Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

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Date: 20010209

Dossier: 2000-659-IT-I

ENTRE :

PAOLINA FERRARI,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

Le juge Sarchuk C.C.I.

[1]            Dans le calcul de l'impôt payable pour les années d'imposition 1996, 1997 et 1998, l'appelante, Paolina Ferrari, a demandé un crédit d'impôt non remboursable en ce qui concerne un montant pour personne handicapée. Le ministre du Revenu national a rejeté la demande de l'appelante relative au crédit d'impôt pour toutes ces années d'imposition au motif que sa capacité d'accomplir une activité courante de la vie quotidienne n'était pas limitée de façon marquée aux termes de l'alinéa 118.4(1)b) de la Loi de l'impôt sur le revenu (la " Loi "). Le présent appel a donc été interjeté.

[2]            Au début du procès, le ministre a demandé le rejet du prétendu appel pour l'année d'imposition 1996 au motif que les dispositions de l'article 169 de la Loi n'avaient pas été respectées, puisque aucun avis d'opposition n'avait été signifié dans le délai prévu par l'alinéa 165(1)a) de la Loi en ce qui concerne la cotisation d'impôt pour cette année-là. À la lecture de l'affidavit de Dennis Jenkinson et après avoir entendu les arguments présentés au nom de l'appelante, il m'est apparu évident que l'avis d'opposition n'avait pas été produit dans le délai prescrit. En conséquence, la présente Cour ne peut accorder la mesure de redressement demandée pour ce qui est de l'année d'imposition 1996.

[3]            En ce qui concerne les années d'imposition 1997 et 1998, la preuve a été présentée par l'appelante et son fils, Frank Ferrari. Les faits essentiels sont les suivants : l'appelante est maintenant âgée de 65 ans et est retraitée. En 1991 ou vers cette époque, alors qu'elle occupait toujours un emploi, elle a commencé à ressentir des étourdissements sporadiques accompagnés de nausées, qui avec le temps ont progressé et se sont aggravées. Finalement, on a diagnostiqué chez elle la maladie de Ménière, dont les symptômes principaux sont la perte de l'ouïe, le vertige et l'acouphène. À un certain moment, une chirurgie a été pratiquée afin de corriger le problème, mais cela a été en vain. Pendant les années d'imposition en cause, l'appelante a continué d'avoir des étourdissements périodiques, des nausées et une perte d'équilibre. En conséquence, a-t-elle affirmé, il lui était presque impossible de marcher sans aide ou de s'alimenter et de s'habiller seule. Elle a indiqué que le malaise qu'elle éprouvait pendant les attaques était si grave qu'elle devait s'allonger et demeurer totalement immobile. Elle a également déclaré qu'à l'occasion, il lui était nécessaire de se faire conduire à l'hôpital pour recevoir une injection antinauséeuse. Bien que l'on ait fait référence à une perte de l'ouïe pour les besoins des présents appels, le handicap principal qu'a fait valoir l'appelante était son incapacité à marcher.

[4]            Les certificats pour le crédit d'impôt pour personnes handicapées remplis par le médecin de famille de l'appelante, Hanna M. Hinnawi, pour les années d'imposition 1996, 1997 et 1998 ont été produits[1]. Toutefois, les commentaires du médecin sur ces certificats sont ambigus et ne soutiennent pas convenablement la position de l'appelante.

[5]            Le crédit d'impôt pour personnes handicapées demandé par l'appelante ne peut être demandé que pour les personnes qui entrent dans le cadre des conditions prévues aux articles 118.3 et 118.4 de la Loi. Les parties pertinentes de ces articles sont ainsi libellées :

118.3 (1)                 Le produit de la multiplication de 4 118 $ par le taux de base pour l'année est déductible dans le calcul de l'impôt payable par un particulier en vertu de la présente partie pour une année d'imposition, si les conditions suivantes sont réunies :

a)            le particulier a une déficience mentale ou physique grave et prolongée;

a.1)          les effets de la déficience sont tels que la capacité du particulier d'accomplir une activité courante de la vie quotidienne est limitée de façon marquée;

a.2)         l'une des personnes suivantes atteste, sur formulaire prescrit, qu'il s'agit d'une déficience mentale ou physique grave et prolongée dont les effets sont tels que la capacité du particulier d'accomplir une activité courante de la vie quotidienne est limitée de façon marquée :

(i)            un médecin en titre,

(ii)            s'il s'agit d'une déficience visuelle, un médecin en titre ou un optométriste,

(iii)           s'il s'agit d'une déficience auditive, un médecin en titre ou un audiologiste,

s'il s'agit d'une déficience quant à la capacité à marcher ou à s'alimenter et à s'habiller, un médecin en titre ou un ergothérapeute,

s'il s'agit d'une déficience sur le plan de la perception, de la réflexion et de la mémoire, un médecin en titre ou un psychologue;

[...]

118.4 (1) Pour l'application du paragraphe 6(16), des articles 118.2 et 118.3 et du présent paragraphe :

a)             une déficience est prolongée si elle dure au moins 12 mois d'affilée ou s'il est raisonnable de s'attendre à ce qu'elle dure au moins 12 mois d'affilée;

b)             la capacité d'un particulier d'accomplir une activité courante de la vie quotidienne est limitée de façon marquée seulement si, même avec des soins thérapeutiques et l'aide des appareils et des médicaments indiqués, il est toujours ou presque toujours aveugle ou incapable d'accomplir une activité courante de la vie quotidienne sans y consacrer un temps excessif;

sont des activités courantes de la vie quotidienne pour un particulier :

[...]

(i)             [...]

