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Date: 20001124

Dossier: 2000-2404-IT-APP

ENTRE :

STEVEN OSOVSKI,

requérant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs de l'ordonnance

La juge Lamarre, C.C.I.

[1]            Il s'agit d'une demande faite par le requérant conformément au paragraphe 167(1) de la Loi de l'impôt sur le revenu (la " Loi ") afin d'obtenir une ordonnance prorogeant le délai imparti pour interjeter appel relativement à son année d'imposition 1998. Dans un avis de décision concernant le crédit pour taxe sur les produits et services (le " crédit pour TPS ") envoyé le 27 août 1999, le ministre du Revenu national (le " ministre ") a refusé ce crédit au requérant pour l'année d'imposition 1998 au motif que ce dernier n'était pas un particulier admissible au sens de l'alinéa 122.5(2)c) de la Loi, qui est ainsi rédigé :

                ARTICLE 122.5 :

                [. . .]

                (2) Personnes autres que particuliers admissibles, personnes à charge admissibles ou proches admissibles. Malgré le paragraphe (1), est réputée ne pas être un particulier admissible, ni le proche admissible ou la personne à charge admissible d'un tel particulier, pour une année d'imposition la personne qui, selon le cas :

                [...]

                c)              est détenue, à la fin de l'année, dans une prison ou dans un établissement semblable depuis une ou plusieurs périodes totalisant plus de six mois au cours de l'année.

[2]            En effet, il n'est pas contesté que le requérant était détenu, à la fin de l'année 1998, dans une prison ou dans un établissement semblable depuis une ou plusieurs périodes totalisant plus de six mois au cours de l'année. En fait, au moment de l'audience, le requérant était détenu au pénitencier de Cowansville et y purgeait une peine d'emprisonnement à perpétuité depuis 1995. Le requérant est toutefois d'avis qu'il a fait l'objet d'une discrimination en vertu de la disposition susmentionnée de la Loi. Il prétend que ses droits, qui sont garantis par la Charte canadienne des droits et libertés, ont été violés. C'est pourquoi il cherche à obtenir une prorogation du délai imparti pour interjeter appel à l'encontre de la décision du ministre.

[3]            Les dates importantes à examiner, dans la présente demande, sont présentées ci-dessous. Le 22 septembre 1999, le requérant a signifié au ministre un avis d'opposition en réponse à l'avis de décision du 27 août 1999. Le 5 novembre 1999, le ministre a envoyé au requérant un avis de ratification de cette décision. Bien que le délai pour produire un avis d'appel, conformément au paragraphe 169(1) de la Loi, ait expiré le 3 février 2000, le requérant n'a produit son appel devant cette cour que le 7 avril 2000. Il a été avisé par cette cour le 27 avril 2000 que l'appel avait été produit en retard, et on l'a informé de la possibilité de produire une demande pour prorogation de délai. Le requérant a produit cette demande le 26 mai 2000.

[4]            Pour que sa demande soit acceptée, le requérant doit respecter les conditions prescrites au paragraphe 167(5) de la Loi. Les paragraphes 167(1) et (5) sont ainsi rédigés :

                ARTICLE 167 : Prorogation du délai d'appel.

                                                (1) Le contribuable qui n'a pas interjeté appel en application de l'article 169 dans le délai imparti peut présenter à la Cour canadienne de l'impôt une demande de prorogation du délai pour interjeter appel. La Cour peut faire droit à la demande et imposer les conditions qu'elle estime justes.

                [...]

                (5) Acceptation de la demande. Il n'est fait droit à la demande que si les conditions suivantes sont réunies :

                a) la demande a été présentée dans l'année suivant l'expiration du délai imparti en vertu de l'article 169 pour interjeter appel;

                b) le contribuable démontre ce qui suit :

                (i) dans le délai par ailleurs imparti pour interjeter appel, il n'a pu ni agir ni charger quelqu'un d'agir en son nom, ou il avait véritablement l'intention d'interjeter appel,

                               

                (ii) compte tenu des raisons indiquées dans la demande et des circonstances de l'espèce, il est juste et équitable de faire droit à la demande,

                (iii) la demande a été présentée dès que les circonstances le permettaient,

                (iv) l'appel est raisonnablement fondé.

[5]            Il n'est pas contesté que la demande ait été présentée dans l'année suivant l'expiration du délai imparti en vertu de l'article 169 pour interjeter appel. Toutefois, le requérant doit également démontrer que les autres conditions ont été respectées afin d'avoir gain de cause. Entre autres choses, il doit établir qu'il n'a pu ni agir ni charger quelqu'un d'agir en son nom ou qu'il avait véritablement l'intention d'interjeter appel pendant la période allant du 5 novembre 1999 au 3 février 2000.

