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Date: 19980306

Dossier: 96-1399-IT-G

ENTRE :

BRELCO DRILLING LTD., (auparavant Trimac Limited)

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

Le juge Bell, C.C.I.

[1]            L'appel en l'instance est à l'encontre du montant de la perte déterminé par le ministre du Revenu national (le " ministre ") pour l'année d'imposition 1989 de l'appelante. La perte calculée par l'appelante a été réduite du fait que le ministre a réduit son " revenu sauf "[1]. Le gain en capital auquel le paragraphe 55(2) de la Loi de l'impôt sur le revenu (la " Loi ")[2] aurait donné lieu s'en est donc trouvé accru, ainsi que le gain en capital imposable. Pour annuler cette hausse de son revenu, l'appelante a déduit une perte autre qu'une perte en capital plus élevée.

QUESTION EN LITIGE

[2]            Il s'agit de déterminer si les pertes subies par les corporationss étrangères affiliées de l'appelante réduisent le " revenu gagné ou réalisé par une corporation après 1971 " aux fins du paragraphe 55(2), et modifient ainsi le montant du " revenu sauf " de l'appelante.

LES FAITS

[3]            Les parties ont déposé un exposé conjoint des faits à la Cour et ont informé celle-ci qu'il renfermait les admissions faites dans les actes de procédure et qu'il constituait la totalité de la preuve dans la présente affaire.

[4]            L'annexe " A ", jointe aux présents motifs, est un schéma représentant la structure de l'entreprise concernée. Les noms de compagnies utilisés dans les présents motifs sont tirés de ce schéma.

[5]            Le 29 novembre 1989, l'appelante a reçu de Tricil des dividendes en espèces de 32 000 000 $, qu'elle a inclus dans le calcul de son revenu. Elle a appliqué le paragraphe 55(2) à l'égard de ces dividendes, avec pour conséquence que ceux-ci ont été réputés être un produit de disposition. Elle a soustrait du gain en capital réputé qui en est résulté le montant du " revenu sauf " qu'elle avait calculé. L'appelante avait subi des pertes dans le cadre d'autres activités dans l'année d'imposition en question, et elle a fait valoir en fin de compte qu'elle avait subi, pour l'année en question, une perte autre qu'une perte en capital.

[6]            Le 29 décembre 1989, l'appelante a vendu la totalité de ses actions de Tricil à Laidlaw Inc.

[7]            En 1995, à la demande de l'appelante, le ministre a établi un avis de détermination d'une perte. Il a déterminé que la perte était inférieure au montant que l'appelante avait déduit, la différence étant directement liée au montant du " revenu sauf " qui pouvait être utilisé pour réduire le gain en capital.

[8]            À la fin de leur année d'imposition se terminant avant le 30 novembre 1989, les compagnies Inc., A, B, C, D et E avaient toutes un " déficit exonéré " au sens où cette expression est utilisée dans la Loi. B, C, D et E ont toutes subi des pertes entre leur dernière année d'imposition précédente et le 29 novembre 1989.

[9]            À la fin de leur année d'imposition se terminant avant le 30 novembre 1989, F et G avaient toutes deux un surplus exonéré au sens où cette expression est entendue dans la Loi.

[10]          L'appelante a déterminé que son " revenu sauf " était de 25 735 216 $; elle a déduit ce montant du gain en capital réputé en vertu du paragraphe 55(2). Le ministre

                                [TRADUCTION]

a déterminé que la partie du dividende versé par Tricil à Trimac qui pouvait raisonnablement être considérée comme étant attribuable au revenu gagné ou réalisé par Tricil et ses filiales après 1971 (ci-après appelé le " revenu sauf ") [...] s'élevait à 23 149 721 $, ce qui représente un écart de 2 585 495 $[3].

Le montant de 1 723 672 $ a donc été ajouté au gain en capital imposable de l'appelante, et la perte autre que la perte en capital qu'elle avait subie a été réduite du même montant.

