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Date: 19980514

Dossier: 97-3534-IT-I

ENTRE :

ROBERTO MIGUELEZ,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

Le juge Lamarre, C.C.I.

[1]            L'appelant en appelle, selon la procédure informelle, de cotisations établies en date du 27 février 1997 par le ministre du Revenu national (" Ministre ") pour les années d'imposition 1993, 1994 et 1995. Dans le calcul de son revenu pour chacune de ces années, l'appelant a déduit les montants de 18 424 $, 14 400 $ et 4 800 $ respectivement à titre de pension ou prestation alimentaire. En établissant ces cotisations, le Ministre a réduit le montant de la pension ou prestation alimentaire de 18 424 $ à 2 367 $ pour l'année d'imposition 1993, refusant ainsi un montant de 16 057 $ et a refusé totalement toute déduction pour les années d'imposition 1994 et 1995. Dans la Réponse à l'avis d'appel, l'intimée a indiqué qu'elle ne conteste maintenant uniquement que la déduction d'une somme de 6 457 $ en 1993, 4 800 $ en 1994 et 4 800 $ en 1995, lesquelles sommes ont été versées directement à l'enfant de l'appelant, Maia Miguelez. L'intimée soutient que ces montants n'ont pas été versés à titre de pension ou prestation alimentaire en vertu des paragraphes 56(12), 60.1(1) et 60.1(2) et des alinéas 60b) et 60c) de la Loi de l'impôt sur le revenu (" Loi ").

[2]            Les faits sur lesquels s'est appuyé le Ministre pour établir les cotisations eu égard aux montants qui sont encore en litige sont les suivants:

a)              l'appelant et Beatriz C. Miguelez (l'" Ancien Conjoint ") vivent séparément de façon continue depuis le 8 août 1988;

b)             l'appelant et l'Ancien Conjoint ont conclu un accord de séparation le 19 avril 1991 (l'" Accord ");

c)              l'appelant et l'Ancien Conjoint ont deux enfants, Alain Miguelez d'âge majeur au moment de la séparation et Maia Miguelez née le 26 juillet 1972 (l'" Enfant ");

d)             dans le calcul de son revenu pour les années d'imposition 1993, 1994 et 1995, l'appelant a déduit des montants à titre de pension ou prestation alimentaire tels que décrits ci-dessous:

                Années d'imposition

Description

1993

1994

1995

1. Montants versés directement à l'Enfant

(a) pension alimentaire pour subvenir aux besoins de l'Enfant

6 457 $

4 800 $

4 800 $

2. Montants versés à l'Ancien Conjoint

(a) en concept de pension alimentaire pour la compensation en raison de la différence de valeur entre les deux propriétés transférée

9 600 $

9 600 $

(b) pension alimentaire pour subvenir aux besoins de l'Enfant

2 467 $

TOTAL:

18 424 $

14 400 $

4 800 $

e)              selon l'article 3.1 de l'Accord, l'appelant et l'Ancien Conjoint ont la garde commune de l'Enfant toutefois, l'Enfant a sa résidence principale chez l'Ancien Conjoint et cette dernière est chargée de la garde et la surveillance quotidienne de l'Enfant;

f)              selon l'article 4.1 de l'Accord, depuis le ler avril 1991, l'appelant s'est engagé à verser à l'Ancien Conjoint une pension alimentaire de 750 $ par mois pour subvenir aux besoins de l'Enfant;

g)             selon l'article 4.4 de l'Accord, l'article 4.1 de l'Accord cesse d'être appliqué dans l'un ou l'autre des cas suivants:

                                a)              le 21e anniversaire de naissance de l'Enfant;

