Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date: 20010222

Dossier: 1999-5020-IT-I

ENTRE :

TERESA EYNAN

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

La juge Lamarre Proulx, C.C.I.

[1]            L'appel en l'instance est interjeté sous le régime de la procédure informelle pour les années d'imposition 1992 à 1995.

[2]            Il s'agit de savoir si l'appelante a droit a) à une perte déductible au titre d'un placement d'entreprise en ce qui concerne une prétendue perte en capital subie au cours des années 1992 et 1993 et b) à des pertes d'entreprise pour les années 1992 à 1995 en ce qui concerne un travail d'hôtesse au Dome Stadium.

[3]            Les hypothèses de fait formulées par le ministre du Revenu national (le " ministre "), qui a établi une nouvelle cotisation à l'égard de l'appelante, sont décrites au paragraphe 6 de la réponse à l'avis d'appel (la " réponse ") de la manière suivante :

[TRADUCTION]

a)                    l'appelante a déclaré qu'elle avait investi 40 000 $ dans l'achat de chevaux auprès de Silver Unicorn Inc. et que la compagnie avait fait faillite;

b)             l'appelante a déclaré une perte déductible au titre d'un placement d'entreprise (la " PDTPE ") de 20 162 $ et de 7 401 $ au cours des années d'imposition 1992 et 1993 respectivement, mais le ministre a refusé de lui accorder la déduction au motif que l'appelante avait omis de fournir, à l'appui de sa demande de déduction, des documents, comme les certificats d'actions, les ententes contractuelles ou la correspondance de Silver Unicorn;

c)              pendant toute la période pertinente, l'appelante n'était pas une travailleuse indépendante;

d)             les feuillets T4 ont été envoyés par Dome Stadium Hostessing Services Inc. (" Dome ") à l'appelante pour les années en litige;

e)              en répondant à notre questionnaire le 1er septembre 1998, Dome a indiqué que l'appelante avait été embauchée par elle uniquement à titre d'employée et qu'elle n'avait pas gagné de revenu de commissions ni eu à engager de dépenses d'entreprise au nom de son employeur;

f)              l'appelante n'a pu fournir de formulaire T2200 pour attester le fait qu'elle avait dû engager des dépenses au nom de son employeur;

g)             aucun contrat n'a été fourni pour soutenir l'allégation selon laquelle l'appelante avait été employée par Dome à titre de travailleur à contrat;

h)             l'appelante n'était pas tenue de travailler à l'extérieur de l'établissement de son employeur;

i)               l'appelante n'était pas admissible à des déductions pour emploi au cours des années d'imposition 1992, 1993, 1994 et 1995, puisqu'elle n'était pas tenue d'engager des dépenses pour son employeur;

[4]            Dans l'avis d'appel, le seul motif d'appel était que les représentants du ministre n'avaient pas été objectifs dans leur examen et n'avaient pas tenu compte des documents que l'appelante leur avait fournis. Au moment de l'audience, le représentant de l'appelante a présenté à la Cour une déclaration écrite. J'en citerai les deux derniers paragraphes :

[TRADUCTION]

La question dont est saisie la Cour aujourd'hui en est une de circonstances, et nous allons lui prouver que ces dépenses ont été engagées. Les dépenses engagées ne représentaient pas des frais personnels ou de subsistance, mais ont été engagées en vue que soit tiré un revenu.

Les investissements étaient basés sur la confiance. On a abusé de cette confiance, et cela a créé des préjudices financiers et émotifs importants, y compris conjugaux. Pour ce qui est de son emploi à temps partiel, au meilleur de sa connaissance, elle l'exerçait à commission si et lorsqu'il y avait du travail. Encore une fois, il s'agissait de questions de circonstances qui étaient en partie fondées sur la confiance.

[5]            L'appelante a indiqué dans son témoignage que, sur recommandation d'une personne en qui elle avait confiance, Nadir S. Zulqernain, elle avait emprunté un montant de 40 000 $, le 9 décembre 1988, auprès d'une banque afin d'investir dans Silver Unicorn Inc. Elle a produit, sous la cote A-1, une pâle photocopie d'un chèque personnel libellé à l'ordre de Silver Unicorn Inc. Aucun document n'indique la réception de ce paiement. Des feuillets de publicité de quelques sociétés liées sont joints au chèque et portent sur l'achat de chevaux arabes égyptiens. (Silver Unicorn Inc. semble avoir été une filiale de Smart Financial Services Inc. SMART était un acronyme pour " Save Money and Reduce Taxes " [Mettez de l'argent de côté et réduisez vos impôts].

