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Date: 19980820

Dossier: 97-366-UI

ENTRE :

MIRIAM BENGUAICH,

appelante,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

Motifs du jugement

Le juge suppléant Rowe, C.C.I.

[1]            L'appelante interjette appel d'une décision (soit un règlement) en date du 4 décembre 1996 dans laquelle le ministre du Revenu national (le " ministre ") a déterminé que l'emploi exercé par l'appelante pour la Trinkets Incorporated du 9 juin 1994 au 8 juin 1995 n'était pas un emploi assurable parce que l'appelante avait un lien de dépendance avec son employeur et qu'elle n'était pas réputée ne pas avoir de lien de dépendance selon l'alinéa 3(2)c) de la Loi sur l'assurance-chômage (la " Loi ").

[2]            Sara Benaim a déclaré dans son témoignage qu'elle est la présidente, l'administratrice et la seule actionnaire de la Trinkets Incorporated (la " Trinkets "), qu'elle a créée en 1980. Cette société exploite une entreprise de bijouterie, et le premier magasin a été ouvert au centre commercial Dufferin, situé à l'angle de Bloor et de Dufferin à Toronto. L'entreprise a connu une expansion jusqu'en 1991, année où il y avait en tout neuf magasins de détail Trinkets et où la paye s'élevait à 220 618,23 $ — pièce A-2 — alors qu'elle s'élevait à seulement 24 000 $ par an plusieurs années plus tard à cause d'une rationalisation importante de l'entreprise et de fermetures de magasins, comme l'indique une liste déposée sous la cote A-1. Le siège social de la société se trouvait dans un local acheté à cette fin au 150, Spinnaker Way, Concord (Ontario). L'appelante est la mère de Sara Benaim. Sara Benaim a dit que l'appelante avait commencé à travailler pour la Trinkets au magasin situé dans le centre commercial Dufferin. Le local du siège social — soit un immeuble détenu en copropriété — a été mis en location, puis vendu, à perte, en 1996. Un extrait de l'état financier de la Trinkets pour l'exercice se terminant le 30 septembre 1990 — pièce A-3 — révélait des ventes de 1 378 791 $, soit légèrement plus que pour la période correspondante de 1989. L'état financier pour 1991 — pièce A-4 — indiquait des ventes de 1 071 936 $, tandis que l'état financier pour 1993 — pièce A-5 — indiquait que les ventes avaient baissé, passant de 848 910 $ qu'elles étaient en 1992 à 800 806 $. Les ventes pour l'exercice se terminant le 30 septembre 1994 avaient encore diminué et n'étaient que de 781 211 $, comme l'indique l'état financier déposé sous la cote A-6. Sara Benaim a dit qu'elle avait engagé l'appelante en 1981. À cette époque, l'appelante travaillait pour Bi-Way, comme vendeuse et caissière. Une fois embauchée par la Trinkets, elle travaillait comme gérante du magasin de détail et s'occupait de toutes les opérations relatives aux articles en or, qui devaient être pesés, marqués d'un prix et adéquatement consignés dans des registres de stocks spécialisés. Sara Benaim a déclaré que l'appelante avait de grandes compétences linguistiques lui permettant de faire des affaires dans plusieurs langues et de constituer ainsi une clientèle fidèle. L'appelante travaillait du lundi au vendredi, de 9 h 30 à 16 h 30, mais était tenue de rester au magasin jusqu'à ce que le travail soit achevé et que l'aide à temps partiel arrive, une fois ses cours terminés pour la journée. Les exigences relatives à l'exploitation d'un magasin dans le centre commercial Dufferin étaient telles qu'on avait décidé d'ouvrir le magasin jusqu'à 22 heures six jours par semaine, puis, par la suite, jusqu'à 21 heures sept jours sur sept. Sara Benaim a expliqué que, bien que d'autres membres du personnel aient été capables d'accomplir une grande partie du travail, il était nécessaire que Miriam Benguaich s'occupe de marquer les prix. Il y avait un vaste assortiment d'articles à vendre, allant des chaînes à 15 $ jusqu'aux bagues à diamant de 4 000 $. Le magasin de la Trinkets était en fait un stand de 200 pieds carrés situé au milieu du centre commercial, près de l'aire de restauration. Vu l'espace réduit et vu l'emplacement, il fallait chaque soir remiser tous les articles dans un coffre-fort, par mesure de précaution et pour satisfaire aux exigences de la compagnie d'assurances, qui couvrait divers risques. Sara Benaim a dit que l'appelante était payée par chèque aux deux semaines, " comme tous les autres ". Le salaire comprenait un montant de 700 $ versé à toutes les deux semaines et une prime devant être payée en fin d'exercice. Certains membres du personnel de ce magasin et d'autres points de vente recevaient des commissions en plus du salaire, et d'autres membres du personnel recevaient des primes au rendement en espèces ou en nature, c'est-à-dire sous forme de