Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date: 20001206

Dossier: 1999-3427-IT-I

ENTRE :

MATT HARRIS & SON LTD.,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

Le juge Rip, C.C.I.

[1]            La question à trancher dans ces appels interjetés par Matt Harris & Son Ltd. (la " société ") est de savoir si les dépenses publicitaires déduites par la société dans le calcul de son revenu net pour ses années d'imposition 1995 et 1996 ont été engagées ou effectuées en vue de tirer un revenu de son entreprise au sens de l'alinéa 18(1)a) de la Loi de l'impôt sur le revenu (la " Loi ").

[2]                 M. Harris est le président et l'unique actionnaire de la société. Celle-ci exploite une entreprise de fourniture de bois et de construction au Nouveau-Brunswick. L'exploitation forestière, de petits travaux de construction, le déboisement de fonds de terre et le transport de gravier sont quelques-unes des activités de l'entreprise. Sa principale activité semble être la fourniture de bois. La société a des clients aux États-Unis, au Nouveau-Brunswick et au Québec. Elle compte jusqu'à 40 employés durant la période où ses activités battent leur plein. Pour pouvoir continuer de faire tourner son entreprise de fourniture de bois, l'appelante doit constamment acquérir des droits de coupe et des terrains forestiers exploitables.

[3]                 L'appelante n'a pas recours aux terres de la Couronne pour combler ses besoins. M. Harris a témoigné que l'appelante " s'efforce d'acquérir des droits de coupe sur des terres privées et achète en outre des terres appartenant à des intérêts privés ".

[4]            Selon M. Harris, il est utile que le nom de la société soit bien connu lorsque celle-ci veut acheter des droits de coupe. La société ne fait pas de publicité dans les journaux. Elle a commandité une équipe de baseball féminine et a participé à des activités communautaires. Toutefois, sa publicité est axée pour l'essentiel sur les courses de motoneiges et de " stock-cars ". Lors des années en cause, la société était propriétaire (et l'est encore) d'un stock-car et d'une motoneige.

[5]            M. Harris aime piloter des stock-cars et des motoneiges. Il participe à des courses d'automobiles du début du mois de mai à la fin du mois de septembre. Quant aux courses de motoneiges, elles débutent peu après le jour de l'An et se poursuivent jusqu'en mars. Les courses se déroulent les fins de semaine.

[6]                 M. Harris a indiqué que beaucoup de gens assistaient aux courses. " Les moins bonnes assistances " pour les courses de stock-cars se chiffrent à quelque 2 500 personnes, mais il y a habituellement " jusqu'à 5 000 spectateurs ". En moyenne, de 1 000 à 1 500 personnes viennent voir les courses de motoneige, mais il peut y avoir " approximativement 10 000 spectateurs " lors des " courses importantes " — M. Harris n'était toutefois " pas vraiment certain " des chiffres exacts.

[7]            Les courses font l'objet de reportages à la télévision et dans les journaux. Les interviews des pilotes sont également diffusées dans la presse électronique et écrite. Les courses ont lieu un peu partout au Nouveau-Brunswick. M. Harris pilote l'automobile et la motoneige; il est bien connu dans la province en raison de sa participation aux courses. À son avis, la société " obtient plus de publicité " du fait que c'est lui qui pilote que des réclames figurant sur le véhicule. Il ajoute que " les gens s'intéressent aux pilotes, pas aux véhicules ". Il conduit l'automobile " surtout parce que [c'est] plus avantageux " pour lui. La société " en a davantage pour son argent si c'est [lui] qui pilote la voiture ". Pilote émérite, M. Harris a acquis une certaine notoriété dans le milieu des courses automobiles. On lui demande son autographe et il donne des interviews.

[8]            D'autres entreprises commanditent également le stock-car et la motoneige de la société. Un concessionnaire automobile verse 5 000 $ par année, et " il y en a un ou deux autres " qui paient " 2 000 $ environ ". Le nom de ces commanditaires est affiché sur l'automobile et la motoneige. L'argent versé par les commanditaires et les gains remportés lors des courses sont inclus dans le calcul du revenu de la société. D'après le Ministre, en 1996, les gains se sont élevés à 4 365 $.

[9]            Aux dires de M. Harris, la participation aux courses a aussi fait connaître la société. Selon lui, " les gens savent quel est votre nom et, s'ils vous rencontrent, ils ont l'impression de vous connaître ". Les activités de course commanditées par la société ont permis à cette dernière de conclure au moins une affaire intéressante avec une personne, ce qui n'aurait peut-être pas été possible sinon. M. Harris a mentionné expressément une personne qui le connaissait en raison de ses activités de pilote et qui a autorisé la société à entreposer des billes de bois sur sa propriété à la suite d'un dégel hâtif; j'en déduis que la société a pu ainsi réduire ses dépenses et accroître ses bénéfices.

[10]                 M. Harris a déclaré que certaines sociétés concurrentes paient pour réserver des espaces publicitaires sur des voitures de course, mais que leurs propriétaires ne pilotent pas eux-mêmes; ils se contentent de commanditer l'automobile et le pilote.

[11]                 Approximativement 99 p. 100 des dépenses publicitaires de l'appelante lors des années en cause se rapportaient aux courses. D'après M. Harris, 0,58 p. 100 et 0,61 p. 100 du revenu brut annuel en 1995 et en 1996 se rapportaient aux courses de stock-cars et de motoneiges, respectivement.

[12]          Lors du contre-interrogatoire, M. Harris a parlé des origines et de l'évolution de l'appelante. Il a lancé l'entreprise il y a quinze ans, avec 3 000 $ et un camion d'occasion d'une valeur de 17 000 $. Son dossier de crédit était bon, et son père s'est porté caution pour des emprunts lors de la première année d'existence de l'entreprise. À la fin de cette première année, M. Harris a " libéré [son père] de toute obligation ". Il a travaillé dur, et l'entreprise a progressé " à pas de géant ". En 1995, les revenus provenaient principalement de l'exploitation forestière.