                                b)             le mariage de l'Enfant;

h)             le ou vers le 5 juillet 1992, l'appelant et l'Ancien Conjoint ont signé une entente (l'" Entente ") et s'entendent pour que l'appelant cesse de verser les montants de pension alimentaire décrits à l'article 4 de l'Accord à l'Ancien Conjoint et l'appelant s'engage à verser lesdits montants de pension alimentaire directement à l'Enfant

i)               l'Enfant a atteint l'âge de 21 ans le 26 juillet 1993;

j)               le ou vers le 25 octobre 1993, l'appelant et l'Ancien Conjoint ont contracté une annexe à l'Accord (l'" Annexe ") afin de continuer les versements de pension alimentaire à l'Enfant;

k)              selon l'article 1.1 de l'Annexe, l'appelant s'est engagé à verser une pension alimentaire de 400 $ par mois à l'Enfant;

l)               les montants de 6 457 $, 4 800 $ et 4 800 $ déduits à titre de pension ou prestation alimentaire pour les années d'imposition 1993, 1994 et 1995 respectivement et stipulés au paragraphe 16d) ci-dessus:

i)               n'ont pas été versés à l'Ancien Conjoint et cette dernière n'a eu aucune discrétion quant à l'utilisation desdits montants;

ii)              ont été versés directement à l'Enfant; et

iii)             ne sont pas une "allocation" au sens du paragraphe 56(12) de la Loi.

m)             l'Accord, l'Entente et l'Annexe ne stipulent pas que des sommes peuvent être payées à des personnes autres qu'à l'Ancien Conjoint conformément aux paragraphes 60.1(1) et 56.1(2) de la Loi, aux fins des aliénas 60b) et 60c) de la Loi, pour considérer lesdits montants avoir été payés par l'appelant et reçus par l'Ancien Conjoint à titre de pension alimentaire ou autre allocation payable périodiquement;

n)             durant les années d'imposition en litige, l'Enfant n'était pas un enfant confié à la garde de l'Ancien Conjoint pour les fins du paragraphe 60.1(1) de la Loi;

o)             l'appelant ne peut pas déduire les montants de 6 457 $, 4 800 $ et 4 800 $ à titre de pension ou prestation alimentaire dans le calcul de son revenu pour les années d'imposition 1993, 1994 et 1995 respectivement;

...

t)              les déclarations d'impôt sur le revenu de l'appelant pour les années d'imposition 1993,1994 et 1995 devaient être produites auprès du Ministre au plus tard le 30 avril 1994, le 30 avril 1995 et le 30 avril 1996 respectivement (les " Dates d'Exigibilité du Solde ");

u)*           les montants de l'impôt payable par l'appelant pour les années d'imposition 1993, 1994 et 1995 qui étaient impayés à compter des Dates d'Exigibilité du Solde étaient aux montants de 8 405,76 $, 7 524,69 $ et 2 552,90 $ respectivement (l'" Excédent "); et

v)*            pour les années d'imposition 1993,1994 et 1995, des intérêts sur l'Excédent, calculés au taux prescrit pour la période à partir de Dates d'Exigibilité du Solde à la date des nouvelles cotisations en date du 27 février 1997 étaient de 2 585,26 $, 1 550,44 $ et 197,11 $ respectivement.

[3]            L'appelant a admis les alinéas a) à k) ci-haut énoncés.

[4]            Il soutient que c'est à la demande de madame Beatriz C. Miguelez qu'il a accepté de signer l'entente du 5 juillet 1992. Par cette entente, l'appelant acceptait de verser les chèques destinés à la pension alimentaire de Maia en vertu de l'Accord de Séparation du 19 avril 1991 (750 $ par mois selon la pièce A-2) directement à cette dernière. Auparavant, cette somme était versée à Beatriz Miguelez.

[5]            L'entente du 5 juillet 1992 (pièce A-1) a été rédigée par deux médiateurs (Gisèle Morin-Labatut et Jean-Michel Labatut) et signée par l'appelant et son ancien conjoint Beatriz Miguelez. Cette entente se lit comme suit:

                Suite au retour de Maia au domicile maternel le 30 juin dernier, Beatriz a demandé à ce que Roberto établisse les chèques destinés à la pension alimentaire de Maia au nom de cette dernière et non pas au sien. Roberto a répondu qu'il souhaitait que nous relisions la section 4 de l'accord de séparation du 19 avril 1991, portant sur ladite pension alimentaire, et que nous donnions notre opinion sur cette proposition.

                A notre avis, la proposition de Beatriz est logique, puisque la somme en question serait entièrement disponible pour les besoins de Maia, au lieu d'être réduite du montant des impôts que Beatriz aurait à payer si ce revenu devait lui être imputable. Elle nous paraît juste dans la mesure où elle ne porte aucun préjudice à Roberto. Elle nous semble, enfin, conforme à l'esprit de l'accord de séparation, puisque la somme en question est destinée à défrayer les dépenses de Maia et non celles de Beatriz.

