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Dossier : 2003-4371(EI)

ENTRE :

KATHERINE SMITH,

appelante,

ET

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

 

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

_________________________________________________________________

 

Appel entendu le 7 avril 2004, à Moncton (Nouveau-Brunswick)

 

Devant : L’honorable Brent Paris

 

Comparutions :

 

Avocat de l’appelante :

Me Peter J. Beardsworth

 

Avocate de l’intimé :

Me Antonia Paraherakis

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

 

  L’appel est admis, et la décision du ministre est annulée, conformément aux motifs du jugement ci-joints.


 

Signé à Ottawa, Canada, ce 1er jour de septembre 2004.

 

 

« B. Paris »

Le juge Paris

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 14e jour de juin 2005.

 

 

 

Joanne Robert, traductrice


 

 

 

 

Dossier : 2003-4372(CPP)

ENTRE :

KATHERINE SMITH,

appelante,

ET

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

 

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

 

Appel entendu le 7 avril 2004, à Moncton (Nouveau-Brunswick)

 

Devant : L’honorable Brent Paris

 

Comparutions :

 

Avocat de l’appelante :

Me Peter J. Beardsworth

 

Avocate de l’intimé :

Me Antonia Paraherakis

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

 

  L’appel est admis, et la décision du ministre est annulée, conformément aux motifs du jugement ci-joints.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 1er jour de septembre 2004.

 

 

« B. Paris »

Le juge Paris

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 14e jour de juin 2005.

 

 

 

Joanne Robert, traductrice


 

 

 

 

Référence : 2004CCI576

Date : 20040901

Dossiers : 2003-4371(EI)

   2003-4372(CPP)

ENTRE :

KATHERINE SMITH,

appelante,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge Paris

 

[1]  L’appelante interjette appel de décisions du ministre du Revenu national selon lesquelles l’emploi de l’appelante auprès de son époux, Ronald Smith, pendant les périodes allant du 21 juillet 2001 au 8 février 2002 et du 1er juillet 2002 au 28 février 2003 n’était pas assurable en vertu de la Loi sur l’assurance-emploi la « Loi » et n’ouvrait pas droit à pension en vertu du Régime de pensions du Canada le « Régime » parce qu’il n’était pas exercé aux termes de contrats de louage de services et était un emploi exclu.

 

[2]  Ces appels portaient sur la question de savoir :

 

s’il était raisonnable que le ministre conclue que l’appelante et son époux n’auraient pas conclu entre-eux un contrat de travail à peu près semblable s’ils n’avaient pas eu de lien de dépendance; 

 

si l’appelante exerçait son travail auprès de M. Smith aux termes d’un contrat de louage de services.

 

 

Preuve

 

[3]  Trois personnes ont été appelées à témoigner, soit l’appelante, Ronald Smith et Germaine Landry, l’agente des appels de l’Agence du revenu du Canada qui s’est occupée de l’appel interjeté par l’appelante de la décision selon laquelle son emploi n’était pas assurable.

 

[4]  Les preuves ont démontré que M. Smith travaille comme mécanicien industriel pour la Potash Corporation of Saskatchewan depuis 1990 et qu’il a exploité une entreprise de bois de chauffage de 1993 à 1999. Vers la fin de l’année 1998, il a acheté une ébrancheuse, machine utilisée pour l’exploitation forestière qui sert à couper les cimes et les branches des arbres qui ont été abattus et à empiler les grumes qui restent sur les « griffes de convoyeur » pour le transport aux scieries. L’ébrancheuse était un modèle de 1978 et avait déjà été utilisée pendant bien des heures, mais M. Smith a pu la mettre en état de fonctionnement. En janvier 1999, M. Smith s’est vu adjuger un marché relatif à l’exécution de travaux d’ébranchage pour une compagnie de pipeline qui devait défricher un terrain. Pour pouvoir exécuter les travaux, il a engagé son épouse, l’appelante, pour manier l’ébrancheuse.

 

[5]  L’appelante a beaucoup d’expérience dans le maniement des machines lourdes et a souvent travaillé dans le bois. L’intimé ne conteste pas le fait que l’appelante avait la capacité et les compétences nécessaires pour manier l’ébrancheuse.