[13]                 Mme Nancy Lutes, vérificatrice à l'Agence des douanes et du revenu du Canada (l'" Agence "), a témoigné pour l'intimée. Elle a examiné les dépenses de l'appelante et ses sources de revenu pour les années en cause. Faisaient partie des coûts de publicité deux versements, de 600 $ pour l'achat de balles destinées à une équipe de softball féminine et de 400 $ pour le Club Kinsmen local. Mme Lutes a indiqué que, contrairement à ce qu'il en était pour le stock-car et les motoneiges, la société n'était pas propriétaire de l'équipe, mais qu'elle lui fournissait des chandails sur lesquels apparaissait son nom. Toutes les dépenses ont été validées et acceptées, exception faite des dépenses se rapportant aux courses, qui incluaient des frais de repas et de garde d'enfants. (M. Harris a un fils qui était encore un bébé en 1995 et en 1996.)

[14]          Les dépenses de course — déduction faite des gains — déclarées par l'appelante en 1995 et en 1996 se chiffraient à 17 507 $ et à 13 663 $, respectivement. Le Ministre a émis l'hypothèse que ces dépenses avaient principalement trait à des réparations et à des pièces d'automobile et de motoneige en vue de participer à des courses. Mme Lutes a effectué plusieurs contrôles afin de déterminer l'objet des frais de course. Selon elle, " entre 1 000 $ et 1 800 $ " de dépenses se rattachaient à des menues dépenses payées à même la petite caisse, et plusieurs pièces justificatives de petite caisse, représentant au total 349,19 $, avaient trait à des repas. On ne précisait pas qui avait pris les repas.

[15]          Il y a également eu au moins un paiement, s'élevant à 225 $, à l'intention d'une gardienne d'enfants.

[16]          Par suite de la vérification de Mme Lutes, de consultations avec ses " conseillers techniques ", de discussions avec M. Harris et ses représentants et de l'examen des documents, l'Agence (ou son prédécesseur) a conclu que les dépenses de course étaient des dépenses personnelles au profit de M. Harris, et qu'elles ne présentaient pas un rapport assez étroit avec l'entreprise de bois et de gravier. Les dépenses n'étaient pas engagées ou effectuées dans le but de tirer un revenu de l'entreprise de bois et de gravier de l'appelante. Les dépenses de course ont été incluses dans le calcul du revenu de M. Harris. (Mme Lutes n'a pu préciser si M. Harris avait fait opposition à une cotisation d'impôt quelconque établie à son égard.)

[17]          L'avocat de l'intimée a cité les affaires Ace Salvage Alberta Ltd. v. M.N.R.[1] et Leffler v. M.N.R.[2]. Dans l'affaire Ace Salvage, la société contribuable exploitait une entreprise de ferraille à Calgary en plus d'être propriétaire de chevaux de course. La contribuable voulait déduire ses dépenses relatives aux courses de chevaux du revenu tiré de l'entreprise de ferraille. L'actionnaire principal de l'appelante a témoigné qu'il percevait les chevaux comme un moyen de faire de la publicité pour l'entreprise de récupération de métaux et de promouvoir ses activités. Il arguait qu'une proportion importante de ses clients et fournisseurs étaient des amateurs de courses et que les rapports qu'il avait noués sur les champs de course s'étaient traduits par des bénéfices pour l'entreprise de récupération.

[18]          Comme dans les appels en l'instance, le Ministre a soutenu que les activités de course ne présentaient pas un rapport assez étroit avec l'entreprise de récupération pour avoir quelque effet que ce soit sur les bénéfices de cette dernière. Le Ministre a plutôt fondé sa cotisation sur le fait qu'Ace Salvage Alberta Ltd. exploitait une entreprise agricole. La Cour a souscrit à l'opinion du Ministre et a déclaré à la page 572 (par. 14) :

                [TRADUCTION]

[...] si l'objet premier et manifeste de certaines dépenses peut être établi et que cet objet est à première vue très différent de l'objet commercial ordinaire de l'entité payeuse, il devient alors difficile d'admettre que les avantages accessoires ou subsidiaires éventuels pour l'entité payeuse (aux fins de l'impôt sur le revenu) devraient se substituer à l'objet premier, direct et raisonnable des dépenses en cause. Par conséquent, l'objet des dépenses en cause était d'acheter des chevaux, d'en assurer l'entretien, de les entraîner et de les faire participer à des courses; cet objet n'était pas rattaché directement (ni, peut-être, indirectement) à l'entreprise de récupération de l'appelante.

[19]          La Commission d'appel de l'impôt a elle aussi rejeté l'appel interjeté par le contribuable dans l'affaire Leffler, précitée, au motif que le rapport entre, d'une part, l'entraînement de chevaux et le hippisme et, d'autre part, l'entreprise d'assurance-vie du contribuable était trop éloigné pour justifier la prise en compte des dépenses rattachées aux chevaux, bien que le contribuable ait attribué la hausse de ses ventes de polices d'assurance-vie aux liens noués dans le cadre des activités hippiques. La Commission a invoqué les motifs exposés dans l'affaire H. J. O'Connell Ltd. v. M.N.R.[3] pour étayer sa décision.

[20]          Les décisions rendues dans les affaires O'Connell, Leffler et Ace Salvage reposaient dans une mesure importante sur la conclusion que le rapport n'était pas assez étroit entre les dépenses et l'entreprise. Ce concept de l'étroitesse du lien n'est évoqué nulle part dans la Loi. Pour être déductibles du revenu, les dépenses doivent avoir été effectuées ou engagées dans le but de tirer un revenu d'une entreprise[4]. Bien sûr, les dépenses doivent être raisonnables dans les circonstances[5].

