Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

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Date: 19980908

Dossier: 96-1840-UI

ENTRE :

CHARTROUT ENTERPRISES CO. LTD.

S/N V.I.P. BEAUTY SUPPLIES,

appelante,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

Motifs du jugement

Le juge suppléant Cuddihy, C.C.I.

[1]            Le présent appel a été entendu à Halifax (Nouvelle-Écosse) le 30 juillet 1998.

I-              L'appel

[2]            Il s'agit d'un règlement d'une question par le ministre du Revenu national (le " ministre ") en date du 19 juin 1996, le ministre ayant conclu que, du 1er janvier 1994 au 5 février 1995, Benjamin Watson (le " travailleur ") était employé par l'appelante (la " payeuse ") en vertu d'un contrat de louage de services au sens de l'alinéa 3(1)a) de la Loi sur l'assurance-chômage (la " Loi ") parce qu'il existait entre la payeuse et le travailleur une relation employeur-employé.

II-             Les faits

[3]            En rendant sa décision, le ministre s'est appuyé sur les faits et les motifs qu'il a exposés au paragraphe 5 de sa réponse à l'avis d'appel, comme suit :

[TRADUCTION]

a)              l'appelante est distributrice de produits de beauté;

b)             l'appelante est exploitée exclusivement par les membres de la famille et le travailleur était le premier employé non membre de la famille à être engagé par l'appelante;

c)              le travailleur a été engagé en qualité de représentant commercial pour les régions de la Vallée et de la côte Sud de la Nouvelle-Écosse, et ses fonctions consistaient notamment à faire quelques livraisons, à percevoir les paiements, à s'occuper des produits rapportés et des notes de crédit, et à faire la démonstration des produits;

d)             le travailleur touchait un salaire hebdomadaire de 500 $ qui lui était versé toutes les deux semaines, sans retenues à la source;

e)              le travailleur ne pouvait faire la promotion d'autres produits tant qu'il travaillait pour l'appelante;

f)              le travailleur devait rendre compte de ses activités quotidiennement, en précisant de façon détaillée ses ventes, le territoire dans lequel il avait travaillé, les commandes reçues et les commentaires faits;

g)             le travailleur se présentait au bureau de l'appelante environ une fois par semaine;

h)             les frais des appels interurbains que le travailleur faisait à l'appelante lui étaient remboursés;

i)               le travailleur assumait toutes les autres dépenses;

j)               l'appelante décidait entièrement des heures de travail et des fonctions du travailleur;

k)              le travailleur touchait un salaire fixe;

l)               le travailleur n'était pas un conseiller établi à son propre compte;

m)             il existait un contrat de louage de services entre le travailleur et l'appelante.

[4]            L'appelante a admis les allégations aux alinéas a) et g) à i). Les allégations aux alinéas b) et f) ont été admises, mais des explications devaient être données à l'audition. Les allégations aux alinéas c) à e) et j) à m) ont été niées.

III-            Le droit applicable et l'analyse

[5]            Définitions tirées de la Loi sur l'assurance-chômage

                " emploi " Le fait d'employer ou l'état d'employé.

                " Emploi assurable "

[6]            Le paragraphe 3(1) de la Loi sur l'assurance-chômage est en partie rédigé comme suit :

3.(1)         Un emploi assurable est un emploi non compris dans les emplois exclus et qui est, selon le cas :

a)             un emploi exercé au Canada pour un ou plusieurs employeurs, en vertu d'un contrat de louage de services ou d'apprentissage exprès ou tacite, écrit ou verbal, que l'employé reçoive sa rémunération de l'employeur ou d'une autre personne et que la rémunération soit calculée soit au temps ou aux pièces, soit en partie au temps et en partie aux pièces, soit de toute autre manière;

[...]

Bref sommaire de la preuve

[7]            John Moore, associé au sein de la payeuse, a été entendu à l'appui de l'appel. Les pièces A-1, A-2 et R-1 ont été versées au dossier de la Cour. Le travailleur, Benjamin Watson, bien qu'il ait été dûment avisé, n'est pas intervenu dans l'instance et n'a pas témoigné.

[8]            Benjamin Watson travaillait pour Livingston Beauty Supplies lorsqu'il a pris contact avec la payeuse. Cette dernière fait la distribution de cosmétiques pour les cheveux.

[9]            Il y a eu entre le travailleur et les associés de la payeuse une réunion au cours de laquelle ils ont discuté des raisons et des modalités du travail.