 

[6]  Au cours des années qui ont suivi, l’entreprise d’exploitation forestière de M. Smith a pris de l’expansion, et un débardeur à pince ainsi qu’une abatteuse‑empileuse ont été achetés en 2000 et en 2002, respectivement. Ces machines servaient à couper et à déplacer les arbres et, tout comme l’ébrancheuse, permettaient à M. Smith d’exploiter une entreprise indépendante d’exploitation forestière. D’autres travailleurs ont été embauchés pour faire fonctionner ces machines. De plus, deux camionnettes quatre-quatre équipées pour transporter le carburant pour les machines utilisées pour l’exploitation forestière ont été achetées. 

 

[7]  M. Smith s’est vu accorder des marchés qui lui permettaient d’exploiter l’entreprise chaque année pendant toute la saison de coupe. Il était impossible de faire l’exploitation forestière pendant la période de dégel au printemps (de mars à mai, à peu près), où le sol dans le bois est trop mou pour que les machines puissent être maniées. Bien que M. Smith ait continué à travailler à plein temps à la mine de potasse, il passait aussi beaucoup d’heures le soir à manier lui-même la débusqueuse, à faire des travaux avec la scie à chaîne et à réparer les machines. L’appelante a dit qu’elle était capable de faire des réparations mécaniques mineures, mais que son époux était responsable des grosses réparations et de tout ce qui touchait à l’hydraulique et aux moteurs.

 

[8]  L’appelante dit qu’elle a reçu des prestations d’assurance-emploi chaque fois qu’elle a été mise en disponibilité de 1999 à 2002. Pour sa première demande, en 1999, une enquête a été menée parce que M. Smith et elle avaient un lien de dépendance, mais sa demande a été approuvée, et des prestations lui ont été versées pendant chaque période de mise en disponibilité. Au printemps 2003, sa demande de prestations relativement à son emploi pendant la saison 2002-2003 a été examinée et refusée. Elle devait aussi rembourser les prestations qui lui avaient été versées par suite de ses deux demandes antérieures relatives à son emploi pendant les périodes en cause.

 

[9]  Les réponses aux avis d’appel déposés pour ces deux appels contenaient les mêmes hypothèses sur lesquelles le ministre s’était fondé au moment de rendre la décision selon laquelle l’emploi de l’appelante n’était pas assurable et n’ouvrait pas droit à pension. J’envisage de traiter les hypothèses énoncées aux alinéas 7d) à 7n), qui étaient au cœur de la décision du ministre pour ce qui est de l’emploi de l’appelante :

 

[TRADUCTION]

 

d) le payeur et l’appelante étaient responsables des dettes relatives à leurs machines servant à faire l’exploitation forestière;

 

[10]  Il a été admis que l’appelante a garanti les emprunts faits par M. Smith pour acheter diverses machines ainsi que les véhicules utilisés dans le cadre de l’entreprise d’exploitation forestière. L’appelante a expliqué que la banque exigeait d’elle une garantie parce que l’entreprise était exploitée à titre d’entreprise à propriétaire unique et n’avait aucun élément d’actif pouvant être utilisé comme sûreté réelle pour les emprunts. M. Smith a confirmé que la banque a demandé que l’appelante signe pour tout emprunt auquel il souscrivait parce que tous les biens qu’il pouvait utiliser comme sûreté réelle, dont la résidence familiale, appartenaient conjointement et à M. Smith et à l’appelante. M. Smith était le propriétaire des machines et faisait tous les paiements des emprunts auxquels il avait souscrit pour les acheter.

 

  [TRADUCTION]

e) le payeur et l’appelante étaient tous les deux signataires autorisés du compte bancaire de l’entreprise; le compte bancaire de l’entreprise était aussi utilisé pour des transactions personnelles;

 

[11]  La preuve démontre que l’appelante et son époux n’avaient qu’un seul compte bancaire, qui était utilisé à la fois à des fins professionnelles et à des fins personnelles, et que, par conséquent, les deux parties étaient signataires autorisés. 

 

  [TRADUCTION]

f) le payeur et l’appelante étaient tous les deux signataires autorisés pour les cartes de crédit de l’entreprise (Visa et MasterCard);

 

[12]  Cela a été confirmé, mais l’appelante a signalé que d’autres travailleurs de l’entreprise se servaient aussi des cartes de crédit pour acheter des pièces et les fournitures nécessaires.

 

  [TRADUCTION]

g) les quatre téléphones cellulaires utilisés dans le cadre de l’entreprise étaient enregistrés au nom de l’appelante;

 

[13]  Ce fait a été admis. L’appelante avait déjà un compte auprès d’un magasin de téléphones cellulaires et, par commodité, elle a tout simplement ajouté à son compte d’autres téléphones cellulaires pour l’entreprise de M. Smith, au besoin. Les téléphones étaient nécessaires pour travailler dans le bois, et l’entreprise a assumé tous les frais connexes.

