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Date: 20000911

Dossier: 97-2037-IT-G

ENTRE :

NEIL BARRY McFADYEN,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

Le juge en chef Garon, C.C.I.

[1]            Les appels dont il s'agit sont interjetés contre les nouvelles cotisations d'impôt sur le revenu établies par le ministre du Revenu national pour les années d'imposition 1993, 1994 et 1995.

[2]            Par des avis de nouvelle cotisation en date du 16 décembre 1996, le ministre du Revenu national a établi à l'égard de l'appelant de nouvelles cotisations basées sur le fait que l'appelant était un résident du Canada et que son revenu imposable était de 39 528 $, de 115 701 $ et de 78 684 $ pour les années d'imposition 1993, 1994 et 1995 respectivement.

La preuve

[3]            L'appelant et Mme Karen Caspersen, cadre supérieur de Revenu Canada, ont été les seuls témoins à l'audition de ces appels.

[4]            Je vais maintenant examiner d'une manière assez détaillée le témoignage de l'appelant.

[5]            L'appelant est né le 27 octobre 1960, en Allemagne de l'Ouest. Il est devenu un citoyen du Canada en 1977.

[6]            En 1983, l'appelant a obtenu un baccalauréat en génie mécanique de l'université Carleton, d'Ottawa. En 1988, il a obtenu une maîtrise en génie mécanique de l'université Carleton. Depuis 1987, il est ingénieur inscrit en Ontario.

[7]            L'appelant et Mme Sheridan Gardner se sont mariés en 1987 et ont trois enfants.

[8]            Entre 1985 et juillet 1992, l'appelant a exercé un emploi pour Gastops Inc., soit une entreprise de la région d'Ottawa. Il s'agit d'une société d'ingénierie qui réalise des logiciels et effectue des analyses fonctionnelles aux fins de systèmes de propulsion et de systèmes d'acquisition de données. Entre 1988 et 1990, l'appelant a travaillé en Allemagne pour Gastops Inc., dans le cadre d'une affectation de deux ans. Sa conjointe n'a été avec lui en Allemagne que pendant une des deux années, n'ayant pu obtenir qu'un congé d'un an de son employeur, Revenu Canada, sans perdre son emploi.

[9]            Vers la fin de 1991, on a demandé à la conjointe de l'appelant de présenter une demande pour occuper un poste dans le cadre du programme antidumping du gouvernement canadien à l'ambassade canadienne à Tokyo, au Japon.

[10]          L'appelant considérait à cette époque que d'aller au Japon avec sa conjointe serait une bonne expérience pour lui et qu'il pourrait probablement trouver au Japon un emploi viable pouvant déboucher sur d'autres possibilités de carrière.

[11]          Au début de 1992, pendant qu'il était encore au Canada, l'appelant a commencé à chercher un emploi au Japon. Il a envoyé son curriculum vitae à Northern Telecom Japan Inc., à Tokyo, au Japon.

[12]          Pour essayer d'accroître ses chances d'obtenir un emploi au Japon, l'appelant s'est inscrit à un cours de japonais à l'université Carleton, soit un cours allant du 22 avril au 24 juin 1992.

[13]          Peu après le 24 juin 1992, la conjointe de l'appelant a reçu une lettre de confirmation du directeur de la section de la politique et de l'administration de Revenu Canada Douanes et Accise disant qu'elle serait affectée au Japon comme représentante des Douanes pendant trois ans et peut-être quatre.

[14]          Au printemps 1992, l'appelant et sa conjointe détenaient chacun une part de 50 p. 100 dans le domicile conjugal, situé au 12, promenade Southport, à Ottawa, et dans un bien locatif, situé au 40, croissant Greenboro, à Ottawa, soit un bien loué aux mêmes personnes depuis 1988.

[15]          L'appelant et sa conjointe ont mis en vente la maison de la promenade Southport au printemps 1992, parce qu'ils n'auraient pas les moyens de faire les paiements hypothécaires s'ils étaient tous les deux au Japon et que l'appelant n'arrivait pas à trouver un emploi. La maison s'est vendue le 24 juillet 1992.

[16]          Le 4 août 1992, juste avant de partir pour le Japon, l'appelant et sa conjointe ont mis en vente le bien locatif du croissant Greenboro. L'immeuble a été en vente pendant environ six mois, mais ne s'est pas vendu. Pour ne pas déranger davantage les locataires en cherchant à vendre l'immeuble, un bail d'une durée de trois ans a été conclu par Megacorp Property Management Inc., au nom de l'appelant et de sa conjointe, avec les mêmes personnes qui louaient ce bien depuis 1988. La durée du bail allait du 31 juillet 1993 au 31 juillet 1996. Un bail de trois ans a été signé pour assurer aux locataires la sécurité qu'ils voulaient.

[17]          Entre le 1er et le 4 mai 1992, l'appelant et sa conjointe ont signé un contrat d'achat relatif à un bien situé au 63, promenade Picasso, à Ottawa. Ils voyaient cet achat comme un investissement. Ils estimaient qu'ils achetaient à bas prix. La date de clôture de cette opération était le 30 novembre 1992. Lorsque, en mai 1992, l'appelant et sa conjointe ont signé le contrat d'achat, ils n'avaient pas encore reçu la lettre de confirmation mentionnée précédemment (en date du 24 juin 1992), qui disait que la conjointe de l'appelant serait affectée au Japon.

[18]          En décembre 1992, après avoir été au Japon depuis le 12 août 1992, l'appelant et sa conjointe sont revenus au Canada pour passer des vacances et ont alors décidé qu'il serait plus rentable de louer la maison de la promenade Picasso au lieu de la vendre, car le marché immobilier avait ralenti. À ce stade, ils n'avaient pas de projet fixe de vivre un jour dans la maison de la promenade Picasso, mais la " possibilité d'y emménager une fois de retour au Canada existait ".

[19]          L'appelant avait décidé qu'il ne pourrait déménager au Japon tant que le domicile conjugal de la promenade Southport ne serait pas vendu, ce qui est arrivé le 24 juillet 1992.

[20]          Après sa décision d'aller au Japon, l'appelant a mis fin à l'emploi qu'il exerçait pour Gastops Inc., en ne donnant qu'un bref préavis à cette entreprise. Il n'a pas discuté avec son directeur de la possibilité de retourner travailler pour cette entreprise et n'avait pas l'intention de retourner y travailler.

[21]          Lorsque l'appelant et sa conjointe ont décidé de partir pour le Japon, ils ont vendu les biens personnels suivants :

-                le 29 juillet 1992, l'appelant a vendu sa Volkswagen Jetta 1988;

-                le 24 juillet 1992, la conjointe de l'appelant a vendu sa motocyclette Suzuki 1975;

-                le 29 juillet 1992, la conjointe de l'appelant a vendu sa Honda Accord 1981.

[22]          Certains des biens personnels de l'appelant (dont des vêtements, du mobilier, des livres, un ordinateur, du matériel récréatif, des outils, des photographies, une chaîne stéréo, un magnétoscope, des appareils photographiques et des objectifs d'appareil photo) ont été envoyés au Japon. Les biens personnels qu'il aurait été trop coûteux d'envoyer au Japon ont été mis en entrepôt. D'autres biens personnels ont été vendus ou donnés à des amis. En 1992, aucun bien personnel de l'appelant n'était à la maison de la promenade Picasso.

[23]          Avant de partir pour le Japon, l'appelant a mis un terme à la protection dont il bénéficiait en vertu du régime d'assurance-maladie de l'Ontario parce que des employés du ministère des Affaires extérieures lui avaient dit qu'il ne serait plus considéré comme un résident de l'Ontario aux fins de ce régime. Il a en outre annulé l'assurance-invalidité privée qu'il avait comme employé de Gastops Inc., parce qu'il ne serait plus considéré comme un résident du Canada et qu'il n'avait plus de revenu d'emploi à assurer. Pendant qu'il était au Japon, l'appelant a essayé d'obtenir une assurance-invalidité de La Métropolitaine au Canada, mais cette compagnie d'assurances a refusé de l'assurer pour le motif qu'il n'était pas au Canada.

[24]          L'appelant a dit qu'avant de quitter le Canada il " avait des REER " au Canada et qu'il les avait " laissés comme ils étaient ". Lui et sa conjointe avaient un compte bancaire en commun au Canada avant de partir pour le Japon. Pendant qu'ils étaient au Japon, ce compte en commun a été utilisé pour déposer les chèques de paye de la conjointe de l'appelant ainsi que pour recevoir les loyers et effectuer les paiements hypothécaires concernant le bien locatif du croissant Greenboro. Pendant qu'ils étaient au Japon, l'appelant et sa conjointe ont maintenu au Canada un deuxième compte bancaire, qui a été utilisé pour recevoir les loyers et effectuer les paiements hypothécaires relatifs au bien de la promenade Picasso.

[25]          À son arrivée au Japon, le 12 août 1992, l'appelant a commencé à chercher un emploi. Il a continué à étudier le japonais à l'aide du matériel pédagogique qu'il avait obtenu à l'université Carleton. À la même époque, il a été contacté par l'agent du personnel de l'ambassade du Canada au Japon. En janvier 1993, il a commencé à donner des cours d'informatique à l'ambassade du Canada au Japon comme " travailleur indépendant ". De l'impôt sur le revenu provenant de ce travail n'a pas été retenu à la source par l'ambassade du Canada.

[26]          En août 1993, l'appelant est devenu membre " temporaire " du personnel de l'ambassade du Canada embauché à l'étranger. Le 1er janvier 1994, il est devenu membre " permanent " du personnel de l'ambassade du Canada embauché à l'étranger, en tant qu'" administrateur du système ".

[27]          Comme " membre du personnel embauché à l'étranger ", a témoigné l'appelant : " je n'étais pas en fait un employé des Affaires extérieures là-bas, car, si je l'avais été, j'aurais eu droit à l'ensemble des divers avantages qui sont accordés en vertu des directives sur le service extérieur ". L'appelant était payé par l'ambassade en monnaie locale, au mois. Ces paiements étaient déposés directement dans un compte bancaire japonais, dans le cadre d'un système de dépôt direct. Le salaire du " personnel embauché à l'étranger " était basé sur des conditions locales, dont le " taux d'imposition du pays ". Ce régime était différent de celui qui s'appliquait à des employés du ministère des Affaires extérieures, dont les chèques de paye étaient libellés en dollars canadiens et envoyés directement dans un compte bancaire au Canada.

[28]          L'appelant a dit que, pour l'année d'imposition 1993, il avait produit une déclaration canadienne de revenu comme personne réputée être résidente. Il croyait comprendre qu'il était non-résident du Canada, mais réputé être résident du Canada parce qu'il " était le mari d'une employée du gouvernement ".

[29]          Au printemps 1994, l'appelant a commencé à chercher un emploi autre que celui qu'il exerçait comme membre du personnel de l'ambassade du Canada embauché à l'étranger, car, une fois l'impôt retenu et les frais de garderie acquittés, il ne lui restait pas beaucoup d'argent sur ce revenu d'emploi. À cette époque, le yen était encore en hausse par rapport au dollar canadien, ce qui se traduisait par une augmentation de l'impôt retenu.

[30]          Au cours du printemps 1994, l'appelant et sa conjointe envisageaient de rester au Japon au-delà de la période d'emploi de la conjointe, car ils avaient tous deux un emploi au Japon et aimaient y vivre.

[31]          L'appelant a fini par trouver un autre emploi et a, le 12 septembre 1994, commencé à travailler pour une société de valeurs mobilières, Schroder Securities (Japan) Limited (" Schroder's "), dont le siège est à Londres et qui a un bureau au Japon. L'appelant avait appris l'existence de ce poste grâce à une annonce parue dans un journal local. Il s'agissait d'un contrat d'un an, et l'appelant croyait que ce poste, dont les fonctions consistaient à faire de l'administration de systèmes informatiques, deviendrait probablement un poste permanent.

[32]          L'appelant s'était fait dire par Schroder's qu'il avait besoin d'un visa de travail pour travailler à Schroder's. Avant cela, il n'était pas au courant de cette exigence.

