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Date: 19980330

Dossiers: 96-1335-IT-G; 96-1336-IT-G

ENTRE :

GEORGE SIDAWI, CYLINDRIX MFG. CO. INC.,

appelants,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

Intimée.

Motifs du jugement

(Rendus oralement à Montréal (Québec) le 27 février 1998 et subséquemment révisés à Ottawa (Ontario) le 30 mars 1998.)

Le juge Lamarre, C.C.I.

[1]            George Sidawi ("l'appelant") en appelle de cotisations émises à l'égard des années d'imposition 1991, 1992 et 1993. La société Cylindrix MFG. Co. Inc. ("Cylindrix") en appelle de cotisations émises à l'égard des années d'imposition 1990, 1991, 1992 et 1993. Plusieurs points étaient en litige lors de la production des avis d'appel. A l'audience, l'avocat des appelants a admis la validité des cotisations à l'exception de trois items qui sont toujours en litige.

[2]            En premier lieu, l'appelant conteste l'inclusion par le ministre du Revenu national ("Ministre") d'un montant de 228 840 $ (200 000 $US) dans son revenu pour l'année 1991. En s'appuyant sur les paragraphes 15(1) et 56(2) de la Loi de l'impôt sur le revenu (" Loi "), le Ministre prétend que cette somme a été versée par Cylindrix, dont l'appelant est le seul actionnaire, suivant les instructions de ce dernier et avec son accord à M. Chaouki Dagher pour le profit personnel de l'appelant ou à titre d'avantage que l'appelant voulait conférer à M. Dagher et que si cette somme avait été versée à l'appelant, il aurait dû l'inclure dans son revenu. L'appelant soutient que cette somme a été versée à M. Dagher pour l'acquisition du sous-sol d'un immeuble à Beyrouth au Liban pour l'exploitation de l'entreprise de Cylindrix. A ce sujet, Cylindrix reconnaît maintenant que la dépense de loyer qu'elle avait réclamée sur cinq années à l'égard de cette somme n'est pas une dépense de loyer déductible à l'encontre de ses revenus.

[3]            Deuxièmement, l'appelant conteste l'inclusion par le Ministre d'une somme de 5 000 $ dans son revenu pour l'année 1992. En s'appuyant sur le paragraphe 15(1) et sur l'alinéa 18(1)a) de la Loi, le Ministre a inclus la somme de 26 501 $ dans les revenus de l'appelant et refusé la dépense à Cylindrix au motif que cette somme a été payée par Cylindrix pour l'avantage personnel de l'appelant. Il soutient également que cette dépense ne pouvait être engagée par Cylindrix dans le but de tirer un revenu d'entreprise puisqu'elle n'avait aucune expectative de tirer un profit d'une entreprise au Liban. L'appelant admet maintenant que du montant de 26 501 $, un montant de 21 501 $ est imposable entre ses mains et non déductible des revenus de Cylindrix mais prétend que la somme de 5 000 $ est une dépense de promotion qui a été engagée par Cylindrix à l'égard d'un projet d'expansion au Liban et constituait ainsi une dépense engagée dans le but de tirer un revenu de son entreprise de sorte qu'elle ne pouvait être considérée comme une dépense personnelle de l'appelant.

[4]            Troisièmement, l'appelant conteste l'inclusion par le Ministre dans ses revenus d'une somme de 9 972 $ en 1991, 1 060 $ en 1992 et 950 $ en 1993, lesquelles correspondent à des dépenses de voyage à Beyrouth payées par Cylindrix. Le Ministre s'appuie également sur le paragraphe 15(1) de la Loi pour cotiser l'appelant sur ces montants et sur l'alinéa 18(1)a) de la Loi pour refuser ces dépenses à Cylindrix, au motif que ces dépenses ont été engagées pour l'avantage personnel de l'appelant et sans aucune expectative de tirer un profit d'une entreprise au Liban. Ce dernier prétend que ces dépenses de voyage ont été engagées par Cylindrix dans le but de tirer un revenu de son entreprise.