[21]          Le concept de l'étroitesse du lien tire probablement ses origines des lois fiscales en vigueur au Canada et en Angleterre avant la Deuxième Guerre mondiale. Ainsi, au Canada, les alinéas 6(1)a) et b) de la Loi de l'impôt de guerre sur le revenu[6] prévoyaient ce qui suit :

Dans le calcul de la somme des profits ou gains à imposer, il ne doit pas être accordé de déduction en ce qui concerne

a) Les déboursés ou dépenses qui ne sont pas totalement, exclusivement et nécessairement faites en vue de la production du revenu;

b) Tout déboursé, perte ou remplacement de capital ou tout paiement à compte du capital ou toute dépréciation, diminution ou mise au rancart, sauf dispositions expressément contraires de la présente loi;

[22]          La loi fiscale anglaise interdisait les déductions au titre [TRADUCTION] " des débours ou dépenses qui ne sont pas totalement et exclusivement faits à des fins liées au commerce, à la profession, à l'emploi ou à l'occupation "[7]. Les tribunaux britanniques ont utilisé un critère de " production du revenu " pour établir si une dépense était ou non déductible.

[23]          Une ancienne affaire anglaise où ce critère est exposé est Strong & Co., Limited v. Woodifield, [1906] A.C. 448. La Chambre des lords se penchait sur le caractère déductible du dédommagement accordé par une brasserie à un client qui s'était blessé dans une auberge appartenant à la brasserie. La majorité des membres de la Chambre des lords a souscrit à l'opinion du lord chancelier Loreburn, qui a résumé les dispositions de la loi anglaise touchant la déductibilité :

                [TRADUCTION]

Toutefois, à mon avis, il ne s'ensuit pas que, si une perte est liée de quelque façon que ce soit au commerce considéré, elle doive toujours être jugée déductible; il se peut en effet que son rapport avec le commerce soit fort éloigné, ou qu'elle ait un rapport tout aussi étroit, sinon plus, avec autre chose. J'estime que les seules pertes déductibles sont celles liées à un commerce en ce sens qu'elles sont réellement rattachées au commerce lui-même. Les pertes ne peuvent être déduites si elles se rattachent principalement à une autre occupation ou si le commerçant ne les subit pas à titre de commerçant. Il faut également tenir compte de la nature du commerce. [...] Dans la présente affaire, je crois que la perte subie par les appelants n'était pas réellement rattachée à leur commerce d'aubergistes, et que ceux-ci la subissaient non en tant que commerçants mais plutôt en tant que maîtres de maison.[8] [Je mets en italique.]

[24]          La Chambre des lords a jugé que le dédommagement versé par la brasserie ne pouvait être déduit, parce que la perte n'était pas liée à son commerce et n'en découlait pas, tandis que le débours n'avait pas été totalement et exclusivement effectué ou engagé aux fins du commerce.

[25]          Le ratio decidendi de l'affaire Strong, précitée, reposait sur la doctrine de l'étroitesse du lien. Dans une édition récente de l'ouvrage Halsbury's Laws of England, on explique que, pour être déductible, une dépense doit être engagée à des fins rattachées au commerce :

[TRADUCTION]

Les lois de l'impôt sur le revenu n'autorisent pas nécessairement à titre de dépenses ou de déductions la totalité des déductions qu'un commerçant prudent effectuerait en vue de déterminer son bénéfice [...] seules sont admissibles les dépenses rattachées au commerce [...] Les avantages complémentaires et indirects sont en général trop éloignés du commerce pour que soit autorisée la déduction d'une dépense s'y rapportant, et les sommes ainsi déboursées ne le sont pas totalement et exclusivement aux fins du commerce.[9]

[26]                 Toujours dans l'affaire Strong, précitée, lord Davey a exposé le principe selon lequel, pour qu'une dépense soit déductible :

                [TRADUCTION]

[...] Il ne suffit pas que le débours soit effectué dans le cadre des activités commerciales, qu'il en découle ou qu'il s'y rattache [...] Il doit être effectué dans le but de réaliser un bénéfice.[10]

[27]          Le principe énoncé par lord Davey était clairement différent du critère retenu par la majorité des membres de la Chambre des lords pour déterminer si une dépense était " réellement rattachée au commerce ". Il importe de remarquer que le principe de lord Davey, même s'il a été repris dans des décisions subséquentes rendues en Angleterre et au Canada, constituait dans les faits une opinion incidente[11].

[28]          Dans l'affaire Robert Addie & Sons' Collieries Ltd. v. Commissioners of Inland Revenue[12], le lord président Clyde demandait à la page 235 :

                [TRADUCTION]

[...] La réponse à la question de savoir ce que l'on entend par une dépense " totalement et exclusivement effectuée aux fins du commerce " doit reposer sur les principes commerciaux ordinaires. Il est donc nécessaire de chercher à établir la nature véritable de la dépense et de se poser la question suivante : fait-elle partie des charges d'exploitation de la société? S'agit-il d'une dépense effectuée en vue de réaliser un bénéfice? [...]

[29]          Par la suite, dans l'affaire Tata Hydro-Electric Agencies, Bombay v. Income Tax Commissioner[13], la cour a fait mention, en y souscrivant, de cet extrait des propos du lord président Clyde dans l'affaire Addie, précitée.

[30]          Au Canada, le juge en chef Duff, lorsqu'il a exposé ses motifs de jugement dans l'affaire M.N.R. v. Dominion Natural Gas Co. Ltd.[14], a cité les propos du lord président Clyde dans l'affaire Addie, précitée, ainsi que les motifs de jugement dans l'affaire Tata, précitée. La Cour suprême a jugé que les frais juridiques engagés par un contribuable pour sa défense à l'encontre d'une demande présentée par une société gazière concurrente afin de l'empêcher d'exploiter une entreprise étaient des dépenses en capital et n'avaient pas été engagés en vue de gagner un revenu.