[33]          L'appelant a demandé un visa de travail à Immigration, qui exigeait qu'une " note verbale " soit obtenue du ministère des Affaires étrangères du Japon. La " note verbale " est l'autorisation que le ministère japonais a donnée à l'appelant de " s'engager dans une activité autre que l'activité permise par le statut de résidence précédemment accordé ". L'appelant a remis au ministère des Affaires étrangères du Japon son passeport canadien à couverture rouge, a reçu la " note verbale ", par l'entremise de l'ambassade canadienne, et a, quelques jours plus tard, reçu son passeport à couverture rouge. L'obtention de la " note verbale " du ministère des Affaires étrangères du Japon a pris quelques jours. Le processus a été mené à terme par écrit seulement. L'appelant a été tenu de répondre à quelques questions sur son emploi à Schroder's (p. ex. sur la durée de l'emploi et sur le type de travail qu'il accomplirait). L'appelant croyait également comprendre que la " note verbale " signifiait qu'il ne bénéficierait plus de l'immunité diplomatique en vertu de la convention de Vienne relativement à la législation japonaise, y compris en matière d'impôt sur le revenu.

[34]          L'appelant a témoigné verbalement et par écrit qu'il avait effectivement été employé par Schroder's au Japon. Un certificat d'emploi en date du 2 mars 1995 qui avait été délivré par Schroder's a été déposé. Un relevé mensuel de paye montre que de l'impôt japonais sur le revenu a été retenu sur la rémunération de l'appelant en 1994 et en 1995. L'appelant a en outre produit des déclarations japonaises de revenu en 1994 et en 1995.

[35]          En septembre 1994, l'appelant a commencé à se renseigner auprès d'un dénommé Palmer, agent du personnel de l'ambassade canadienne, au sujet de l'application de la Convention Canada-Japon en matière d'impôts sur le revenu et quant à savoir s'il pouvait bénéficier d'un certain allégement fiscal. L'appelant a été étonné d'entendre M. Palmer lui dire que le Canada ne devrait pas l'imposer en vertu de la Convention Canada-Japon en matière d'impôts sur le revenu, et l'appelant a alors demandé une copie de la Convention.

[36]          L'appelant a pris connaissance de la Convention Canada-Japon en matière d'impôts sur le revenu et a commencé à se renseigner vers la fin de l'automne 1994 auprès de l'administration fiscale nationale du Japon, qui fait partie du ministère des Finances du Japon, au sujet de son état selon la Convention, et il a alors rencontré M. Taguchi, le directeur adjoint du bureau des opérations internationales de l'administration fiscale nationale du Japon. L'appelant a dit à M. Taguchi qu'il travaillait à Schroder's et qu'il avait précédemment travaillé à l'ambassade canadienne. M. Taguchi a pris quelques semaines pour examiner la question et a ensuite dit à l'appelant qu'il avait confirmé avec son supérieur, le directeur du bureau susmentionné de l'administration fiscale nationale du Japon, que le revenu gagné par l'appelant à l'ambassade et à Schroder's n'était imposable qu'au Japon. Cela confirmait l'opinion que l'appelant s'était faite en lisant la Convention Canada-Japon en matière d'impôts sur le revenu.

[37]          L'appelant a ensuite communiqué avec Revenu Canada, et on lui a dit qu'il lui fallait une preuve qu'il était résident du Japon. L'appelant a de nouveau contacté le bureau des opérations internationales de l'administration fiscale nationale du Japon, et M. Soto, de ce bureau, a confirmé l'information que M. Taguchi avait fournie à l'appelant.

[38]          L'appelant a demandé aux autorités japonaises une preuve écrite que son revenu était imposable uniquement par le Japon. Il a fini par aller au bureau local d'impôt du Japon avec son passeport, sa carte d'identité d'étranger, son visa de travail et un formulaire d'impôt du Japon intitulé en anglais Certificate of Residency of Japan (le " certificat de résidence du Japon "). L'appelant a rempli ce formulaire lui-même et l'a remis au bureau local d'impôt. Quelques jours plus tard, il est passé prendre le certificat, qui portait alors l'estampille officielle du bureau local d'impôt, ce qui, d'après l'appelant, en fait un document juridique au Japon. L'appelant a ensuite annexé le certificat à sa déclaration de revenu comme preuve qu'il était résident du Japon, soit une preuve que Revenu Canada avait exigée. Le certificat de résidence du Japon, déposé auprès de la Cour, dit que l'appelant " est un résident du Japon en vertu de l'article 4 de la Convention Canada-Japon en matière d'impôts sur le revenu ".

[39]          L'appelant croyait que les fonctionnaires de Revenu Canada ne reconnaissaient pas la légitimité du certificat parce qu'ils estimaient que l'appelant pouvait avoir fabriqué le certificat ou avoir fait en sorte que le directeur de district du bureau local d'impôt au Japon signe le certificat sans savoir ce qu'il signait. Cela avait amené l'appelant à communiquer avec un professeur de la faculté de droit de l'université ASIA de Tokyo pour se renseigner sur la légitimité du certificat. L'appelant a faxé son certificat au professeur, qui a contacté le bureau local d'impôt du Japon. Le professeur a fourni à l'appelant une lettre en date du 21 juin 1999 disant qu'il avait confirmé que " les bureaux de district d'impôt du Japon délivrent couramment des certificats de résidence pour prévenir une double imposition internationale ".

[40]          En ce qui a trait au dépôt de cette lettre du professeur de droit de la faculté de droit de l'université susmentionnée, l'intimée s'est opposée au témoignage de l'appelant à cet égard au motif que tout cela était du ouï-dire. L'avocat de l'appelant, qui se fondait principalement sur deux décisions de la Cour suprême du Canada, invoquait les motifs de nécessité et de fiabilité à l'appui de la recevabilité de la lettre. J'ai admis la lettre en preuve pour établir non pas une règle de droit étrangère, mais simplement une pratique administrative suivie par les autorités fiscales japonaises.

[41]          L'appelant a témoigné que, au printemps 1995, il entendait rester au Japon aussi longtemps qu'il aurait du travail et que ce serait économiquement viable pour lui et sa conjointe. Ils aimaient vivre là-bas et n'avaient aucun projet fixe de revenir au Canada.

[42]          À un moment donné en 1994, la conjointe de l'appelant a demandé que son affectation de trois ans à l'ambassade soit prolongée d'un an, de sorte que son affectation se termine en août 1996. En janvier 1995, la demande a été acceptée, puis cela a été annulé, par voie de lettre en date du 21 avril 1995. Dans la lettre du 2 juin 1995 qu'elle a écrite au directeur de la section de la politique et de l'administration de la division des droits antidumping et compensateurs, la conjointe de l'appelant renvoyait à la lettre de son ministère en date du 21 avril 1995 et exprimait sa déception et ses préoccupations. Dans la lettre du 2 juin 1995, elle demandait en outre que soit différé le rapatriement au Canada de ses biens personnels et de ceux de l'appelant. Il était également mentionné dans cette lettre que la conjointe de l'appelant quitterait l'ambassade le 16 août 1995 et qu'elle et l'appelant enlèveraient les biens de l'appelant du complexe d'habitation sans l'aide du gouvernement du Canada.

[43]          L'appelant a ensuite décrit les mesures que lui et sa conjointe avaient prises, en vue de la possibilité de rester au Japon, avant d'apprendre et après avoir appris la nouvelle que l'emploi de sa conjointe dans ce pays ne serait pas prolongé :

-                ils ont contacté un agent immobilier japonais et ont commencé à chercher une habitation hors de l'enceinte de l'ambassade du Canada à Tokyo, où ils avaient vécu jusque-là;

-                l'appelant a obtenu un passeport canadien à couverture bleue de manière à être prêt pour renvoyer au besoin le passeport diplomatique à couverture rouge;

-                leur fille restait à la garderie durant le jour;

-                ils ont acheté quelques meubles (dont un lit pour leur fille) en vue de déménager, mais ils avaient déjà la plupart des biens courants d'équipement ménager qu'ils avaient apportés du Canada;

-                la conjointe de l'appelant a commencé à postuler des emplois au Japon, y compris un emploi comme membre du personnel de l'ambassade canadienne embauché à l'étranger, poste qu'elle n'a pas obtenu;

-                le report du rapatriement au Canada des biens qu'ils avaient au complexe d'habitation de l'ambassade a été approuvé;

-                l'appelant a cherché à obtenir une prolongation de l'emploi qu'il exerçait à Schroder's, mais sans succès, car la société était préoccupée par le fort taux de roulement d'employés qui n'étaient pas des ressortissants du Japon;

-                l'appelant s'est informé en matière d'emploi auprès de plusieurs sociétés au Japon, y compris l'Union de Banques Suisses, Merrill Lynch Japan, Morgan Stanley Japan et Bloomber. Il a en outre été interviewé en vue d'un emploi à Kellogg's, Japan. Aucun de ces efforts n'a été couronné de succès.

[44]          L'appelant a traité d'une manière assez détaillée de la correspondance qu'il avait échangée en 1995 avec le sous-ministre du Revenu national et subséquemment avec le directeur adjoint du service Demandes de renseignements et redressements du bureau d'impôt international de Revenu Canada et avec un autre cadre de ce bureau. Il est à noter que, dans une lettre en date du 7 août 1995, l'appelant avait demandé au directeur adjoint du service Demandes de renseignements et redressements du bureau d'impôt international de Revenu Canada d'appliquer les règles décisives de la Convention Canada-Japon en matière d'impôts sur le revenu et qu'il avait réitéré les raisons pour lesquelles il croyait être résident du Japon selon les " règles décisives ". L'appelant a dit qu'il avait reçu de M. Steve Eng, de Revenu Canada, une lettre en date du 9 août 1995 l'informant que sa demande relative au processus de détermination d'un commun accord avait été transmise au directeur de la division des vérifications internationales de Revenu Canada. L'appelant demandait l'application du processus de détermination d'un commun accord parce que M. Eng lui avait dit qu'il n'avait pas le pouvoir d'émettre un chèque de remboursement et qu'un tel chèque ne pouvait être émis que dans le cadre du processus relatif aux autorités compétentes.

[45]          À ce stade de son témoignage, l'appelant a traité des efforts qu'il avait faits pour trouver un emploi aux États-Unis. Cela se passait après que lui et sa conjointe eurent échoué dans leur tentative pour trouver un emploi au Japon, mais avant qu'ils décident de revenir au Canada.

[46]          L'appelant a pris la décision de revenir au Canada vers la fin de juillet 1995, parce que ni lui ni sa conjointe n'arrivaient à trouver un emploi. Sa conjointe était enceinte à l'époque, et il ne voulait vraiment pas être loin d'elle et n'avait pas l'argent pour rester au Japon. Il croyait qu'il aurait pu rester au Japon plus longtemps s'il avait reçu le remboursement de 28 000 $ CAN auquel il pensait avoir droit. Avec cet argent, il aurait pu payer six mois de loyer relativement à un séjour prolongé au Japon et aurait pu finir par trouver un emploi.

[47]          L'appelant est revenu au Canada vers le 10 ou le 11 septembre 1995. L'appelant et sa conjointe ont vécu avec les parents de cette dernière et avec la mère de l'appelant jusqu'au 8 octobre 1995, puis ont alors emménagé au 63, promenade Picasso, soit la maison dont ils étaient propriétaires, comme je l'ai mentionné précédemment. L'appelant avait avisé les locataires à la fin de juillet 1995 que lui et sa conjointe voulaient emménager.

[48]          L'appelant a fini par recevoir son avis de cotisation daté du 18 septembre 1995 pour l'année d'imposition 1994, lequel avis faisait état d'un remboursement de 30 678,61 $ CAN. L'appelant croyait comprendre que cela signifiait qu'il avait eu gain de cause quant au point de vue selon lequel il était résident du Japon aux fins de la Convention Canada-Japon en matière d'impôts sur le revenu.

[49]          Après avoir reçu le remboursement, l'appelant a en outre envoyé une lettre à M. Rick Pearson, de Revenu Canada. L'appelant s'était entretenu avec M. Pearson au téléphone et avait annulé sa demande relative au processus de détermination d'un commun accord des autorités compétentes parce qu'il croyait à l'époque que Revenu Canada avait reconnu qu'il était résident du Japon et que la question était réglée puisqu'il avait reçu le remboursement. La lettre a été envoyée à M. Pearson à la demande de ce dernier, de manière qu'il puisse avoir l'annulation par écrit.

[50]          Lorsque l'appelant est revenu au Canada, en septembre 1995, il était en chômage, et ce n'est qu'en décembre 1996 qu'il a obtenu un emploi, à l'université Carleton. Il a été en chômage pendant 15 mois parce que l'emploi qu'il avait exercé au Japon pour Schroder's était hautement spécialisé et qu'il n'y avait pas de demande dans la région d'Ottawa pour une personne ayant les compétences et l'expérience de l'appelant. Des employeurs potentiels pouvaient penser qu'il ne connaissait pas les systèmes informatiques courants étant donné qu'il était resté en chômage un certain temps.