[6]            Antérieurement, en 1986, elle avait fait un investissement de 35 000 $ sur recommandation de la même personne (pièce A-2). Cet investissement semble avoir été fait dans des fonds mutuels. Selon l'appelante, cet investissement a généré de bons profits.

[7]            Des documents et des lettres provenant de SMART et envoyés à l'appelante ont été produits sous la cote A-4. À la lecture de ces documents, il semblerait que l'appelante ait acheté des chevaux, ou plutôt acquis un droit de propriété partiel sur certains d'entre eux, et que l'enregistrement de ces chevaux ait été effectué au nom de Silver Unicorn Inc. Cette même compagnie a été autorisée à agir en son nom afin de veiller à la garde et à l'entretien des chevaux et de les vendre lorsque cela serait approprié. Par exemple, la pièce A-9 est une facture de Silver Unicorn Inc. pour l'assurance et la pension d'un cheval, " La Rasmonique ". Rien dans la preuve n'indique l'achat d'actions.

[8]            La pièce A-11 est un formulaire rempli par Silver Unicorn International Inc. pour la Commission des valeurs mobilières de l'Ontario. Il s'agit du formulaire 20. Il est daté du 13 janvier 1992. La personne agissant comme représentant était Nadir S. Zulqernain. La description des valeurs échangées est la suivante : 16 1/16 de parts dans un consortium détenant d'un groupe de 19 chevaux pur sang arabes égyptiens.

[9]            L'annexe A du formulaire fournit le nom et l'adresse des acheteurs. Neuf personnes ont acheté une unité pour 45 000 $, et la dixième personne est Nadir S. Zulqernain, et il a acheté 15 unités pour 675 000 $. Le nom de l'appelante n'y figure pas. Elle n'a pu expliquer pourquoi son nom ne figurait pas à cette annexe.

[10]          Une note de service datée du 15 juillet 1991 a été envoyée par M. Zulqernain à l'appelante et elle est en partie ainsi rédigée :

[TRADUCTION]

[...]

Chère Theresa,

À la suite de nos précédentes conversations, je suis maintenant en mesure de vous fournir certains autres détails. Il se peut que vous puissiez liquider votre droit de propriété sur les chevaux pour un montant total de 34 000 $, le premier paiement étant de 14 000 $, et les deux autres, de 10 000 $, à compter du 15 août. Les paiements seront effectués à des intervalles de 45 jours, soit le 15 août, le 30 septembre et le 15 novembre. Ces paiements vous seront faits libres de toute dépense. Si cela vous semble acceptable, veuillez me le confirmer par écrit de façon à ce que je puisse continuer. Veuillez prendre note qu'il ne s'agit pas d'une offre confirmée, mais, une fois que j'aurai reçu votre approbation écrite, je vous confirmerai le moment où les autres conditions seront réunies.

Pour établir une comparaison en ce qui concerne le résultat du présent investissement, veuillez prendre note qu'un total de 33 750 $ a été investi à la fin de 1998. Un total de 5 500 $ vous a été facturé à titre d'assurance, de pension et d'entretien et d'autres frais liés, ce qui établit le montant de vos frais à 39 300 $. Vous avez reçu 2 275 $ à titre du produit de la vente et vous avez déduit 23 750 $, ce qui représente au moins 9 500 $ d'épargne fiscale. Ainsi, le rendement net de votre investissement de 11 775 $ est d'environ 30 p. 100 au cours d'une période de deux années. En cette période très difficile et en raison de complications économiques, je crois humblement pouvoir dire que cela est très bon.

[...]

[11]          Cette lettre est confirmée par le bilan des années 1989 à 1991 établi par Silver Unicorn afin de déterminer les pertes à être déclarées par l'appelante en ce qui concerne l'entretien des chevaux.

[12]          La pièce A-6 est une lettre envoyée à Nadir S. Zulqernain par l'appelante qui demandait un remboursement du montant investi. Elle est datée du 25 juillet 1991. L'appelante a mentionné qu'elle était prête à accepter 34 000 $ du montant total de 40 000 $ (pièce A-6). Elle a également déclaré qu'en 1992, M. Zulqernain lui avait dit qu'il avait transformé son investissement en actions.

[13]          L'appelante a produit, sous la cote A-8, deux coupures de journal. L'une d'elles est ainsi rédigée :

[TRADUCTION]

Un marchand de chevaux condamné à une amende de 50 000 $ par la CVMO pour commerce illégal

                Un marchand de chevaux de l'Ontario a été rappelé à l'ordre par la Commission des valeurs mobilières de l'Ontario, qui lui a imposé l'une des amendes les plus importantes pour une infraction simple à la Loi sur les valeurs mobilières.