[31]          Dans l'affaire Dominion Natural Gas,le juge Crocket, dans ses motifs de jugement, a admis à la page 499-137 que s'il était :

                [TRADUCTION]

[...] libre de fonder [sa] décision dans cet appel sur des considérations ressortissant au bon sens commercial et à l'équité, ou de déduire, à partir des causes déjà jugées, la règle fondamentale à appliquer en vue de déterminer si l'intimé avait droit ou non [aux termes de l'article 6 de la Loi de l'impôt de guerre sur le revenu] [...] à la déduction demandée [...] [il] en arriverai[t] sans la moindre hésitation à la même conclusion que le président de la Cour de l'Échiquier, en souscrivant aux motifs qu'il a énoncés.

[32]                 Toutefois, le juge Crocket estimait être lié par les jugements rendus par le Conseil privé dans l'affaire Tata, précitée, et par la Cour suprême d'Écosse dans l'affaire Addie, précitée. À son avis, les alinéas 6a) et b) de la Loi de l'impôt de guerre sur le revenu et les dispositions analogues de la loi anglaise de l'impôt sur le revenu étaient " pratiquement identiques " et " impossibles à distinguer les uns des autres ".

[33]          Cinq années après la décision rendue par la Cour suprême dans l'affaire Dominion Natural Gas, précitée, le président Thorson a déclaré dans l'affaire Siscoe Gold Mines v. M.N.R.[15] :

                [TRADUCTION]

[...] Il faut faire preuve d'une certaine prudence lorsqu'on veut appliquer une décision anglaise à l'interprétation de cette disposition, compte tenu des différences qu'elle présente par rapport à la disposition anglaise sur laquelle est fondée la décision. On trouve à l'alinéa 6a) le mot " necessarily " (nécessairement), que l'on ne retrouve pas dans la disposition anglaise correspondante; de plus, on trouve à l'alinéa 6a) le passage " for the purpose of earning the income " (en vue de la production du revenu), alors que le passage équivalent de la disposition anglaise est " for the purposes of the trade ". [...] [E]n raison de ce libellé différent, je crois que l'on peut conclure que la disposition anglaise fait preuve de plus de largesse que son équivalent canadien au chapitre des déductions autorisées; on pourrait dès lors considérer de façon générale que, si les décisions anglaises en vertu desquelles les déductions sont rejetées peuvent être applicables, il n'en va pas nécessairement de même de celles en vertu desquelles elles sont admises.

[34]                 Cependant, les tribunaux canadiens ont continué à adopter la position des tribunaux anglais, sans tenir compte des différences entre les deux dispositions pertinentes[16].

[35]          Dans les affaires Montreal Coke and Manufacturing Co. v. M.N.R. et Montreal Light, Heat and Power Consolidated v. M.N.R.[17], le Comité judiciaire du Conseil privé a examiné la déductibilité des dépenses aux termes de la Loi de l'impôt de guerre sur le revenu selon une approche similaire à celle adoptée à l'égard de cette question pour l'application des lois anglaises. Évoquant des décisions rendues antérieurement par des tribunaux canadiens, lord Macmillan a déclaré aux pages 133 et 134 :

                [TRADUCTION]

[...] Bien sûr, il peut exister de nombreuses formes de dépenses ayant pour objet la production d'un revenu plus élevé, mais qu'il ne serait pas approprié de déduire en vue de déterminer le gain ou le bénéfice net annuel. Le critère prévu par la loi est beaucoup plus restrictif. Pour être déductible, une dépense doit être directement rattachée à la production d'un revenu. Les gains d'un commerçant sont le fruit des opérations commerciales qu'il effectue. [...] Les opérations financières ne font partie des activités d'aucune des appelantes. Leur nom indique bien la nature de leurs activités. C'est de ces activités qu'elles s'attendent à tirer leur revenu. [...] [L]eurs arrangements financiers sont nettement séparés des activités dont elles tirent leur revenu. [Je mets en italique.]

[36]          Ainsi, le critère selon lequel les dépenses doivent avoir pour objet de gagner un revenu, énoncé à l'alinéa 6(1)a) de la Loi de l'impôt de guerre sur le revenu, n'a pas été considéré comme aussi important que celui, souverain, de la production du revenu. Ce dernier critère donnait à penser qu'il devait exister un lien direct entre la dépense et le revenu; autrement dit, les débours et dépenses doivent être effectués dans le cadre d'une opération commerciale pour être déductibles. Commentant le critère de production du revenu élaboré par la Cour suprême dans l'affaire Dominion Natural Gas, précitée, ainsi que par le Conseil privé dans l'affaire Montreal Coke, précitée, M. Edwin C. Harris expliquait qu'il " [n]e suffit plus désormais qu'un débours soit engagé " en vue de la production du revenu ", comme le prévoit la loi; pour être déductible, le débours doit également avoir été engagé dans le cadre des activités commerciales de l'entreprise et avoir un lien direct avec elles, au niveau à la fois du temps et des résultats "[18].