[5]            J'ai entendu les témoignages de George Sidawi, son épouse Samia Sidawi, sa fille Nada Sidawi, du comptable externe de Cylindrix, M. George Badra et du vérificateur de Revenu Canada, M. Nicolas Dilibero.

[6]            Les faits ressortis en preuve peuvent se résumer ainsi.

[7]            George Sidawi, d'origine syrienne, est arrivé au Canada avec sa famille en 1967. Il était alors diplômé comme ingénieur et architecte dans son pays. En 1974, il a fondé Cylindrix au Canada avec trois autres partenaires. Cette société est spécialisée dans la conception, la fabrication et la vente de vérins hydrauliques et pneumatiques pour l'industrie lourde. En 1987, l'appelant en est devenu le seul actionnaire.

[8]            Cette société qui a un exercice financier se terminant au 30 juin de chaque année, aurait été en pleine expansion jusqu'en 1990 moment où elle a atteint un chiffre d'affaires s'approchant de deux millions de dollars. Selon George Sidawi, 90 pour cent des affaires se faisait au Canada. A partir de 1991, l'appelant a pensé ouvrir un nouveau marché à l'étranger. Il a d'abord été voir aux Etats-Unis pour se rendre compte que son entreprise n'était pas compétitive. La guerre du Golfe tirant à sa fin au Moyen-Orient, la main-d'oeuvre peu chère là-bas, l'appelant a alors pensé qu'il pourrait peut-être y avoir des ouvertures de marché pour son entreprise.

[9]            La machinerie de son entreprise au Canada qui fabriquait de petits cylindres étant devenue désuète ici, sa femme et lui auraient pensé transférer cette machinerie au Liban dans un entrepôt acheté à Beyrouth et l'exploiter à bon compte avec la main d'oeuvre locale. Samia Sidawi, qui était au courant et s'occupait de la comptabilité de l'entreprise, a dit que le but initial de l'aventure au Liban était de libérer les ateliers au Canada de la petite machinerie afin de faire place à la grosse machinerie qui elle était plus productive ici. George Sidawi avait pensé que la petite machinerie pourrait servir au Liban pour la production de petits cylindres hydrauliques pouvant se vendre dans le domaine de la construction résidentielle et commerciale, comme par exemple dans la production d'ascenseurs.

[10]          George Sidawi aurait alors donné mandat à un avocat libanais, Chaouki Dagher, de trouver un local à Beyrouth. Selon le témoignage de M. Sidawi, il connaissait peu M. Dagher. Ce dernier était toutefois un locataire de George Sidawi au Canada et la femme de M. Dagher aurait travaillé un an au Canada pour Cylindrix.

[11]          Au mois de juillet 1991, M. Dagher aurait communiqué par téléphone avec l'appelant pour lui dire qu'il avait trouvé l'immeuble dont il aurait besoin et lui a demandé de lui faire parvenir sans plus tarder la somme de 180 000 $US pour l'acquisition de cet immeuble. L'appelant nous dit qu'il s'agissait du prix à payer pour le sous-sol de l'immeuble d'une superficie de 600 mètres carrés. L'appelant a déposé en preuve un document démontrant que cette somme avait été transférée du compte de Cylindrix au compte de M. Dagher au Liban au cours de la même journée. Un mois plus tard, M. Dagher aurait avisé l'appelant qu'il n'avait jamais reçu l'argent. C'est à ce moment que l'appelant aurait eu des doutes sur l'honnêteté de M. Dagher. Or, quelques mois plus tard, M. Dagher a recommuniqué avec l'appelant lui demandant de lui envoyer une somme supplémentaire de 20 000 $US afin de couvrir les frais d'enregistrement de l'immeuble et aussi pour payer des frais d'électricité. L'appelant a alors accepté de lui faire parvenir cette somme d'argent. Il dit aujourd'hui qu'il gardait alors un espoir de récupérer son premier investissement.