[11]          Le ministre a effectué une analyse du calcul du revenu sauf de l'appelante, laquelle a été jointe en annexe à l'exposé conjoint des faits[4]. Elle est reproduite à l'annexe " B " des présents motifs. D'après cette analyse, en ce qui concerne Tricil, les montants de 9 026 833 $ et de 2 845 896 $ totalisent 12 776 622 $. Les parties conviennent que le total des deux montants en question devrait être de 11 872 729 $. Par conséquent, la moitié de la différence de 903 893 $ qui en résulte au titre du " revenu sauf " devrait réduire la part de l'appelante de 451 946 $. Il a été convenu que, si l'appelante obtenait gain de cause dans l'appel en l'instance, cette erreur de calcul serait corrigée, ce qui donnerait lieu à une réduction du " revenu sauf " de l'appelante. Si, toutefois, l'appelante est déboutée, l'erreur de calcul ne sera pas corrigée puisqu'il en résulterait une hausse du montant payable par l'appelante selon la Cour[5].

[12]          Selon le calcul de l'intimée, le " revenu sauf " de l'appelante est réduit du montant des déficits exonérés de Inc., A, B, C, D et E. L'appelante soutient que les déficits exonérés ne doivent pas être " déduits " des surplus exonérés de F et de G. L'intimée soutient que tous les déficits exonérés doivent être ainsi " déduits ".

OBSERVATIONS DE L'APPELANTE

Observations préliminaires sur l'absence d'hypothèses de fait dans la réponse

[13]          L'avocat de l'appelante a fait valoir que les actes de procédure de l'intimée étaient insuffisants. Il a déclaré qu'il fallait y alléguer les faits essentiels à l'application du paragraphe 55(2). Il a soutenu que l'intimée ne pouvait conclure qu'un dividende diminuerait le prix d'une action puisqu'il est possible qu'un dividende soit versé sans qu'il y ait d'incidence sur le prix qu'un acheteur serait disposé à payer. Il a fait cette observation en dépit du fait que l'appelante s'était elle-même soumise à l'application du paragraphe 55(2) dans la déclaration de revenus qu'elle a produite pour l'année d'imposition 1989. Plus particulièrement, l'avocat de l'appelante a déclaré que les actes de procédure ne contenaient aucune hypothèse relative aux faits qui doivent exister pour déterminer s'il est raisonnable d'utiliser les pertes subies pour diminuer les bénéfices non répartis de la société mère. Il a soutenu qu'il n'y avait aucune preuve permettant à la Cour d'arriver à cette conclusion. Puis il a fait valoir que les actes de procédure déposés dans les affaires d'impôt sur le revenu étaient soumis à trois principes fondamentaux. Ils sont les suivants :

                1.              L'intimée doit formuler des hypothèses sur tous les faits essentiels à la validité de la nouvelle cotisation. L'avocat a déclaré qu'il n'y avait aucune allégation se rapportant à l'utilisation du montant du dividende pour réduire le gain en capital, ni aucun fait liant le revenu de la société mère aux pertes subies par les filiales. Il a renvoyé à l'affaire del Valle v. M.N.R., 86 DTC 1235 (C.C.I.), page 1237, où le juge Sarchuk a dit :

À mon avis, l'intimé n'a pas allégué les faits qui constituent un élément essentiel à la validité de la nouvelle cotisation. L'appelante n'est pas tenue de réfuter un fait inexistant ou une hypothèse que l'intimé n'a pas formulée.

                Il a également renvoyé à l'affaire Kit-Win Holdings (1973) Limited, 81 DTC 5030 (C.F. 1re inst.), où le juge Cattanach a dit, à la page 5038 :

La cotisation du Ministre est fondée sur les présomptions faites par lui et la façon efficace pour le contribuable de démontrer une erreur dans la cotisation établie à son égard est "d'établir l'inexactitude du fait sur lequel" la cotisation est fondée.

S'il démontre que les faits sur lesquels est fondée la cotisation faite par le Ministre n'existaient pas et que, même s'ils existaient, ces faits n'assujettiraient pas le contribuable aux dispositions fiscales invoquées, alors la cotisation doit être annulée.

                Il a également cité à l'appui de cette proposition l'arrêt Her Majesty the Queen v. Littler, 78 DTC 6179, à la page 6182 (C.A.F.), où le juge en chef a dit :

À mon avis, lorsqu'une cause d'action est fondée sur une disposition statutaire, il faut évidemment établir les circonstances rendant cette disposition applicable (de préférence avec des renvois directs à la disposition) pour permettre à la partie adverse de déterminer le parti à prendre à cet égard, d'orienter l'interrogatoire préalable en conséquence et de préparer le procès en tenant compte de cet élément. [...] elle n'a pas allégué des circonstances établissant "des opérations ... (qui) ... ont pour résultat qu'une personne confère un avantage..." Si cette allégation avait été faite, la preuve aurait pu porter sur d'autres faits que ceux qui ont fait l'objet des débats à l'audience. À mon avis, ce n'est pas une simple question de "procédure" mais de justice élémentaire que de s'abstenir, en l'absence de circonstances très spéciales, de tirer de la preuve produite relativement à certaines questions des conclusions pour constater des faits dont il n'a pas été question au cours de l'audition.