bijoux, à leur choix. Une année, l'appelante avait choisi une bague à émeraude comme prime, tandis qu'une autre personne qui était gérante avait choisi une montre. La nature de l'entreprise de bijouterie était telle qu'on pouvait réaliser jusqu'à 63 p. 100 des ventes annuelles durant la période des achats de Noël. Bon nombre des membres du personnel de la Trinkets étaient là depuis plusieurs années, et on était souple sur le plan des heures de travail, de manière à tenir compte de diverses situations personnelles. Le traitement de base était de 6,85 $ l'heure, ce à quoi pouvaient s'ajouter des commissions. Un extrait des registres de paye de la Trinkets, que tenait Sara Benaim, a été déposé sous la cote A-7, et des photocopies de chèques de paye faits à l'appelante — par la Trinkets — ont été déposées sous la cote A-8. Sara Benaim a dit que, comme les ventes baissaient et qu'il devenait nécessaire de réduire les dépenses, elle avait entrepris de s'occuper davantage des écritures nécessaires pour la tenue des livres et registres de la compagnie. L'appelante a été mise à pied par la Trinkets le 8 juin 1995. Sara Benaim a dit qu'elle avait demandé à l'appelante d'attendre pour encaisser des chèques de paye qui lui avaient été faits, à cause de la situation financière précaire de la Trinkets, et qu'on avait fait des chèques postdatés à d'autres employés ou que le salaire qui leur était dû pour une période de paye particulière leur avait été versé plus tard — beaucoup plus tard. Elle a dit que l'appelante était cependant toujours payée pour le travail accompli et qu'elle n'a jamais été payée pour du travail qu'elle n'avait pas exécuté. L'appelante recevait un salaire — plutôt qu'un traitement horaire — parce qu'elle travaillait à temps plein, tandis que d'autres employés du magasin du centre commercial Dufferin étaient des travailleurs à temps partiel qui déterminaient leurs propres heures de travail. Sara Benaim a cité le cas d'une employée — Sandy Prescott — qui, en 10 ans, a travaillé pour la Trinkets d'abord à temps partiel, ensuite à temps plein, puis à temps partiel et de nouveau à temps plein. Une fois, Dolores Massey — gérante d'un autre magasin — avait accepté l'offre qu'on lui avait faite de lui verser un salaire hebdomadaire, mais elle avait vite constaté que, à cause des longues heures — jusqu'à 50 heures par semaine —, cela représentait moins à l'heure que le taux horaire de base, ce qui fait qu'elle a ensuite choisi de se faire payer à un taux horaire accru, soit 9 $ l'heure, comme l'indique l'extrait — pièce A-9 — du registre de paye pour octobre 1989. La Trinkets a mis à pied plusieurs employés, et les relevés d'emploi pertinents ont été déposés sous la cote A-10. Lorsque la Trinkets exploitait 9 magasins, il y avait 6 employés, à temps plein et à temps partiel, soit au total 54 employés. La souplesse des horaires de travail était possible parce que de nombreux employés étaient des mères d'enfants d'âge scolaire, que d'autres étaient des étudiants d'université travaillant des heures supplémentaires durant les mois d'été et que certaines personnes prenaient des congés prolongés l'hiver. Chaque magasin s'occupait de son propre planning du personnel, sous la supervision de Sara Benaim ou de son père, Isaac Benguaich, qui exerçait lui aussi un emploi pour la Trinkets. Sara Benaim a dit qu'elle avait remis les cotisations d'assurance-chômage de l'appelante pendant 14 ans et que ce n'est qu'après que l'appelante eut cherché à toucher des prestations après sa mise à pied que s'était posée la question des personnes liées et du lien de dépendance. Pour faire valoir son point de vue, elle a raconté qu'elle avait téléphoné — une semaine avant l'audition de l'appel considéré en l'espèce — à un bureau de Revenu Canada pour demander une explication sur les exigences en matière de cotisations d'assurance-chômage applicables si une personne était liée à l'employeur et qu'elle avait expressément mentionné l'alinéa 3(2)c) de la Loi sur l'assurance-chômage. On lui avait dit que, si la personne liée n'était pas actionnaire, elle devait remettre les déductions relatives à l'assurance-chômage, au Régime de pensions du Canada et à l'impôt sur le revenu. Elle a dit qu'elle tenait des registres du mieux qu'elle pouvait dans des circonstances difficiles et qu'elle avait fourni tous les livres et registres de la Trinkets au vérificateur de Revenu Canada concernant l'enquête sur l'emploi de sa mère, Miriam Benguaich, puis l'enquête sur l'emploi de son père, Isaac Benguaich. Sara Benaim a dit que, à l'époque où la Trinkets exploitait ses magasins, elle avait payé des pénalités à diverses occasions pour ne pas avoir versé à temps les déductions relatives aux employés.