[12]          Par la suite, l'appelant a été dans l'impossibilité d'obtenir confirmation que l'argent avait servi à acheter l'immeuble. M. Dagher lui aurait dit qu'une société canadienne ne pouvait se porter acquéreur et aurait suggéré de créer une société au Liban qui en ferait l'acquisition directement là-bas. Cette société aurait été constituée en avril 1991 sous le nom de Hydraulic Cylinders of Middle East (Middle East) dont le seul actionnaire aurait été M. Dagher selon ce que l'appelant aurait dit au vérificateur de Revenu Canada, M. Dilibero.

[13]          L'appelant aurait finalement obtenu confirmation de l'enregistrement du titre de propriété à Beyrouth à son nom personnellement au mois de mars 1993. L'appelant explique que parce qu'il était d'origine syrienne, cela était la seule façon selon lui de conserver l'immeuble.

[14]          Compte tenu de toutes ces difficultés, Cylindrix n'a jamais envoyé la machinerie au Liban. De plus, George et Samia Sidawi ont tous deux dit que l'immeuble n'était pas en état de fonctionnement. Au moment d'acheter cet immeuble ils étaient au courant qu'il n'y avait pas d'électricité alors qu'il s'agissait là d'une composante essentielle pour l'exploitation d'une entreprise de soudure. Ils croyaient toutefois que le gouvernement libanais qui sortait d'une très longue guerre remédierait à la situation. Cette croyance leur venait de ce qu'ils entendaient par la voie des médias. De plus, il y avait des problèmes d'égoûts reliés à la bâtisse.

[15]          L'appelant n'a fait aucune étude de marché sérieuse avant de procéder à l'acquisition de l'immeuble. Il avait des amis syriens dans le gouvernement en Syrie mais n'a pas voulu pousser plus loin ses démarches dans ce pays puisque toutes les entreprises sont nationalisées et il ne pensait pas pouvoir y réaliser des profits. Quant à ses démarches au Liban, il serait allé trois fois seul après l'achat de la bâtisse (selon les documents déposés en preuve), une autre fois à Noël avec toute sa famille (comprenant sa femme, sa fille qui n'était encore qu'une étudiante et ses deux fils alors âgés de 15 et 16 ans), puisqu'il avait de la parenté en Syrie et un peu au Liban. Il aurait également envoyé un employé de Cylindrix pour voir les possibilités de débouchés pour une entreprise au Liban.

[16]          Par ailleurs, ici au Canada, M. Badra qui préparait les états financiers de Cylindrix aurait fait part à l'appelant qu'il ne pouvait enregistrer l'immeuble au Liban comme une immobilisation aux livres de la société dans les états financiers de l'année 1992 puisqu'il n'y avait aucun titre qui prouvait que Cylindrix en était propriétaire. Le comptable interne de Cylindrix aurait alors eu l'idée de faire fabriquer un faux bail par lequel Cylindrix serait locataire de l'immeuble en question. Ce bail a été déposé en preuve. La société Middle East représentée par M. Dagher y apparaît comme locateur et Cylindrix comme locataire. On y indique un prix de location de 40 000 $US par an sur une période de cinq ans à compter du 1er juin 1991.

[17]          M. Badra a indiqué que professionnellement il ne pouvait montrer aux états financiers un immeuble qui n'appartenait pas officiellement à Cylindrix mais qu'il ne voyait pas de problèmes à indiquer une dépense de location qui n'en était pas une en réalité. Il a dit que cette dépense disparaîtrait dans cinq ans alors que l'immobilisation serait restée apparente et sans explications pour les années postérieures. Selon lui, il ne voyait pas d'autre façon d'inscrire cette sortie d'argent de 200 000 $US de Cylindrix.

[18]          Au moment de la vérification des déclarations de revenu de Cylindrix en janvier 1994 par Revenu Canada, ni l'appelant ni M. Badra n'ont mentionné au vérificateur qu'il s'agissait d'un faux bail. L'appelant n'a pas cru bon non plus de montrer le titre de propriété qu'il possédait depuis le mois d'août 1993 indiquant que l'immeuble était à son nom. À l'audience, l'appelant a dit qu'il reconnaissait avoir menti lors de la vérification. Il a expliqué que pour lui le bail était la seule façon d'avoir une preuve que M. Dagher avait empoché l'argent et lui donnait ouverture à un éventuel recours au Canada contre lui. Il avoue en même temps qu'il n'a jamais lu ce bail.