[10]          Le travailleur a exprimé le souhait d'être engagé à titre de vendeur à commission. La payeuse préférait qu'il agisse en qualité de conseiller exploitant en son propre nom son propre commerce, puisqu'il avait offert de développer pour la payeuse un nouveau secteur de ventes et d'élargir sa clientèle. Les secteurs suggérés par le travailleur étaient ceux de la Vallée et de la côte Sud de la Nouvelle-Écosse, où il avait fait des affaires dans le passé, contrairement à la payeuse. Il a été convenu à la réunion susmentionnée que le travailleur exploiterait sa propre entreprise, assumerait lui-même ses frais de déplacement et d'hébergement et s'acquitterait lui-même de ses obligations en matière d'impôt sur le revenu et pour ce qui est des différentes cotisations.

[11]          Le travailleur possédait son propre téléphone cellulaire et une automobile, à l'égard desquels il payait tous les frais. La payeuse avait accepté de payer uniquement ses frais d'appels interurbains.

[12]          Les parties avaient convenu entre elles que le travailleur agirait à titre de conseiller pour une période de 12 mois. Il devait présenter de façon bimensuelle une facture de 1 000 $ (pièce A-1) pour ses services de conseiller en matière de ventes. Le travailleur ne devait rien toucher de plus à l'égard des ventes qui auraient lieu.

[13]          En développant ce nouveau secteur pour la payeuse, le travailleur se rendait dans différentes agglomérations, se présentait dans des salons de coiffure, faisait des démonstrations et, essentiellement, faisait la promotion du produit de la payeuse, qui, à l'époque, se vendait presque exclusivement sous le nom ABBA. Il a aussi convenu que, lorsqu'il travaillait, il aiderait la payeuse en faisant des livraisons et en percevant les paiements. Le travailleur pouvait également faire la promotion de ses propres produits de bronzage, mais il n'était pas autorisé à promouvoir la vente d'autres produits pour les cheveux. Le travailleur remplissait une feuille de compte rendu quotidien (pièce R-1) afin de rendre compte de ses activités à la payeuse. Le travailleur faisait à cette dernière des rapports téléphoniques une ou deux fois par semaine, et il se présentait personnellement au bureau de la payeuse une fois par semaine, soit le vendredi ou le lundi, comme il lui convenait.

[14]          Le travailleur établissait son propre calendrier. Il était libre de déterminer ses heures de travail et ses jours de congé. Il pouvait travailler le soir et en fin de semaine. Il était en déplacement quatre ou cinq jours par semaine.

[15]          Il aurait pu engager quelqu'un d'autre pour faire son travail, mais la payeuse ne croyait pas qu'il aurait suffisamment de revenus pour cela.

[16]          Au terme de la période de douze mois, il a été décidé que ses services de conseiller étaient trop chers par rapport aux bénéfices réalisés. Le travailleur a alors été engagé en qualité de vendeur à commission en janvier 1995.

[17]          Au cours du mois de janvier 1995, la payeuse s'est rendu compte que le travailleur vendait des produits de ses concurrents et elle a mis fin à leur relation en février 1995. Lorsque le travailleur est parti, il n'a pas demandé ni n'a reçu un relevé d'emploi. On n'avait jamais parlé de paye de vacances et aucune n'a été versée.

Conclusion : sommaire de l'analyse

[18]          Cette cour doit adopter le raisonnement qu'a suivi la juge Desjardins de la Cour d'appel fédérale dans l'arrêt Hennick[1], que je cite :

                Le critère en question est bien connu, mais il pourrait être utile au départ de mettre l'accent sur le fait que, dans son analyse de la règle comportant quatre critères énoncée par lord Wright (à savoir, le degré de contrôle, la propriété des instruments de travail, les chances de bénéfice, les risques de perte) et sur le critère de l'organisation ou de l'intégration énoncé par lord Denning, le juge MacGuigan, dans l'arrêt Wiebe Door Services Ltd., a souligné qu'il est toujours important de déterminer quelle relation globale les parties entretiennent entre elles. Il a d'abord cité au complet les remarques que lord Wright avait faites dans l'arrêt Montreal v. Montreal Locomotive Works Ltd.[2] :