(ii)            le fait de s'alimenter et de s'habiller,

(iii)           le fait de parler de façon à se faire comprendre, dans un endroit calme, par une personne de sa connaissance,

(iv)           [...]

(v)            [...]

(vi)           le fait de marcher;

d)             il est entendu qu'aucune autre activité, y compris le travail, les travaux ménagers et les activités sociales ou récréatives, n'est considérée comme une activité courante de la vie quotidienne.

[6]            Dans l'affaire Marilyn Friis c. La Reine[2], le juge d'appel Linden a formulé les observations suivantes en ce qui concerne la disposition législative en litige dans le présent appel :

                À mon avis, la présente demande fondée sur l'article 28 devrait être accueillie compte tenu de l'arrêt de la Cour Johnston c. Canada, [1998] F.C.J. No 169, qui a été rendu après la décision du juge de la Cour de l'impôt en l'espèce. Dans cette affaire, le juge Létourneau, citant le juge Bowman dans une autre affaire (Radage v. R. [1996] 3 C.T.C. 2510), a fait savoir que la " disposition doit recevoir une interprétation humaine et compatissante " et ne doit pas " recevoir une interprétation trop restrictive qui nuirait à l'intention du législateur, voire irait à l'encontre de celle-ci ", cette intention étant " d'accorder un modeste allégement fiscal à ceux et celles qui entrent dans une catégorie relativement restreinte de personnes limitées de façon marquée par une déficience mentale ou physique. L'intention n'est pas d'accorder le crédit à quiconque a une déficience ni de dresser un obstacle impossible à surmonter pour presque toutes les personnes handicapées. On reconnaît manifestement que certaines personnes ayant une déficience ont besoin d'un tel allégement fiscal, et l'intention est que cette disposition profite à de telles personnes ".

[7]            Selon la preuve qui m'est présentée, je ne peux conclure que l'appelante est visée par le sens des mots contenus à l'alinéa 118.4(1)b) de la Loi. Je reconnais que la qualité de sa vie a été touchée et que, dans une certaine mesure, son train de vie est limité. Toutefois, le témoignage de l'appelante et celui de son fils n'ont pas réussi a établir que sa capacité d'accomplir une activité courante de la vie quotidienne était toujours ou presque toujours limitée de façon marquée.

[8]            Comme cela a été noté ci-dessus, le docteur Hinnawi a déclaré que le handicap de l'appelante était suffisamment grave pour toujours limiter l'accomplissement d'activités courantes de la vie quotidienne, comme le fait de marcher. Toutefois, ces réponses ne sont pas compatibles avec les autres réponses données par le médecin dans les certificats. Dans trois certificats sur quatre, elle a répondu par l'affirmative à la question [TRADUCTION] " Votre patiente est-elle capable de marcher [...]? ". Dans le quatrième (pièce R-1), elle a répondu par la négative et a ajouté le commentaire [TRADUCTION] " elle ne peut marcher lors de périodes d'étourdissement (perte d'équilibre) ". En outre, l'appelante et son fils ont déclaré que les attaques incapacitantes survenues pendant les années d'imposition en cause étaient de nature sporadique et se produisaient environ trois ou quatre fois par mois. Aucun élément de preuve ne m'indique qu'aux autres moments, sa capacité d'accomplir une activité courante de la vie quotidienne ait été limitée au sens du paragraphe 118.4(1).

[9]            L'expression " all or substantially all of the time " (toujours ou presque toujours) n'est pas définie par la Loi. Si l'on renvoie aux dictionnaires généraux, on peut conclure que " all " signifie, notamment : toute la quantité, l'étendue, la substance ou la portée; l'ensemble; tout ce qui est possible; le nombre total de; sans exception; tout. Le terme " substantially ", qui est utilisé dans l'expression comme déterminant, signifie " en substance ou dans l'ensemble ". Je conviens que cette disposition ne devrait pas " recevoir une interprétation trop restrictive qui nuirait à l'intention du législateur, voire irait à l'encontre de celle-ci ". Toutefois, selon la preuve, la conclusion la plus favorable à laquelle je peux parvenir est que l'appelante souffre de nausées et d'étourdissements occasionnels ou sporadiques, qui sont suffisamment graves pour la handicaper. Il n'existe pas de formule mathématique qui permettrait de déterminer ce que signifie l'expression " substantially all " dans un cas particulier. À mon avis, toutefois, trois ou quatre épisodes de ce genre par mois ne peuvent correspondre à la signification que le législateur entendait donner à la condition " all or substantially all " figurant à l'alinéa 118.4(1)b) de la Loi.

[10]          Les appels sont rejetés.

Signé à Ottawa, Canada, ce 9e jour de février 2001.

" A. A. Sarchuk "

J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme ce 3e jour d'août 2001.

Isabelle Chénard, réviseure

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

2000-659(IT)I

ENTRE :

PAOLINA FERRARI,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Appels entendus le 2 février 2001 à Toronto (Ontario), par

l'honorable juge A. A. Sarchuk

Comparutions

Représentant de l'appelante :                          M. Frank Ferrari

Avocate de l'intimée :                                    Me Kimberley Moldaver

JUGEMENT

          Le prétendu appel de la cotisation établie en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour l'année d'imposition 1996 est annulé.

          Les appels des cotisations établies en vertu de la Loi pour les années d'imposition 1997 et 1998 sont rejetés.


Signé à Ottawa, Canada, ce 9e jour de février 2001.

" A. A. Sarchuk "

J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme

ce 3e jour d'août 2001.

Isabelle Chénard, réviseure


[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]



[1]               Pièces A-1, A-2, A-3 et R-1.

[2]               C.A.F., no A-877-97, 12 juin 1998, aux pages 1 et 2 (98 DTC 6419, à la page 6420).

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