                Cet arrangement conviendrait à Beatriz, sans coûter davantage à Roberto, et sans pénaliser ni un parti ni l'autre au niveau de l'impôt sur le revenu.

                Si vous vous mettez d'accord sur cette façon de procéder, nous recommandons que vous signiez la présente (dont nous vous adressons chacun un exemplaire) ainsi que l'exemplaire de l'autre parti dans un deuxième temps. Votre signature signifierait que vous reconnaissez que les chèques établis par Roberto au nom de Maia constituent en effet la pension alimentaire pour l'enfant décrite à l'article 4 de l'accord de séparation du 19 avril 1991. Elle signifierait également que, si Maia décidait de vivre au domicile paternel pendant la période où une pension alimentaire est prévue pour celle-ci, Beatriz établirait les chèques pour la pension de Maia à cette dernière si tel était le souhait de Roberto.

[6]            L'appelant a ajouté la phrase suivante au-dessous de sa signature:

Sous condition que Beatriz Miguelez prenne sous son entière responsabilité toute conséquence impositive sur Maia pouvant découler de cette entente.

[7]            Par ailleurs, le 25 octobre 1993 l'appelant et son ancien conjoint ont signé une nouvelle entente intitulée " Annexe au Contrat de Séparation conclu le 19 avril 1991 " par laquelle ils acceptaient tous deux de continuer à verser une pension alimentaire à Maia qui avait atteint l'âge de 21 ans le 26 juillet 1993 selon les termes suivants:

En vertu de l'article 4.4 de ce contrat de séparation, les articles 4.1, 4.2 et 4.3 concernant la pension alimentaire pour l'enfant Maia Miguelez cessent d'être appliqués (cas (a)), l'époux et l'épouse décident de continuer le versement d'une pension alimentaire et autres bénéfices à l'enfant Maia Miguelez dans les conditions suivantes:

1.1 L'époux s'engage à verser à l'enfant une pension alimentaire de $ 400. - (quatre cents dollars) par mois.

1.2 L'époux s'engage aussi à assumer les conséquences financières sur son revenu des frais d'inscription de l'enfant à l'Université d'Ottawa telles que stipulés par cette université.

1.3 L'époux s'engage aussi à maintenir au profit de l'enfant la police d'assurance-maladie choisie par l'Université d'Ottawa suivant les conditions définies par son employeur et applicables à l'enfant.

1.4 L'épouse s'engage à verser à l'enfant une pension alimentaire de $ 400.- (quatre cents dollars) par mois.

1.5 Les articles 1.1 et 1.4 précédents cessent d'être appliqués dans l'un ou l'autre des cas suivants:

                (a) si l'enfant cesse ses études à temps complet;

                (b) si, en vertu d'une bourse ou de n'importe quelle autre rémunération, l'enfant est en mesure de subvenir par elle-même à ses besoins;

                (c) si l'époux ou l'épouse décident de mettre fin à cette entente. Dans ce cas, l'enfant doit être notifiée de la décision prise par l'un ou l'autre avec, au moins, un délai de trente jours.

[8]            Lors de son témoignage, l'appelant a reconnu que Maia était partie vivre en Argentine du 15 septembre 1993 au 21 décembre 1993 et du 15 janvier 1994 au 15 août 1994. Elle y aurait rencontré son futur mari avec lequel elle serait revenue au Canada. Ils se seraient établis chez la mère de Maia quelque temps pour ensuite habiter chez l'appelant. Maia s'est mariée en 1996.

Analyse

[9]            Dans la présente instance, la pension ou prestation alimentaire sera déductible des revenus du débiteur alimentaire (l'appelant) si les conditions prévues aux alinéas 60b) ou 60c) et aux paragraphes 56(12), 60.1(1) et 60.1(2) sont rencontrées. Ces dispositions se lisent comme suit:

Article 56: Sommes à inclure dans le revenu de l'année.