[19]          Samia Sidawi dit la même chose quant à l'obtention du bail. Elle dit qu'elle a vu le bail pour la première fois en décembre 1991 et qu'elle l'a lu très rapidement. Elle n'a pas remarqué que le locateur était la société libanaise et non M. Dagher. Elle n'a pas participé aux rencontres avec le vérificateur. Quant à M. Badra, il a maintenu la version du bail parce qu'il ne voulait pas contredire l'appelant.

[20]          Le vérificateur, M. Dilibero, a expliqué qu'il avait compris de l'entrevue avec l'appelant et le comptable externe que Cylindrix avait loué l'immeuble en question avec tout l'équipement nécessaire à l'exploitation de l'entreprise. C'est de fait ce qui semblait ressortir du bail en question. Toutefois, il n'a finalement pas considéré le bail et a refusé la dépense de location à Cylindrix parce qu'il n'était pas convaincu que l'argent avait été utilisé dans ce sens.

[21]          C'est au moment de faire opposition aux cotisations que l'appelant a parlé pour la première fois du titre de propriété qu'il détenait sur l'immeuble au Liban.

[22]          Par ailleurs, Cylindrix a fait une demande d'aide financière auprès du gouvernement canadien au mois d'avril 1994 pour la fabrication d'un nouveau produit qui serait vendu au Liban et au Moyen-Orient. Aucune allusion n'est faite dans ce document à l'immeuble qui aurait été acheté au Liban pour le bénéfice de Cylindrix.

[23]          L'avocat des appelants prétend que George Sidawi a pris une décision d'affaires en décidant de vouloir étendre le marché de Cylindrix au Moyen-Orient. Il considère que les dépenses de voyage et de promotion sont des dépenses engagées par Cylindrix dans le but de faire la prospection de marchés là-bas. Quant à l'immeuble, il prétend que George Sidawi en tant que président de Cylindrix dont il était l'actionnaire unique détenait un mandat général de faire des gestes pour et au nom de la société. Ce serait à ce titre qu'il aurait acquis l'immeuble à son nom compte tenu des circonstances spéciales empêchant une société canadienne de se porter directement acquéreur.

[24]          L'avocat de l'intimé s'attaque à la crédibilité de l'appelant pour conclure que les dépenses engagées par Cylindrix n'étaient que pour son avantage personnel. Il considère que Cylindrix n'avait aucune activité commerciale au Liban pouvant générer une expectative de profit quelconque et par conséquent en conclut qu'elle n'y exploitait pas d'entreprise. Il applique le même raisonnement pour la somme de 200 000 $US déboursée par Cylindrix en 1991. Il considère que cette somme n'a pas servi à l'acquisition d'un immeuble au profit de Cylindrix mais à l'avantage personnel de George Sidawi.

Analyse

[25]          Mettant de côté pour l'instant la question entourant l'acquisition de l'immeuble, je vais d'abord analyser celle de savoir si les dépenses engagées par Cylindrix en vue d'étendre son marché au Moyen-Orient sont des dépenses courantes d'exploitation pour cette dernière.

[26]          Du témoignage de Samia et George Sidawi, je ne peux conclure qu'ils avaient l'intention de chercher des clients potentiels au Moyen-Orient pour leur vendre des produits fabriqués ici au Canada. Ils ont laissé entendre qu'ils désiraient transférer la machinerie désuète et non fonctionnelle au Canada au Liban afin d'y ouvrir un nouveau marché. Au Canada, l'entreprise vise une clientèle industrielle telle des scieries, barrages et alumineries. Au Liban, on pensait fabriquer de petits cylindres sur place pour la construction résidentielle et commerciale. A mon avis, il ne s'agit pas de l'expansion de l'entreprise canadienne mais plutôt de l'établissement d'une nouvelle entreprise entraînant toute une autre structure d'exploitation.