[51]          L'appelant a témoigné qu'il avait produit sa déclaration de revenu pour 1995 en tant que résident de l'Ontario parce qu'il vivait au 63, promenade Picasso, et qu'il était résident du Canada au 31 décembre 1995. Il avait en outre indiqué comme " date d'entrée " les chiffres " 10 / 9 ". Dans cette déclaration, il avait déduit son revenu gagné comme résident du Japon au motif qu'il était exempt selon la Convention Canada-Japon en matière d'impôts sur le revenu. En mentionnant un changement en matière de résidence dans sa déclaration de revenu, l'appelant cherchait à dire qu'il " n'était plus non-résident ou réputé résident depuis le 10 septembre ". L'appelant a également témoigné qu'il avait " désigné comme résidence principale " sa maison du 40, Greensboro, pour 1987, 1988, 1989 et 1990 et non pour une période pendant laquelle il était au Japon.

[52]          Dans son témoignage, l'appelant a ensuite traité d'une lettre en date du 2 novembre 1998 qu'il avait écrite au ministre du Revenu national, Herb Dhaliwal, et dans laquelle il posait un certain nombre de questions, y compris les suivantes :

[TRADUCTION]

[...]

2) Puis-je encore demander l'application du processus de détermination d'un commun accord? Dans l'affirmative, jusqu'à quelle date?

3) Jusqu'à quelle date le délai relatif au processus de détermination d'un commun accord peut-il être prorogé?

4) Pourrai-je encore demander l'application de ce processus après être allé devant la Cour canadienne de l'impôt si j'ai à le faire?

L'appelant a expliqué dans son témoignage pourquoi il avait été amené à écrire cette lettre :

[TRADUCTION]

                Mon avocat m'avait avisé que, dans une cause récente, la Cour canadienne de l'impôt avait statué qu'elle ne se prononcerait pas sur les règles décisives autres que la convention fiscale. Il s'agissait d'une convention fiscale entre le Canada et la France, je crois.

                Se fondant sur cette cause et sur une affaire semblable, mon avocat recommandait que nous essayions d'obtenir l'application de ce processus avant d'aller devant la Cour canadienne de l'impôt. Il avait donc parlé à l'avocat du ministère de la Justice, qui avait accepté qu'un ajournement de six mois soit demandé aux fins de l'examen de ce processus.

[53]          À la lettre que l'appelant avait écrite au ministre du Revenu national le 2 novembre 1998, M. K. N. Malholtra, directeur adjoint des appels, du bureau de services fiscaux d'Ottawa de Revenu Canada, a répondu essentiellement ce qui suit le 16 décembre 1998 :

1)              comme l'appelant a déposé un avis d'appel auprès de la Cour canadienne de l'impôt, l'autorité compétente canadienne n'entendra pas sa demande — question de principe — pendant qu'un appel est en instance;

2)              bien que l'appelant puisse demander à l'autorité compétente canadienne d'examiner la question relative à la Convention Canada-Japon en matière d'impôts sur le revenu après la décision rendue par la Cour canadienne de l'impôt, l'autorité compétente ne pourrait modifier une décision de la Cour canadienne de l'impôt qui serait défavorable à l'appelant;

3)              quoi qu'il en soit, les nouvelles cotisations pour deux des trois années en cause ne peuvent être modifiées, car il y a prescription. Ces nouvelles cotisations ne pourraient être l'objet d'un examen par l'autorité compétente.

Certains de ces renseignements étaient nouveaux pour l'appelant. En lisant la circulaire d'information de Revenu Canada qui lui avait été donnée, l'appelant a appris que l'autorité compétente n'accepterait pas sa demande relative au processus de détermination d'un commun accord pendant que l'appel devant la Cour canadienne de l'impôt était en instance. Cependant, ce que l'appelant avait compris au sujet de ce processus en lisant la Convention Canada-Japon en matière d'impôts sur le revenu, c'était que les deux autorités compétentes étaient obligées de se rencontrer et de régler la question, que le contribuable l'ait demandé ou non.

[54]          Avant de recevoir la lettre de M. Malhotra en date du 16 décembre 1998, l'appelant avait, le 14 décembre 1998, écrit une lettre à M. Mike Quebec, directeur général, Direction des programmes d'impôt internationaux, Revenu Canada. L'objet de cette lettre était de demander l'application du processus de détermination d'un commun accord, soit la raison pour laquelle l'appelant avait en juin 1998 demandé l'ajournement de l'audience devant notre cour.

[55]          Par une lettre en date du 31 décembre 1998, M. Quebec a répondu à la demande du 16 décembre 1998 de l'appelant concernant l'application du processus de détermination d'un commun accord en disant qu'il était inopportun que son bureau intervienne dans cette affaire " étant donné que votre avis d'opposition aux cotisations pour les années d'imposition en cause est en instance devant la Cour canadienne de l'impôt ". L'appelant n'a eu aucun autre contact avec M. Quebec.

[56]          L'appelant a ensuite témoigné que, pendant qu'il était au Japon, il avait pris les mesures suivantes :

-                il a obtenu un permis de conduire du Japon;

-                il a obtenu une carte d'assurance-santé du Japon et l'a utilisée plusieurs fois (il était donc couvert par le régime d'assurance-santé du Japon);

-                il avait au Japon une bicyclette qu'il a fait immatriculer, comme l'exigeait la loi au Japon;

-                il est revenu au Canada trois fois entre août 1992 et septembre 1995 pendant qu'il vivait au Japon, et ce :

1)              pour des vacances de Noël, soit un séjour de trois ou quatre semaines en décembre 1992;

2)              pour les funérailles de son père, soit un séjour de deux ou trois semaines en juin 1993;

3)              pour un cours de deux semaines en janvier 1994 dans le cadre de son travail pour l'ambassade canadienne.

De plus, l'appelant avait un foyer d'habitation permanent au Japon (à Tokyo) et ne disposait pas d'un foyer d'habitation permanent au Canada au sens de sa propre " définition d'un foyer d'habitation permanent ", car les deux maisons dont il était propriétaire au Canada, soit le 40, croissant Greenboro, et le 63, promenade Picasso, étaient louées à des tiers sans lien de dépendance, et il n'en disposait donc pas en permanence.

[57]          L'appelant a en outre souligné que ses liens économiques étaient avec le Japon, car c'était là :

-                où lui et sa conjointe étaient employés;

-                où il vivait;

-                où sa famille vivait;

-                où sa fille allait à l'école;

-                où il avait un compte bancaire dans lequel étaient directement déposés les revenus qu'il gagnait au Japon.

Il a également mentionné que ses activités sociales au cours de cette période étaient toutes exercées au Japon, le Canada étant situé à 3 000 milles de là.

[58]          Pendant que l'appelant était au Japon, certains de ses biens personnels étaient entreposés au Canada, notamment certains gros meubles et appareils ménagers, soit :

-                une grosse unité murale, faite en Allemagne, que l'appelant avait rapportée avec lui en revenant de ce pays;

-                une laveuse et une sécheuse de sa maison du 12, promenade Southport;

-                peut-être certains vêtements d'hiver.

Les frais d'entreposage de ces articles étaient payés par le gouvernement du Canada dans le cadre du système de rémunération de la conjointe de l'appelant.

[59]          Pendant qu'il était au Japon, l'appelant maintenait au Canada :

-                deux comptes bancaires conjoints, dont un pour les paiements relatifs à un prêt hypothécaire, et l'autre pour tout le reste, y compris les paiements relatifs à l'autre prêt hypothécaire;

-                un régime enregistré d'épargne-retraite;

-                une carte de crédit canadienne;

-                un coffre à une succursale de la Banque Toronto-Dominion;

-                un permis de conduire de l'Ontario à jour;

-                une carte de membre à jour de l'association appelée " Association of Professional Engineers of Ontario ", soit une carte pour laquelle il payait des cotisations.

[60]          Lorsque la conjointe de l'appelant est revenue au Canada, elle a repris son emploi à Revenu Canada.

[61]          En ce qui a trait au revenu gagné comme entrepreneur indépendant d'abord, puis comme membre du personnel de l'ambassade canadienne embauché à l'étranger, l'appelant n'avait pas été informé qu'il devait de l'impôt japonais sur ce revenu et il n'en avait pas payé. Pour ce qui est de certains travaux qu'il avait accomplis pour une petite société japonaise appelée Metephore, l'appelant estimait que les sommes reçues de cette société étaient des revenus provenant d'un travail indépendant, et aucun impôt n'avait été retenu à la source. L'appelant n'a pas payé d'impôt japonais sur les sommes reçues de cette société.

[62]          Pendant qu'il était à Tokyo, l'appelant vivait dans un appartement que sa conjointe louait du gouvernement canadien, soit un logement subventionné dans le cadre du système global de rémunération de la conjointe de l'appelant en tant qu'employée du Service extérieur. Comme elle louait l'appartement pour sa famille et non pour elle seule, la conjointe de l'appelant payait un loyer plus élevé au gouvernement du Canada. Ce loyer plus élevé était quand même bien inférieur aux taux du marché de Tokyo.

[63]          L'appelant avait un passeport canadien à couverture rouge tout au long de la période qu'il a passée au Japon et il a eu en outre au cours d'une partie de cette période un passeport canadien à couverture bleue, qu'il avait obtenu en 1994, avant de commencer à travailler à Schroder's. Le passeport à couverture rouge détenu par l'appelant n'a pas été annulé lorsque l'appelant a reçu le passeport à couverture bleue.

[64]          La " note verbale " émanant du ministère japonais des Affaires étrangères est adressée à l'ambassade du Canada. Une copie de ce document a été obtenue du fonctionnaire compétent de l'ambassade canadienne. La " note verbale " dit que, le 21 septembre 1994, l'appelant s'est vu délivrer un permis l'autorisant à s'engager dans une activité autre que l'activité permise par le statut de résidence. Cela signifie qu'il fallait que l'appelant se rende au ministère japonais des Affaires étrangères pour obtenir l'autorisation d'occuper un poste à Tokyo, ce que l'appelant a fait pour avoir son emploi à Schroder's. Avant que l'appelant quitte le Japon, le gouvernement japonais a " repris possession " du permis qui avait été délivré à l'appelant.

[65]          Comme l'indiquent des extraits de l'interrogatoire préalable de l'intimée qui ont été consignés en preuve à l'audition des appels, Revenu Canada a choisi de ne pas donner suite à la demande de l'appelant concernant les dispositions sur les autorités compétentes qui figurent dans la Convention Canada-Japon en matière d'impôts sur le revenu, car Revenu Canada ne considérait pas l'appelant comme étant résident du Japon aux fins de l'article 4 de la Convention. Cela est requis avant que les dispositions sur les autorités compétentes puissent être mises en oeuvre. Revenu Canada estimait que l'appelant n'était pas un résident du Japon aux fins de l'article 4 de la Convention parce que sa conjointe était un agent diplomatique du Canada et qu'il n'était donc pas assujetti à de l'impôt sur son revenu de toutes provenances au Japon.

[66]          Je passe maintenant au témoignage de Mme Karen Caspersen, conseillère spéciale de la division de la politique législative de Revenu Canada.

[67]          Dans le cadre de ses fonctions, Mme Caspersen participe à des négociations de conventions fiscales au nom du Canada. Elle travaillait dans le domaine des autorités compétentes selon les conventions fiscales conclues par le Canada. La division de la politique législative traite avec des administrations fiscales ou autorités compétentes étrangères pour déterminer des interprétations de conventions. D'une manière générale, cette division ne s'occupe pas de demandes de contribuables concernant les dispositions relatives aux autorités compétentes; elle s'occupe d'interprétation générale en vertu des conventions sur le plan des principes.

[68]          Une lettre en date du 1er mai 1996 de l'autorité compétente canadienne à l'autorité compétente japonaise a été consignée en preuve. Mme Caspersen avait rédigé cette lettre au nom du fonctionnaire représentant l'autorité compétente canadienne, qui était à cette époque Bob D'Aurelio, soit le directeur de la division de la politique législative de Revenu Canada. La lettre avait été écrite par suite d'une demande du responsable de la direction des décisions de Revenu Canada visant à obtenir une réponse de l'autorité compétente japonaise quant à savoir comment cette dernière considérerait certaines situations générales de fait.