                L'avocat a déclaré que ces propos s'appliquaient particulièrement à son observation selon laquelle le ministre n'avait pas allégué que le gain en capital était réduit. Pour terminer sur ce premier principe, l'avocat a renvoyé à l'arrêt Her Majesty the Queen v. The Consumer's Gas Company Ltd., 84 DTC 6058 (C.A.F.), où le juge Urie a écrit à la page 6064 :

Ainsi, cette allégation aurait dû être plaidée de même que les faits qui indiquaient pourquoi cette disposition était applicable. Ce n'est pas ce que je peux constater dans la défense modifiée. Par conséquent, je suis d'avis que la plaidoirie n'étaye pas suffisamment l'argument présenté pour la première fois après la clôture de la preuve et au cours de l'argument final, à la fin de l'instruction.

                2.              Suivant le deuxième principe formulé par l'avocat de l'appelante, cette dernière n'est pas tenue de présenter une preuve relativement à des faits à l'égard desquels aucune hypothèse n'est formulée. Il a renvoyé de nouveau à l'affaire del Valle et à l'arrêt Hiwako Investments Limited v. Her Majesty the Queen, 78 DTC 6281 (C.A.F.), où le juge en chef a dit à la page 6285 :

La présomption invoquée eût-elle été (sic) pour effet de faire valoir qu'au moment de l'achat, l'acheteur prévoyait qu'au cas où l'objet de l'investissement ne se révélerait pas rentable, il pourrait être revendu avec bénéfice, et que cette perspective avait été l'un des facteurs ayant motivé l'achat, une telle présomption, si elle n'était pas réfutée, pourrait (je ne dis pas qu'elle le ferait) justifier les cotisations fondées sur "le caractère commercial", sauf preuve contraire. À mon avis, toutefois, même l'interprétation la plus libérale du mémoire de défense ne saurait faire ressortir une telle "présomption".

À mon avis, donc, il n'y a pas eu présomption non réfutée à l'appui des cotisations en cause.

                3.              Le troisième principe, d'après l'avocat, est que les renvois à une disposition législative dans la réponse à l'avis d'appel, ainsi que les exposés d'arguments et les conclusions de droit, ne sont pas des allégations ni des conclusions de fait. Il a renvoyé à l'affaire L'Hérault et al v. M.N.R., 93 DTC 1108 (C.C.I.), où le juge Dussault a dit, à la page 1116 :

De ce qui précède, j'estime que les énoncés des paragraphes 7 et 8 de la Réponse à l'avis d'appel ne constituent que des prétentions ou conclusions en droit et non des allégués de faits et plus particulièrement des allégués d'une intention secondaire qui aurait été le fondement des cotisations.

L'intention secondaire de revendre à profit n'ayant pas été alléguée, les appelants n'avaient donc pas le fardeau d'en démontrer l'inexistence.

[14]          L'avocat a déclaré qu'il n'y avait aucune hypothèse selon laquelle le dividende réduisait le gain en capital, ni aucune hypothèse sur la façon dont les pertes ont été subies, sur la façon dont elles ont été couvertes ou, dans les faits, sur la façon dont elles ont influé sur le " revenu sauf ". L'avocat a alors entrepris de citer des cas où il ne conviendrait pas d'utiliser les pertes subies pour réduire le revenu de la société mère. Il a terminé cette partie de ses observations en disant qu'aucun fait essentiel à la validité de la conclusion à laquelle était arrivée l'intimée n'avait été allégué.

