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Date: 19980106

Dossiers: 96-1513-IT-G; 97-1577-IT-G

ENTRE :

BENSON INVESTMENTS LTD.,STEPHAN V. BENEDIKTSON,

appelants,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

Le juge McArthur, C.C.I.

[1]            Ces appels ont été entendus sur preuve commune; ils se rapportent aux années d'imposition 1991 et 1992 des appelants. La seule question à trancher se rapporte à la juste valeur marchande d'un bien immeuble au 1er septembre 1988.

[2]            Les appelants et l'intimée ont convenu des faits suivants :

1.              Stephan V. Benediktson (" M. Benediktson ") est un particulier et un résident du Canada pour l'application de la Loi de l'impôt sur le revenu (du Canada) (la " Loi "). Pendant toute la période pertinente, sa conjointe et lui possédaient toutes les actions émises en circulation de Benson Investments Ltd. (" Investments "). De plus, M. Benediktson était administrateur d'Investments.

2.              Pendant toute la période pertinente, Investments était une personne morale constituée en vertu des lois de l'Alberta, qui exploitait son entreprise au 950, 633, 6e avenue sud-ouest, Calgary (Alberta).

3.              La désignation officielle de l'immeuble ici en cause est la suivante :

                                                Plan 6191AD

                                                Bloc 8

                                                à l'exception des mines et minéraux

                dans le district municipal de Rocky View

                (la " propriété ")

4.              La propriété en question est une terre améliorée située juste à l'extérieur des limites de la ville de Calgary, telles que ces limites étaient établies au moment pertinent. La façade de la propriété donne sur la 69e rue sud-ouest, Calgary. La propriété est composée d'un terrain de 4,81 acres ainsi que des améliorations apportées au terrain, notamment une habitation avec un double garage attenant et une cour avant aménagée, une piscine intérieure, une voie d'accès en asphalte semi-circulaire, une vieille grange à foin et un corral pour les chevaux. La partie arrière de la propriété est fortement boisée.

5.              Du 1er septembre 1977 au 1er septembre 1988, M. Benediktson et sa femme, Audrey Benediktson, étaient propriétaires de la propriété, qu'ils avaient achetée conjointement pour la somme de 175 000 $.

6.              Le 1er septembre 1988 (la " date de l'évaluation "), M. Benediktson et sa femme ont transféré à Investments les intérêts qu'ils avaient dans la propriété moyennant une contrepartie dont la valeur indiquée était de 620 000 $, en échange d'un prêt d'actionnaire (la " dette ") en faveur de M. Benediktson, et la somme de 620 000 $ a été portée au crédit du compte de prêt d'actionnaire que M. Benediktson avait auprès d'Investments.

7.              En juillet 1989, la ville de Calgary a refusé de donner suite au projet d'annexion du secteur où était située la propriété.

8.              Dans son exercice qui a pris fin le 31 août 1992, Investments a transféré tous les actifs de la corporation et le produit a été porté au débit du compte de prêt d'actionnaire de M. Benediktson.

9.              Dans le cadre de cette opération, le 24 décembre 1991, Investments a disposé de la propriété en faveur de Benson Ranch Inc., le produit de disposition étant de 360 000 $, réparti comme suit :

                                                Terrain                    200 000 $

                                                Bâtiments               160 000 $

                                                Total                        360 000 $

10.            La propriété a été annexée par la ville de Calgary le 1er juillet 1995.

11.            Dans le calcul de son revenu pour l'année d'imposition 1992, Investments a déclaré une perte d'entreprise de 260 000 $ découlant de la disposition du terrain Benson.

12.            Dans le calcul de son revenu pour son année d'imposition 1991, M. Benediktson a demandé la déduction d'une perte déductible au titre d'un placement d'entreprise d'un montant de 121 830 $ par suite de la disposition du terrain et des bâtiments, cette perte découlant du montant de 620 000 $ qu'Investments lui devait, pour le motif que ce montant était devenu une mauvaise créance cette année-là. En ce qui concerne son année d'imposition 1992, M. Benediktson n'a pas déduit de perte déductible au titre d'un placement d'entreprise en produisant sa déclaration, mais il a plutôt demandé la déduction d'un montant additionnel de 73 576 $ à titre de perte déductible au titre d'un placement d'entreprise dans son année d'imposition 1992, une fois la déclaration produite.