                La Commission a reconnu Nadir Zulqernain coupable d'avoir illégalement vendu des parts dans des chevaux pur sang arabes égyptiens en décembre 1988.

                Sa compagnie, Silver Unicorn Inc., a plaidé coupable pour avoir vendu des valeurs mobilières sans avoir été enregistrée, et une amende de 50 000 $ lui a été imposée.

                M. Zulqernain a plaidé coupable à l'accusation d'avoir été un dirigeant et un administrateur qui a permis le commerce illégal de valeurs mobilières. Une amende de 50 000 $ lui a également été imposée.

                David Lang, un avocat de la CMVO, a indiqué qu'environ 85 investisseurs avaient placé un total de 4,7 millions de dollars dans les valeurs mobilières, ce qui permettait à chacun de posséder une partie des chevaux.

[14]          L'appelante a produit, sous la cote A-10, le certificat de statut de Silver Unicorn Inc., daté du 5 décembre 2000. Ce dernier précise que la société a vu le jour le 6 avril 1988 et qu'elle n'a pas été dissoute. Elle a reçu un Avis d'intention de dissolution et est soumise à la dissolution.

[15]          Pour ce qui est de la déduction de l'appelante relative aux pertes d'entreprise, cette dernière a produit, sous la cote A-13, le contrat conclu entre elle-même et Dome Stadium Hostessing Services Inc., daté du 3 juillet 1992. Elle recevait un salaire horaire et elle conservait ses pourboires. Les retenues étaient prélevées à la source, et un pourcentage pour les vacances était versé. Au moment de l'audience, aucune représentation n'a été faite par l'appelante ou son représentant selon laquelle il ne s'agissait pas d'un contrat de travail. Les seules dépenses que l'appelante croyait liées au travail étaient celles relatives à l'uniforme. Dans le compte de dépenses produit sous la cote A-14, l'appelante n'a pu identifier cet élément.

[16]          Les dépenses décrites pour chacune des années en litige, soit de 1992 à 1996, sont décrites de la manière suivante : comptabilité; juridique et perception; frais de déplacement relatifs à la publicité et à la promotion; repas, hôtel, etc.; frais et intérêts bancaires; administration, général et bureau; frais d'automobile et réparations, location, assurance et essence; téléphone.

[17]          Pour les années en litige, l'appelante a gagné un revenu et a déclaré des dépenses selon les montants suivants : en 1992, un revenu de 2 998 $ et des dépenses de 3 456 $, en 1993, un revenu de 5 118 $ et des dépenses de 5 321 $, en 1994, un revenu de 4 490 $ et des dépenses de 4 710 $ et en 1995, un revenu de 6 335 $ et des dépenses de 6 604 $.

[18]          Le représentant de l'appelante a soutenu que cette dernière avait emprunté de l'argent en vue de tirer un revenu et qu'elle avait engagé des dépenses dans le cadre de son travail. Il n'a pas renvoyé la Cour à un article de la Loi de l'impôt sur le revenu (la " Loi ") en vertu duquel il demandait les déductions.

[19]          L'avocate de l'intimée a soutenu que ce qui semblait avoir été déduit était une perte déductible au titre d'un placement d'entreprise et que les conditions afférentes n'étaient pas réunies. Elle a fait référence à l'alinéa 39(1)c) de la Loi :

Pour l'application de la présente loi :

[...]

c)              une perte au titre d'un placement d'entreprise subie par un contribuable, pour une année d'imposition, résultant de la disposition d'un bien quelconque s'entend de l'excédent éventuel de la perte en capital que le contribuable a subie pour l'année résultant d'une disposition, après 1977 :

(i)             soit à laquelle le paragraphe 50(1) s'applique,

(ii)            soit en faveur d'une personne avec laquelle il n'avait aucun lien de dépendance,

d'un bien qui est :

(iii)           soit une action du capital-actions d'une société exploitant une petite entreprise,

(iv)           soit une créance du contribuable sur une société privée sous contrôle canadien (sauf une créance, si le contribuable est une société, sur une société avec laquelle il a un lien de dépendance) qui est :

(A)     une société exploitant une petite entreprise,

(B)      un failli, au sens du paragraphe 128(3), qui était une société exploitant une petite entreprise au moment où il est devenu un failli pour la dernière fois,

(C)     

(C)            une personne morale visée à l'article 6 de la Loi sur les liquidations qui était insolvable, au sens de cette loi, et qui était une société exploitant une petite entreprise au moment où une ordonnance de mise en liquidation a été rendue à son égard aux termes de cette loi,

                sur le total des montants suivants :

[20]          En ce qui concerne les dépenses déduites du revenu d'emploi, l'appelante a mentionné l'article 8 de la Loi. Elle a déclaré que, puisqu'il s'agissait de la seule disposition de la Loi portant sur les montants déduits du revenu d'emploi, les dépenses déclarées par l'appelante devaient être visées. Elle a soutenu qu'aucune des dépenses n'entrait dans le cadre de cette disposition.