[69]          L'avocat de l'intimée a consigné en preuve (pièce R-2) une lettre de l'autorité compétente japonaise en date du 4 octobre 1996 répondant à la lettre de Mme Caspersen. L'avocat de l'appelant contestait la recevabilité de la lettre au motif que l'avocat de l'intimée cherchait à obtenir une preuve sous forme d'opinion en déposant cette lettre, qui dit en partie ceci :

[TRADUCTION]

D'après l'article 9-11 de la directive de la loi de l'impôt sur le revenu du Japon, les conjoints de diplomates accrédités par le ministère des Affaires étrangères du Japon sont exonérés de l'impôt sur le revenu du Japon. Donc, le revenu gagné par le conjoint d'un diplomate n'est pas imposable au Japon.

[70]          De plus, l'appelant contestait la recevabilité de la lettre en invoquant les arrêts de la Cour suprême du Canada R. c. Khan, [1990] 2 R.C.S. 531, et R. c. Smith, [1992] 2 R.C.S. 915, qui établissent que les critères de nécessité et de fiabilité déterminent la recevabilité d'un élément de preuve. L'appelant faisait valoir, par l'entremise de son avocat, que la lettre peut être considérée comme nécessaire si l'on reconnaît qu'il est difficile d'obtenir des éléments de preuve d'un pays aussi lointain que le Japon et que, toutefois, elle n'est pas fiable parce qu'elle est contraire :

-                aux propres actes de procédure de l'intimée;

-                à la " note verbale " en date du 22 septembre 1994 du ministère des Affaires étrangères du Japon;

-                à la convention fiscale elle-même.

D'après l'avocat de l'appelant, les documents qui viennent d'être mentionnés indiquent que le revenu gagné par le conjoint d'un diplomate est imposable au Japon. L'avocat de l'intimée a répliqué que la lettre est déposée non pas comme une preuve d'une règle de droit étrangère, mais seulement comme une preuve que Revenu Canada s'est renseigné sérieusement et a reçu une réponse. L'avocat de l'intimée précisait qu'il ne se fondait pas sur le contenu de la lettre parce qu'il reconnaissait que le contenu de la lettre pouvait très bien représenter un énoncé inexact de la règle de droit. L'avocat de l'intimée a ajouté que, dans la mesure où l'appelant voulait " prouver quelque chose à partir de la façon dont Revenu Canada avait traité toute l'affaire ", les lettres sont " pertinentes pour montrer qu'ils ont cherché à obtenir des renseignements, qu'ils ont reçu une réponse et qu'ils ont agi en conséquence " (le pronom " ils " figurant dans cette citation désigne des fonctionnaires de Revenu Canada).

Thèse de l'appelant

[71]          La thèse de l'appelant est énoncée d'une manière approfondie dans les " observations écrites de l'appelant " qui ont été déposées auprès de la Cour à l'audition des appels. Trois propositions générales ont été soumises à la Cour.

[72]          Dans sa première proposition générale, l'appelant invoquait la Loi sur la Convention Canada-Japon en matière d'impôts sur le revenu, notamment les articles 9 et 10, et il faisait plus particulièrement référence aux articles 4, 14, 15 et 18 de la Convention Canada-Japon en matière d'impôts sur le revenu et à l'article 42 du protocole afférent à la Convention.

[73]          Invoquant les dispositions de la Loi sur la Convention Canada-Japon en matière d'impôts sur le revenu ainsi que la Convention elle-même, l'avocat de l'appelant a d'abord fait valoir à la Cour que, si l'appelant était un résident du Japon aux fins de la Convention, ni son revenu provenant de l'ambassade ni son revenu provenant de Schroder's n'étaient imposables par le Canada.

[74]          À l'appui de cette proposition, l'appelant soutenait que le revenu provenant de l'ambassade était assujetti à l'article 18 de la Convention Canada-Japon en matière d'impôts sur le revenu. " En vertu du sous-alinéa 1b)(ii), en admettant que l'appelant était un résident du Japon, il ne l'est pas devenu à seule fin de rendre les services qu'il a fournis à l'ambassade canadienne, et le revenu provenant de cette source n'est donc imposable qu'au Japon ". (Observations écrites de l'appelant, par. 47)

[75]          D'après l'appelant : " Le revenu que l'appelant a gagné à Schroder's est assujetti aux articles 14 ou 15 de la Convention. En admettant que ce revenu se rapportait à des services professionnels, il n'est imposable qu'au Japon si l'appelant était un résident du Japon, car l'appelant ne disposait pas de façon habituelle d'une base fixe au Canada pour exercer ses activités. En admettant que ce revenu était un traitement, un salaire ou autre rémunération au titre d'un emploi, il est assujetti à l'article 15 et n'est imposable qu'au Japon, car l'emploi n'était pas exercé au Canada ". (Idem, par. 48)

[76]          Il était également soutenu au nom de l'appelant que ce dernier était un résident du Japon aux fins de la Convention, et la décision rendue par la Cour suprême du Canada dans l'affaire Crown Forest Industries c. Canada, [1995] 2 R.C.S. 802, était invoquée. À cet égard, l'appelant a renvoyé au fait que l'intimée avait allégué que le gouvernement japonais avait fait valoir le droit d'imposer le revenu que l'appelant avait gagné à Schroder's.

[77]          L'appelant soutenait en outre ceci : " En supposant aux fins de l'argumentation que l'appelant était résident " de fait " du Canada ou était une personne " réputée résider " au Canada selon les dispositions de l'alinéa 250(1)e) de la Loi de l'impôt sur le revenu, il était " résident des deux États contractants " au sens du paragraphe 2 de l'article 4 de la Convention. " (Idem, par. 58)

[78]          À l'égard de cette supposition, l'appelant faisait valoir ceci : " La Convention indique que, dans ces circonstances, les " autorités compétentes " des États contractants déterminent d'un " commun accord " de quel État contractant cette personne est " considérée comme un résident " au sens de la Convention. " (Idem, par. 59) Il ajoutait que, conformément au Protocole, " la question est tranchée en appliquant les règles décisives ". (Idem, par. 60)

[79]          L'avocat de l'appelant a pris soin de faire remarquer ceci : " Il existe une jurisprudence contradictoire quant à savoir si la Cour canadienne de l'impôt peut appliquer les règles décisives ". (Idem, par. 64) Il poursuivait en disant : " La Cour canadienne de l'impôt a statué explicitement dans une cause et laissé entendre dans une autre qu'elle n'a pas le pouvoir de le faire ". (Idem, par. 64) " Dans trois autres causes, toutefois, elle a appliqué les règles décisives d'une convention fiscale pour déterminer si un contribuable était résident du Canada à l'époque pertinente ". (Idem, par. 65)

[80]          L'application des règles décisives, d'après l'avocat de l'appelant, amène clairement " à la détermination que l'appelant est, aux fins de la convention fiscale, un résident du Japon. L'appelant disposait d'un foyer d'habitation permanent au Japon; il ne disposait pas d'un foyer d'habitation permanent au Canada. À l'époque pertinente, c'était avec le Japon que ses liens personnels et économiques étaient les plus étroits. Il vivait au Japon. Sa famille vivait là. Il travaillait là. Il était payé là. Il déposait sa paye dans un compte bancaire au Japon. Sa fille fréquentait une garderie là-bas. Il n'avait guère de lien avec le Canada. Quoi qu'il en soit, il séjournait de façon habituelle au Japon ". (Idem, par. 68)

[81]          La deuxième proposition générale avancée par l'appelant est que l'alinéa 250(1)e) de la Loi est contraire aux dispositions du paragraphe 15(1) de la Charte canadienne des droits et libertés.

[82]          À l'appui de cette proposition, après avoir fait référence à de nombreux extraits du jugement rendu par le juge Iacobucci de la Cour suprême du Canada dans l'affaire Law c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1999] 1 R.C.S. 497, 170 D.L.R. (4th) 1, l'avocat de l'appelant a argué qu'il est clairement satisfait à la première étape dans l'analyse selon le paragraphe 15(1) de la Charte. D'après lui : " L'alinéa 250(1)e) de la Loi de l'impôt sur le revenu impose au plaignant un traitement différent de celui qui est accordé à des personnes non mariées et à des fonctionnaires affectés à l'étranger. Le plaignant est tenu de payer de l'impôt canadien sur le revenu gagné à l'étranger, qu'il soit ou non résident de fait du Canada, tandis que d'autres personnes vivant à l'étranger n'ont pas à le faire ". (Idem, par. 73) L'avocat de l'appelant faisait également remarquer : " Ce traitement différent est basé sur un motif analogue ". (Idem, par. 74) À cet égard, il concluait que ce " traitement différent est discriminatoire " (Idem, par. 74) et il disait notamment ceci :

[TRADUCTION]

77.            À cause de l'alinéa 250(1)e), l'appelant a été traité injustement, tout comme d'autres contribuables dans la même situation que la sienne. Il n'a pas été traité de la même manière qu'une personne non mariée à un fonctionnaire canadien, qui peut voyager et travailler à l'étranger et qui, n'étant plus résidente du Canada, n'a qu'à payer l'impôt perçu par le pays où elle réside et travaille. En assujettissant l'appelant à de l'impôt uniquement sur la base de la situation économique de son épouse, cet alinéa minimise la valeur propre de l'appelant. Il limite la capacité de l'appelant de prendre ses propres décisions quant à son avenir économique simplement en raison de l'état matrimonial de l'appelant, soit une " caractéristique ou circonstance personnelle " de l'appelant n'ayant pas de rapport avec ses " besoins, capacités ou mérites individuels ".

[...]

82.            Les lois établissant des distinctions sur la base de l'état matrimonial ne sont pas toutes contraires aux dispositions du paragraphe 15(1). Toutefois, la Loi de l'impôt sur le revenu, qui impose tout un régime fiscal à une personne selon l'emploi de son conjoint, traite cette personne comme n'étant que l'appendice économique de son conjoint. C'est la continuation du principe selon lequel des personnes mariées ont historiquement été traitées comme formant un bloc, soit un principe qui est encore en voie de réforme.

[...]

89.            Les conséquences de l'alinéa 250(1)e) pour l'appelant sont des conséquences graves et restrictives. Parce que l'on a assujetti l'appelant aux taux d'imposition élevés du Canada alors qu'il cherchait à vivre au Japon, pays où le coût de la vie est très élevé et où les taux d'imposition sont toutefois faibles, l'appelant n'a pu continuer à vivre là-bas. On l'a en fait empêché d'exercer ce qui devrait être une option économique fondamentale, soit le droit de déménager et de travailler dans le pays de son choix.

[83]          Au nom de l'appelant, il était en outre soutenu que cette disposition législative n'était pas " justifiée par l'article 1 de la Charte canadienne des droits et libertés ".

[84]          L'avocat de l'appelant a commenté l'objectif de l'alinéa 250(1)e) de la Loi en citant simplement la position formulée par l'intimée en réponse à des engagements donnés au cours de l'interrogatoire préalable de l'intimée :

[TRADUCTION]

92.            L'alinéa 139(3)d) avait été ajouté à la Loi de l'impôt sur le revenu par S.C. 1960-61, ch. 49, par. 38(4). La position de l'intimée est que l'objectif est de veiller à ce qu'une personne ayant résidé et été imposable au Canada au cours d'une année antérieure et pouvant toutefois être exonérée d'impôt à l'étranger en raison de sa relation avec un contribuable qui était imposable au Canada, reste imposable au Canada. À cette fin, une telle personne est réputée résidente du Canada.

[85]          En arrivant à cette conclusion, l'avocat de l'appelant disait notamment ceci dans ses observations écrites :

[TRADUCTION]

93.            La Cour suprême a statué que, en déterminant si l'objectif est " suffisamment important pour primer une liberté ou un droit garanti par la constitution " :

[TRADUCTION]

Il faut fixer une norme élevée pour veiller à ce que des objectifs banals ou contraires aux principes fondamentaux d'une société libre et démocratique ne soient pas protégés par l'article 1. Il faut au moins qu'un objectif réponde à des préoccupations pressantes et importantes dans une société libre et démocratique pour être considéré comme suffisamment important.

94.            L'objectif énoncé par l'intimée quant à la disposition législative que nous contestons est essentiellement de maximaliser les recettes de la Couronne. En soi, cela ne saurait être un objectif suffisamment important pour primer une liberté ou un droit protégé par la constitution.

95.            En outre, les mesures adoptées à l'alinéa 250(1)e) sont arbitraires et injustes. Il n'y a pas de lien rationnel entre l'objectif consistant à maximaliser les recettes fiscales et la méthode choisie, qui est d'exiger que des conjoints de contribuables canadiens paient de l'impôt au Canada.