[TRADUCTION] Dans des jugements antérieurs, on s'appuyait souvent sur un seul critère, comme l'existence ou l'absence de contrôle, pour décider s'il s'agissait d'un rapport de maître à préposé, la plupart du temps lorsque des questions de responsabilité délictuelle de la part du maître ou du supérieur étaient en cause. Dans les situations plus complexes de l'économie moderne, il faut souvent recourir à des critères plus compliqués. Il a été jugé plus convenable dans certains cas d'appliquer un critère qui comprendrait les quatre éléments suivants : (1) le contrôle; (2) la propriété des instruments de travail; (3) la possibilité de profit; (4) le risque de perte. Le contrôle en lui-même n'est pas toujours concluant. Ainsi, le capitaine d'un vaisseau affrété est généralement l'employé de l'armateur, bien que l'affréteur puisse diriger l'embauchage sur le navire. Encore une fois, la loi apporte souvent des limites aux droits de l'employeur de diriger la conduite de l'employé, comme le font les règlements relatifs aux syndicats ouvriers. Dans bien des cas, il faut, pour résoudre la question, examiner l'ensemble des divers éléments qui composent la relation entre les parties. Ainsi, il est dans certains cas possible de décider en posant la question " à qui appartient l'entreprise ", en d'autres mots, en demandant si la partie exploite l'entreprise, c'est-à-dire qu'elle l'exploite pour elle-même ou pour son propre compte et pas seulement pour un supérieur.

[C'est le juge qui souligne]

[19]          Le juge Desjardins a reproduit ensuite les extraits suivants :[3]

[...] Je considère le critère de lord Wright non pas comme une règle comprenant quatre critères, comme beaucoup l'ont interprété, mais comme un seul critère qui est composé de quatre parties intégrantes et qu'il faut appliquer en insistant toujours sur ce que lord Wright a appelé ci-dessus " l'ensemble des éléments qui entraient dans le cadre des opérations ", et ce, même si je reconnais l'utilité des quatre critères subordonnés.

[...]

                Il est toujours important de déterminer quelle relation globale les parties entretiennent entre elles.

[...]

                De toute évidence, le critère d'organisation énoncé par lord Denning et d'autres juristes donne des résultats tout à fait acceptables s'il est appliqué de la bonne manière, c'est-à-dire quand la question d'organisation ou d'intégration est envisagée du point de vue de l'" employé " et non de celui de l'" employeur ". En effet, il est toujours très facile, en examinant la question du point de vue dominant de la grande entreprise, de présumer que les activités concourantes sont organisées dans le seul but de favoriser l'activité la plus importante. Nous devons nous rappeler que c'est en tenant compte de l'entreprise de l'employé que lord Wright a posé la question. " À qui appartient l'entreprise ".

[C'est moi qui souligne.]

[20]          Ce n'est pas le nom donné à un contrat qui en détermine la nature, mais bien la relation globale que les parties entretiennent entre elles.

[21]          Le juge Décary de la Cour d'appel fédérale a déclaré dans l'arrêt Normand Charbonneau[4] :

                Deux observations préliminaires s'imposent.

                Les critères énoncés par cette Cour dans Wiebe Door Services Ltd. c. M.R.N.[5], à savoir d'une part le degré de contrôle, la propriété des instruments de travail, les chances de bénéfice et les risques de perte et d'autre part l'intégration, ne sont pas les recettes d'une formule magique. Ce sont des points de repère qu'il sera généralement utile de considérer, mais pas au point de mettre en péril l'objectif ultime de l'exercice qui est de rechercher la relation globale que les parties entretiennent entre elles. Ce qu'il s'agit, toujours, de déterminer, une fois acquise l'existence d'un véritable contrat, c'est s'il y a, entre les parties, un lien de subordination tel qu'il s'agisse d'un contrat de travail (art. 2085 du Code civil du Québec) ou s'il n'y a pas, plutôt, un degré d'autonomie tel qu'il s'agisse d'un contrat d'entreprise ou de service (art. 2098 dudit Code). [...]

                Par ailleurs, s'il est certain que l'appréciation de la nature juridique de relations contractuelles soit affaire d'espèce, il n'en reste pas moins qu'à espèces sensiblement semblables en fait devraient correspondre en droit des jugements sensiblement semblables. Aussi, lorsque cette Cour s'est déjà prononcée sur la nature d'un certain type de contrat, point n'est besoin par la suite de refaire l'exercice dans son entier : à moins que n'apparaissent dans les faits des différences vraiment significatives, le Ministre, puis la Cour canadienne de l'impôt ne devraient pas s'écarter de la solution retenue par cette Cour.