Observations sur le calcul du " revenu sauf "

[15]          L'avocat de l'appelante a fait valoir qu'en fait, le revenu gagné ou réalisé par "une" corporation après 1971 constituait aux fins du paragraphe 55 (2) un revenu sauf. Ce paragraphe est libellé comme suit suivant :

(2) Lorsqu'une corporation résidant au Canada a reçu, après le 21 avril 1980, un dividende imposable à l'égard duquel elle a droit à une déduction en vertu du paragraphe 112(1) ou 138(6), comme partie d'une opération ou d'un événement ou d'une série d'opérations ou d'événements (sauf comme partie d'une série d'opérations ou d'événements qui ont commencé avant le 22 avril 1980) dont l'un des objets (ou, dans le cas d'un dividende visé au paragraphe 84(3), dont l'un des résultats) a été de diminuer sensiblement la partie du gain en capital qui, sans le dividende, aurait été réalisée lors d'une disposition d'une action du capital-actions à la juste valeur marchande, immédiatement avant le dividende et qui pourrait raisonnablement être considérée comme étant attribuable à quoi que ce soit qui n'est pas du revenu gagné ou réalisé par une corporation après 1971 et avant l'opération ou l'événement ou le début de la série d'opérations ou d'événements visés à l'alinéa (3)a), nonobstant tout autre article de la présente loi, le montant du dividende (à l'exclusion de la partie de celui-ci, si partie il y a, qui est assujettie à l'impôt en vertu de la Partie IV qui n'est pas remboursé en raison du paiement d'un dividende à une corporation lorsqu'un tel paiement fait partie de la série d'opérations ou d'événements)

                a) est réputé ne pas être un dividende reçu par la corporation;

                b) lorsqu'une corporation a disposé de l'action, est réputé être le produit de disposition de l'action, sauf dans la mesure où il est inclus par ailleurs dans le calcul de ce produit; et

                c) lorsqu'une corporation n'a pas disposé de l'action, est réputé être un gain de la corporation pour l'année au cours de laquelle le dividende a été reçu de la disposition d'un bien en immobilisation.

[16]          Puis il a renvoyé à l'alinéa 55(5)d), libellé comme suit :

Aux fins du présent article,

[...]

d) le revenu gagné ou réalisé par une corporation pour une période se terminant à une date où elle était une corporation étrangère affiliée[6] d'une autre corporation est réputé être le total de la somme éventuelle qui aurait été déductible à cette date par cette autre corporation en vertu de l'alinéa 113(1)a) et la somme éventuelle qui aurait été déductible à cette date par cette autre corporation en vertu de l'alinéa 113(1)b) si celle-ci

                (i) était propriétaire de toutes les actions du capital-actions de la corporation étrangère affiliée immédiatement avant cette date,

                (ii) avait disposé à cette date de toutes les actions visées au sous-alinéa (i) en contrepartie d'un produit de disposition égal à leur juste valeur marchande à cette date, et

                (iii) avait fait un choix en vertu du paragraphe 93(1) relativement au montant global du produit de disposition visé au sous-alinéa (ii);

[17]          Le paragraphe 93(1) se lit comme suit :

Lorsque, à une date quelconque, une corporation résidant au Canada en a fait le choix, de la manière et dans les délais prescrits, en ce qui regarde toute action du capital-actions d'une corporation étrangère affiliée de cette corporation dont elle a disposé, ou dont une autre corporation étrangère affiliée de la corporation a disposé, aux fins de la présente loi, une somme égale au moins élevé des montants suivants :

                a) le montant indiqué par la corporation dans son choix,                             ou

                b) le produit de disposition de l'action

est réputée avoir été un dividende reçu, immédiatement avant la disposition, sur l'action, de la corporation affiliée, par la corporation ou la corporation affiliée qui a procédé à la disposition, et non un produit de disposition.

[18]          Le paragraphe 113(1) prévoit ceci :

Une corporation résidant au Canada qui, dans une année d'imposition, a reçu un dividende sur une action lui appartenant du capital-actions d'une corporation étrangère affiliée de cette corporation, peut déduire de son revenu pour l'année, aux fins du calcul de son revenu imposable pour cette année, le total des sommes suivantes :

                a) la fraction du dividende qui est prescrite avoir été prélevée sur le surplus exonéré défini par règlement [...]

(Je souligne.)

[19]          Le reste du paragraphe 113(1) ne s'applique pas en l'espèce.