[3]            En contre-interrogatoire, Sara Benaim a dit que l'appelante travaillait en moyenne 40 heures par semaine parce que, à l'occasion, elle devait rester tard le soir, ce qui s'ajoutait à son horaire régulier de 32,5 heures par semaine. En 1995, les heures de l'appelante avaient été réduites et, bien des fois, elle avait reçu seulement 700 $ par mois au lieu de son salaire régulier de 700 $ aux deux semaines, et on lui avait en outre demandé d'attendre pour encaisser des chèques de paye qui lui avait été faits. Sara Benaim a dit qu'elle établissait la paye de la Trinkets — ce qui comprenait le calcul des déductions devant être remises à Revenu Canada —, qu'elle examinait ensuite l'état du compte bancaire de la compagnie pour déterminer quels chèques seraient compensés et qu'on demandait à certains membres du personnel d'attendre pour encaisser un chèque de paye ou que, le jour de la paye, on leur faisait un chèque postdaté. Toutefois, les chèques faits à sa mère, soit l'appelante, et à son père, soit Isaac Benguaich, n'étaient pas faits en stricte conformité avec une période de paye, selon les heures travaillées, mais ces deux personnes étaient payées intégralement à une date ultérieure. Par exemple, l'appelante a été mise à pied le 8 juin 1995 et a reçu un chèque de paye après la période de paye se terminant le 26 juin 1995; cependant, ce chèque représentait le paiement de services rendus au cours de la période de deux semaines se terminant le 23 janvier 1995, période pour laquelle elle n'avait pas été payée précédemment. Sara Benaim a expliqué qu'elle et sa mère étaient bien au courant des périodes de paye au cours desquelles l'appelante avait travaillé mais pour lesquelles elle n'avait pas été payée. De plus, en raison des pressions inhérentes au déclin de l'entreprise, il y avait des incohérences dans les registres de paye. Le prêt à vue sans intérêt accordé à la Trinkets par son père et sa mère, soit un prêt garanti par une hypothèque sur leur maison, avait été consenti pour l'injection de capitaux dans l'entreprise grâce à une ligne de crédit à la banque; comme l'indique l'état financier — pièce A-4 —, le solde impayé était de 43 353 $ le 30 septembre 1991. La banque avait prêté à la Trinkets 90 000 $, soit un prêt garanti par les stocks, ainsi que par un dépôt à terme. La dette envers la banque était d'environ 200 000 $ et, lorsque la banque avait exigé le remboursement du prêt à vue et comme le bien immeuble détenu par la société ne se vendait pas facilement, Sara Benaim avait dû réhypothéquer sa résidence principale et mettre en location le local du bureau, jusqu'à ce qu'il puisse être vendu. Par la suite, elle avait pu rembourser ses parents, et ce n'est qu'en 1990 — lorsque l'entreprise avait commencé à péricliter, qu'il lui avait fallu se tourner vers eux pour obtenir une aide financière sous forme de prêt.

[4]            Miriam Benguaich a déclaré dans son témoignage qu'elle est l'appelante et qu'elle vit au Canada depuis 35 ans. Elle est née à Tanger, au Maroc. Après avoir immigré au Canada, elle avait travaillé dans une usine, puis au magasin Bi-Way de Richmond Hill, où elle était devenue gérante. Ensuite, en 1981, elle avait commencé à travailler pour la Trinkets comme gérante du magasin du centre commercial Dufferin. Elle a dit qu'elle faisait " tout ", soit des fonctions allant du marquage des prix au service à la clientèle en passant par l'enregistrement des stocks, et qu'elle était seule toute la journée. Elle arrivait au travail tôt pour faire du nettoyage, ouvrir le coffre-fort, en retirer les articles et les exposer correctement avant que les clients arrivent, une fois le stand officiellement ouvert. Elle parlait couramment anglais, français et espagnol, langues qu'elle avait apprises lorsqu'elle était jeune, et avait appris de ses clients suffisamment d'italien et de portugais pour pouvoir faire des affaires dans la langue que préféraient les clients. Toutes les lettres de la direction du centre commercial Dufferin qui étaient destinées à la Trinkets — dont des exemples ont été déposés sous les cotes A-11 et A-12 — lui étaient adressées. Durant la période de Noël, elle travaillait 12 heures par jour; pour ce qui est de sa journée de travail ordinaire, qui aurait dû commencer à 9 heures et se terminer à 16 heures, l'appelante s'était rendu compte qu'elle ne pouvait quitter le magasin sans avoir fini de traiter avec certains clients et sans avoir expliqué diverses questions au membre du personnel qui se présentait pour prendre la relève. L'appelante a dit que, lorsqu'elle avait demandé des prestations d'assurance-chômage, elle avait écrit sur le formulaire qu'elle n'était pas liée à son employeur. Peu après, lors d'un entretien avec un agent préposé aux demandes, elle avait déclaré que la Trinkets appartenait à un membre de sa famille. Elle a dit qu'elle attendait pour encaisser des chèques ou qu'elle ne recevait des chèques que beaucoup plus tard. Cependant, elle connaissait toujours le montant qui lui était dû comme salaire et elle finissait par être payée pour toutes les heures qu'elle avait travaillées. Elle a reconnu sa demande de prestations d'assurance-chômage — pièce R-1. Elle convenait que le relevé d'emploi — pièce R-2 — disait à tort qu'elle gagnait 1 200 $ à toutes les deux semaines. Son salaire était de 700 $ aux deux semaines, mais devait atteindre le niveau déclaré dans le relevé d'emploi en raison de primes versées en fin d'exercice. Elle a dit qu'elle regrettait de ne pas avoir rempli de façon exacte la demande de prestations d'assurance-chômage, c'est-à-dire de ne pas avoir divulgué ses liens de parenté avec Sara Benaim. L'avocat de l'intimé ne s'est pas opposé au dépôt de l'affidavit de Deanne Kong Ting sous la cote A-13 ou de l'affidavit de Sandy Prescott sous la cote A-14 comme éléments de preuve présentés en vertu du paragraphe 25(1) des règles de la Cour canadienne de l'impôt régissant les appels interjetés en vertu de la Loi sur l'assurance-chômage.