(12) Non-application des al. (1)b) et c.1). Sous réserve des paragraphes 56.1(2) et 60.1(2) et pour l'application des alinéas (1)b), c) et c.1) et 60b), c) et c.1), un montant reçu par une personne - appelée " contribuable " aux alinéas (1)b), c) et c.1) et " bénéficiaire " aux alinéas 60b), c) et c.1) - ne constitue une allocation que si cette personne peut l'utiliser à sa discrétion.

Article 60: Autres déductions

                Peuvent être déduites dans le calcul du revenu d'un contribuable pour une année d'imposition les sommes suivantes qui sont appropriées:

b) Pensions alimentaires- un montant payé par le contribuable au cours de l'année, en vertu d'une ordonnance ou d'un jugement rendus par un tribunal compétent ou en vertu d'un accord écrit, à titre de pension alimentaire ou autre allocation payable périodiquement pour subvenir aux besoins du bénéficiaire, d'enfants de celui-ci ou à la fois du bénéficiaire et de ces enfants, si le contribuable, pour cause d'échec de son mariage, vivait séparé de son conjoint ou ancien conjoint à qui il était tenu d'effectuer le paiement, au moment où le paiement a été effectué et durant le reste de l'année;

c) Prestation alimentaire - un montant payé par le contribuable au cours de l'année à titre d'allocation payable périodiquement pour subvenir aux besoins du bénéficiaire, d'enfants de celui-ci ou à la fois du bénéficiaire et de ces enfants, si les conditions suivantes sont réunies:

                (i) au moment du paiement et durant le reste de l'année, le contribuable vivait séparé du bénéficiaire;

                (ii) le contribuable est le père naturel ou la mère naturelle d'un enfant du bénéficiaire;

                (iii) le montant a été reçu en vertu d'une ordonnance rendue par un tribunal compétent en conformité avec la législation d'une province;

Article 60.1: Paiements d'entretien

(1) Dans le cas où une ordonnance, un jugement ou un accord écrit visé aux alinéas 60b) ou c), ou une modification s'y rapportant, prévoit le paiement périodique d'un montant par un contribuable:

                a) soit à une personne qui est, selon le cas:

                (i) le conjoint ou l'ancien conjoint du contribuable,

                (ii) si le montant est payé en vertu d'une ordonnance rendue par un tribunal compétent en conformité avec la législation d'une province, un particulier de sexe opposé qui est le père naturel ou la mère naturelle d'un enfant du contribuable;

                b) soit au profit de la personne, d'enfants confiés à sa garde ou à la fois de la personne et de ces enfants,

tout ou partie du montant, une fois payé, est réputé, pour l'application des alinéas 60b) et c), payé à la personne et reçu par elle.

(2) Entente. Pour l'application des alinéas 60b) et c), le résultat du calcul suivant:

                                                A - B

A              représente le total des montants représentant chacun un montant, à l'exception d'un montant auquel les alinéas 60b) et c) s'appliquent par ailleurs, payé par un contribuable au cours d'une année d'imposition en vertu d'une ordonnance ou d'un jugement rendus par un tribunal compétent ou en vertu d'un accord écrit, au titre d'une dépense (sauf une dépense relative à un établissement domestique autonome que le contribuable habite ou une dépense pour l'acquisition de biens corporels qui n'est pas une dépense au titre de frais médicaux ou d'études ni une dépense en vue de l'acquisition, de l'amélioration ou de l'entretien d'un établissement domestique autonome que la personne visée aux alinéas a) ou b) habite) engagée au cours de l'année ou de l'année d'imposition précédente pour subvenir aux besoins d'une personne qui est:

                a) soit le conjoint ou l'ancien conjoint de contribuable;

                b) soit, si le montant est payé en vertu d'une ordonnance rendue par un tribunal compétent en conformité avec la législation d'une province, un particulier de sexe opposé qui est le père naturel ou la mère naturelle d'un enfant du contribuable,

                ou pour subvenir aux besoins d'enfants confiés à la garde de la personne ou aux besoins à la fois de la personne et de ces enfants, si, au moment où la dépense a été engagée et durant le reste de l'année, le contribuable et la personne vivaient séparés;