[20]          L'avocat de l'appelante a informé la Cour que personne ne contestait que le surplus exonéré de F et de G était réputé être un revenu gagné ou réalisé par une corporation aux fins du paragraphe 55(2). Puis il a soumis qu'en fait, en vertu de l'alinéa 55(5)d) et des paragraphes 93(1) et 113(1), le surplus exonéré de F et de G est réputé être un dividende reçu par l'appelante et constituer par conséquent un " revenu gagné ou réalisé par une corporation après 1971 " et être disponible à titre de " revenu sauf " en vertu du paragraphe 55(2). En vertu de l'alinéa 55(5)d), le surplus exonéré est réputé être le montant qui aurait été déductible par l'appelante en vertu de l'alinéa 113(1)a). Cela découle du fait que la loi présume que les conditions énoncées aux sous-alinéas (i), (ii) et (iii) de l'alinéa 55(5)d) existent, c'est-à-dire que " cette autre corporation ", soit l'appelante :

(i)             était propriétaire de toutes les actions de ses corporations étrangères affiliées F et G,

(ii)            avait disposé de ces actions en contrepartie d'un produit de disposition égal à leur juste valeur marchande, et

(iii)           avait choisi, en vertu du paragraphe 93(1), que le produit soit réputé être un dividende versé par F et G à l'appelante.

[21]          En outre, en vertu du paragraphe 113(1), le montant que l'appelante peut déduire dans le calcul de son revenu imposable est égal aux surplus exonérés de F et de G. L'avocat a déclaré qu'il n'était pas contesté que le produit de disposition réputé des actions de F et de G serait à tout le moins égal au montant de leur revenu accumulé respectif, c'est-à-dire au surplus exonéré[7].

[22]          L'avocat de l'appelante a ensuite renvoyé au paragraphe 5901(1) du Règlement de l'impôt sur le revenu, ainsi libellé :

Lorsque, à une date quelconque au cours de son année d'imposition une corporation étrangère affiliée d'une corporation résidant au Canada a payé un dividende global sur les actions de toutes catégories de son capital-actions, aux fins de la présente partie

                a)             la fraction du dividende global réputée avoir été prélevée sur le surplus exonéré de la corporation affiliée à l'égard de la corporation à cette date est un montant égal au moins élevé des montants suivants :

                (i) le montant du dividende global, et

                (ii) l'excédent de surplus exonéré sur le déficit imposable de la corporation affiliée à l'égard de la corporation à cette date;

(Je souligne.)

[23]          Il semble avoir voulu dire que la seule chose que l'on pouvait déduire du surplus exonéré de F et de G était le déficit imposable de chaque compagnie et qu'il n'y avait aucune autre déduction possible. La preuve n'a pas indiqué que F ou G avaient un déficit imposable.

[24]          L'avocat a soutenu que rien à l'article 55 ni dans aucune autre disposition de la Loi de l'impôt sur le revenu ne renvoyait au fait que les pertes des corporations étrangères affiliées sont prises en considération dans le calcul du " revenu gagné ou réalisé par une corporation après 1971 " aux fins du paragraphe 55(2). Il a fait valoir que l'alinéa 55(5)d) renvoie explicitement aux corporations étrangères affiliées et que c'est en vertu de cet alinéa que le revenu d'une corporation étrangère affiliée peut être inclus dans le " revenu gagné ou réalisé [...] après 1971 " aux fins du paragraphe 55(2). Il a ensuite fait valoir qu'il n'y avait aucune raison d'utiliser les pertes des corporations étrangères affiliées pour réduire ce qui autrement serait un " revenu sauf ".

[25]          Il a renvoyé à l'arrêt Johns-Manville Canada Inc. v. Her Majesty the Queen, 85 DTC 5373 (C.S.C.), où le juge Estey a écrit à la page 5384 :

Une telle décision est de plus conforme à un autre concept fondamental de droit fiscal portant que, si la loi fiscale n'est pas explicite, l'incertitude raisonnable ou l'ambiguïté des faits découlant du manque de clarté de la loi doit jouer en faveur du contribuable.

[26]          L'avocat s'est reporté aux propos du juge Cory dans l'arrêt Pigott Project Managements Ltd. v. Land-Rock Resources Ltd., [1996] 1 C.T.C. 396 (C.S.C.), où, à la page 403, il a écrit ceci :

[...] pour des juristes doués et expérimentés, ni le sens de la mesure législative ni son application aux faits ne sont clairs. Il semblerait donc convenir d'examiner l'objet de la mesure législative. Même si l'ambiguïté n'était pas apparente, il importe de signaler qu'il convient toujours d'examiner "l'esprit de la loi, l'objet de la loi et l'intention du législateur" pour déterminer le sens manifeste et ordinaire de la loi en cause.