[37]          En 1948, la Loi de l'impôt sur le revenu[19] (la " Loi de 1948 ") ne comportait plus l'exigence selon laquelle " il ne doit pas être accordé de déduction en ce qui concerne [...] les déboursés ou dépenses qui ne sont pas totalement, exclusivement et nécessairement " faits en vue de la production du revenu. La dépense sera déductible si elle vise à gagner ou à produire un revenu. Les alinéas 12(1)a) et b) (similaires aux alinéas 18(1)a) et b) sous leur forme actuelle) de la Loi de 1948 prévoyaient ce qui suit :

Dans le calcul du revenu, il n'est opéré aucune déduction à l'égard :

a) D'une mise de fonds ou d'une dépense, sauf dans la mesure où elle a été faite par le contribuable en vue de gagner ou de produire un revenu tiré de biens ou d'une entreprise du contribuable;

b) D'une mise de fonds, d'une perte ou d'un remplacement de capital, d'un paiement à compte de capital ou d'une allocation à l'égard de dépréciation, désuétude ou d'épuisement sauf ce qui est expressément permis par la présente Partie;

[38]          Les tribunaux ont pris en compte le fait que le nouveau passage " en vue de gagner ou de produire un revenu " était moins rigoureux que l'expression " en vue de la production du revenu ". Dans l'affaire B.C. Electric Railway Co. Ltd. v. M.N.R.[20], la Cour suprême du Canada, dans un premier temps, a tenu compte du fait que la déductibilité prévue par l'alinéa 12(1)a) de la Loi de 1948 avait une portée plus générale que celle prévue par la Loi de l'impôt de guerre sur le revenu[21]. Dans un second temps, la Cour a adopté une démarche fondée sur deux critères pour interpréter les alinéas 12(1)a) et b) de la Loi de 1948 : [TRADUCTION] " une fois établi qu'une dépense donnée a été effectuée dans le but de gagner ou de produire un revenu, il faut, aux fins du calcul de l'impôt sur le revenu, déterminer si le débours constitue une dépense visant à gagner un revenu ou plutôt un débours de capital. "[22]

[39]          Dans plusieurs affaires antérieures, le président Thorson a tenu compte du champ d'application élargi de la déduction des dépenses d'entreprise et a délaissé l'approche restrictive associée au critère de production du revenu. La dépense n'a pas à être directement liée à la production d'un revenu pour être déductible (The Royal Trust Co. v. M.N.R.[23]; voir également Imperial Oil Limited v. M.N.R.[24]). M. Harris concluait ainsi son commentaire sur le " mariage " des alinéas 12(1)a) et b) : [TRADUCTION] " [L]es questions relatives à l'étroitesse du lien entre une dépense et la production de revenu, dans la mesure où elles ont quelque pertinence, doivent être examinées uniquement par rapport à la nature des dépenses commerciales ordinaires aux termes de l'article 4, et non par rapport à l'" objet " de la dépense aux termes de l'alinéa 12(1)a). "[25]

[40]          La Cour suprême a examiné et analysé la déductibilité d'une dépense dans l'affaire Symes c. La Reine[26]. Le juge Iacobucci a décrit ainsi l'analyse :

En conséquence, dans l'analyse des déductions, il faut commencer par le par. 9(1), disposition qui englobe, comme l'a précisé le juge de première instance, un "critère des affaires" aux fins du calcul du bénéfice imposable.

C'est un critère qui a été formulé de bien des façons. Comme le juge de première instance l'a bien fait ressortir, la détermination du bénéfice en vertu du par. 9(1) est une question de droit: Neonex International Ltd. c. The Queen, [1978] C.T.C. 485 (C.A.F.). C'est peut-être pour ce motif (comme le laisse entendre implicitement Neonex) que les tribunaux ont hésité à énoncer, relativement au par. 9(1), un critère fondé "sur les principes comptables généralement reconnus" (P.C.G.R.): voir aussi "Business Income and Taxable Income" (1953 Conference Report: Association canadienne d'études fiscales) cité dans B.J. Arnold et T.W. Edgar, dir., Materials on Canadian Income Tax (9e éd. 1990), à la p. 336. Toute mention des P.C.G.R. comporte l'idée d'un degré de contrôle exercé par des comptables professionnels, ce qui est incompatible avec un critère juridique du "bénéfice" en vertu du par. 9(1). Alors qu'un comptable s'interrogeant sur l'opportunité d'une déduction peut être motivé par le désir de présenter un tableau plutôt conservateur du niveau des profits courants, la Loi vise une fin différente: la perception de revenus publics. Pour ces motifs, dans l'examen du par. 9(1), il convient davantage de parler de "principes bien reconnus de la pratique courante des affaires (ou comptable)" ou de "principes bien reconnus des affaires commerciales".

Si l'on adopte cette conception de la déductibilité, on se rend immédiatement compte que les principes bien reconnus de la pratique courante des affaires visés au par. 9(1) auraient généralement pour effet d'interdire la déduction de dépenses qui n'ont pas pour objet de gagner un revenu ou qui sont des dépenses personnelles, de la même façon que les al. 18(1)a) et h) visent expressément à interdire de telles déductions. Pour ce motif, il est artificiel de dire qu'il faut tout d'abord examiner le par. 9(1) pour déterminer si une déduction est autorisée, et que l'on peut ensuite se fonder sur le par. 18(1) pour procéder à une autre analyse.

[41]          La question centrale dans les appels en l'instance consiste à savoir si les dépenses de publicité peuvent être déduites par la société dans le calcul de son revenu net à titre de dépenses d'entreprise. L'intimée a jugé que les dépenses ne présentaient " pas un rapport assez étroit " avec l'entreprise de bois et de sciage de l'appelante, et qu'elles n'étaient donc pas déductibles. Non seulement le concept de l'étroitesse du lien n'est pas énoncé dans la Loi, mais aucun tribunal n'a jamais tenté d'établir comment on pourrait mesurer l'étroitesse du lien. Cela signifie que l'étroitesse du lien est une question d'opinion. Il pourrait être nécessaire qu'une cour d'appel se penche sur le sujet. J'estime pour ma part que cet argument est sans valeur. Le fait que les dépenses n'aient pas forcément donné lieu à la production d'un revenu n'a pas pour conséquence d'en interdire la déduction, car c'est l'objet de ces dépenses qui doit être déterminé (affaire Royal Trust, précitée). De plus, si les dépenses sont engagées dans le but de tirer un revenu d'une entreprise, elles sont déductibles.