 

  [TRADUCTION]

h) les trois véhicules utilisés dans le cadre de l’entreprise étaient enregistrés au nom de l’appelante et du payeur;

 

[14]  Ce fait a été admis. Les trois véhicules étaient enregistrés aux deux noms parce que, de cette façon-là, le coût des assurances était moins élevé que si les véhicules étaient enregistrés à un seul nom. L’entreprise a payé les véhicules ainsi que les dépenses liées à leur utilisation.

 

  [TRADUCTION]

i) les tâches de l’appelante comprenaient le maniement et l’entretien de l’ébrancheuse de marque John Deer, modèle de 1978, et elle devait produire 250 cordes de bois par semaine;

 

  [TRADUCTION]

j) l’appelante travaillait 60 heures par semaine, habituellement de 6 h à 18 h du lundi au vendredi; s’il lui manquait des heures de travail à cause du mauvais temps ou d’une panne de machine, elle reprenait ses heures le samedi ou le dimanche;

 

[15]  Ces faits ont également été admis, mais l’appelante a souligné que ses heures de travail étaient les mêmes que celles des autres opérateurs de machines.

 

  [TRADUCTION]

k) en plus de ses tâches à titre d’opératrice de l’ébrancheuse, l’appelante faisait la tenue des livres du payeur et commandait et allait chercher des pièces sans être rémunérée;

 

[16]  Ces faits ont été admis. L’appelante et M. Smith ont dit que l’appelante faisait une partie de la tenue des livres de l’entreprise en soirée avec leur fille et, qu’à l’occasion, elle allait chercher des pièces pour les machines, et ce, sans toucher de rémunération.

 

  [TRADUCTION]

l) le salaire hebdomadaire de l’appelante était calculé en fonction de 720 $ plus 28,20 $ de paie de vacances;

 

  [TRADUCTION]

m) l’appelante ne touchait pas de traitement chaque semaine, mais retirait de l’argent du compte bancaire personnel/d’affaires quand elle avait besoin d’argent;

 

[17]  Ces faits ont aussi été admis. M. Smith a dit que le taux de rémunération de l’appelante avait été établi en fonction des taux horaires courants des opérateurs de machines dans la région. Des copies des relevés bancaires indiquant que l’appelante retirait régulièrement de l’argent du compte bancaire conjoint ont été présentées comme preuve, et elle a dit qu’elle a reçu tous les montants qui lui revenaient. Cette preuve n’a pas été contestée lors du contre-interrogatoire.

 

  [TRADUCTION]

n) pendant la période de deux semaines se terminant le 13 septembre 2002, l’appelante a reçu son salaire ordinaire et sa paie de vacances alors qu’elle était en vacances à Hawaii.

 

[18]  L’appelante et M. Smith ont dit devant la Cour que l’entreprise a dû cesser ses activités pendant deux semaines en septembre 2002 pour faire l’entretien de l’ébrancheuse. L’appelante a dit qu’au cours du mois précédent, elle a fait des heures supplémentaires pendant la semaine et les fins de semaine pour accumuler assez d’heures pour pouvoir prendre deux semaines de congé payé. Étant donné qu’elle savait longtemps à l’avance que l’ébrancheuse allait devoir faire l’objet d’un entretien, elle a pu se préparer pour cette période d’arrêt des activités et accumuler des heures supplémentaires. L’autre travailleur de l’entreprise n’avait pas fait d’heures supplémentaires et n’a donc pas reçu de rémunération pour les deux semaines où l’entreprise n’a pas exercé d’activités.

 

Analyse

 

[20]  Dans le cadre de l’appel interjeté en vertu de la Loi et du Régime contre la décision du ministre selon laquelle l’appelante et M. Smith n’auraient pas conclu entre-eux un contrat de travail à peu près semblable s’ils n’avaient pas eu de lien de dépendance, cette cour a pour rôle de « vérifier si les faits supposés ou retenus par le ministre sont réels et ont été appréciés correctement en tenant compte du contexte où ils sont survenus, et après cette vérification, […] décider si la conclusion dont le ministre était convaincu paraît toujours raisonnable [1]  ».

 

[21]  Il ressort clairement de la preuve que la plupart des faits sur lesquels le ministre s’est fondé pour rendre sa décision ont été acceptés par l’appelante; selon l’appelante, c’est plutôt la conclusion du ministre qui est sans motif valable.

