduite en vertu du paragraphe (3); il leur donne également ou donne à l'un ou plusieurs d'entre eux, selon le besoin, la possibilité de fournir des renseignements et de présenter des observations pour protéger leurs intérêts.

[...]

(6)         A la suite d'une demande faite en vertu du présent article, le ministre doit, avec toute la diligence voulue, soit régler la question soulevée par la demande, soit annuler, confirmer ou modifier l'évaluation, ou la réviser, et notifier le résultat à toute personne concernée.

[8]           70. (1) La Commission ou une personne que concerne le règlement d'une question par le ministre ou une décision sur appel au ministre, en vertu de l'article 61, peut, dans les quatre-vingt-dix jours de la communication du règlement ou de la décision ou dans le délai supplémentaire que peut accorder la Cour canadienne de l'impôt sur demande à elle présentée dans ces quatre-vingt-dix jours, interjeter appel devant la Cour canadienne de l'impôt de la manière prescrite.

(1.1) Pour l'application du paragraphe (1), la détermination du moment auquel le règlement d'une question par le ministre ou une décision sur appel au ministre, en vertu de l'article 61, est communiqué à la Commission ou à une personne est effectuée en conformité avec la règle éventuellement établie en vertu de l'alinéa 20(1.1)h.1) de la Loi sur la Cour canadienne de l'impôt.

(2) Sur appel interjeté en vertu du présent article, la Cour canadienne de l'impôt peut infirmer, confirmer ou modifier le règlement de la question, peut annuler, confirmer ou modifier l'évaluation ou peut renvoyer l'affaire au ministre pour qu'il l'étudie de nouveau et fasse une nouvelle évaluation; dès lors, elle est tenue de notifier par écrit sa décision et ses motifs aux parties à l'appel.

L.R. (1985), ch. 51 (4e suppl.), art. 23; 1993, ch. 27, art. 228.

[9]           Article 43.

[10]          Je n'ai pas examiné la Loi sur l'assurance-emploi, qui a remplacé la Loi sur l'assurance-chômage, afin de voir si elle est plus exhaustive et plus intelligible.

[11]          De même, la Cour canadienne de l'impôt n'est pas habilitée à se prononcer sur la capacité qu'a l'intimé de prendre des mesures d'exécution pour obtenir le remboursement des prestations dans des circonstances où elle conclut que l'appelant exerce un emploi assurable mais où les procédures de recouvrement de la Commission sont déjà interrompues.

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