[42]          Aux termes du paragraphe 9(1) de la Loi, le revenu qu'un contribuable tire d'une entreprise est le bénéfice qu'il en tire. Il a été clairement établi dans l'affaire Symes, précitée, que le concept de bénéfice énoncé au paragraphe 9(1) autorise la déduction des dépenses d'entreprise, le bénéfice étant en soi un résultat net; la déduction prévue au paragraphe 9(1) s'applique dans la mesure où elle est conforme avec les " principes bien reconnus de la pratique courante des affaires ". ou avec les " principes bien reconnus des affaires commerciales ". Néanmoins, les restrictions prévues au paragraphe 18(1) peuvent interdire la déduction des dépenses. L'appel en l'instance a trait à l'alinéa 18(1)a), aux termes duquel on ne peut déduire du revenu imposable tiré d'une entreprise :

les dépenses, sauf dans la mesure où elles ont été engagées ou effectuées par le contribuable en vue de tirer un revenu de l'entreprise ou du bien;

[43]          Ainsi que cela a déjà été mentionné, on a adopté une interprétation plus libérale de l'expression " engagées ou effectuées [...] en vue de tirer un revenu de l'entreprise ". Dans l'affaire Symes, précitée, le juge Iacobucci a fait ressortir la libéralisation du principe de déduction prévu à l'alinéa 18(1)a) de la Loi en citant les propos de la juge Wilson dans l'affaire Mattabi Mines Ltd. c. Ontario (Ministre du Revenu)[27]. Dans cette affaire, la juge Wilson a examiné une disposition fiscale similaire à l'alinéa 18(1)a) de la Loi et en est arrivée à la conclusion suivante :

[. . .] Tout ce qui importe, c'est que les dépenses aient été engagées légitimement dans le cours ordinaire des affaires et dans le but qu'il en découle ultérieurement un revenu imposable pour la compagnie.

[44]          Le juge Iacobucci a par la suite étudié plusieurs interprétations de l'alinéa 18(1)a). La distinction " commerçant/commerce " est un critère particulièrement intéressant. Ce critère se rattache essentiellement à l'exigence voulant que, dans le critère de production du revenu, les dépenses, pour être déductibles, soient directement liées aux activités de l'entreprise, ainsi que l'a affirmé le Conseil privé dans l'affaire Montreal Coke, précitée. Voici ce qu'à déclaré le juge Iacobucci au sujet de la distinction commerçant/commerce :

Un critère se rapprochant de celui du cercle consiste à déterminer si une dépense en est une "du commerçant" ou "du commerce". J.E. Hershfield, loc. cit., décrit comment cette terminologie a été introduite dans le droit canadien dans une citation de l'arrêt Dominion Natural Gas, précité, à la p. 28 (le juge Crocket). Hershfield soutient qu'une partie de ce critère de déductibilité vise à [TRADUCTION] "déterminer si la dépense était accessoire au commerce — un élément de l'entreprise elle-même. Le fait que le "commerçant" a fait la dépense pour tirer un revenu de l'entreprise n'est pas suffisant" (p. 44:9). Vu sous un angle, cet argument serait à peine plus qu'une reformulation de l'argument du cercle puisqu'il pourrait bien être difficile de faire une distinction entre un "cercle de la production de revenus" et "l'entreprise elle-même". Vu sous un autre angle moins critique, toutefois, demander si une dépense a été faite par le commerçant ou est liée au commerce revient peut-être simplement à se rendre compte que la déductibilité d'une dépense [TRADUCTION] "ne doit pas être déterminée en l'isolant" (Hershfield, loc. cit., à la p. 44:8). Dans la mesure où ce critère exige simplement que les frais de garde d'enfants soient examinés dans le contexte de l'entreprise de l'appelante en tant qu'avocate, je l'accepte.[28]

[45]          Il concluait ainsi :

En conséquence, à la réflexion, on n'a proposé aucun critère qui améliorerait ou modifierait sensiblement un critère reposant directement sur le libellé de l'al. 18(1)a). L'analyse nous ramène à la source, et je peux simplement me poser la question suivante: l'appelante a-t-elle engagé des frais de garde d'enfants en vue de tirer un revenu de l'entreprise ou de faire produire un revenu à l'entreprise?[29]

[46]          La question qu'il convient de poser est donc la suivante : l'appelante a-t-elle engagé les dépenses de publicité en vue de tirer un revenu de son entreprise de bois et de sciage ou de lui faire produire un revenu? Si je me fonde sur l'analyse du juge Iacobucci et sur sa conclusion dans l'affaire Symes, précitée, je n'ai pas à me préoccuper de savoir si les dépenses ont un rapport trop éloigné avec l'entreprise de l'appelante.

[47]          Je ne juge pas les affaires Ace Salvage, Leffler et O'Connell, précitées, utiles en l'instance. La conclusion à laquelle en est arrivé le juge Iacobucci dans l'affaire Symes, précitée, leur enlève toute pertinence. L'alinéa 18(1)a) de la Loi ne contient pas les mots" totalement, exclusivement et nécessairement faites en vue de la production du revenu " que l'on retrouve à l'alinéa 6(1)a) de la Loi de l'impôt de guerre sur le revenu. Ainsi que l'a affirmé la Cour suprême du Canada dans l'affaire Symes, précitée, à la page 732 (DTC 6001 : à la page 6013) :

[...] le libellé actuel de l'al. 18(1)a) suffit à justifier le point de vue que le Parlement a procédé à la modification de l'ancien article pour élargir les déductions au titre des dépenses d'entreprise.