[6]            Le requérant a reconnu qu'il connaissait la procédure relative à la production d'un avis d'appel devant cette cour. Toutefois, il a expliqué que, durant cette période, sa mère, qui souffrait de la maladie d'Alzheimer, le préoccupait. Il a déclaré avoir présenté une demande devant la Commission nationale des libérations conditionnelles afin d'obtenir une permission de sortir pour la visiter. Il a également déclaré que son père, qui n'était pas en bonne santé, était décédé au mois d'août 2000.

[7]            En contre-interrogatoire, il a admis que sa demande devant la Commission nationale des libérations conditionnelles avait été présentée en mai 2000 et que la Commission avait accusé réception de cette demande le 4 août 2000.

[8]            Mme Alessandria Page, sa chef d'unité au pénitencier, a indiqué dans son témoignage qu'elle n'avait jamais su que le requérant avait des problèmes avec Revenu Canada pendant la période allant du 5 novembre 1999 au 3 février 2000. Cela n'a jamais été porté à son attention par le requérant lui-même, par ses codétenus ou par un quelconque agent à qui son cas avait été confié. Il n'y avait pas non plus d'inscriptions portant sur ces préoccupations dans le dossier du requérant. Mme Page n'était au courant que des problèmes de santé de la mère du requérant. Elle a déclaré que le requérant pouvait facilement obtenir des timbres et des enveloppes et avoir accès à un service de messagerie. Elle savait que le requérant devait de l'argent à d'autres détenus, mais elle a déclaré qu'elle aurait pu fournir au requérant suffisamment d'argent pour les articles susmentionnés le cas échéant. Elle a également déclaré que le requérant pouvait téléphoner sur demande.

[9]            Le requérant travaillait durant la semaine (pour un salaire très modique) et toutes ses soirées étaient libres. Il a déclaré qu'il n'avait pas l'argent nécessaire pour payer des timbres au cours de la période en litige et qu'il ne souhaitait pas accabler la chef d'unité de ses problèmes personnels.

[10]          Pour ce qui est du temps passé par le requérant à la préparation de sa demande présentée devant la Commission nationale des libérations conditionnelles pour obtenir une permission de sortir, Mme Page a indiqué dans son témoignage qu'il n'avait eu qu'à remplir une ligne ou deux, sur un document de une page, et que c'était l'équipe de gestion des cas du requérant qui s'occupait ensuite de toutes les procédures requises. Elle a affirmé que le processus complet était relativement court.

[11]          Sur la foi de l'ensemble de la preuve, je conclus que le requérant n'a pas démontré, selon la prépondérance des probabilités, que, du 5 novembre 1999 au 3 février 2000, il n'avait pu agir ou charger quelqu'un d'autre d'agir en son nom pour produire son avis d'appel. Je conclus également qu'il n'a pas démontré qu'il avait véritablement l'intention d'interjeter appel au cours de cette période.

[12]          Le requérant a déclaré qu'à cette époque, il n'avait pu se concentrer sur son appel devant cette cour, puisqu'il avait accordé la priorité à sa demande présentée devant la Commission nationale des libérations conditionnelles afin d'obtenir une permission de sortir pour visiter sa mère.

[13]          En réalité, la preuve a révélé qu'une telle demande devant la Commission nationale des libérations conditionnelles pouvait être traitée plutôt rapidement. En outre, la demande a été présentée par le requérant après la période en litige en l'espèce.

[14]          La preuve a également révélé que le requérant aurait facilement pu obtenir tout ce qui était nécessaire pour produire un appel devant cette cour, mais qu'il n'avait pas profité de l'occasion de le faire dans le délai de production d'un tel appel. Le requérant ne m'a pas convaincu qu'il n'avait pu agir ou charger quelqu'un d'autre d'agir en son nom avant le 3 février 2000. Il ne m'a pas non plus convaincu qu'il avait véritablement eu l'intention d'interjeter appel avant cette date.

[15]          Ces deux conditions n'ayant pas été respectées, le requérant n'a par conséquent pas respecté toutes les conditions prescrites au paragraphe 167(5) de la Loi, ce qui est essentiel pour qu'une demande de prorogation de délai soit accueillie.

[16]          Pour ces motifs, je me vois contrainte de rejeter la demande.

Signé à Ottawa, Canada, ce 24e jour de novembre 2000.

" Lucie Lamarre "

J.C.C.I.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Traduction certifiée conforme ce 6e jour de juin 2001.

Mario Lagacé, réviseur

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