Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

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Date: 20001128

Dossier: 97-2327-GST-G

ENTRE :

RFA NATURAL GAS INC.,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

Le juge en chef adjoint Bowman

[1]            Le 5 septembre 2000, la présente affaire a été entendue à Vancouver. Elle devait s'étaler sur quatre jours. La représentante de l'appelante, Mme Linda Leonard, n'a pas comparu, en dépit du fait qu'elle ait indiqué à l'avocat de l'intimée qu'elle comparaîtrait. L'appel a donc été rejeté. Je me suis entendu avec Me Carvalho pour dire que les parties pourraient faire des observations écrites au sujet des frais.

[2]            L'avocat de l'intimée a offert une excellente argumentation détaillée appuyant l'opinion selon laquelle la conduite de Mme Leonard était telle que les frais sur la base procureur-client devraient être adjugés à l'encontre de l'appelante. Bien que les observations écrites de Me Carvalho aient été présentées à la Cour le 26 septembre 2000 et qu'une copie ait été envoyée à l'appelante aux soins de Mme Leonard, rien n'a été reçu de l'appelante, et je dois trancher la question des frais sans bénéficier des observations de l'appelante. Bien entendu, le fait que cette dernière n'ait pas présenté d'observations au sujet des frais ne signifie pas que je doive automatiquement accepter celles de l'intimée. Il ne s'agit pas d'un jugement par défaut. J'ai un pouvoir discrétionnaire, et le fait que Mme Leonard choisisse de ne présenter aucune observation ne devrait pas avoir de poids particulier dans l'exercice de ce pouvoir discrétionnaire.

[3]            Bien que l'appel concerne une somme considérable, l'appelante a choisi la procédure informelle en vertu de l'article 18.3001 de la Loi sur la Cour canadienne de l'impôt. Dans le cadre de cette procédure, Mme Leonard, qui n'est pas avocate, aurait pu agir pour le compte de l'appelante.

[4]            Par voie de demande présentée en vertu du paragraphe 18.3002(1), le Procureur général du Canada a demandé que l'appel soit entendu sous le régime de la procédure générale. Le juge Bell a ordonné que la procédure générale s'applique et que " les frais soient adjugés à la discrétion du juge qui préside l'audience ".

[5]            Le paragraphe 18.3002(3) de la Loi sur la Cour canadienne de l'impôt est ainsi rédigé :

                (3)            Dans le cas d'une ordonnance rendue aux termes du paragraphe (1), la Cour doit ordonner que les frais entraînés pour la personne qui a interjeté appel soient payés par Sa Majesté du chef du Canada si les conditions suivantes sont réunies :

                a)             le montant en litige n'excède pas 7 000 $;

                b)             le total des fournitures pour l'exercice précédent de cette personne n'excède pas 1 000 000 $.

[6]            De toute évidence, le juge Bell était convaincu que ce paragraphe ne s'appliquait pas.

[7]            L'article 18.3007 est ainsi rédigé :

                (1)            La Cour peut, si les circonstances le justifient, ne rendre aucune ordonnance concernant les frais et dépens ou allouer ceux-ci à la personne qui a interjeté appel même si, d'après ses règles, ils doivent être payés à Sa Majesté du chef du Canada ou aucune ordonnance les concernant ne peut être rendue si les conditions suivantes sont réunies :

                a)             une ordonnance a été rendue en vertu du paragraphe 18.3002(1) relativement à l'appel;

                b)             l'appel n'est pas visé au paragraphe 18.3002(3);

                c)              le montant qui fait l'objet de l'appel est égal ou inférieur à 50 000 $;

le total des fournitures pour l'exercice précédent de la personne qui a interjeté appel est égal ou inférieur à 6 000 000 $.

                (2)            Les frais et dépens sont alloués au moment où l'ordonnance est rendue.