B              l'excédent éventuel du total visé à l'alinéa a) sur le total visé à l'alinéa b):

                a) le total des montants représentant chacun un montant inclus dans le total calculé selon l'élément A relativement à l'acquisition ou à l'amélioration d'un établissement domestique autonome dans lequel la personne habite, y compris un paiement de principal ou d'intérêts sur un emprunt ou une dette contracté en vue de financer, de quelque manière que ce soit, l'acquisition ou l'amélioration,

                b) le total des montants correspondant chacun à 1/5 du principal initial d'un emprunt ou d'une dette visés à l'alinéa a),

                est, lorsque l'ordonnance, le jugement ou l'accord écrit prévoit que le présent paragraphe et le paragraphe 56.1(2) s'appliquent à tout paiement effectué à leur titre, réputé être un montant payé par le contribuable et reçu par la personne à titre d'allocation payable périodiquement.

[10]          Si les paiements de pension alimentaire ne sont pas faits à l'ancien conjoint du débiteur alimentaire, comme dans le cas présent, ils seront déductibles pour l'appelant si deux conditions sont remplies. D'une part, ces paiements doivent être faits au profit de cet ancien conjoint ou d'enfants confiés à sa garde. D'autre part, l'accord écrit prévoyant le versement de ces sommes doit prévoir explicitement que les dépenses engagées par l'appelant pour subvenir aux besoins de son enfant dont la garde est confiée à son ancien conjoint seront réputées être des paiements effectués à titre d'allocation payable périodiquement et reçus par l'ancien conjoint. Ceci veut dire que dans l'accord écrit, l'ancien conjoint accepte d'inclure les sommes ainsi versées à une autre personne qu'elle dans son revenu et que le débiteur accepte d'en prendre la déduction dans le calcul de son revenu.

[11]          Ici, l'appelant ne rencontre à mon avis aucune des conditions exigées. D'une part, à la lecture de l'entente du 5 juillet 1992, il n'est pas du tout clair que Beatriz Miguelez accepte d'inclure les sommes versées à sa fille Maia dans son revenu. Le passage de cette entente qui se lit ainsi:

A notre avis, la proposition de Beatriz est logique, puisque la somme en question serait entièrement disponible pour les besoins de Maia, au lieu d'être réduite du montant des impôts que Beatriz aurait à payer si ce revenu devait lui être imputable.

laisse planer un doute quant à l'intention véritable de chacune des parties lorsqu'elles ont signé cette entente. Quant à l'Annexe au Contrat de Séparation en date du 25 octobre 1993, aucune allusion claire n'est faite à ce sujet.

[12]          Selon l'avis d'appel de l'appelant, il ressort plutôt que c'est Maia qui a inclus ces sommes dans son revenu. Il m'apparaît donc qu'il y a eu confusion quant à l'application des articles 56.1 et 60.1 de la Loi. Selon moi, cette entente n'a pas pour effet de réputer le paiement de 750 $ par mois selon l'Accord de Séparation et de 400 $ par mois selon l'Annexe au Contrat de Séparation à Maia comme une allocation payable périodiquement et reçue par Beatriz Miguelez.

[13]          D'autre part, l'appelant a versé cette somme d'argent à sa fille Maia, majeure au cours des années en litige. L'Accord de Séparation stipule qu'il est régi par les lois de l'Ontario. L'obligation alimentaire du père et de la mère vis-à-vis un enfant à charge est prévue dans la Loi sur le droit de la famille (L.R.O., c.F.3). Les articles 29 et 31 de la Partie III de cette Loi stipulent ce qui suit:

29. Les définitions qui suivent s'appliquent à la présente partie.

" conjoint " S'entend au sens du paragraphe 1(1). Son également compris l'homme et le femme qui ne sont pas mariés ensemble et qui ont cohabité, selon le cas :

                a) de façon continue depuis au moins trois ans;

                b) dans une relation d'une certaine permanence, s'ils sont les parents naturels ou adoptifs d'un enfant (" spouse ")

" personne à charge " Personne à qui une autre personne est tenue de fournir des aliments en vertu de la présente partie. (" dependant ") 1986, chap. 4, art. 29.

31.(1) Le père et la mère sont tenus de fournir des aliments à leur enfant non marié qui est mineur ou qui suit un programme d'études à temps plein, dans la mesure de leurs capacités et des besoins.