96.            De plus, on ne peut dire que la disposition législative contestée porte atteinte " le moins possible " au droit de ne pas faire l'objet d'une discrimination fondée sur l'état matrimonial. D'ailleurs, le gouvernement fédéral a, dans l'avis de motion de voies et moyens du budget fédéral de 1998, proposé d'apporter à la Loi de l'impôt sur le revenu des modifications en vertu desquelles l'alinéa 250(1)e) serait abrogé et un alinéa 250(1)g) serait ajouté après l'alinéa f), soit :

g)             elle avait droit à un moment de l'année, aux termes d'un accord ou d'une convention conclu avec un ou plusieurs pays étrangers et ayant force de loi au Canada, à une exemption de l'impôt sur le revenu payable par ailleurs dans l'un de ces pays au titre du revenu provenant d'une source quelconque (sauf si la totalité ou la presque totalité de son revenu de toutes sources n'était pas ainsi exemptée), du fait qu'à ce moment elle était liée à un particulier (sauf une fiducie) résidant au Canada ou était membre de sa famille.

                                                                                                [Références omises.]

[86]          La troisième proposition générale avancée au nom de l'appelant est que ce dernier n'était pas " résident de fait " du Canada à l'époque en cause. L'appelant formulait la conclusion générale suivante : " L'application de ce principe a donné lieu à des décisions — de la Cour canadienne de l'impôt et d'autres tribunaux — selon lesquelles des particuliers qui avaient avec le Canada des liens plus importants que dans le cas de l'appelant n'étaient pas des résidents du Canada aux fins de la Loi de l'impôt sur le revenu ". À l'appui de cette proposition, l'appelant invoquait la jurisprudence, et notamment les jugements Beament v. M.N.R., 52 DTC 1183, Boston c. La Reine, C.C.I., no 96-1454(IT)G, 29 septembre 1997 (98 DTC 1124), et Endres c. La Reine, C.C.I., no 96-665(IT)G, 1er octobre 1997 (98 DTC 1101).

Thèse de l'intimée

[87]          La thèse de l'intimée est exposée dans un " énoncé des arguments de l'intimée " qui a été déposé auprès de la Cour à l'audition des appels.

[88]          D'après la thèse de l'intimée, " une fois évalués correctement les désirs et intentions de l'appelant, ce qu'il reste, c'est le cas d'un homme qui a accompagné son épouse dans une affectation temporaire à l'étranger, qui est revenu au Canada périodiquement au cours de l'affectation, puis en permanence dès que l'affectation a été terminée, et qui avait tout au long de cette période conservé des liens importants avec le Canada, soit des liens familiaux, ainsi qu'une maison, qu'il a ultérieurement occupée personnellement, et sa carte de membre d'une association professionnelle ". L'intimée ajoutait : " Le fait que l'appelant avait entreposé des vêtements, des meubles et des appareils ménagers et qu'il avait conservé un coffre bancaire, un REER, une carte de crédit et un permis de conduire de l'Ontario reflète le caractère transitoire de l'affectation à l'étranger ". (Ibid.) L'intimée soutenait que la résidence de l'appelant au Japon était " exceptionnelle " et " occasionnelle " et que l'appelant " demeurait un résident habituel du Canada ". (Ibid.) L'intimée invoquait les causes suivantes, dans lesquelles des particuliers se trouvant dans une situation semblable à celle de l'appelant ont été considérés comme des résidents habituels du Canada : Eastwood v. M.N.R., 75 DTC 126 (C.R.I.); Saunders v. M.N.R., 80 DTC 1392 (C.R.I.); Glow c. La Reine, C.F., 1re inst., no T-1567-84, 28 août 1992 (92 DTC 6467); Rajotte v. M.N.R., 79 DTC 436 (C.R.I.); Roy v. M.N.R., 83 DTC 576 (C.R.I.); Fisher c. La Reine, C.C.I., no 92-1160(IT)G, 29 septembre 1994 (95 DTC 840).

[89]          L'avocat de l'intimée a ensuite abordé la question de l'application de l'article 15 de la Charte canadienne des droits et libertés. Il a d'abord dit qu'en vertu de l'article 15 de la Charte, l'appelant a la charge de prouver que le texte de loi contesté est discriminatoire, tandis que, en vertu de l'article 1 de la Charte, c'est la Couronne qui a le fardeau de justifier la discrimination alléguée.

[90]          L'intimée soutenait d'une manière générale " que l'appelant ne devrait pas avoir gain de cause sur le fond de sa contestation, même si la Cour devait admettre d'office des circonstances dont l'appelant paraît présumer qu'elles établissent qu'il fait partie d'une minorité discrète et isolée — définie par une caractéristique personnelle — qui a été victime de stéréotypes, de désavantages historiques ou de préjugés politiques et sociaux et qui a également été victime de discrimination à cause de l'application de l'alinéa 250(1)e) de la Loi ".

[91]          Concernant la distinction fondée sur une caractéristique personnelle, les propositions suivantes ont été avancées :

[TRADUCTION]

22. La disposition législative contestée établit une distinction, fondée sur un certain nombre de critères, entre les conjoints qui sont réputés résidents du Canada aux fins de l'impôt sur le revenu et ceux qui ne le sont pas. Il s'agit d'une distinction non pas entre des conjoints et des non-conjoints, mais plutôt entre certains conjoints (au sens élargi de la Loi) et tous les autres. " Un élément intrinsèque de la politique fiscale tient à la création de distinctions qui permettent [...] de générer des recettes fiscales tout en conciliant d'une manière équitable des intérêts souvent divergents, sinon opposés ".

23. Le fait que l'appelant était durant les années en cause le " conjoint d'un fonctionnaire affecté à l'étranger " (le conjoint d'un diplomate) représente-t-il une " caractéristique personnelle " de l'appelant? Nous soutenons qu'une " caractéristique personnelle " au sens pertinent par rapport au paragraphe 15(1) de la Charte est une caractéristique qui est " immuable ou qui ne saurait être modifiée sans que cela porte atteinte à l'identité personnelle ".

24. Il est à noter que les termes " conjoint d'un fonctionnaire affecté à l'étranger " ne s'appliquent pas à l'appelant aujourd'hui et ne s'appliquaient pas à lui avant 1992 non plus.

25. Nous soutenons que le statut de " fonctionnaire affecté à l'étranger " n'était pas, même durant les années en cause, une caractéristique personnelle de la conjointe de l'appelant, car il a été statué que le statut professionnel n'était pas assimilable à une caractéristique personnelle ou à un motif analogue aux fins du par. 15(1).

26. En conséquence, nous soutenons que, si le statut professionnel de la conjointe de l'appelant n'est pas une des caractéristiques personnelles de la conjointe de l'appelant, il ne doit pas non plus être considéré comme une caractéristique personnelle de l'appelant. Bien que le statut de " conjoint " soit une caractéristique personnelle, il n'est pas à lui seul suffisant pour faire obstacle à l'alinéa 250(1)e).

                                                                                                [Références omises.]

[92]          Après avoir cité l'arrêt Corbière c. Canada, [1999] 2 R.C.S. 203, l'intimée a fait valoir que " le fait d'être le " conjoint d'un fonctionnaire affecté à l'étranger " ne représente pas un motif analogue relativement à l'alinéa 250(1)e) de la Loi, car la politique sous-jacente à cet alinéa se fonde sur des " qualités " et non des " stéréotypes " ". (Idem, par. 28) L'avocat de l'intimée a ajouté : " En général, le " conjoint d'un fonctionnaire affecté à l'étranger " est exonéré d'impôt sur la plupart des revenus de toutes provenances dans le pays hôte, comme cela a été le cas sur la foi de la preuve en l'espèce. La Loi prévoit un crédit pour impôt étranger pour les cas où, comme en l'espèce, certains revenus dont la source est située dans le pays hôte sont imposés par ce pays. Il y a un lien net avec le Canada et, vu l'immunité fiscale dans le pays hôte, il y a une capacité de payer. La politique sous-jacente à l'alinéa 250(1)e) de la Loi se fonde non pas sur un point de vue stéréotypé sur les conjoints en général, mais sur les circonstances effectives des personnes à qui elle s'applique ".

[93]          Au sujet de la question de la discrimination, l'intimée a d'abord dit : " Les distinctions prohibées se limitent aux distinctions comportant un préjudice ou un désavantage ". (Références omises) (Idem, par. 30)

[94]          À cet égard, les observations suivantes ont été présentées :

[TRADUCTION]

31. Le par. 15(1) de la Charte a pour objet d'" empêcher la violation de la dignité et de la liberté fondamentales de la personne [...] ". Une mesure législative est contraire à cet objet si elle " a pour effet de perpétuer ou de promouvoir l'opinion selon laquelle la personne est moins capable ou moins digne de reconnaissance ou de valeur comme être humain ".

32. Il faut prendre en considération l'ensemble " des caractéristiques, de l'histoire et des circonstances " du groupe en déterminant si la mesure législative qui impose un traitement différent à l'appelant a pour effet de porter atteinte à la dignité de l'appelant.

33. Parmi les facteurs contextuels devant être pris en compte, mentionnons le " désavantage préexistant ". Bien que n'étant pas essentiel à une demande selon le paragraphe 15(1), c'est un " facteur convaincant ". En l'espèce, rien ne prouve que des diplomates ou des conjoints de diplomates font les frais d'un désavantage préexistant, d'une vulnérabilité ou d'un préjugé.

34. Un autre facteur contextuel tient à la nature de l'intérêt touché. L'appelant doit invoquer des facteurs pouvant étayer une conclusion selon laquelle l'imposition d'un traitement différent a pour effet de porter atteinte à sa dignité.

[95]          Au sujet de cet aspect de la cause concernant la discrimination, l'intimée a conclu que " l'appelant n'a pas établi l'existence d'une discrimination au sens requis aux fins de l'application du paragraphe 15(1) de la Charte ". (Idem, par. 35)

[96]          Dans son " énoncé des arguments de l'intimée ", l'avocat traitait ensuite de l'application de la Convention Canada-Japon en matière d'impôts sur le revenu et avançait un certain nombre de propositions :

[TRADUCTION]

38. Si l'appelant n'est pas résident du Canada aux fins de la Loi, il n'est imposable au Canada que sur son revenu de source canadienne, et il n'est pas nécessaire de consulter la Convention pour déterminer si le Canada peut l'imposer sur son revenu de source japonaise.

39. Si l'appelant est résident du Canada aux fins de la Loi, il est nécessaire de déterminer s'il est également résident du Japon aux fins de la Convention. Le critère applicable dans ce cas-ci n'est pas la " résidence " au sens de la common law canadienne; il tient plutôt à un seul et unique facteur, soit la question de savoir si l'appelant est imposable au Japon en vertu de la législation japonaise en raison " de son domicile, de sa résidence [...] ou de tout autre critère de nature analogue ".

40. La Cour suprême du Canada a statué que, en ce sens, l'assujettissement à l'impôt porte sur le revenu de toutes provenances, où qu'en soit située la source. Nous soutenons que telle est la juste interprétation de la Convention, indépendamment du fait que l'omission d'une phrase de la convention type de l'OCDE puisse inciter à conclure que l'" imposition " prévue dans la Convention pourrait englober l'imposition d'une source unique de revenu.

41. Aucune preuve n'a été présentée à la Cour quant au droit japonais. On doit donc présumer qu'il correspond au droit canadien. Cette présomption est conforme aux conclusions pouvant être tirées du peu d'information dont la Cour a été saisie, et notamment du fait que l'appelant n'a pas payé d'impôt au Japon sur son revenu provenant de l'ambassade et qu'il dit en avoir payé sous la forme de retenues d'impôt sur son revenu d'emploi de source japonaise. Le texte de la " note verbale " tend aussi à étayer la présomption légale dans ce cas-ci. Le traitement apparemment accordé à l'appelant à Tokyo est le même qui serait accordé au conjoint d'un diplomate japonais au Canada en raison de l'application de l'alinéa 149(1)b) de la Loi.

[...]

43. Si l'appelant est résident du Japon au sens de l'article IV de la Convention, son seul recours est la procédure relative aux autorités compétentes. Contrairement à la plupart des autres conventions fiscales, la Convention stipule, dans le protocole y afférent, que les règles décisives doivent être appliquées dans le cadre d'une détermination de la question " d'un commun accord ". Cela ne peut que désigner le processus relatif aux autorités compétentes.

Analyse

[97]          J'estime qu'il convient de déterminer d'abord si l'appelant était résident de fait ou réputé résident du Canada.

L'appelant était résident de fait

[98]          Tout d'abord, je traiterai de la question de savoir si l'appelant était résident de fait du Canada.