[21]          L'avocate de l'intimée fait référence à deux décisions de cette cour : l'affaire Gaskell c. R., C.C.I., no 97-3069(IT)I, 3 avril 2000 ([2000] 2 C.T.C. 2726) et l'affaire Kornelow c. M.R.N., C.C.I., no 89-2623(IT), 1er février 1991 ([1991] 1 C.T.C. 2403). Dans la décision Gaskell (précitée), elle a renvoyé aux paragraphes 18 à 20 :

[18]          Toutefois, l'appelant voulait déduire davantage qu'une perte en capital. Il voulait que la perte qu'il avait subie à l'égard de ses avances de fonds aux fins du projet soit considérée comme une perte déductible au titre d'un placement d'entreprise (" PDTPE ").

[19]          L'appelant avait la charge de prouver qu'il avait subi une PDTPE au sens de l'alinéa 39(1)c) de la Loi, qui se lit comme suit :

[20]          Entre autres conditions auxquelles il devait satisfaire, l'appelant devait démontrer qu'il avait subi une perte résultant de la disposition d'une action du capital-actions d'une corporation exploitant une petite entreprise ou résultant de la disposition d'une créance sur une corporation privée dont le contrôle est canadien. L'appelant n'a rien prouvé de cela, aucun élément de preuve n'ayant été présenté sur cette question particulière. L'appelant avait investi l'argent dans le projet, mais il n'a pas établi que le prêt avait été consenti à une corporation du type décrit ci-dessus. L'appelant n'a donc pas droit à une perte déductible au titre d'un placement d'entreprise pour 1992.

[22]          Dans la décision Kornelow (précitée), elle a mentionné les paragraphes 5 et 6 :

5               Concernant les déductions relatives à la perte déductible au titre d'un placement d'entreprise qui sont toujours en litige, il incombe à l'appelant d'établir que les avis de nouvelle cotisation à cet égard sont erronés : Anderson Logging Co. c. Le Roi, [1925] R.C.S. 45, et Johnston c. M.R.N., [1948] R.C.S 486. L'appelant peut s'acquitter du fardeau de la preuve en soumettant des preuves qui convainquent la Cour selon la prépondérance des probabilités de l'existence de cette erreur.

6               Je suis d'accord avec les arguments présentés par l'avocat de l'intimé lorsqu'il prétend que rien n'étaye de façon satisfaisante l'existence de présumées pertes déductibles au titre d'un placement d'entreprise. [...]

[23]          Pour ce qui est de la déduction d'une perte au titre d'un placement d'entreprise, il est difficile de conclure, à partir du témoignage de l'appelante, ce qui s'est réellement produit en fait et en droit. Il est également difficile de comprendre ce qu'elle cherche réellement à déduire. Il est malheureux que les faits pertinents n'aient pas été, au moins sous une forme résumée, décrits dans l'avis d'appel préparé par son représentant. Il semblerait, à la lecture du bilan des années 1989 à 1991 et de certains autres documents, que l'appelante avait acquis un droit de propriété partiel sur des chevaux et qu'elle avait déclaré des pertes d'entreprise pour ces années. Il est surprenant qu'elle déclare maintenant une perte en capital relative à l'acquisition d'actions. Comme cela a été précisé dans les décisions précitées, pour avoir droit à une perte déductible au titre d'un placement d'entreprise, en ce qui concerne une perte en capital, il faut respecter les modalités de l'alinéa 39(1)c) de la Loi. Il revient à l'appelante de présenter une preuve exacte et pertinente, ce qu'elle n'a pas fait.

[24]          En ce qui concerne les dépenses d'emploi, elles étaient clairement déraisonnables quant au montant et non liées au revenu d'emploi. Elle n'étaient comprises dans aucune des déductions prévues par l'article 8 de la Loi.

[25]          Par conséquent, les appels sont rejetés.

Signé à Ottawa, Canada, ce 22e jour de février 2001.

" Louise Lamarre Proulx "

J.C.C.I.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.