[5]            L'avocat de l'intimé n'a pas contre-interrogé ni appelé de témoins.

[6]            L'avocat de l'appelante soutenait qu'il était évident que des faits pertinents n'avaient pas été pris en considération dans le règlement du ministre. La durée de l'emploi — 14 ans — n'avait pas été bien prise en compte; il y avait amplement d'éléments de preuve pour étayer la thèse selon laquelle l'appelante, bien qu'occupant un poste de gérante, avait toujours été traitée comme un employé ordinaire, et le ministre a omis de prendre en compte les raisons, valables, pour lesquelles l'appelante recevait un salaire mensuel plutôt qu'un salaire à l'heure comme le personnel à temps partiel travaillant des heures irrégulières, soit en majeure partie des heures de leur choix. L'avocat de l'appelante soulignait en outre l'importance du travail accompli par l'appelante et l'importance de ses compétences linguistiques, qui étaient très avantageuses pour l'employeur dans la vente de bijoux. L'avocat de l'appelante soutenait également que la mise à pied de l'appelante avait été causée par une récession marquée et qu'on avait également mis fin à l'emploi de nombreux autres employés de la Trinkets.

[7]            L'avocat de l'intimé a attiré l'attention sur le prêt sans intérêt qui avait été accordé à la Trinkets par l'appelante et son époux, Isaac Benguaich. Le relevé d'emploi de l'appelante qu'avait établi pour la Trinkets Ruth Soussan — soeur de Sara Benaim et fille de l'appelante — faisait état d'une rémunération assurable de 1 200 $ aux deux semaines, ce qui était inexact; un travailleur qui n'était pas une personne liée n'aurait pas reçu un tel document. L'avocat de l'intimé soutenait qu'il y avait des incohérences dans les registres de paye, qu'il était toutefois manifeste que d'autres travailleurs avaient été payés régulièrement et qu'il n'y avait aucune raison valable pour que l'appelante ait reçu un salaire, alors que tous les employés qui n'étaient pas des personnes liées étaient payés à l'heure. L'avocat de l'intimé soutenait en conclusion que la décision devrait être confirmée.

[8]            La disposition pertinente de la Loi sur l'assurance-chômage est l'alinéa 3(2)c), qui se lit comme suit :

                                " (2) Les emplois exclus sont les suivants :

                                [...]

                                c)              sous réserve de l'alinéa d), tout emploi lorsque l'employeur et l'employé ont entre eux un lien de dépendance, pour l'application du présent alinéa :

                                                (i)             la question de savoir si des personnes ont entre elles un lien de dépendance étant déterminée en conformité avec la Loi de l'impôt sur le revenu,

                                                (ii)            l'employeur et l'employé, lorsqu'ils sont des personnes liées entre elles, au sens de cette loi, étant réputés ne pas avoir de lien de dépendance si le ministre du Revenu national est convaincu qu'il est raisonnable de conclure, compte tenu de toutes les circonstances, notamment la rétribution versée, les modalités d'emploi ainsi que la durée, la nature et l'importance du travail accompli, qu'ils auraient conclu entre eux un contrat de travail à peu près semblable s'ils n'avaient pas eu un lien de dépendance; [...] "

[9]            Au sujet de l'exercice du pouvoir discrétionnaire conféré au ministre en vertu de l'alinéa 3(2)c) de la Loi, le juge en chef Isaac disait, aux pages 363 et suivantes de l'arrêt Attorney General of Canada v. Jencan Ltd., (1997) 215 N.R. 352, soit une décision de la Cour d'appel fédérale :

" Le nombre d'appels interjetés de décisions qui ont été rendues par le ministre en vertu du sous-alinéa 3(2)c)(ii) depuis le prononcé de l'arrêt Tignish donne à penser qu'il y a lieu de clarifier davantage les règles de droit applicables. Pour cette raison, j'expose plus loin les principes que l'on peut dégager de la jurisprudence de notre Cour portant sur le sous-alinéa 3(2)c)(ii).