[99]          L'arrêt-clé sur la question de la résidence d'un particulier aux fins de l'impôt sur le revenu est l'arrêt de la Cour suprême du Canada Thomson v. Minister of National Revenue, 2 DTC 812. Dans cette affaire, le contribuable soutenait qu'il ne résidait pas habituellement au Canada et qu'il ne faisait qu'y séjourner moins de 183 jours par année. Les observations formulées par le juge Rand aux pages 815 et 816 sont particulièrement intéressantes :

[TRADUCTION]

L'établissement de degrés concernant le temps, l'objet, l'intention, la continuité et d'autres circonstances pertinentes montre, je pense, qu'en langage ordinaire le mot " résider " ne correspond pas à des éléments invariables devant tous être présents dans chaque cas. Il est tout à fait impossible d'en donner une définition précise et exhaustive. C'est un mot très souple dont les nombreuses nuances de sens varient non seulement selon le contexte de diverses causes, mais aussi selon différents aspects de la même cause. Dans un cas, certains éléments seront suffisants et, dans un autre cas, des éléments supplémentaires devront être présents.

L'expression " résident habituel " véhicule un sens restreint et, bien que la première impression soit que le facteur temps est prépondérant, les décisions portant sur la loi anglaise rejettent ce point de vue. Il a été statué que le fait d'être " résident habituel " d'un lieu s'inscrit dans le mode de vie habituel de la personne concernée et est différent du fait de résider exceptionnellement ou occasionnellement à un endroit. Le mode de vie général est donc pertinent quant à l'application de cette expression.

Aux fins des lois en matière d'impôt sur le revenu, il faut présumer que toute personne a une résidence en tout temps. Il n'est pas nécessaire que ce soit une maison, un lieu d'habitation particulier ou même un abri. Une personne peut coucher en plein air. Il importe seulement de déterminer les limites spatiales dans lesquelles une personne passe sa vie ou auxquelles est lié le mode de vie coutumier d'une personne. La meilleure façon de déterminer la résidence habituelle est de la comparer avec une résidence occasionnelle ou fortuite. Dans ce dernier cas, il semble nettement s'agir d'une résidence temporaire et exceptionnelle, ayant également une connotation transitoire avant le retour.

Toutefois, dans les diverses situations où il est question de résidence " permanente ", " temporaire ", " habituelle ", " principale ", etc., les adjectifs utilisés ne changent rien au fait qu'il s'agit dans tous les cas d'une résidence; cette qualité tient principalement au degré auquel une personne s'installe mentalement et en fait à un endroit ou y maintient ou y centralise son mode de vie habituel, y compris les relations sociales, les intérêts et les commodités. Une résidence peut être limitée dans le temps dès le départ ou peut être indéfinie ou considérée comme illimitée. Secondairement, les diverses sortes de résidences doivent être distinguées des lieux de " séjour " ou de " visite ", tout comme c'est le cas à mon avis dans le langage ordinaire.

[100]        La décision que la Cour suprême du Canada a rendue dans l'affaire Beament v. M.N.R., 52 DTC 1183, est également instructive.

[101]        Dans l'affaire Beament, l'appelant était allé outre-mer en août 1940 comme engagé volontaire de l'armée canadienne. Avant de partir, il était un associé dans un cabinet d'avocats d'Ottawa. Pendant qu'il était à l'étranger, il a, en 1941, épousé une Britannique, avec qui il a eu trois enfants et avec qui il s'est installé en Angleterre. Il est resté en Angleterre jusqu'en 1946, sauf qu'il était revenu passer quelques semaines au Canada en 1941 relativement à ses fonctions militaires. En mai 1946, l'appelant, son épouse et leurs trois enfants se sont installés à Ottawa, où l'appelant a repris l'exercice du droit. Au cours de la période pendant laquelle il était outre-mer, l'appelant était un associé non actif dans le cabinet d'avocats d'Ottawa. Durant son absence avaient été déposées en son nom des déclarations d'impôt sur le revenu du Canada à l'égard du revenu provenant de la société de personnes dont il faisait partie et qui était exploitée par des salariés de cette société. L'appelant avait maintenu un compte bancaire ainsi qu'un compartiment de coffre-fort à Ottawa, et ses vêtements de civil avaient été remisés chez ses parents, à Ottawa. Dans cette affaire, on a conclu que l'appelant n'était pas résident du Canada parce que, tout au long de la période en question, il habitait soit dans des baraquements de l'armée soit au domicile conjugal, qui n'étaient pas situés au Canada.

[102]        À la lumière de la jurisprudence, je dois donc déterminer si l'appelant était résident du Canada durant les années d'imposition 1993, 1994 et 1995.

[103]        J'ai conclu que les liens de l'appelant avec le Canada durant la période de trois ans étaient importants.

[104]        De la manière dont je vois la preuve, l'appelant peut être considéré comme ayant accompagné sa conjointe dans une affectation temporaire à l'étranger. Il est revenu au Canada à trois occasions durant l'affectation de sa conjointe au Japon. Il avait maintenu avec sa conjointe deux comptes bancaires en commun au Canada, dont un était utilisé pour les paiements hypothécaires relatifs à un de leurs immeubles, tandis que l'autre était utilisé pour tout le reste, y compris pour les paiements hypothécaires relatifs à un autre immeuble. L'appelant était propriétaire de deux maisons au Canada et, à son retour au Canada, a occupé une de ces deux maisons comme résidence, après avoir donné aux locataires un avis de deux mois. Durant les années en cause, il avait maintenu à ses propres frais son affiliation professionnelle à l'association appelée " Association of Professional Engineers of Ontario ". Les faits suivants reflètent le caractère transitoire de l'affectation au Japon : l'appelant avait remisé au Canada de gros meubles et des appareils ménagers, avait gardé un coffre bancaire et avait maintenu un régime enregistré d'épargne-retraite, ainsi qu'une carte de crédit et un permis de conduire à jour de l'Ontario. Ces liens étaient surtout économiques, mais également personnels en partie.

[105]        La preuve étaye l'allégation selon laquelle l'appelant avait quitté le Canada pour le Japon avec l'intention de ne pas revenir, et j'accepte le témoignage de l'appelant voulant qu'il ait fait des efforts importants pour ne pas revenir. Toutefois, l'appelant avait maintenu les liens avec le Canada au cas où il reviendrait. Il est en fait revenu et a repris ses liens avec le Canada.

[106]        À mon avis, les liens de l'appelant avec le Canada étaient dans une certaine mesure plus étroits que ceux du contribuable dans l'affaire Beament. Entre autres facteurs, le fait que l'appelant est resté trois ans au Japon doit être comparé avec le fait que, dans l'affaire Beament, le contribuable a vécu à l'étranger pendant presque six ans. En outre, les liens économiques de l'appelant avec le Canada étaient dans l'ensemble plus importants que ceux de M. Beament. Le fait que l'appelant était propriétaire de deux maisons et qu'il pouvait à son retour emménager dans l'une moyennant un préavis de deux mois est un facteur important. Je ne néglige pas à ce stade le fait que M. Beament était tout au long de la période où il a vécu en Angleterre un associé non actif dans un cabinet d'avocats situé au Canada.

[107]        Je comparerai maintenant la situation de l'appelant avec la situation examinée dans l'affaire Boston, sur laquelle insistait beaucoup l'appelant. Dans cette cause-là, le contribuable était allé s'installer en Malaisie en 1988, y avait vécu plus de six ans et, au cours de deux des six années, n'était nullement revenu au Canada. On a conclu que le contribuable n'était pas résident du Canada tout au long des quatre années en cause dans l'appel, soit les années 1989 à 1992. Je considère comme important le fait que, dans cette affaire-là, le contribuable est resté à l'étranger plus de six ans, alors qu'en l'espèce l'appelant a vécu au Japon seulement trois ans à peu près.

[108]        J'ai comparé les faits de la présente espèce avec ceux de l'affaire Endres, qui concernait deux contribuables qui étaient mari et femme. Le mari était allé en Caroline du Nord en 1985 pour relancer certaines sociétés et, en 1986, toute la famille, qui habitait en Nouvelle-Écosse, était allée s'installer en Caroline du Nord. Les deux contribuables avaient gardé leur maison de la Nouvelle-Écosse, où ils passaient un certain temps durant l'été, et avaient maintenu certains autres liens avec le Canada. Notre cour a statué qu'ils étaient des résidents des États-Unis d'Amérique en 1988 et en 1989 et non des résidents du Canada. Il est à noter que leurs appels avaient été interjetés par suite du fait qu'ils n'avaient pas obtenu un règlement satisfaisant à l'égard de la demande qu'ils avaient présentée aux autorités compétentes en vertu de la Convention fiscale de 1980 entre le Canada et les États-Unis d'Amérique. Dans cette affaire-là, les contribuables ne sont pas revenus vivre au Canada les années suivantes, ce que je considère comme important. La décision qui a été rendue semble centrée sur le fait que les liens avec les États-Unis semblaient plus importants que les liens avec le Canada. Il est bien reconnu par la jurisprudence qu'une personne peut être résidente de plus d'un pays dans une année donnée.

[109]        Je conclus donc que l'appelant était un résident habituel du Canada durant la période pertinente en vertu du paragraphe 250(3) de la Loi de l'impôt sur le revenu.

L'alinéa 250(1)e) de la Loi de l'impôt sur le revenu n'est pas contraire au paragraphe 15(1) de la Charte

[110]        Si j'avais tort dans ma conclusion selon laquelle l'appelant était résident de fait du Canada durant les années en cause, il faudrait déterminer si l'alinéa 250(1)e) de la Loi, en vertu duquel des conjoints de diplomates ou d'autres fonctionnaires du Canada sont réputés résidents du Canada tout au long d'une année d'imposition, est contraire au paragraphe 15(1) de la Charte, comme le soutenait l'appelant. Il est en fait incontestable en l'espèce que, si l'alinéa 250(1)e) de la Loi s'applique à l'appelant, ce dernier est réputé résident du Canada.

[111]        Le paragraphe 250(1) de la Loi se lisait en partie comme suit dans les années en cause :

Pour l'application de la présente loi, une personne est réputée, sous réserve du paragraphe (2), avoir résidé au Canada tout au long d'une année d'imposition si :

[...]

c) elle était, à un moment donné au cours de l'année :

(i) un ambassadeur, un ministre, un haut-commissaire, un fonctionnaire ou un représentant du Canada,

(ii) un agent général, un fonctionnaire ou un représentant d'une province,

et résidait au Canada immédiatement avant sa nomination ou son emploi par le Canada ou la province ou recevait des frais de représentation pour cette année;

[...]

e) elle a résidé au Canada au cours d'une année antérieure et a été, à un moment donné au cours de l'année, le conjoint d'une personne visée à l'alinéa b), c), d) ou d.1) vivant avec cette personne;

f) elle était, à un moment donné au cours de l'année, l'enfant d'un particulier auquel s'appliquent les alinéas b), c), d) ou d.1), et financièrement à la charge de celui-ci, et son revenu pour l'année n'a pas dépassé le montant applicable pour l'année selon l'alinéa 118(1)c).

[112]        L'alinéa 250(1)g), applicable après le 23 février 1998, se lit comme suit :

g) elle avait droit à un moment de l'année, aux termes d'un accord ou d'une convention conclu avec un ou plusieurs pays étrangers et ayant force de loi au Canada, à une exemption de l'impôt sur le revenu payable par ailleurs dans l'un de ces pays au titre du revenu provenant d'une source quelconque (sauf si la totalité ou la presque totalité de son revenu de toutes sources n'était pas ainsi exemptée), du fait qu'à ce moment elle était liée à un particulier (sauf une fiducie) résidant au Canada ou était membre de sa famille.

[113]        Il est à noter que l'alinéa 250(1)e), qui avait été édicté en 1961[1], a été abrogé au 23 février 1998. Cette disposition a été remplacée par l'alinéa 250(1)g). La nouvelle disposition a changé le critère d'ordre relationnel, c'est-à-dire qu'il doit maintenant s'agir d'une personne qui était liée à un particulier résidant au Canada ou qui était membre de sa famille. Il faut aussi, en vertu de la nouvelle disposition, que la totalité ou presque du revenu de la personne provenant de toutes sources soit exonérée de l'impôt sur le revenu payable par ailleurs dans l'autre pays en raison de la relation de la personne avec le résident canadien.