 

[22]  Au moment de déterminer si un contrat est à peu près semblable à un contrat qui aurait été conclu entre des parties sans lien de dépendance, le ministre doit examiner toutes les circonstances de l’emploi. Toutefois, en l’espèce, le ministre a tenu compte de circonstances qui existaient indépendamment de la relation de travail entre l’appelante et M. Smith. Par exemple, le ministre s’est fié au fait que l’appelante était responsable de la dette relative aux machines utilisées pour faire l’exploitation forestière achetées par M. Smith même s’il n’y avait pas de preuve permettant de dire qu’elle a garanti les emprunts à titre d’employée de M. Smith ou que la garantie était liée à son emploi de quelque manière que soit. J’accepte que la banque ait exigé que l’appelante cosigne les emprunts parce qu’elle était l’épouse de l’emprunteur et qu’elle aurait été tenue de le faire même si elle n’avait pas été son employée.

 

[23]  Pour ce qui est des véhicules et des téléphones cellulaires, c’est l’entreprise qui a payé ces articles, et il est plus opportun de considérer M. Smith comme étant le propriétaire effectif de chacun de ces biens et de considérer l’appelante détenant le titre de ces biens en common law.

 

[24]  De plus, il est évident que le ministre n’a pas tenu compte des faits pertinents relatifs aux circonstances de l’emploi de l’appelante. Par exemple, l’appelante pouvait en effet utiliser les cartes de crédit de l’entreprise, mais d’autres travailleurs pouvaient eux aussi les utiliser. De plus, elle a touché une rémunération pour les deux semaines où elle était à Hawaii, mais ce qu’elle a touché était pour les heures supplémentaires qu’elle avait faites avant ses vacances. Finalement, bien que la façon dont elle était rémunérée ne soit pas courante dans les  situations où les parties n’ont pas de lien de dépendance entre elles, l’appelante a bel et bien été rémunérée pour le travail qu’elle a fait.

 

[25]  Ces erreurs dans l’appréciation du ministre des circonstances entourant l’emploi de l’appelante m’amènent à conclure que la décision selon laquelle le contrat conclu n’était pas à peu près semblable à un contrat qui aurait été conclu entre des parties n’ayant pas de lien de dépendance entre elles est sans motif valable. Il faut donc que je tranche cette question en fonction de la preuve qui m’a été présentée.

 

[26]  Rien n’a laissé entendre que la durée, la nature ou l’importance du travail exercé par l’appelante ou que la rémunération qui lui a été versée dénotaient la présence d’un contrat conclu entre des parties ayant un lien de dépendance. Le travail était effectué chaque année durant toute la période de récolte du bois, il était essentiel à l’entreprise de M. Smith et il était de même nature que le travail effectué par les travailleurs de M. Smith, avec qui ce dernier n’avait aucun lien de dépendance, pendant la période de récolte du bois de 2003-2004, où l’appelante n’était pas disponible pour travailler. Le taux de rémunération de l’appelante était convenable, et l’appelante a reçu tous les montants qui lui revenaient.

 

[27]  Pour ce qui est des modalités de l’emploi, l’appelante travaillait en effet de longues heures, mais les autres travailleurs de M. Smith travaillaient eux aussi, semble‑t‑il, de longues heures. Aussi, l’appelante a fait du travail pour l’entreprise de M. Smith pour lequel elle n’a touché aucune rémunération, ce qui n’est pas courant dans le cadre d’un contrat conclu entre des parties n’ayant pas de lien de dépendance, mais ce travail non rémunéré n’a pas beaucoup d’importance comparativement à son travail rémunéré.

 

[28]  Dans l’ensemble, je suis convaincu que le contrat conclu entre l’appelante et M. Smith était à peu près semblable à un contrat qui aurait été conclu entre des parties n’ayant pas de lien de dépendance, et, par conséquent, l’emploi n’était pas un emploi exclu en vertu de la Loi et du Régime.

 

[29]  Le ministre a également conclu que l’appelante n’exerçait pas un emploi assurable parce qu’elle n’était pas employée aux termes d’un contrat de louage de services conclu avec M. Smith.