[27]          Or, en émettant l'hypothèse que l'immeuble à Beyrouth aurait été acquis par Cylindrix, le seul fait d'acheter un immeuble n'est pas suffisant pour prétendre que l'entreprise au Liban était en exploitation. Il ne s'agit là que d'une démarche préliminaire destinée à mettre en place la structure de la nouvelle entreprise. Ceci est encore plus patent dans la présente situation où ni l'électricité, élément essentiel pour une entreprise de soudure, ni les égoûts, ni la machinerie n'étaient en place pour le fonctionnement de l'entreprise. Dans la mesure où la structure de l'entreprise que l'on veut exploiter n'a même pas été mise en place, on ne peut prétendre que les dépenses préliminaires pour établir cette entreprise sont déductibles (voir la décision du juge Dussault de cette Cour dans Samson et Frères Ltée c. La Reine, 97 DTC 642, dans laquelle il faisait référence à la décision de la Cour d'appel fédérale dans M.N.R. c. M.P. Drilling Ltd., 76 DTC 6028).

[28]          Dans le Bulletin d'Interprétation IT-364 qui a été repris avec approbation par cette Cour dans l'affaire Samson et Frères, supra, et dans l'affaire Gartry c. La Reine, 94 DTC 1947, on dit ceci au paragraphe 2:

Si une activité ne consiste qu'en une étude de diverses possibilités commerciales dans la perspective ou l'espoir d'obtenir des renseignements qui justifieront l'établissement d'une entreprise quelconque, une telle activité ne constitue pas le début d'une entreprise... Il va de soi que les remarques du présent numéro ne s'appliquent pas à une entreprise existante qui envisage d'élargir ou de diversifier ses activités, à la différence de l'amorce d'une entreprise nouvelle et distincte.

[29]          Comme je le mentionnais plus haut, je suis d'avis qu'il ne s'agit pas ici d'un cas où Cylindrix tente d'élargir ou de diversifier les activités de son entreprise existante au Canada mais plutôt de tenter d'établir une entreprise distincte au Liban. Sur ce point, la présente situation se démarque de la décision dans SPG International Ltée, c. La Reine, 98 DTC 1093 citée par l'avocat des appelants.

[30]          Dans cette affaire, la société canadienne fabriquait des produits qu'elle vendait au Canada et à travers le monde. Sa filiale américaine avait été constituée dans le but spécifique de tenter une pénétration du marché américain. Or, dans l'année en litige, la filiale ne fabriquait rien; elle ne vendait que les produits achetés de la société canadienne. Ainsi chaque vente réalisée par la filiale américaine représentait également une vente pour la société canadienne. Il était alors plausible de conclure que les dépenses engagées par la société canadienne et non facturées à la filiale américaine étaient des dépenses faites par l'appelante dans le but de tirer un revenu de sa propre entreprise.

[31]          La situation est nettement différente ici. Dans l'affaire SPG (supra), la filiale était déjà mise en place et opérationnelle. De plus, elle mettait en marché les produits que lui vendait la société canadienne. Ici, aucune structure n'est encore mise en place. De plus, le but de cette opération n'était pas la mise en marché des produits fabriqués au Canada par Cylindrix mais d'établir une nouvelle entreprise qui aurait elle-même fabriqué ses cylindres pour des fins commerciales autres que celles qui sont rattachées à l'entreprise au Canada. L'intention était à mon avis d'établir une entreprise complètement distincte de l'entreprise canadienne.

[32]          Or, les démarches qui ont été faites dans cette optique n'ont guère dépassé, selon la preuve, le stade d'une étude des diverses possibilités commerciales. En l'occurrence, on ne peut dire que les dépenses engagées dans ce sens ont été engagées dans le but de tirer un revenu d'une entreprise qui n'existait pas. De plus, il est difficile de dire que les dépenses réclamées n'ont pas une connotation personnelle. En effet, l'appelant n'as pas nié qu'il avait de la famille en Syrie et au Liban et les dépenses réclamées sont des dépenses de voyage et de promotion. La preuve n'a pas révélé que Cylindrix avait une expectative de réaliser un profit de ses activités au Liban. En conséquence, ces dépenses ne sont donc pas des dépenses déductibles du revenu de Cylindrix.