[114]        Le cadre général d'analyse d'une question selon le paragraphe 15(1) de la Charte est exposé par la Cour suprême du Canada dans l'arrêt Law c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), précité. Dans cet arrêt, le juge Iacobucci, parlant pour un tribunal unanime, a résumé comme suit les éléments fondamentaux, aux pages 548 et 549 (D.L.R. : à la page 38) :

(A)           La loi contestée: a) établit-elle une distinction formelle entre le demandeur et d'autres personnes en raison d'une ou de plusieurs caractéristiques personnelles, ou b) omet-elle de tenir compte de la situation défavorisée dans laquelle le demandeur se trouve déjà dans la société canadienne, créant ainsi une différence de traitement réelle entre celui-ci et d'autres personnes en raison d'une ou de plusieurs caractéristiques personnelles?

(B)            Le demandeur fait-il l'objet d'une différence de traitement fondée sur un ou plusieurs des motifs énumérés ou des motifs analogues?

et

(C)            La différence de traitement est-elle discriminatoire en ce qu'elle impose un fardeau au demandeur ou le prive d'un avantage d'une manière qui dénote une application stéréotypée de présumées caractéristiques personnelles ou de groupe ou qui a par ailleurs pour effet de perpétuer ou de promouvoir l'opinion que l'individu touché est moins capable ou est moins digne d'être reconnu ou valorisé en tant qu'être humain ou que membre de la société canadienne, qui mérite le même intérêt, le même respect et la même considération?

[115]        Comme l'indique cet extrait de l'arrêt précité, la première exigence a trait à l'existence d'un traitement différent aux fins du paragraphe 15(1) de la Charte.

[116]        L'alinéa 250(1)e) de la Loi de l'impôt sur le revenu s'applique au conjoint d'un fonctionnaire affecté à l'étranger. Le mot " conjoint " vise également la personne qui vit avec le contribuable en union conjugale au sens de la définition figurant au paragraphe 252(4), laquelle définition s'applique après 1992. L'alinéa 250(1)e) établit clairement une distinction entre le conjoint d'un fonctionnaire affecté à l'étranger et une personne qui va s'installer à l'étranger et qui n'est pas le conjoint d'un fonctionnaire. En d'autres termes, il s'agit d'une distinction non pas entre des conjoints et des non-conjoints, mais plutôt entre certains conjoints, au sens élargi de la Loi, et tous les autres. Le conjoint d'un fonctionnaire est réputé résident du Canada, quel que puisse être par ailleurs son statut résidentiel selon les critères habituels.

[117]        Dans le cadre de la première exigence, il faut déterminer si le traitement différent est basé sur une caractéristique personnelle de l'appelant.

[118]        L'alinéa 250(1)e) de la Loi s'applique à l'appelant parce que ce dernier est le conjoint d'un fonctionnaire affecté à l'étranger.

[119]        Est-ce là une caractéristique personnelle de l'appelant?

[120]        La partie du statut de l'appelant ayant trait à la profession de la conjointe de l'appelant est évidemment une caractéristique personnelle de la conjointe de l'appelant. D'autre part, la partie du statut de l'appelant ayant trait à l'état matrimonial de l'appelant est une caractéristique personnelle de l'appelant.

[121]        Pour ce qui est de la première étape de l'examen selon le paragraphe 15(1) de la Charte, je conclus que les conjoints — par mariage ou de fait — de fonctionnaires sont traités très différemment de tous les autres particuliers en vertu de l'alinéa 250(1)e) de la Loi.

[122]        La deuxième exigence tient à la question de savoir si l'appelant fait l'objet d'un traitement différent en vertu d'un ou plusieurs des motifs énumérés ou des motifs analogues.

[123]        Le statut de l'appelant selon l'alinéa 250(1)e) de la Loi se rapporte en partie à l'état matrimonial de l'appelant. Dans l'arrêt Miron c. Trudel, [1995] 2 R.C.S. 418, la Cour suprême du Canada a reconnu que l'état matrimonial représente un motif analogue couvert par le paragraphe 15(1) de la Charte. Il s'ensuit qu'il est satisfait à la deuxième exigence.

[124]        En ce qui concerne la troisième exigence aux fins de l'application du paragraphe 15(1) de la Charte, il s'agit de déterminer si la différence de traitement est fondamentalement discriminatoire.

[125]        L'application de cette troisième exigence concernant des époux a été analysée par la Cour d'appel fédérale dans l'affaire Schachtschneider c. Canada, [1994] 1 C.F. 40 (93 DTC 5298). Dans ses motifs concordants, le juge Linden s'exprimait comme suit, aux pages 73 et 74 (DTC : aux pages 5310 et 5311) :

Comme je l'ai indiqué, il ne faudrait pas confondre le motif de discrimination—l'état matrimonial—et le groupe qui soutient être victime de discrimination—les personnes mariées. C'est donc dire que si l'état matrimonial peut être reconnu comme un motif analogue, pour déterminer s'il y a eu discrimination fondée sur ce motif il faut examiner les circonstances particulières du groupe auquel appartient le plaignant. Dans la présente affaire, la requérante dit être victime de discrimination parce qu'elle est mariée; cependant, on ne peut dire que les personnes mariées ont été défavorisées au Canada d'un point de vue social, politique ou historique (R. c. Swain, arrêt précité, à la page 992). Au contraire, il est fort possible que les membres de notre société qui sont mariés jouissent de certains privilèges et avantages du fait de leur état. Les personnes mariées ne constituent pas une minorité discrète et isolée, pas plus qu'il ne s'agit d'un groupe indépendamment défavorisé.

L'avocat de la requérante a fait valoir que les dispositions de la Loi de l'impôt sur le revenu défavorisent habituellement les personnes mariées. [...] Cependant, à ce stade-ci de l'analyse, la question qui se pose n'est pas celle de savoir si le texte de loi contesté défavorise l'individu ou le groupe en question, mais plutôt si l'individu ou le groupe est indépendamment défavorisé, de manière à ce qu'il corresponde à l'objet premier de l'article 15, qui est de mettre fin ou faire obstacle à la discrimination exercée contre les groupes victimes de stéréotypes, de désavantages historiques et de préjugés politiques et sociaux au sein de la société canadienne. Les personnes mariées ne correspondent pas à cette description et, de ce fait, ne peuvent être considérées comme victimes de discrimination du simple fait que l'alinéa 118(1)b) les traite d'une manière différente.

[126]        Le juge Linden poursuivait en disant qu'un groupe favorisé doit prouver que la distinction contestée non seulement joue en sa défaveur, mais " montre directement et clairement l'existence d'un préjugé injuste à son endroit ". " On ne peut supposer qu'un groupe favorisé est victime de préjugés ou de stéréotypes ".

[127]        À mon avis, l'appelant n'a pas établi que le conjoint d'une personne affectée à l'étranger est victime de discrimination du fait de l'application de l'alinéa 250(1)e) de la Loi. Il n'y a aucune preuve en l'espèce que des conjoints de diplomates ou d'autres fonctionnaires affectés à l'étranger sont victimes de préjugés, de stéréotypes et de désavantages historiques ou font les frais d'une vulnérabilité, d'un préjugé ou d'un désavantage préexistant. J'estime en outre que l'appelant a été incapable d'avancer des facteurs pouvant étayer une conclusion selon laquelle l'imposition d'un traitement différent a pour effet de porter atteinte à sa dignité, comme disait le juge Iacobucci dans l'affaire Law, précitée.

[128]        L'affirmation de l'appelant selon laquelle il a été victime de préjugés est basée sur le fait que, en déménageant dans un autre pays comme conjoint d'un fonctionnaire affecté à l'étranger, il n'a pas eu les mêmes possibilités financières qu'une personne n'étant pas le conjoint d'un fonctionnaire affecté à l'étranger.

[129]        En l'espèce, on n'a présenté aucune preuve quant au montant de l'impôt sur le revenu que l'appelant aurait été tenu de payer pour chacune des années en cause s'il avait été résident du Japon durant la période pertinente. Des renseignements précis auraient dû être consignés en preuve quant à savoir quelle serait l'obligation fiscale de l'appelant au Canada et au Japon selon deux scénarios, c'est-à-dire en supposant dans un cas que l'appelant était résident du Canada et, dans l'autre cas, qu'il était résident du Japon. Le fardeau financier que l'appelant prétend avoir supporté au cours des années en question aurait été établi. De même, l'importance d'un tel fardeau aurait pu être pleinement évaluée.

[130]        La seule preuve dont la Cour soit saisie montre que l'appelant n'a pas payé d'impôt au Japon à l'égard du travail qu'il a accompli à l'ambassade canadienne, soit comme travailleur indépendant, soit comme membre du personnel embauché à l'étranger. L'appelant n'a pas payé d'impôt sur le revenu au gouvernement du Japon à l'égard du travail qu'il a accompli au Japon pour une entreprise du nom de Metephore. Pour ce qui est du travail qu'il a accompli pour Schroder's, de l'impôt sur le revenu a été retenu à la source. Le fait que de l'impôt soit retenu ne détermine évidemment pas l'obligation fiscale du contribuable. En l'espèce, l'obligation fiscale de l'appelant au Japon à l'égard du travail de l'appelant pour Schroder's n'a pas été clairement établie.

[131]        En ce qui a trait aux conséquences financières de l'alinéa 250(1)e) de la Loi, on n'a pas démontré qu'en général, dans un nombre important de pays, le fait qu'un contribuable soit réputé résident du Canada cause un préjudice financier au contribuable. Cette disposition déterminative ne peut être invalidée au simple motif que, dans certaines situations, le contribuable peut être financièrement désavantagé parce qu'il se trouve être à un moment donné dans un pays où le taux d'imposition est peu élevé ou parce que, à un moment donné, le dollar canadien est particulièrement faible, tandis que la monnaie du pays hôte est spécialement forte.

[132]        Je conclus donc que l'appelant n'a pas établi l'existence d'une discrimination au sens requis aux fins de l'application du paragraphe 15(1) de la Charte.

[133]        Comme j'estime qu'aucune discrimination n'a été établie selon le paragraphe 15(1) de la Charte, je ne traiterai pas de la question relative à l'application de l'article 1 de la Charte.

L'appelant n'était pas résident du Japon aux fins de la Convention Canada-Japon en matière d'impôts sur le revenu

[134]        La question suivante est de savoir si l'appelant était résident du Japon dans les circonstances de l'espèce en vertu de l'article 4 de la Loi de 1986 sur la Convention Canada-Japon en matière d'impôts sur le revenu, L.C. 1986, ch. 48, partie II, annexe III, qui dit :

1.             Au sens de la présente Convention, l'expression "résident d'un État contractant" désigne toute personne qui, en vertu de la législation de cet État contractant, est assujettie à l'impôt dans cet État contractant, en raison de son domicile, de sa résidence, de son siège social ou de son siège du principal établissement, de son siège de direction ou de tout autre critère de nature analogue.

[135]        Concernant l'interprétation d'un traité, la Cour suprême du Canada a énoncé des principes généraux dans l'affaire Crown Forest, précitée, en examinant le paragraphe 1 de l'article IV de la Convention fiscale de 1980 entre le Canada et les États-Unis d'Amérique. La dernière partie de l'article IV de cette convention est identique au paragraphe 1 de l'article 4 de la Convention Canada-Japon en matière d'impôts sur le revenu. Au nom de la Cour suprême du Canada, le juge Iacobucci a formulé les observations suivantes aux paragraphes 22 et 40 :

22. L'interprétation d'un traité vise d'abord et avant tout à trouver le sens des termes en question. Il convient donc de considérer le langage utilisé ainsi que l'intention des parties.

[...]

40. [...] les critères applicables pour déterminer le lieu de résidence à l'article IV, paragraphe 1 impliquent plus que le simple fait d'être redevable d'un impôt à l'égard d'une part de revenu (assujettissement fondé sur la source), ils comportent l'assujettissement fiscal le plus complet qu'un État puisse imposer. Aux États-Unis et au Canada, cette imposition complète vise les revenus mondiaux.

                                                [Les caractères gras sont de moi.]

[136]        Les faits de l'affaire Crown Forest ne sont pas semblables à ceux de la présente espèce. Qu'il suffise de dire que, dans l'affaire Crown Forest, la Cour traitait du paragraphe 1 de l'article IV de la Convention fiscale de 1980 entre le Canada et les États-Unis d'Amérique, et ce, dans le contexte du statut résidentiel d'une tierce partie — une société des Bahamas — dont le Canada et, comme intervenant, le gouvernement des États-Unis d'Amérique ont fait valoir avec succès qu'elle n'était pas résidente des États-Unis parce qu'elle ne faisait pas l'objet d'un assujettissement fiscal complet aux États-Unis.