[27]          L'avocat a fait valoir que la Cour doit interpréter les dispositions législatives dans le contexte de la Loi de l'impôt sur le revenu et des faits de l'affaire. Plus précisément, il soutient ceci, si l'on se reporte à la transcription :

[TRADUCTION]

Je veux dire, si le législateur avait censément l'intention de régler un problème particulier et que le libellé utilisé ne permet pas de traiter ou de régler le problème en question, il n'appartient pas à la Cour ni au ministre du Revenu national de déformer le libellé, d'y ajouter des mots ou de formuler une interprétation qui n'existe tout simplement pas, dans le but d'obtenir des impôts d'un contribuable donné. C'est donc le libellé vague et imprécis utilisé par le législateur qui a créé le problème et c'est ce libellé qui, à notre avis et ainsi que le juge Estey l'écrit, créé une incertitude raisonnable pour ce qui est de savoir ce que ces mots signifient exactement dans le contexte de la disposition en question. Et, comme je l'ai dit, à notre humble avis, la seule assistance offerte par le législateur pour saisir le sens du paragraphe 55(2) dans le contexte de la question qui nous intéresse est l'alinéa 55(5)d), qui ne porte que sur le revenu; à notre humble avis, cela devrait clore le débat.

[28]          L'avocat soutient donc que les déficits exonérés de A, B, C, D, E et Inc. ne réduiront pas les surplus exonérés de F et G dans le calcul du " revenu sauf " de l'appelante.

OBSERVATIONS DE L'INTIMÉE

[29]          L'avocat de l'intimé a d'abord fait observer que l'expression " revenu gagné ou réalisé ", tirée du paragraphe 55(2), ne constitue pas le critère applicable. Pour reprendre ses propos,

[TRADUCTION]

[...] c'est comme un ballon gonflé d'air. Le critère c'est ce qui, dans le ballon, n'est pas du revenu gagné ou réalisé.

Puis il a soutenu ce qui suit :

[TRADUCTION]

[...] ce n'est pas la partie du ballon appelée revenu gagné ou réalisé, c'est le reste du ballon et, pour déterminer ce qui, dans le reste du ballon, constitue le montant qui pourrait raisonnablement être considéré comme étant attribuable à quoi que ce soit qui n'est pas du revenu gagné ou réalisé, il faut faire le regroupement que le ministre recommande à la Cour de faire.

[30]          L'avocat s'est ensuite reporté à la décision que j'ai rendue dans l'affaire Deuce Holdings Limited v. Her Majesty the Queen, 97 DTC 921, où j'ai conclu que le calcul du " revenu sauf " devait être fait après impôt. Dans mes motifs du jugement, j'ai dit :

Il est logique que le paragraphe 55(2) tienne compte du fait que le produit qui aurait été réalisé, si ce n'avait été du dividende, lors de la disposition d'une action à la juste valeur marchande immédiatement avant le dividende, aurait été calculé après impôt. La juste valeur marchande d'une action, en ce qui concerne l'élément "revenu", serait établie sur la base après impôt. Aucun acheteur rationnel ne paierait une action du capital-actions d'une corporation sans tenir compte de l'impôt payé ou payable sur le revenu de cette corporation.

[31]          L'avocat a déclaré qu'aucun acheteur rationnel ne paierait, pour une action du capital-actions d'une corporation, un montant fondé sur les bénéfices de celle-ci, sans tenir compte également des pertes subies par la corporation ou ses filiales. Voici ce qu'il a dit :

[TRADUCTION]

Les bénéfices bruts étrangers, calculés sans tenir compte des pertes étrangères, ne peuvent être entièrement distribués. Bien qu'il soit dangereux de faire des conjectures sur le sens que l'on entendait donner à la loi, nous soutenons que, dans la présente affaire, ce n'est que la partie du " revenu gagné ou réalisé " par la société ayant versé le dividende qui reste une fois effectué le calcul des bénéfices étrangers qui doit être incluse dans le calcul du " revenu sauf ".