[48]          La jurisprudence qui interprétait la formulation restrictive employée dans la Loi de l'impôt de guerre sur le revenu comme signifiant que la dépense doit être rattachée à la réalisation d'un bénéfice pour être déductible est tombée en désuétude. En outre, cette exigence ne tient pas compte du critère fondé sur l'objet, clairement présent dans la loi et attesté par la Cour suprême du Canada dans l'affaire Symes, précitée. Selon moi, on ne peut déduire de critère d'étroitesse du lien de l'alinéa 18(1)a).

[49]                 L'appelante a engagé les dépenses de publicité dans le but de tirer un revenu de son entreprise. La décision de faire de la publicité était une décision d'affaires prise dans le but de gagner un revenu. L'objet des dépenses était de faire croître l'entreprise de l'appelante en favorisant l'établissement de nouveaux liens et de nouveaux débouchés au profit de l'entreprise de bois et de sciage.

[50]                 L'administration fiscale n'a pas à dicter à un entrepreneur la manière de diriger son entreprise. Les dépenses de publicité peuvent prendre de nombreuses formes : radio, télévision, journaux (locaux, provinciaux ou nationaux), commandites ou acquisition d'équipes sportives, tournois, activités communautaires... — je pourrais continuer encore et encore. Une forme de publicité peut porter fruit pour une entreprise mais pas forcément pour une autre, même une concurrente. Chaque entreprise doit avoir toute liberté de choisir le support publicitaire de son choix.

[51]                 L'entreprise peut choisir d'axer sa publicité sur une activité à laquelle son propriétaire (ou le principal actionnaire de la société à qui appartient l'entreprise) porte un intérêt particulier ou dont il tire un haut degré de satisfaction personnelle. Il n'y a aucune raison pour qu'une forme de publicité soit rejetée par le fisc uniquement parce que le propriétaire de l'entreprise s'intéresse à l'activité en question ou en tire une satisfaction personnelle, ou encore, comme c'est le cas en l'instance, parce qu'il y prend part ou que le rapport entre l'activité et l'entreprise n'est pas assez étroit. Le fait que le propriétaire d'une entreprise (ou l'administrateur d'une société) tire indirectement une satisfaction de la forme de publicité choisie ne doit pas conduire nécessairement à la conclusion que la dépense de publicité doit être rejetée. Si cette dépense, quelle qu'elle soit, est engagée par le contribuable en vue de tirer un revenu de son entreprise et qu'elle est raisonnable dans les circonstances, elle doit être déductible dans le calcul du revenu. C'est ce que dicte la Loi.

[52]                 Cependant, lorsque la forme de publicité choisie comporte une importante dimension personnelle, il incombe au contribuable — et ce fardeau est alors plus lourd que dans des circonstances normales — d'établir que la dépense a réellement été engagée en vue de tirer un revenu de l'entreprise. Il est bien possible que la dépense puisse servir à la fois les besoins de l'entreprise et ceux de l'actionnaire; dans un tel cas, il peut y avoir lieu d'établir l'objet premier de la dépense ou, peut-être, de répartir la dépense entre l'entreprise et l'actionnaire. Ce point n'a pas été évoqué dans les plaidoyers ni au cours de l'audience, et je n'ai pas à déterminer si cette approche est étayée par la Loi.

[53]          Je crois pouvoir admettre d'office que la course automobile est un sport populaire à l'échelle internationale et que bien des grandes sociétés — dont certaines qui résident au Canada — versent des sommes importantes pour commanditer des courses[30]. Par exemple, les compagnies de tabac ainsi que les sociétés de télécommunications internationales ont commandité des écuries de course par le passé. On reconnaît généralement de nos jours que ce type de publicité constitue une pratique commerciale bien reconnue. Pourquoi dès lors interdire à une petite entreprise d'opter elle aussi pour ce genre de publicité? M. Harris, président de l'appelante, a évoqué lors de son témoignage la popularité des courses de stock-cars et de motoneiges au Nouveau-Brunswick. Il a décidé que la société commanditerait des courses de stock-cars et de motoneiges. Une fois qu'il est établi que la dépense est engagée aux fins de l'entreprise, le fait que M. Harris soit le pilote du stock-car et de la motoneige ne devrait pas, toutes choses égales par ailleurs, être un facteur plus important que le plaisir éprouvé indirectement avant, durant et après les courses par les dirigeants des entreprises commanditant de grandes écuries de course automobile.

[54]          Il convient d'admettre les appels de la société. Les dépenses de l'appelante ont été en général engagées en vue de tirer un revenu de l'entreprise, et elles étaient raisonnables dans les circonstances. Il est clairement établi que le fait que la publicité engendre ou non un revenu est sans pertinence. C'est l'objet qui compte. Ce qui importe, c'est de savoir si la publicité vise à gagner ou à produire un revenu. Or, il est clair que l'appelante a effectué les dépenses de publicité en vue de tirer un revenu de son entreprise. Le but de l'appelante était de promouvoir le nom de son entreprise de bois et de sciage et d'en favoriser l'essor en établissant des liens, ce qui concourait à en tirer un revenu.

[55]          Par contre, une partie des dépenses déclarées à titre de dépenses de publicité par l'appelante étaient des dépenses personnelles non déductibles. Les montants précis n'ont pas été fournis en preuve. J'admets l'appel puisqu'il semble que la plus grande partie des dépenses de publicité se rattachaient à des fins commerciales et étaient déductibles dans le calcul du revenu. La question sera déférée au Ministre pour nouvel examen et nouvelle cotisation de façon à exclure des dépenses de course les dépenses engagées par M. Harris à titre personnel, par exemple les frais de garde d'enfants, et à accepter la déduction du solde. La société a droit à ses dépens, le cas échéant.

Signé à Ottawa, Canada, ce 6e jour de décembre 2000.