13.            Le ministre du Revenu national (le " ministre ") a établi une nouvelle cotisation à l'égard des années d'imposition 1991 et 1992 de M. Benediktson et il a établi une nouvelle cotisation à l'égard de l'exercice d'Investments qui avait pris fin le 31 août 1992 compte tenu du fait que la valeur de la propriété à la date de l'évaluation était de 350 000 $, montant réparti comme suit :

                                                Terrain                    190 000 $

                                                Bâtiments               160 000 $

                                                Total                        350 000 $

14.            En établissant la nouvelle cotisation d'Investments pour son année d'imposition 1992, le ministre a rejeté un montant de 260 000 $ sur le montant déduit au titre de la perte à l'égard de la vente de la propriété et a fixé à 10 000 $ le gain réalisé lors de la vente, calculé comme suit :

                                Produit de disposition - terrain           200 000 $

                                Prix de base rajusté - terrain                                190 000 $

                                Gain - terrain                                                         10 000 $

15.            M. Benediktson avait déjà demandé une exonération des gains en capital de 99 944 $.

[3]            Dans le calcul du revenu pour l'année d'imposition 1992, les appelants ont déduit une perte d'entreprise de 260 000 $ par suite de la disposition de la propriété. En établissant la cotisation des appelants pour l'année d'imposition 1992, le ministre a rejeté un montant de 260 000 $ sur le montant déduit au titre de la perte par suite de la vente de la propriété et a fixé à 10 000 $ le gain réalisé au moment de la vente. Les appelants soutiennent qu'au 1er septembre 1988, la juste valeur marchande de la propriété était de 620 000 $ et l'intimée soutient de son côté que sa valeur était de 350 000 $.

[4]            Les deux parties ont présenté un rapport d'évaluation et les évaluateurs ont témoigné à l'appui des valeurs différentes auxquelles ils étaient arrivés. M. Edward H. Wernick a témoigné pour le compte des appelants et M. Peter Lee a témoigné pour le compte de l'intimée. Ils étaient tous les deux habiles à témoigner à titre d'experts. La méthode employée par les deux évaluateurs était fondée sur l'" analyse de l'utilisation optimale ". Les deux témoins ont convenu que la méthode des données du marché était la meilleure méthode à employer. Cependant, à part cela, leurs analyses différaient.

[5]            La méthode des données du marché, telle qu'elle est définie dans l'évaluation présentée par les appelants, est la suivante :

[TRADUCTION]

Un ensemble de procédures permettant d'obtenir une indication de la valeur en comparant la propriété en cause à des propriétés similaires qui viennent d'être vendues, en appliquant les unités appropriées aux fins de la comparaison, et en rajustant les prix de vente des propriétés comparables compte tenu des éléments de la comparaison. On peut employer la méthode des données du marché pour évaluer des propriétés améliorées, des terrains non bâtis, ou des terrains que l'on considère comme non bâtis; c'est la méthode d'évaluation de terrains qui est communément employée lorsque des données sont disponibles à l'égard de ventes comparables.

[6]            M. Wernick a conclu que l'utilisation optimale du terrain était l'utilisation aux fins de l'aménagement résidentiel organisé ou l'utilisation en tant que terre agricole. M. Lee a conclu que l'utilisation optimale du terrain était l'utilisation existante, c'est-à-dire un terrain sur lequel était située une habitation unifamiliale, tant que l'emplacement ne se prêterait pas à l'aménagement urbain.

[7]            Les évaluateurs ont obtenu des valeurs fort différentes à cause des propriétés fort différentes que chacun avait choisies aux fins de la comparaison. M. Wernick a comparé la propriété Benson à quatre propriétés du voisinage, qui étaient situées à l'intérieur des limites de la ville de Calgary et qui étaient toutes situées dans une zone destinée à des habitations multifamiliales. M. Lee a choisi quatre propriétés situées dans la même municipalité que la propriété ici en cause, qui étaient toutes utilisées à des fins résidentielles rurales et qui étaient situées dans une zone agricole. Pour les motifs qui sont ci-dessous énoncés, je retiens l'évaluation de l'intimée. L'évaluation soumise par les appelants est principalement fautive en ce qui concerne le choix des propriétés utilisées aux fins de la comparaison.