L'arrêt que notre Cour a prononcé dans l'affaire Tignish, précitée, exige que, lorsqu'elle est saisie d'un appel interjeté d'une décision rendue par le ministre en vertu du sous-alinéa 3(2)c)(ii), la Cour de l'impôt procède à une analyse à deux étapes. À la première étape, la Cour de l'impôt doit limiter son analyse au contrôle de la légalité de la décision du ministre. Ce n'est que lorsqu'elle conclut que l'un des motifs d'intervention est établi que la Cour de l'impôt peut examiner le bien-fondé de la décision du ministre. Comme nous l'expliquerons plus en détail plus loin, c'est en limitant son analyse préliminaire que la Cour de l'impôt fait preuve de retenue judiciaire envers le ministre lorsqu'elle examine en appel les décisions discrétionnaires que celui-ci rend en vertu du sous-alinéa 3(2)c)(ii). Dans l'arrêt Tignish, notre Cour a, sous la plume du juge Desjardins, expliqué dans les termes suivants la compétence limitée qui est conférée à la Cour de l'impôt à cette première étape de l'analyse :

Le paragraphe 7(1) de la Loi porte que la Cour de l'impôt a le pouvoir de décider toute question de fait et de droit. La requérante, qui en appelle du règlement du ministre, a le fardeau de prouver sa cause et a le droit de soumettre de nouveaux éléments de preuve pour réfuter les faits sur lesquels s'est appuyé le ministre. Toutefois, comme la décision du ministre est discrétionnaire, l'intimé fait valoir que la compétence de la Cour de l'impôt est strictement circonscrite. Le ministre est la seule personne qui puisse établir à sa satisfaction, compte tenu de toutes les circonstances, notamment la rémunération versée, les modalités d'emploi et l'importance du travail accompli, que la requérante et son employée sont réputées avoir entre elles un lien de dépendance. Souscrivant à l'arrêt Minister of National Revenue v. Wrights' Canadian Ropes Ltd., qui fait autorité, l'intimé prétend que, à moins que l'on établisse que le ministre n'a pas tenu compte de toutes les circonstances (comme il y est tenu aux termes du sous-alinéa 3(2)c)(ii) de la Loi), a pris en compte des facteurs dépourvus d'intérêt ou a violé un principe de droit, la Cour ne peut intervenir. En outre, la Cour a le droit d'examiner les faits qui, selon la preuve, se trouvaient devant le ministre quand il est arrivé à sa conclusion, pour décider si ces faits sont prouvés. Mais s'il y a suffisamment d'éléments pour appuyer la conclusion du ministre, la Cour n'a pas toute latitude pour l'infirmer simplement parce qu'elle serait arrivée à une conclusion différente. Toutefois, si la Cour est d'avis que les faits sont insuffisants, en droit, pour appuyer la conclusion du ministre, la décision de ce dernier ne peut tenir et la Cour est justifiée d'intervenir.

À mon avis, la position de l'intimé est correctement exposée sur le plan du droit [...].

Dans l'arrêt Ferme Émile Richard c. M.R.N., notre Cour a confirmé sa position. Dans une remarque incidente, le juge Décary a déclaré ce qui suit :

Ainsi que cette Cour l'a rappelé récemment dans Tignish Auto Parts Inc. c. Ministre du Revenu national (25 juillet 1994), A-555-93, C.A.F. inédit), l'appel devant la Cour canadienne de l'impôt, lorsqu'il s'agit de l'application du sous-alinéa 3(2)c)(ii), n'est pas un appel au sens strict de ce mot et s'apparente plutôt à une demande de contrôle judiciaire. La Cour, en d'autres termes, n'a pas à se demander si la décision du Ministre est la bonne; elle doit plutôt se demander si la décision du Ministre résulte d'un exercice approprié de son pouvoir discrétionnaire. Ce n'est que lorsque la Cour en arrive à la conclusion que le Ministre a fait un usage inapproprié de sa discrétion, que le débat devant elle se transforme en un appel de novo et que la Cour est habilitée à décider si, compte tenu de toutes les circonstances, un contrat de travail à peu près semblable aurait été conclu entre l'employeur et l'employé s'ils n'avaient pas eu un lien de dépendance.

L'article 70 confère le droit d'interjeter appel devant la Cour de l'impôt de toute décision rendue par le ministre en vertu de l'article 61, y compris de toute décision rendue en vertu du sous-alinéa 3(2)c)(ii). La compétence que possède la Cour de l'impôt de contrôler la décision rendue par le ministre en vertu du sous-alinéa 3(2)c)(ii) est circonscrite parce que le législateur fédéral, par le libellé de cette disposition, voulait de toute évidence conférer au ministre le pouvoir discrétionnairede rendre de telles décisions. Les mots " si le ministre du Revenu national est convaincu " que l'on trouve au sous-alinéa 3(2)c)(ii) confèrent au ministre la compétence pour exercer le pouvoir discrétionnaire administratif de rendre le type de décision visé par ce sous-alinéa. Comme il s'agit d'une décision rendue en vertu d'un pouvoir discrétionnaire, par opposition à une décision quasi-judiciaire, il s'ensuit que la Cour de l'impôt doit faire preuve de retenue judiciaire à l'égard de la décision du ministre lorsque que celui-ci exerce ce pouvoir. Ainsi, lorsque le juge Décary déclare dans l'arrêt Ferme Émile, précité, que ce type d'appel interjeté devant la Cour de l'impôt " s'apparente plutôt à une demande de contrôle judiciaire ", il voulait simplement souligner, à mon humble avis, qu'on doit faire preuve de retenue judiciaire envers les décisions que le ministre rend en vertu de cette disposition à moins que la Cour de l'impôt ne conclue que le ministre a exercé son pouvoir discrétionnaire d'une manière qui est contraire à la loi.