[8]            Rien dans la preuve qui m'a été présentée ne me permet de déterminer si les conditions décrites aux alinéas 18.3007(1)a), b), c) et d) sont réunies ou non. L'article 18.3007 permet essentiellement à la Cour d'allouer des frais et dépens sur une base différente de celle selon laquelle ils auraient été alloués si l'appelante avait choisi la procédure générale au lieu d'y avoir été soumise par la Cour à la demande du Procureur général. L'article 18.3007 ne constitue pas un élément dont je dois tenir compte dans le cadre de cette détermination.

[9]            Je dois aborder la question en partant du principe que j'ai le pouvoir discrétionnaire habituel, en ce qui concerne les frais, qui est accordé à la Cour en vertu du paragraphe 147(1) des Règles de la Cour canadienne de l'impôt (procédure générale) (les " Règles ").

[10]          Mme Leonard, une dirigeante ou une administratrice de l'appelante, a demandé de représenter l'appelante, et sa requête a été accueillie.

[11]          Je ne propose pas de reproduire la litanie des occasions où l'appelante a joué double jeu avec la Cour et l'intimée. Ces occasions sont exposées en détail dans les dix pages des observations de Me Carvalho. Les faits qui y sont présentés ne sont pas contestés, et beaucoup d'entre eux ressortent clairement du dossier de la Cour. Il est tout à fait évident que Mme Leonard a abusé des règles de procédure de cette cour. Nous lui avons accordé ajournement après ajournement. Elle ne s'est pas présentée aux interrogatoires préalables. Les délais fixés par la Cour n'ont pas été respectés. La Cour a fait tout son possible pour la satisfaire. En une occasion, parce qu'elle était en prison, et en une autre, à la suite de sa condamnation et de son incarcération aux États-Unis, elle n'a pas pu venir au Canada. Une ordonnance a été rendue lui permettant de représenter l'appelante, bien qu'elle n'était pas membre d'un barreau.

[12]          Pas plus tard que le vendredi précédant la date à laquelle l'affaire devait être entendue à Vancouver, l'avocat de l'intimée et un membre du personnel de la Cour ont communiqué avec elle, et cette dernière leur a assuré qu'elle était prête à aller de l'avant. Je me suis envolé vers Vancouver et j'ai réservé quatre jours pour le tenue de l'audience. L'intimée a fait venir par avion à Vancouver un certain nombre de témoins, dont des témoins experts, provenant de différentes régions du Canada et des États-Unis. Le lundi fixé pour l'audience, personne représentant l'appelante n'a comparu.

[13]          En vertu de l'article 147 des Règles, la Cour possède un vaste pouvoir discrétionnaire en ce qui concerne l'adjudication des frais. La conduite de Mme Leonard a été scandaleuse et répréhensible. Elle a agi avec une totale indifférence à l'égard de la Cour et de l'intimée. Si l'appelante avait choisi la procédure générale au début, j'aurais sans aucun doute adjugé les frais à l'intimée sur la base procureur-client. Il y a toutefois une considération, et c'est la seule, qui m'incite à n'adjuger les frais que sur la base des frais entre parties. La voici : l'appelante a dû se soumettre à la procédure générale à cause du Procureur général du Canada. Elle n'a pas choisi cette procédure. Si l'affaire avait été entendue sous le régime de la procédure informelle, Mme Leonard aurait pu en toute impunité se comporter de façon tout aussi scandaleuse, et la Cour n'aurait pu adjuger aucuns frais à l'encontre de l'appelante.

[14]          Dans les circonstances, j'adjuge les frais en faveur de l'intimée sur la base des frais entre parties, conformément au Tarif B de l'annexe II des Règles.

[15]          L'intimée a le droit de se faire rembourser tous ses frais gaspillés en raison du défaut de l'appelante de comparaître à l'audience et à d'autres réunions qui avaient été prévues, y compris tous les frais engagés pour faire venir les témoins à Vancouver pour l'audience et toutes les indemnités de présence, dont le montant total des frais payés aux témoins experts, malgré l'article 5 du Tarif A de l'annexe II des Règles.

Signé à Ottawa, Canada, ce 28e jour de novembre 2000.

" D. G. H. Bowman "

J.C.A.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Traduction certifiée conforme ce 13e jour de juin 2001.

Mario Lagacé, réviseur

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