                Lorsque le juge de la Cour canadienne de l'impôt a accueilli en l'espèce les appels de l'intimé et conclu que le contrat en était un de travail, il est tombé selon nous dans le piège d'une analyse par trop mathématique des critères de Wiebe Door, ce qui l'a amené à s'écarter à tort de la solution retenue par cette Cour dans Procureur général du Canada c. Rousselle et al[6]et maintenue dans Procureur général du Canada c. Vaillancourt.[7]

[22]          Quelle était en l'espèce la relation globale entre les parties? Quel était l'ensemble des éléments qui entraient dans le cadre des opérations?

[23]          Les conditions du contrat, la façon dont il a été conclu et la conduite des parties avant, pendant et après la période de travail doivent être analysées afin de déterminer s'il existait une relation employeur-employé ou si le degré d'autonomie était tel, selon la preuve, qu'il y avait un contrat d'entreprise.

[24]          La preuve semble établir de façon concluante que le travailleur avait acquis une expérience considérable en qualité de conseiller et de vendeur dans le domaine des produits de beauté avant de s'adresser à la payeuse. De fait, c'est lui qui a offert ses services à cette dernière. Il a rencontré tous les associés de la payeuse, qui se trouvaient être tous membres de la même famille. À la suite de la réunion, il a été convenu que le travailleur serait payé pour les services qu'il avait offerts. Il avait en effet proposé de donner à la payeuse accès à un nouveau territoire de vente où elle n'avait jamais été présente auparavant. Le travailleur y avait déjà travaillé et il pouvait peut-être, grâce à son expérience, fournir des conseils sur la façon de donner de l'expansion à l'entreprise de la payeuse. Cela a incité la payeuse à accepter de rémunérer le travailleur pour ses services pendant une période de douze mois. À la fin de cette période, la payeuse a conclu que les services de conseiller fournis par le travailleur étaient trop chers par rapport aux profits réalisés, et elle a alors décidé, en janvier 1995, de l'engager comme vendeur à commission. C'est au cours du mois de janvier que la payeuse a constaté que le travailleur vendait les produits de ses concurrents et qu'elle a mis fin à son emploi de vendeur.

[25]          Le travailleur n'a pas témoigné. Cependant, d'après la preuve, qui n'a pas été contredite, le travailleur fournissait ses services, pour lesquels il présentait une facture à la payeuse, pour une période de douze mois; il payait lui-même son impôt et ses différentes cotisations, le cas échéant, et il n'a ni reçu ni demandé de paye de vacances. Il n'existait entre la payeuse ou l'un quelconque de ses représentants aucune entente selon laquelle elle allait faire des retenues sur la rémunération du travailleur.

[26]          Dans l'exercice de ses fonctions, le travailleur était libre d'établir son propre horaire et il ne lui fallait aucune supervision directe à cet égard et aucune ne s'imposait. De fait, le territoire que le travailleur devait ouvrir était inconnu de la payeuse. C'est le travailleur qui a proposé et pris en main le projet de pénétration dans ce territoire. La payeuse a accepté cette offre, estimant qu'elle faisait un investissement pour la période de douze mois en question, mais le risque qu'elle a pris s'est révélé peu fructueux.

[27]          Quant à l'important critère de la subordination, le travailleur établissait son propre calendrier. Il était libre de décider de la façon dont il faisait son travail et il travaillait les heures et les jours qu'il choisissait lui-même. Le travailleur avait toute latitude dans le choix des moyens d'exécution de son travail et aucun lien de subordination n'existait entre lui et la payeuse à cet égard. Le travailleur décidait lui-même comment il fournirait ses services. Il a de fait conçu et dressé lui-même un document intitulé [TRADUCTION] " compte rendu quotidien des rencontres " (pièce R-1). Ce compte rendu n'était pas remis quotidiennement à la payeuse, mais le travailleur s'en servait lorsqu'il prenait contact par téléphone avec le bureau de la payeuse au cours de la semaine et lorsqu'il informait en personne la payeuse, une fois par semaine, des services qu'il avait fournis.