" Gerald J. Rip "

J.C.C.I.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Traduction certifiée conforme ce 30e jour de mai 2001.

Mario Lagacé, réviseur



[1]               85 DTC 568.

[2]               [1971] Tax A.B.C. 717, 71 DTC 476.

[3]               66 DTC 714, 42 Tax A.B.C. 174.

[4]               Alinéa 18(1)a) de la Loi.

[5]               Article 67 de la Loi.

[6]               S.R.C. 1927, ch. 97. Voir aussi l'article 3. L'article suivant commente la manière dont les tribunaux ont interprété le paragraphe 6(1) : Edwin C. Harris, " The Annulment of a Marriage ", (1961) vol. 9, no 5, Can. Tax J., pp. 370-378.

[7]               Income Tax Act, 1918, ch. 40, 889 Geo. V, aux termes de la règle 3 de l'annexe D; la disposition relative à la déductibilité d'une loi antérieure était similaire, mais pas identique.

[8]               Aux pages 452 et 453.

[9]                 Halsbury's Laws of England, vol. 23, 4e éd. (Londres, Buttersworth, 1991), p. 199, par. 247.

[10]             Affaire Strong, précitée, p. 453.

[11]             Janice McCart, " Deductibility of Business Expenses - Recent Developments ", Report of Proceedings of the Thirty-Seventh Tax Conference, 1985, actes de la conférence (Toronto, Association canadienne d'études fiscales, 1986), 41:1-70, pp. 41-43.

[12]             (1924) S.C. 231 (Ct. Sess. Scot.).

[13]             (1937) A.C. 685, (Lord Macmillan).

[14]             1 DTC 499-133, 499-134-135; [1941] R.C.S. 19, à la suite d'un appel d'une décision de la Cour de l'Échiquier, [1940] R.C. de l'É. 9.

[15]             (1945) 2 DTC 749 à 751 (C. de l'É.).

[16]             Voir toutefois Trapp v. M.N.R. [1946] C.T.C. 30, Anglo-Canadian Oil Co. v. M.N.R., [1947] C.T.C. 47 et Royal Trust Co. & E. L. Stevens v. M.N.R., [1948] C.T.C. 21, portant que l'alinéa 6(1)a) de la Loi de l'impôt de guerre sur le revenu doit être interprété comme si son libellé était " dépenses engagées en vue de gagner le revenu ".

[17]             [1944] A.C. 126.

[18]             Ibid., p. 376. Voir également K. E. Eaton, " The Death of the 'Profit Earning Process Test' " (1957) vol. 5 no 4, Can. Tax J., p. 271.

[19]             S.C. 1948, ch. 52.

[20]             (1958), 58 DTC 1022. Il a été jugé qu'un paiement forfaitaire effectué par B.C. Electric pour se libérer d'une obligation à long terme, source de pertes, consistant à fournir des services de trains de banlieue satisfaisait au critère de production du revenu, mais qu'il n'était pas déductible parce qu'il s'agissait d'un débours de capital.

[21]             Affaire B.C. Electric, précitée, pp. 1027-1028 (le juge Abbott). Plusieurs mois auparavant, dans l'affaire Canada Safeway Ltd. v. M.N.R., 57 DTC 1239, la Cour suprême avait rejeté la déduction des frais d'intérêt payés à l'égard de débentures parce que les fonds empruntés, à l'égard desquels les intérêts avaient été versés, avaient servi à gagner un revenu non imposable sous forme de dividendes d'une autre société. La Cour a tenu compte du fait que la direction des affaires de l'autre société par l'appelante avait eu des effets positifs sur l'entreprise de cette dernière, mais a jugé que ces effets étaient indirects et ténus. Il existait deux sociétés distinctes aux activités séparées. L'appelante exerçait un contrôle uniquement à titre d'actionnaire, et non dans le cadre de l'exploitation de sa propre entreprise. Les fonds empruntés n'avaient pas été utilisés par l'appelante dans le cadre de sa propre entreprise. Les appels portaient sur des cotisations d'impôt établies à l'égard des années 1947 et 1948 en vertu de la Loi de l'impôt de guerre sur le revenu ainsi qu'à l'égard de l'année 1949 en vertu de la Loi de 1948.

[22]             Affaire B.C. Electric, précitée, p. 1028.

[23]             (1957), 57 DTC 1055 à 1062.

[24]             (1947), 3 DTC 1090.

[25]             Ibid., p. 377. Voir également Edwin C. Harris, " Deductions of Business Expenses " (1995), vol. 43, no 5, Revue fiscale canadienne, p. 1190.

[26]             [1993] 4 R.C.S., aux pages 722, 723 et 724 (DTC: aux pages 6009 et 6010). Je ne fais pas mention de l'argument de l'intimée dans l'arrêt Symes voulant qu'il existe une différence entre les dépenses engagées pour s'approcher du " cercle de la production de revenus " et les dépenses engagées à l'intérieur du cercle même. (Se reporter aux pages 733, 734, 735 et 736 (DTC : aux pages 6013 et 6014)). On pourrait considérer que cet argument est analogue au critère de l'étroitesse du lien. De toute manière, le juge Iacobucci l'a rejeté.

[27]             [1988] 2 R.C.S. 175, à la page 189.

[28]             Affaire Symes, précitée, aux pages 735 et 736 (94 DTC 6001 : à la page 6014).

[29]             Ibid.

[30]             Voir R. c. Williams [1998] 1 R.C.S. 1128, (la juge McLachlin — titre qu'elle portait alors), R. v. Potts (1982), 134 D.L.R. (3d) 227 à 233, 236 (C.A. Ont.) et Service v. Insurance Corp. of British Columbia [1994] B.C.J. no 1658 (Q.L.) (C.S.C.-B.).

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.