[8]            L'évaluateur des appelants a conclu que parce que l'annexion du terrain semblait imminente, la propriété pouvait être comparée à des terrains situés dans la ville de Calgary qui étaient déjà situés dans une zone affectée à des habitations multifamiliales. Cette prémisse est fausse; je suis d'accord avec l'évaluateur de l'intimée, qui a considéré la propriété telle quelle et non telle qu'elle pourrait être une fois annexée et assujettie à un nouveau zonage. Il est certain qu'en 1988, un acheteur qui avait l'intention d'aménager la propriété aurait inclus dans toute entente une condition selon laquelle les terrains devaient être annexés et assujettis à un nouveau zonage avant que l'opération puisse être conclue.

[9]            En ce qui concerne l'utilisation optimale je souscris à la conclusion tirée par l'évaluateur de l'intimée, qui a dit ceci, aux pages 26 et 27 de son rapport :

[TRADUCTION]

Si la propriété est annexée, le propriétaire disposerait de trois solutions de rechange :

(1)            Laisser la propriété telle quelle.

(2)            Utiliser l'emplacement en cause à des fins d'aménagement urbain. En pareil cas, les améliorations existantes seraient probablement enlevées et il serait considéré qu'elles n'ont aucune valeur.

(3)            Garder l'habitation existante et lotir la partie arrière du terrain à des fins d'aménagement urbain.

La première solution est probablement une solution à court terme. Normalement, il faut un certain nombre d'années pour entreprendre l'aménagement d'un territoire qui vient d'être annexé. De nombreuses études de planification et études techniques doivent être effectuées (par le service de la construction et de la planification, le service des transports, les services publics, etc.), puis il faut préparer un plan structurel du territoire, un énoncé de projet, désigner le zonage, etc. Par conséquent, les utilisations existantes se poursuivent normalement pendant de nombreuses années après l'annexion tant que toute la planification n'est pas achevée.

La deuxième solution n'est possible que si la valeur du terrain en cause est égale ou supérieure à la valeur de la propriété telle qu'elle est améliorée. En pareil cas, les améliorations existantes n'ajoutent rien à la valeur de la propriété et devraient être démolies de façon à permettre un nouvel aménagement. Pour examiner le bien-fondé de la deuxième solution, une évaluation du terrain (une fois annexé, avec possibilité d'aménagement) par opposition à l'évaluation de la propriété améliorée à la date pertinente aux fins de la comparaison a été effectuée (comme on le voit aux pages 57 et 58 du présent rapport). L'analyse révélait que la valeur du terrain en question — à supposer qu'il soit annexé — n'est pas égale ou supérieure à la valeur qu'avait la propriété améliorée à peu près à la date de l'évaluation.

La troisième solution n'est possible qu'une fois la propriété annexée et la planification effectuée. À la date de l'évaluation, l'emplacement en cause ne pouvait pas être loti en vertu du règlement municipal de zonage du district municipal de Rocky View.

Après avoir analysé tous les facteurs pertinents, nous estimons que l'utilisation optimale de la propriété en cause à la date pertinente, soit au 1er septembre 1988, était l'utilisation existante, et ce, tant que l'emplacement ne serait pas prêt aux fins de l'aménagement urbain.

[10]          Je conclus que le ministre a calculé de la façon appropriée le montant qui aurait dû être porté au crédit du compte de prêt d'actionnaire des appelants par suite de la disposition de la propriété et que le ministre a décidé avec raison que les appelants n'ont pas droit à la déduction d'une perte déductible au titre d'un placement d'entreprise de 121 830 $ et de 73 576 $ dans les années d'imposition 1991 et 1992 respectivement.

[11]          Les appels sont rejetés avec dépens.

Signé à Ottawa, Canada, ce 16e jour de janvier 1998.

" C. H. McArthur "

J.C.C.I.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Traduction certifiée conforme ce 4e jour de mai 1998.

Benoît Charron, réviseur

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