Si le pouvoir qu'a le ministre de réputer que des " personnes liées " n'ont pas de lien de dépendance entre elles pour l'application de la Loi sur l'assurance-chômage est un pouvoir discrétionnaire, pourquoi, pourrait-on se demander, le droit d'interjeter appel devant la Cour de l'impôt en vertu de l'article 70 s'applique-t-il au sous-alinéa 3(2)c)(ii)? La réponse est que même l'exercice de pouvoirs discrétionnaires est susceptible d'un contrôle judiciaire pour s'assurer que ces pouvoirs sont exercés d'une manière judiciaire ou, en d'autres termes, qu'ils sont exercés d'une manière qui est compatible avec la loi. Il découle nécessairement du principe de la primauté du droit que tous les pouvoirs conférés par le législateur sont intrinsèquement limités. Dans l'arrêt D.R. Fraser and Co. Ltd. v. Minister of National Revenue, lord Macmillan a résumé les principes juridiques qui devraient régir un tel contrôle judiciaire. Il a déclaré :

[TRADUCTION]

Les critères selon lesquels il faut juger l'exercice d'un pouvoir discrétionnaire conféré par une loi ont été définis dans plusieurs arrêts qui font jurisprudence et il est admis que si le pouvoir discrétionnaire a été exercé de bonne foi, sans influence d'aucune considération étrangère, ni de façon arbitraire ou illégale, aucune cour n'a le droit d'intervenir, même si cette cour eût peut-être exercé ce pouvoir discrétionnaire autrement s'il lui avait appartenu.

Le juge Abbott, de la Cour suprême, a cité et approuvé les commentaires de lord Macmillan dans l'arrêt Boulis c. Ministre de la Main-d'oeuvre et de l'Immigration]. Voir également les arrêts Friends of the Oldman River Society c. Canada (ministre des Transports) et Canada c. Purcell.

Ainsi, en limitant la première étape de l'analyse de la Cour de l'impôt à un contrôle de la légalité des décisions rendues par le ministre en vertu du sous-alinéa 3(2)c)(ii), notre Cour a simplement appliqué des principes judiciaires acceptés dans le but de trouver le juste milieu entre le droit que possède le demandeur en vertu de la loi de faire contrôler la décision du ministre et la nécessité de faire preuve de retenue judiciaire à l'égard de celle-ci, compte tenu du fait que le législateur a conféré un pouvoir discrétionnaire au ministre aux termes de cette disposition.

Compte tenu de ce qui précède, le juge suppléant de la Cour de l'impôt n'était justifié d'intervenir dans la décision rendue par le ministre en vertu du sous-alinéa 3(2)c)(ii) que s'il était établi que le ministre avait exercé son pouvoir discrétionnaire d'une manière qui était contraire à la loi. Et, comme je l'ai déjà dit, l'obligation d'exercer un pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire implique l'existence de motifs d'intervention spécifiques. La Cour de l'impôt est justifiée de modifier la décision rendue par le ministre en vertu du sous-alinéa 3(2)c)(ii) — en examinant le bien-fondé de cette dernière — lorsqu'il est établi, selon le cas, que le ministre : (i) a agi de mauvaise foi ou dans un but ou un mobile illicites; (ii) n'a pas tenu compte de toutes les circonstances pertinentes, comme l'exige expressément le sous-alinéa 3(2)c)(ii); (iii) a tenu compte d'un facteur non pertinent. "

[10]          Dans l'arrêt Elia, à la page 2, le juge Pratte disait, après avoir fait remarquer que le juge de la Cour canadienne de l'impôt avait mal compris les décisions de la Cour d'appel fédérale :

" Contrairement à ce qu'a pensé le juge, il n'est pas nécessaire, pour que le juge puisse exercer ce pouvoir, qu'il soit établi que la décision du Ministre était déraisonnable ou prise de mauvaise foi eu égard à la preuve que le Ministre avait devant lui. Ce qui est nécessaire, c'est que la preuve faite devant le juge établisse que le Ministre a agi de mauvaise foi, ou de façon arbitraire ou illégale, a fondé sa décision sur des faits non pertinents ou n'a pas tenu compte des faits pertinents. Alors, le juge peut substituer sa décision à celle du Ministre. "

[11]          La preuve dont j'ai été saisi ne révélait pas que le ministre avait agi de mauvaise foi ou de façon arbitraire ou illégale. Toutefois, il est manifeste que le ministre s'est trompé en présumant que l'appelante exerçait un emploi de vendeuse, alors qu'elle était gérante du magasin Trinkets du centre commercial Dufferin. Le ministre a omis de tenir compte du fait qu'une autre personne travaillant comme gérante, dans un autre magasin, s'était vu offrir un salaire hebdomadaire au lieu d'une rétribution horaire et que, toutefois, elle avait fini par conclure que cet arrangement était désavantageux et avait choisi de revenir au mode de paye précédent. L'affidavit de Deanne Kong Ting traitait de la souplesse des heures de travail permise par la Trinkets. Sandy Prescott déposait dans son affidavit en date du 3 décembre 1997 qu'elle avait travaillé comme employé à temps plein pour la Trinkets pendant 8 ans et que l'appelante était sa gérante. Elle faisait état de son expérience à la Trinkets, ainsi que de la souplesse de son horaire — selon la saison et selon ses voeux personnels —, et elle disait, au paragraphe 9 de la pièce A-14 :