(2) L'obligation prévue au paragraphe (1) ne s'applique pas à l'enfant de seize ans ou plus qui s'est soustrait à l'autorité parentale.

[14]          Le droit de garde de l'enfant est prévu dans la Partie III de la Loi portant réforme du droit de l'enfance (L.R.O., c.C. 12). Les paragraphes 18(2), 20(1), 20(2), 20(4), 20(6) et 20(7), l'article 21 et le paragraphe 22(2) qui se retrouvent dans la Partie III de cette Loi stipulent ce qui suit:

18            (2) Dans la présente partie, la mention d'un enfant indique un enfant qui est mineur. 1982, chap. 20, art. 1, en partie.

20           (1) Sauf dispositions contraires de la présente partie, le père et le mère ont, à l'égard de leur enfant, un droit de garde égal.

                (2) Quiconque a, à l'égard d'un enfant, un droit de garde possède les droits et les responsabilités d'un père ou d'une mère relativement à la personne de l'enfant et doit exercer ces droits et assumer ces responsabilités dans l'intérêt véritable de l'enfant.

...

                (4) Si les parents d'un enfant sont séparés et que l'enfant vit avec son père ou sa mère avec le consentement, même tacite, ou l'acquiescement de l'autre, le droit que l'autre personne a de faire valoir son droit de garde et ses droits accessoires, mais non son droit de visite, sont suspendus jusqu'à ce qu'un accord de séparation ou une ordonnance prévoie le contraire.

                (6) Le droit de garde ou de visite prend fin au mariage de l'enfant.

                (7) Le droit de garde, ou les droits accessoires, et le droit de visite établis en vertu du présent article sont susceptibles d'être modifiés par une ordonnance du tribunal ou un accord de séparation. 1982, chap. 20, art. 1, en partie.

21.           Le père ou la mère d'un enfant ou une autre personne peut demander au tribunal, par voie de requête, de rendre une ordonnance relativement à la garde de l'enfant ou au droit de visite ou réglant certains aspects des droits accessoires à la garde de l'enfant. 1982. chap. 20, art. 1, en partie.

22.           (2) Un enfant a sa résidence habituelle dans le lieu où il habitait :

                (a)            soit avec son père et sa mère;

(b)            soit avec, lorsque ses parents sont séparés, son père ou sa mère, soit en vertu d'un accord de séparation ou d'une ordonnance du tribunal, soit avec le consentement, même tacite, ou l'acquiescement de l'autre personne;

(c)            soit avec une personne qui n'est ni son père, ni sa mère, de façon permanente pendant une longue période,

selon la dernière de ces éventualités à se réaliser.

[15]          L'article 1 de la Loi sur la majorité et la capacité civile (L.R.O. c. A. 7) prévoit qu'une personne cesse d'être une personne mineure lorsqu'elle a atteint l'âge de dix-huit ans qui est l'âge de la majorité.

[16]          Dans l'affaire La Reine c. Curzi, 94 DTC 6304, le juge Noël de la Cour fédérale de première instance faisait clairement la distinction entre un enfant à charge et un enfant dont la garde est confiée à un parent. Le passage suivant mérite d'être souligné (p. 6308):

                La définition du terme "enfant à charge" prévue à la Loi sur le divorce [L.R.C. (1985), ch. 3 (2e suppl)] évoque dans certains de ses aspects une notion semblable à celle envisagée par l'obligation alimentaire prévue au Code civil. En effet, un enfant peut être considéré comme étant à la charge de ses parents tant et aussi longtemps qu'il ne peut subvenir à ses propres besoins, quel que soit son âge.

                La notion de "garde" ou "custody" évoque toute autre chose. Dans le cadre d'un divorce, l'un ou l'autre des ex-conjoints se voit confier la garde des enfants. Une ordonnance de garde crée un droit en faveur du parent qui se la voit attribuer. C'est celui ou celle qui a la garde des enfants qui a la responsabilité ultime quant à l'éducation des enfants et quant à l'exercice de l'autorité parentale. Par ailleurs, l'attribution de la garde emporte avec elle toutes les obligations qui s'y rattachent.