[34]          Par ailleurs, le Ministre a inclus le montant de ces dépenses dans les revenus de l'appelant au motif qu'il en avait retiré un avantage personnel. Le Ministre a de même inclus dans les revenus de l'appelant la somme de 200 000 $US que ce dernier prétend avoir utilisée pour l'acquisition de l'immeuble à Beyrouth pour le compte de Cylindrix.

[35]          Sur ce dernier point, il est difficile avec la preuve que j'ai devant moi de réconcilier les explications fournies par l'appelant, sa femme et son comptable et par conséquent de donner raison à l'appelant. Il est difficile de comprendre toute la stratégie entourant l'histoire du bail. Si effectivement, l'appelant pensait avoir été victime d'une fraude de la part de M. Dagher, je comprends mal pourquoi il lui a avancé un autre 20 000 $US qui devait servir à enregistrer la bâtisse et à couvrir les frais reliés à l'électricité. Par ailleurs, M. Dagher était locataire de l'appelant au Canada. Ce dernier devait avoir une idée du personnage avant de se lancer en affaires avec lui. Cylindrix était une société très profitable que gérait l'appelant. Il me semble douteux qu'il se soit fait berner de la sorte.

[36]          De plus, l'appelant étant lui-même syrien, devait connaître un tant soi peu les affaires au Moyen-Orient. Il dit lui-même avoir des amis dans le gouvernement en Syrie. Il devait savoir qu'une société canadienne, si c'est réellement le cas, ne pouvait se porter acquéreur d'un immeuble à Beyrouth. Devant une telle éventualité, il me semble qu'il eût été possible pour lui d'indiquer au comptable d'inscrire l'immobilisation aux livres en inscrivant une note aux états financiers de la situation réelle qui existait en y attachant une résolution de Cylindrix. J'ai peine à concevoir qu'un comptable professionnel soit plus à l'aise d'inscrire aux états financiers une fausse dépense de location qu'une dépense en immobilisation réelle même si celle-ci, à cause de circonstances exceptionnelles, ne peut être justifiée par un titre de propriété.

[37]          Par ailleurs, si les explications de l'appelant sont réelles, pourquoi n'en a-t-il pas fait part au vérificateur au moment de la vérification par Revenu Canada? Pourquoi a-t-il persisté dans sa version du bail fabriqué de toutes pièces? En homme d'affaires avisé, il devait savoir que la méthode utilisée n'était pas la plus appropriée.

[38]          Tout ceci me laisse croire que les sommes versées par Cylindrix pour l'achat de la propriété à Beyrouth l'ont été pour l'avantage personnel de l'appelant. Celui-ci est encore titulaire de la propriété et rien ne me dit que lors de la vente de cet immeuble, l'argent sera remis dans les coffres de Cylindrix. L'appelant n'a pas réussi à me convaincre selon la prépondérance des probabilités qu'il n'a pas retiré un bénéfice personnel tant de la somme de 200 000 $US versée par Cylindrix que des autres dépenses que cette société a payée pour lui et qui font également l'objet du présent litige. A part le billet d'avion qui a été payé pour l'employé de Cylindrix dont la somme s'élève à 1 060 $, je considère que les autres montants ont été inclus à juste titre dans les revenus de l'appelant aux termes des paragraphes 15(1) et 56(2) de la Loi.

[39]          En conséquence, l'appel de la cotisation émise à George Sidawi pour l'année 1992 est admis en tenant compte que la somme de 1 060 $ ne doit pas être incluse dans les revenus de l'appelant pour cette année. La cotisation demeure inchangée à tout autre égard.

[40]          Les appels des cotisations émises à George Sidawi pour les années d'imposition 1991 et 1993 sont rejetés.

[41]          Les appels des cotisations émises à Cylindrix pour les années d'imposition 1990, 1991, 1992 et 1993 sont rejetés.

Signé à Ottawa, Canada, ce 30e jour de mars 1998.

"Lucie Lamarre"

J.C.C.I.

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