[32]          L'avocat de l'intimée a renvoyé brièvement à la raison qui sous-tend l'existence du paragraphe 55(2). Il a dit, dans son argumentation écrite, que, comme on l'a indiqué dans une partie du discours du budget de 1979, l'objet du paragraphe 55(2) est de faire en sorte que seuls les dividendes se rapportant aux bénéfices non distribués et imposés puissent être utilisés pour réduire les gains en capital réalisés lors de la disposition d'actions du fait de dividendes versés en franchise d'impôt. Il a cité le passage suivant :

En règle générale, dans la plupart des ventes d'actions entre sociétés sans lien de dépendance—et, dans certains cas, avec lien de dépendance—un gain en capital doit apparaître au moins dans la mesure où le produit de la vente reflète la hausse non réalisée et non imposée, depuis 1971, de la valeur des actifs correspondants. Cette règle est généralement respectée quand les versements de dividendes en franchise d'impôt sont limités aux bénéfices non distribués et imposés, postérieurs à 1971.

[33]          Il a renvoyé à plusieurs articles, soulignant que les corporations, en tant que contribuables, réduisaient au minimum les gains en capital réalisés lors de la disposition des actions de leurs filiales en faisant en sorte que ces dernières versent des dividendes en franchise d'impôt à leur société mère et en vendant ensuite leurs actions. Il est bien établi dans la communauté fiscale canadienne que le paragraphe 55(2) a été adopté pour mettre un frein à cette pratique.

[34]          L'avocat a ensuite renvoyé à un article rédigé et présenté par Michael A. Hiltz lors de la 43e Conférence fiscale de l'Association canadienne d'études fiscales. Lorsqu'il a présenté son article, Hiltz était directeur, Division des réorganisations et des entreprises étrangères, Direction des décisions spécialisées, Revenu Canada Impôt, Ottawa. À 15:2, Hiltz dit ceci :

[TRADUCTION]

Le " revenu gagné ou réalisé " par une corporation est réputé être le montant déterminé conformément à celui des alinéas 55(5)b), c) ou d) qui s'applique. Pour contribuer à un gain sur des actions, le revenu gagné ou réalisé doit être disponible. [...] La partie du gain qui est attribuable à quoi que ce soit qui n'est pas du revenu gagné ou réalisé est la partie du gain sur les actions qui est attribuable aux surplus comptables constatés par expertise qui ne sont ni réalisés ni imposés. [...] Elle inclut par exemple la hausse de la valeur du bien et la valeur du fonds commercial qui n'a pas été acheté.

[35]          En outre, Hiltz a écrit :

[TRADUCTION]

Pour déterminer la partie du gain sur une action qui est attribuable à des gains non réalisés sur un bien, la partie d'un gain qui est ainsi attribuable devrait être réduite du montant des pertes non réalisées sur le bien. De même, le montant des pertes subies par la corporation doit être inclus dans le calcul du revenu gagné ou réalisé qui est disponible au moment de déterminer la partie du gain attribuable au revenu gagné ou réalisé par une corporation. Si un gain sur une action est attribuable au revenu gagné ou réalisé (moins les pertes subies), et à des gains non réalisés sur le bien (moins les pertes non réalisées), on considère que le dividende versé par la corporation réduit d'abord le gain sur les actions qui est attribuable au revenu gagné ou réalisé et, ensuite, le gain attribuable à quelque chose d'autre [...]

[36]          En fait, l'avocat de l'intimée s'est fondé en grande partie sur l'article de Hiltz pour prétendre que les pertes des filiales étrangères doivent être déduites de leurs surplus pour déterminer le " revenu gagné ou réalisé ".

[37]          Dans l'analyse qui figure à 15:4 de l'article [TRADUCTION] " Regroupement du revenu gagné ou réalisé ou des pertes subies dans un groupe de corporations ", Hiltz renvoie à un article de John R. Robertson publié dans le Rapport de conférence de 1981 de l'Association canadienne d'études fiscales. Cet article portait sur l'article 55. Dans son renvoi, Hiltz affirme que, pour calculer le revenu gagné ou réalisé par une société mère faisant partie d'un groupe de corporations, le revenu gagné ou réalisé et les pertes du groupe de corporations formé de la société mère et de ses filiales directes et indirectes doit être pris en compte. À 15:5, il poursuit :

[TRADUCTION]

Cela signifie que, pour déterminer le revenu gagné ou réalisé par la société mère, il faut inclure la part du revenu gagné ou réalisé ou des pertes, le cas échéant, des filiales directes et indirectes, qui revient à la société mère.