[28]          Le travailleur ne recevait aucune commission ni autres avantages mais il était libre de vendre ses propres produits de bronzage tout en fournissant ses services à la payeuse. Cela tendrait à indiquer que le travailleur n'était pas exclusivement au service de la payeuse. Le travailleur, ayant choisi de ne pas intervenir, n'a présenté aucun élément de preuve au sujet des profits qu'il a réalisés sur la vente de ses produits de bronzage.

[29]          Pour ce qui est des instruments de travail, il est accepté que la payeuse a fourni des échantillons et que le travailleur les a rendus après février 1995. Toutefois, le travailleur a payé les frais liés à sa voiture, à ses déplacements et à sa subsistance ainsi que les autres dépenses, comme celles entraînées par son téléphone cellulaire. Les seuls frais assumés par la payeuse étaient les frais d'appels interurbains, tel qu'il avait été convenu au stade initial du contrat.

[30]          Quant au critère d'intégration, il est convenu que le travail accompli a été intégré à l'entreprise de la payeuse, mais le travailleur a fourni ses services de la façon décrite précédemment.

[31]          Il est aussi reconnu qu'un fournisseur de services comme le travailleur en l'espèce est tenu d'agir au mieux des intérêts du client et conformément à la pratique habituelle et aux règles de la profession, et, s'il y a lieu, de s'assurer que les services fournis sont conformes aux termes du contrat. Ces obligations, expresses ou implicites, découlant du contrat, n'en font pas un contrat de louage de services. Elles montrent plutôt la dépendance mutuelle des parties résultant du contrat.

[32]          Pourquoi le travailleur n'a-t-il pas demandé un relevé d'emploi en quittant ses fonctions? Qu'a-t-il dit dans sa demande de prestations d'assurance-chômage qui a incité le ministre à demander à la payeuse un relevé d'emploi? Qu'a mis le travailleur dans sa déclaration de revenus pour 1994 et 1995? A-t-il indiqué la payeuse comme employeur? A-t-il produit une copie de la facture qu'il avait envoyée à la payeuse? Le travailleur a-t-il déclaré les gains qu'il a reçus de la payeuse en qualité d'employé dans son année d'imposition 1994 ou 1995? A-t-il déclaré les revenus qu'il a tirés de ses produits de bronzage ou de ses ventes pour d'autres payeurs?

[33]          Le travailleur n'a pas témoigné; il n'est pas intervenu dans l'instance comme il aurait pu le faire, et la seule preuve admise est celle qui a été présentée devant moi. Je n'ai rien eu de la part de l'intimé, sauf d'une part ce qu'il a allégué et admis et, d'autre part, la pièce qu'il a déposée.

[34]          Ayant vu et entendu le témoin de l'appelante, je n'ai aucun motif de ne pas le croire. Il a démontré, selon la prépondérance des probabilités, que le travailleur était rémunéré pour les services qu'il a offerts et fournis, et cela doit être qualifié de contrat d'entreprise. L'entente initiale indiquerait donc que la payeuse se préoccupait beaucoup plus du résultat final des services du travailleur et, de fait, la payeuse a conclu au terme de la période initiale de douze mois que les services du travailleur n'étaient pas profitables à l'entreprise. Le travailleur fournissait alors des services à son propre compte, c'est-à-dire du premier janvier 1994 au premier janvier 1995. Il a ensuite été engagé en qualité de vendeur à commission, et a été congédié à la fin de janvier ou au début de février 1995. C'est la seule conclusion logique que l'on peut tirer de la preuve dans cette affaire lorsqu'on analyse globalement la conduite et les rapports contractuels des parties au contrat.

IV-           La décision

[35]          L'appel est accueilli et le règlement de la question est infirmé.

Signé à Dorval (Québec), ce 8e jour de septembre 1998.

" S. Cuddihy "

J.S.C.C.I.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Traduction certifiée conforme ce 29e jour d'avril 1999.

Erich Klein, réviseur



[1]               The Attorney General of Canada v. Gayle Hennick and Royal Conservatory of Music (1995) 179 N.R. 315.

[2]               [1947] 1 D.L.R. 161 (C.P.), aux pages 169 et 170.

[3]               Wiebe Door Services Ltd., [1986] 3 C.F. 553, aux pages 562 et 563.

[4]               Attorney General of Canada v. Normand Charbonneau, [1997] 207 N.R. 299.

[5]               [1986] 3 C.F. 553 (C.A.).

[6]               (1990), 124 N.R. 339. F.C.A.

[7]               Inédit, A-639-91, 14 mai 1992, C.A.F.

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