[TRADUCTION]

                " À ma connaissance, on était conciliant et souple pour tous les membres du personnel de la Trinkets concernant les heures de travail. "

[12]          Sara Benaim a dit dans son témoignage que d'autres travailleurs avaient reçu des chèques postdatés ou qu'on leur avait demandé à l'occasion d'attendre pour encaisser des chèques, et ce témoignage n'a pas été contredit. L'appelante et Sara Benaim ont déclaré dans leur témoignage que l'appelante avait été payée pour toutes les heures qu'elle avait travaillées avant sa mise à pied, survenue le 8 juin 1995, et que, malgré le fait qu'elle a été payée plus tard pour une période de paye antérieure, elle n'a pas été payée pour des heures travaillées après sa mise à pied, car elle n'a pas travaillé après sa mise à pied — avec ou sans paye. La prime versée à l'appelante était une prime versée à une employée qui travaillait dur comme gérante d'un magasin Trinkets — depuis 1981 —, alors que la plupart des autres employés étaient de jeunes mères ou des étudiants passant du travail à temps partiel au travail à temps plein selon leurs besoins personnels. L'appelante avait travaillé cinq ans comme gérante et vendeuse pour Bi-Way, était très expérimentée dans le commerce de détail, avait des compétences linguistiques particulières et s'y connaissait dans les prix de l'or et la tenue d'un registre de stocks spécialisés. L'appelante a travaillé pour la Trinkets pendant plus de 14 ans. Le prêt consenti par l'appelante avait essentiellement été organisé par son époux, Isaac Benguaich, mais la participation de l'appelante était nécessaire en tant que copropriétaire du domicile conjugal, qui avait servi de garantie à une ligne de crédit avancée par une banque à la Trinkets. Cet arrangement en matière de prêt avait été conclu en 1990, soit 9 ans après que l'appelante eut commencé à travailler pour la Trinkets, et était une façon de réagir face à une urgence attribuable au fait que la banque avait soudainement exigé le remboursement de prêts à vue dont la Trinkets était redevable. Le prêt avait été remboursé lorsque le bien immeuble précédemment utilisé comme siège social de la compagnie avait été vendu. Il est manifeste que le ministre était mécontent de ce que l'appelante n'ait pas divulgué — dans son formulaire de demande de prestations — qu'elle était liée au seul actionnaire de la Trinkets et que le ministre avait aussi considéré que la déclaration de salaire erronée pour les 20 semaines d'emploi précédentes aux fins du relevé d'emploi était très pertinente par rapport à la question de savoir si l'appelante avait exercé un emploi assurable. C'est ce qu'indique le contenu du paragraphe 10 de la réponse à l'avis d'appel, qui se lit comme suit :

[TRADUCTION]

                " L'appelante et le payeur ont été avisés tous les deux que les faits énoncés dans le relevé d'emploi et la demande de prestations d'assurance-chômage ne reflétaient pas la véritable situation de l'appelante en matière d'emploi et que les faits réels (sic) indiquent que l'emploi de l'appelante pour la période allant du 9 juin 1994 au 8 juin 1995 n'était pas un emploi assurable. "

[13]          À mon avis, ce n'était pas là un facteur pertinent à prendre en compte le moment venu de rendre la décision. Il peut y avoir des pénalités appropriées à imposer à l'employeur, parce qu'il a rempli un relevé d'emploi sous cette forme, ou à l'appelante, parce qu'elle a répondu " non " à la question de savoir si elle était unie à l'un de ses employeurs par les liens du sang, du mariage (y compris l'union de fait) ou de l'adoption. Toutefois, cela n'est pas la même chose que le fait d'utiliser la non-divulgation de certains éléments, par l'appelante, et la déclaration trompeuse du montant du salaire, par un autre employé de la Trinkets, pour punir l'appelante en dépeignant l'ensemble de la période pendant laquelle elle a exercé un emploi — y compris la période expressément visée par la décision — comme correspondant à un emploi devant être considéré rétroactivement comme un emploi exclu. Les circonstances entourant le prêt étaient connues du ministre et n'auraient pas dû être particulièrement importantes dans la décision. Sur la foi de l'ensemble de la preuve, je conclus que le ministre a omis de prendre en compte toutes les circonstances pertinentes de l'emploi de l'appelante, notamment la durée, la nature et l'importance du travail accompli, les compétences particulières de l'appelante et la façon dont la rétribution était versée, y compris les primes. Un nombre important d'hypothèses invoquées par le ministre dans sa décision ont été réfutées en totalité ou en grande partie. Donc, le fait que le ministre a omis de prendre en compte des circonstances pertinentes et qu'il a dans une large mesure basé sa décision sur des faits non pertinents exige que j'intervienne dans sa décision en vertu du sous-alinéa 3(2)c)(ii) de la Loi. C'est ce que je fais après avoir conclu que, par ailleurs, le ministre n'avait pas assez d'éléments, en droit, pour étayer la conclusion exprimée dans sa décision.