[137]        Il ressort donc de l'arrêt de la Cour suprême du Canada dans l'affaire Crown Forest que le critère aux fins de la Convention Canada-Japon en matière d'impôts sur le revenu n'est pas la résidence au sens de la common law canadienne, mais plutôt, conformément au paragraphe 1 de l'article 4 de ladite convention, la question de savoir si l'appelant est imposable au Japon en vertu de la législation interne du Japon " en raison de son domicile, de sa résidence [...] ou de tout autre critère de nature analogue ". (Dans la partie de l'article 4 que je viens de citer, j'ai omis les termes applicables à une personne morale ou autre entité). Si l'appelant est assujetti à l'impôt en vertu de l'article 4 de la Convention Canada-Japon en matière d'impôts sur le revenu, il est résident du Japon.

[138]        Sur la foi de l'interprétation donnée par la Cour suprême du Canada dans l'affaire Crown Forest, l'assujettissement à l'impôt mentionné au paragraphe 1 de l'article 4 de la Convention Canada-Japon en matière d'impôts sur le revenu signifie " l'assujettissement fiscal le plus complet [que le Japon] puisse imposer ".

[139]        Vu le libellé de la Convention Canada-Japon en matière d'impôts sur le revenu et vu la règle de droit énoncée par la Cour suprême du Canada dans l'affaire Crown Forest, j'estime que l'appelant doit établir qu'il a fait l'objet de l'assujettissement fiscal le plus complet que le Japon puisse imposer.

[140]        L'appelant soutient que, si l'on est dans un pays n'imposant que les revenus dont la source se trouve dans ce pays et que l'on est ainsi imposé dans ce pays, on est résident de ce pays aux fins de l'article 4 de la Convention, car cette imposition représente l'assujettissement fiscal le plus complet que cet État puisse imposer. En conséquence, comme le Japon a un tel système d'imposition et que le revenu de l'appelant dont la source était située au Japon a été imposé au Japon, l'appelant soutient que cela suffit pour faire de lui un résident du Japon aux fins de l'article 4 de la Convention.

[141]        Dans ses arguments écrits, l'appelant a fait référence à un article intitulé " A case comment on Crown Forest Industries " (commentaire sur l'arrêt Crown Forest Industries), qui dit que l'arrêt Crown Forest n'exige pas qu'une personne qui est résidente d'un État contractant aux fins de la convention soit effectivement l'objet de l'assujettissement fiscal le plus complet. De la manière dont l'appelant comprend ce commentaire, si la personne est l'objet d'un assujettissement fiscal complet, exception faite d'une exemption spéciale, cela est suffisant.

[142]        L'appelant se fondait en outre sur un extrait d'un commentaire concernant les dispositions du paragraphe 1 de l'article IV de l'ébauche de convention type de l'OCDE, dont une partie a été citée avec approbation par la Cour suprême du Canada dans l'arrêt Crown Forest.

[143]        Ces observations relatives au commentaire sur l'arrêt Crown Forest et à l'extrait susmentionné du commentaire sur le paragraphe 1 de l'article IV de la convention type de l'OCDE présentent évidemment beaucoup d'intérêt, mais ce sont essentiellement des observations de nature générale. Elles n'établissent pas ce qu'est le droit japonais en matière d'impôt sur le revenu et n'établissent pas non plus la gamme complète des formes d'assujettissement fiscal selon le droit japonais à l'égard des résidents de ce pays. À ce sujet, l'appelant a également fait référence à un extrait d'une déclaration qu'un représentant de Revenu Canada membre d'un groupe d'étude de l'incidence de l'arrêt Crown Forest avait faite à la conférence de 1998 tenue sous les auspices de l'Association canadienne d'études fiscales. Cette déclaration est reproduite ci-après :

[TRADUCTION]

Les contribuables assujettis à un système fondé sur les versements

Certains pays comme le Japon, tout comme le Royaume-Uni, utilisent un système fiscal dans lequel les particuliers sont considérés soit comme des résidents permanents ou à part entière, soit comme des résidents non permanents ou temporaires. Un particulier considéré aux fins de l'impôt comme étant un résident à part entière du pays concerné est assujetti à de l'impôt à l'égard du revenu de toutes provenances sur une base courante, tandis que le résident non permanent n'est assujetti à de l'impôt que sur la base de " versements ". Dans ce dernier système, le particulier n'est imposé que sur le revenu provenant de sources situées dans le pays concerné, ainsi que sur le revenu étranger dans la mesure où il est versé ou reçu dans ce pays. Le Royaume-Uni et le Japon, notamment, utilisent un tel système.

Le ministère estime que les particuliers assujettis à l'impôt sur la base de versements doivent payer de l'impôt sur les revenus de toutes provenances. Donc, les personnes assujetties à l'impôt dans un État contractant sur la base de versements pourraient à notre avis être considérées comme résidentes de ce pays aux fins du paragraphe 1 de l'article d'une convention relatif à la résidence.

[144]        Cet extrait reflète, au mieux, la position adoptée par Revenu Canada à cette époque. Ce document, inclus dans le recueil de textes faisant autorité de l'appelant, n'est pas une preuve de l'état du droit fiscal japonais à l'époque, et cela a été clairement reconnu par l'avocat de l'appelant.

[145]        La seule preuve concrète de l'appelant qui donne à entendre que ce dernier est l'objet de l'assujettissement fiscal le plus complet que le Japon puisse imposer, c'est le " certificat de résidence " délivré à l'appelant par les autorités japonaises. Le " certificat de résidence " se lit comme suit :

[TRADUCTION]

Le présent certificat atteste que le particulier mentionné ci-dessous est un résident du Japon en vertu de l'article 4 de la Convention Canada-Japon en matière d'impôts sur le revenu.

Nom :                       Neil McFadyen

Adresse :                App. 4301, 7-2-24 Akasaka, Minato-ku, Tokyo 107, Japon

Date de prise d'effet du statut de résident : 12 août 1992

                                                Signature :              Directeur de district

                                                                                Bureau fiscal d'Azabu

                                                                                K. OHNISHI

                                                Désignation :         Bureau fiscal d'Azabu

                                                                                (Azabu ZEIMUSHO)

Timbre officiel :_________                                 Date : 10 MARS 1995

[146]                  À l'appui de ce certificat, a été déposée auprès de la Cour une lettre du professeur Machimura en date du 21 juin 1999 qui se lit en partie comme suit :

[TRADUCTION]

Les bureaux de district d'impôt du Japon délivrent couramment des certificats de résidence [...] pour prévenir une double imposition internationale.

[147]        L'appelant dit que cet élément de preuve n'est pas contredit par l'intimée et qu'une preuve prima facie est donc établie, car la preuve documentaire dit que l'appelant est résident du Japon aux fins de l'article 4 de la Convention Canada-Japon en matière d'impôts sur le revenu.

[148]        Je conviens avec l'intimée que le " certificat de résidence " est une preuve faible, à laquelle il devrait à mon avis être accordé très peu de poids. L'appelant a témoigné qu'il avait obtenu l'original du certificat de l'une de ses connaissances chez Nortel à Tokyo. Il a également témoigné qu'il avait rempli le certificat lui-même, c'est-à-dire qu'il avait dactylographié lui-même sur le certificat la date de prise d'effet du certificat. Ce document se veut un document japonais " officiel " parce qu'un timbre " officiel " apparaît sur le certificat. Après avoir rempli le certificat lui-même, l'appelant l'avait apporté au bureau fiscal japonais, l'y avait laissé, puis était passé le prendre quelques jours plus tard.

[149]        Aucune preuve n'étaye le fait que le certificat a été délivré à l'appelant par les autorités japonaises en toute connaissance des circonstances particulières de l'appelant pour les trois années en cause. Ce certificat n'établit pas les paramètres du droit japonais en matière d'impôt sur le revenu. Il énonce simplement une conclusion. On ne sait pas comment le fonctionnaire est arrivé à cette conclusion, et il n'y a aucune preuve quant à l'expertise du fonctionnaire japonais chargé de la délivrance du certificat. Bref, le droit fiscal japonais et son application à l'appelant n'ont pas été établis de la manière reconnue.

[150]        En ce qui a trait à la lettre du professeur Machimura, elle constitue une certaine preuve quant à l'existence d'une pratique administrative au Japon à cette époque. L'assertion figurant dans cette lettre et selon laquelle de tels " certificats de résidence " sont délivrés " couramment " indique qu'un examen peut-être moins qu'attentif est fait avant la délivrance de tels certificats. Cette lettre ne constitue pas une preuve sous forme d'opinion quant au droit fiscal japonais.

[151]        Pour les motifs énoncés précédemment, j'estime que l'appelant n'a pas établi qu'il était l'objet de l'assujettissement fiscal le plus complet que le Japon puisse imposer aux fins de l'article 4 de la Convention Canada-Japon en matière d'impôts sur le revenu. Pour ces motifs, je conclus qu'il n'a pas été établi que l'appelant était à l'époque pertinente un résident du Japon aux fins de l'article 4 de la Convention Canada-Japon en matière d'impôts sur le revenu.

Règles décisives de la Convention Canada-Japon en matière d'impôts sur le revenu

[152]        Ayant décidé que l'appelant est un résident du Canada et non du Japon aux fins de l'article 4 de la Convention Canada-Japon en matière d'impôts sur le revenu, il n'est pas nécessaire de traiter d'autres questions. Je voudrais toutefois formuler quelques observations concernant le processus de détermination d'un commun accord et les règles décisives dont il est question dans la Convention Canada-Japon en matière d'impôts sur le revenu.

[153]        Le paragraphe 2 de l'article 4 de la Convention Canada-Japon en matière d'impôts sur le revenu et le protocole de cette convention disent :

1.                     Lorsque, selon les dispositions du paragraphe 1, une personne est un résident des deux États contractants, les autorités compétentes des États contractants déterminent d'un commun accord de quel État contractant cette personne est considérée comme un résident au sens de la présente Convention.

PROTOCOLE

En ce qui concerne le paragraphe 2 de l'article 4 de la Convention, lorsqu'une personne physique ou une société est un résident des deux États contractants, la question est tranchée d'un commun accord en appliquant les règles suivantes :

a)             dans le cas d'une personne physique,

(i)             cette personne est considérée comme un résident de l'État contractant où elle dispose d'un foyer d'habitation permanent; si elle dispose d'un foyer d'habitation permanent dans les deux États contractants, elle est considérée comme un résident de l'État contractant avec lequel ses liens personnels et économiques sont les plus étroits (centre des intérêts vitaux);

(ii)            si l'État contractant où cette personne a le centre de ses intérêts vitaux ne peut pas être déterminé, ou si elle ne dispose d'un foyer d'habitation permanent dans aucun des États contractants, elle est considérée comme un résident de l'État contractant où elle séjourne de façon habituelle;

(iii)           si cette personne séjourne de façon habituelle dans les deux États contractants ou si elle ne séjourne de façon habituelle dans aucun d'eux, elle est considérée comme un résident de l'État contractant dont elle possède la nationalité;

[154]        Je ne tranche pas la question, mais je doute que notre cour ait le pouvoir d'appliquer les règles décisives mentionnées dans la Convention Canada-Japon en matière d'impôts sur le revenu. La Convention dit expressément que " les autorités compétentes des États contractants déterminent d'un commun accord de quel État contractant cette personne est considérée comme un résident au sens de la présente Convention ", ce qui doit être fait en appliquant les règles décisives. Donc, il semble que les États contractants entendaient que l'application des règles décisives relève des autorités compétentes des États contractants et non de notre cour.

[155]        Pour les motifs énoncés précédemment, je suis arrivé aux conclusions suivantes :

a)              l'appelant était un résident habituel du Canada durant les trois années en cause;

b)             l'alinéa 250(1)e) de la Loi de l'impôt sur le revenu n'est pas contraire au paragraphe 15(1) de la Charte canadienne des droits et libertés;

c)              l'appelant était réputé être un résident du Canada durant la période en question conformément à l'alinéa 250(1)e) de la Loi de l'impôt sur le revenu;

d)             l'appelant n'était pas un résident du Japon en vertu de l'article 4 de la Convention Canada-Japon en matière d'impôts sur le revenu.

En conséquence, les cotisations du ministre du Revenu national pour les années d'imposition 1993, 1994 et 1995 sont confirmées et les appels sont rejetés, avec dépens.

Signé à Ottawa, Canada, ce 11e jour de septembre 2000.

" Alban Garon "

J.C.C.C.I.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Traduction certifiée conforme ce 28e jour de février 2001.

Mario Lagacé, réviseur



[1] C'était alors l'alinéa 139(3)d).

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