                Cependant, ce droit de garde n'est pas perpétuel et une ordonnance de garde ne pourrait être opposée à un enfant majeur et émancipé qui choisit de son propre chef de se soutirer de l'autorité parentale. Le fait qu'un enfant puisse, dans ces circonstances, demeurer un enfant à charge dans la mesure où, ayant quitté le foyer parental, il ne peut subvenir à ses propres besoins ne fait pas en sorte qu'il demeure sous la garde du parent qu'il a choisi de quitter. La notion de garde a comme prérequis l'existence de l'autorité parentale laquelle ne peut être exercée à l'encontre d'un enfant majeur et émancipé qui choisit de s'y soustraire.

...

                Selon moi, le but visé par le paragraphe 60.1(1) est de permettre la déductibilité de sommes payées au profit d'un enfant tant et aussi longtemps que l'enfant demeure sous la garde de l'ancien conjoint et que l'ancien conjoint est, à l 'égard de l'enfant, assujetti à l'obligation de soin qui s'y rattache. A partir du moment où un enfant, après son émancipation, quitte la garde du conjoint, la problématique qui était visée par le législateur en permettant la déduction des sommes payées au profit de l'enfant cesse d'exister. En effet, l'ancien conjoint n'a plus, à partir de ce moment, l'obligation de soin qui découlait de son droit de garde et la pension alimentaire ne peut, dès lors, être considérée comme étant due ou versée au titre de cette obligation.

[17]          L'affaire Curzi était régie par les lois du Québec. Toutefois, les dispositions des lois ontariennes vont dans le même sens. L'obligation alimentaire prévue à l'article 31 de la Loi sur le droit de la famille pour un enfant non marié qui suit un programme d'études à temps plein est celle qui est prévue pour une personne à charge. Cette obligation alimentaire du père et de la mère ne s'applique d'ailleurs pas à l'enfant de seize ans ou plus qui s'est soustrait à l'autorité parentale.

[18]          Il ressort de la Loi portant réforme du droit de l'enfance, que le droit de garde ne peut porter que sur un enfant mineur. Dans le cas présent, et selon la preuve que j'ai devant moi, il m'apparaît clair que Maia qui a eu 21 ans le 26 juillet 1993 s'était soustraite à l'autorité parentale en quittant le foyer familial de son propre chef. (L'entente du 5 juillet 1992 fait état du fait que Maia avait quitté le domicile maternel avant le 30 juin 1992. Elle serait ensuite revenue chez sa mère pour quitter à nouveau le foyer familial en 1993 pour se rendre en Argentine). De plus, à partir du moment où elle recevait directement une pension de son père, elle avait pleine autorité d'en disposer puisqu'elle était majeure. Aux termes des lois ontariennes, l'ancien conjoint (Beatriz Miguelez) n'aurait pu opposer une ordonnance de garde à sa fille majeure.

[19]          Je conclus donc qu'au cours des années en litige, Maia n'était pas sous la garde de sa mère et que le paragraphe 60.1 n'a dès lors pas pour effet de réputer les montants qu'elle a reçus de l'appelant comme ayant été reçus par sa mère avec comme résultat qu'ils ne sont pas déductibles en vertu des alinéas 60b) et 60c) de la Loi.

[20]          Les appels sont donc admis pour les années d'imposition 1993 et 1994 en tenant compte du fait que seuls les montants versés à l'ancien conjoint au cours de chacune de ces années et pour lesquels l'intimée a consenti à jugement dans la Réponse à l'avis d'appel sont déductibles pour l'appelant. En ce qui concerne les montants versés directement à Maia Miguelez (6 457 $ en 1993; 4 800 $ en 1994), ces montants ne sont pas déductibles du revenu de l'appelant pour chacune de ces années.

[21]          L'appel pour l'année d'imposition 1995 est rejeté au motif que le montant de 4 800 $ versé directement à Maia Miguelez n'était pas déductible du revenu de l'appelant pour cette année.

Signé à Ottawa, Canada, ce 14e jour de mai 1998.

"Lucie Lamarre"

J.C.C.I.



*               Les montants d'impôt et d'intérêts stipulés doivent être ajustés pour tenir compte uniquement des montants qui sont encore en litige.

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