[14]          Les éléments de preuve que j'ai examinés pour déterminer s'il convenait d'intervenir dans la décision du ministre sont ceux que je dois maintenant utiliser pour parvenir à une conclusion selon les critères énoncés au sous-alinéa 3(2)c)(ii) de la Loi.

[15]          Il est indéniable que l'appelante a travaillé fort et efficacement pendant 14 ans au magasin Trinkets et qu'elle mettait à profit des compétences particulières dans la prestation de services pour son employeur, y compris en sa qualité de gérante supervisant d'autres membres du personnel. Tout comme des employés qui n'étaient pas liés au seul actionnaire de l'employeur, elle a été victime d'une période difficile, les ventes de bijoux ayant chuté radicalement en trois ou quatre ans. L'appelante devait attendre ses chèques de paye plus longtemps que d'autres travailleurs, mais elle était gérante, elle était un employé à long terme et elle était mieux placée, pour attendre, qu'une jeune mère ou qu'un étudiant, particulièrement si ces personnes travaillaient à temps partiel. Les modalités de l'emploi de l'appelante étaient raisonnables et conformes à ce qu'on s'attendrait de retrouver entre l'employeur et une personne aussi qualifiée que l'appelante mais non liée à l'employeur et disposée à travailler au besoin des heures supplémentaires pour servir les clients et aider le personnel temporaire, notamment dans le contexte d'un employé ayant oeuvré au magasin dès la première journée de l'ouverture officielle au centre commercial Dufferin. L'appelante a affirmé que la rétribution était de 700 $ aux deux semaines durant la période pertinente aux fins de l'appel. Certains des registres de paye indiquent que la paye était de 600 $ aux deux semaines, mais, dans la plupart des cas, le montant de 700 $ est utilisé comme base. La preuve indiquait que, avec les primes, le montant effectivement payé était de 700 $ aux deux semaines, et il est clair que le relevé d'emploi est inexact quand il dit que le salaire de l'appelante pour les 20 semaines précédant la mise à pied a été de 1 200 $ aux deux semaines. L'explication de Sara Benaim — qui a tenté de justifier l'utilisation de ce montant en invoquant de prétendues primes que devait verser ultérieurement une entreprise pourtant déclinante — est rejetée comme n'étant pas plausible. Cependant, la paye reçue effectivement par l'appelante était raisonnable et n'avait aucun rapport pertinent avec le fait que l'appelante était liée au seul actionnaire de son employeur. La question de savoir si l'appelante a reçu une prime de 3 200 $ en décembre 1994, soit une prime fondée sur le volume des ventes à son magasin — tandis que d'autres travailleurs, soit des personnes non liées, ont reçu des primes allant de 10 $ à 175 $ — n'est pas pertinente par rapport aux circonstances de l'emploi de l'appelante pour la période visée par la décision. En outre, Sara Benaim a déclaré que d'autres personnes recevaient des primes sous forme de bijoux ou de commissions basées sur les ventes. Je doute que nous en soyons au point où il appartiendrait au ministre du Revenu national — dans les décisions qu'il rend — de déterminer des limites appropriées en matière de primes ou des modes de calcul de primes dans le cas d'employés entrant dans certaines catégories. Le ministre a en outre omis de prendre en compte la nature du commerce de détail, ainsi que le recours du magasin à des aides à temps partiel, qui avaient choisi de se faire payer selon un taux horaire.

[16]          Compte tenu de l'ensemble des éléments de preuve relatifs aux circonstances de l'emploi, y compris les indices énumérés au sous-alinéa pertinent de la Loi, je conclus que l'emploi de l'appelante n'était pas un emploi exclu et que l'appelante et son employeur auraient conclu un contrat de travail à peu près semblable (l'italique est de moi) s'ils n'avaient pas eu un lien de dépendance. Je conclus donc que l'appelante a exercé un emploi assurable pour son employeur, la Trinkets Incorporated, au cours de la période allant du 9 juin 1994 au 8 juin 1995. Comme il est impossible en vertu des dispositions du paragraphe 103(3) de la Loi sur l'assurance-emploi de renvoyer l'affaire au ministre pour qu'il rende une nouvelle décision compte tenu du fait que le salaire de l'appelante durant la période visée par l'appel était de 700 $ aux deux semaines, l'appel est accueilli, et la décision est modifiée comme suit :

                l'appelante exerçait un emploi assurable pour la Trinkets Incorporated du 9 juin 1994 au 8 juin 1995 et gagnait 700 $ aux deux semaines durant ladite période.

Signé à Toronto (Ontario) ce 20e jour d'août 1998.

" D. W. Rowe "

J.S.C.C.I.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Traduction certifiée conforme ce 16e jour de février 1999.

Mario Lagacé, réviseur

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