 

[30]  La question de savoir si un travailleur est un employé ou un entrepreneur indépendant doit être déterminée selon un examen de toutes les circonstances de la relation qui existe entre les parties. Dans la décision de la Cour suprême du Canada relativement à l’affaire Ontario Ltd. c. Sagaz Industries Canada Inc., [2001] 2 R.C.S. 983, le juge Major a dit ce qui suit [2]  :

[…] La question centrale est de savoir si la personne qui a été engagée pour fournir les services les fournit en tant que personne travaillant à son compte. Pour répondre à cette question, il faut toujours prendre en considération le degré de contrôle que l’employeur exerce sur les activités du travailleur. Cependant, il faut aussi se demander, notamment, si le travailleur fournit son propre outillage, s’il engage lui-même ses assistants, quelle est l’étendue de ses risques financiers, jusqu’à quel point il est responsable des mises de fonds et de la gestion et jusqu’à quel point il peut tirer profit de l’exécution de ses tâches. […]

 

[...]

 

Ces facteurs, il est bon de le répéter, ne sont pas exhaustifs et il n’y a pas de manière préétablie de les appliquer. Leur importance relative respective dépend des circonstances et des faits particuliers de l’affaire.

 

[31]  En l’espèce, la preuve démontre que c’étaient les clients de M. Smith qui décidaient à quel endroit les travaux devaient avoir lieu et que M. Smith donnait les instructions à l’appelante. Il arrivait que le client dise à l’appelante même où travailler. Chaque soir, M. Smith se rendait à l’endroit où le travail avait lieu pour vérifier l’avancement du travail à faire et pour faire tout travail mécanique nécessaire. Il a dit qu’il n’avait pas à dire à l’appelante comment faire son travail parce qu’elle était très compétente. L’appelante était tenue de travailler 60 heures par semaine et de produire une quantité donnée de bois pendant ces heures. Il ne vérifiait pas les heures de l’appelante, mais il sait qu’elle quittait leur demeure pour aller travailler plus tôt que lui le matin et qu’elle était toujours au travail quand il rentrait à la maison le soir.

 

[32]  Ces faits m’ont amené à conclure que M. Smith avait le droit de contrôler le travail de l’appelante, mais que celle-ci avait besoin de très peu de supervision en raison de son niveau de compétence, ce qui est plus courant dans le cadre des contrats de louage de services que dans le cadre des contrats de services.

 

[33]  Tout le matériel nécessaire à l’exécution du travail était fourni par M. Smith. Même si les véhicules utilisés dans le cadre de l’entreprise étaient enregistrés aux deux noms, c’est l’entreprise qui les avait payés, et je considère qu’ils ont été fournis par M. Smith. Cet aspect est également courant dans le cadre d’un contrat de louage de services.

 

[34]  L’appelante recevait un montant fixe et n’avait aucune possibilité de faire un profit. Elle était tenue de produire une certaine quantité de bois chaque semaine, mais rien ne donne à penser qu’elle aurait reçu plus d’argent si elle avait produit plus de bois. En ce qui concerne le risque de perte de l’appelante, l’intimé prétend que l’appelante était responsable des dettes contractées par M. Smith pour acheter le matériel utilisé dans le cadre de l’entreprise, et que, par conséquent, elle courait également un risque financier. Cependant, comme je l’ai déjà dit, ce risque ne découle pas de la relation de travail et aurait existé qu’elle ait ou non travaillé pour M. Smith. Ces facteurs appuient aussi l’opinion selon laquelle l’appelante était une employée plutôt qu’une entrepreneure indépendante. 

 

[35] J’ai examiné toutes ces circonstances et, selon moi, l’appelante n’exécutait pas les travaux en question pour son propre compte. Je conclus que son emploi auprès de M. Smith était un emploi aux termes d’un contrat de louage de services et qu’il était assurable et ouvrait droit à pension. Les appels sont donc admis.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 1er jour de septembre 2004.

 

 

« B. Paris »

Le juge Paris

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 16e jour de juin 2005.

 

 

 

Joanne Robert, traductrice


 

 

 

RÉFÉRENCE :

2004CCI576

 

Nos DU GREFFE :

2003-4371(EI) et 2003-4372(CPP)

 

INTITULÉ DE LA CAUSE :

Katherine Smith et M.R.N.

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Moncton (Nouveau-Brunswick)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

7 avril 2004

 

MOTIFS DU JUGEMENT PAR :

L’honorable B. Paris

 

DATE DU JUGEMENT :

1er septembre 2004

 

COMPARUTIONS :

 

Avocat de l’appelante :

Me Peter J. Beardsworth

 

Avocate de l’intimé :

Me Antonia Paharehakas

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Pour l’appelante :

 

Nom :

 

 

Cabinet :

 

 

Pour l’intimé :

Me Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada

 

 

 



[1] Pérusse v. Canada (2000) 261 N.R. 150 (C.A.F.)

[2] aux pages 985 et 1005.

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