[38]          Hiltz expose ensuite un certain nombre d'exemples illustrant ce point sous la rubrique [TRADUCTION] " Regroupement du revenu et des pertes des corporations étrangères affiliées ". Il affirme que la perte exonérée d'une corporation étrangère affiliée doit réduire le " revenu gagné ou réalisé disponible [d'une compagnie canadienne] relativement à sa compagnie mère ". Autrement, soutient-il, on surévaluerait le revenu gagné ou réalisé, avec, pour conséquence, que le gain réalisé lors de la vente des actions de la compagnie canadienne serait inférieur au gain non réalisé inhérent à la propriété d'une autre filiale.

[39]          Hiltz explique que la mention d'" une corporation " au paragraphe 55(2) signifie qu'un gain sur des actions d'une société mère peut être attribuable au revenu gagné ou réalisé par une corporation autre que la société mère. Voici ce qu'il écrit :

[TRADUCTION]

Le renvoi à " une corporation " permet de prendre en compte le revenu gagné ou réalisé ou la perte subie par une filiale directe ou indirecte pour déterminer la part du gain sur les actions détenues par la société mère qui pourrait raisonnablement être considérée comme étant attribuable au revenu gagné ou réalisé, ainsi que la partie qui pourrait raisonnablement être considérée comme étant attribuable à autre chose.

[40]          L'avocat de l'intimée a rapporté les propos suivants, qui figurent à 15:5, dans l'article de Hiltz :

[TRADUCTION]

Lorsque le revenu gagné ou réalisé par une filiale contribue à la juste valeur marchande des actions de la filiale que détient la société mère et, par conséquent, à la juste valeur marchande et au gain inhérent sur les actions de la société mère, il est raisonnable que le revenu gagné ou réalisé ou les pertes subies par la filiale soient pris en compte pour déterminer le montant du gain sur les actions de la société mère qui est attribuable au revenu gagné ou réalisé par une corporation aux fins de l'article 55.

[41]          Hiltz a ensuite renvoyé à l'" exigence " de regrouper tous les revenus gagnés ou toutes les pertes subies par un groupe de corporations pour déterminer le revenu gagné ou réalisé par la société mère et ses filiales.

[42]          L'avocat de l'intimée a déclaré que, nonobstant les calculs effectués aux termes de l'alinéa 55(5)d), le critère " qui pourrait raisonnablement être considérée comme étant attribuable à quoi que ce soit qui n'est pas du revenu gagné ou réalisé par une corporation " demeure, et il a conclu en disant que le paragraphe 55(2) nécessite l'application de la méthode du regroupement. Puis il s'est reporté à deux paragraphes figurant dans son argumentation écrite, qui se lisent comme suit :

[TRADUCTION]

16.            L'article 55 est une tentative louable d'élaborer un code général que viennent préciser comme il se doit les énoncés de principe administratifs et la jurisprudence. L'autre solution, à savoir l'adoption de dispositions législatives qui tentent de prévoir toutes les situations (par exemple, les modifications des articles 79 et 80 de la Loi) n'est pas nécessairement préférable, et la Cour ne devrait pas décourager le ministère des Finances d'adopter la méthode minimaliste.

17.            La position de l'intimée est conforme à la politique publiée de Revenu Canada. À moins que l'intimée soit manifestement dans l'erreur, l'équité entre contribuables est rehaussée si la Cour confirme la pratique administrative à laquelle d'autres contribuables ont été assujettis aux fins de l'établissement de l'impôt à payer.

ANALYSE ET CONCLUSION

[43]          Je conclus qu'il n'est pas nécessaire de répondre en détail aux observations formulées par l'avocat de l'appelante relativement au fait que certaines hypothèses de fait n'ont pas été alléguées. L'avocat de l'appelante a fait valoir à juste titre que certaines hypothèses de fait essentielles à la validité de la cotisation n'étaient pas formulées dans la réponse. Cependant, sa thèse se rapporte à l'application du paragraphe 55(2), la disposition même que l'appelante a appliqué elle-même dans la déclaration de revenus qu'elle a produite pour l'année d'imposition 1989. Dans ces circonstances, bien que je reconnaisse la validité des principes énoncés par l'avocat, il semble déraisonnable d'empêcher l'intimée de faire valoir sa position parce qu'elle n'a allégué aucune hypothèse de fait à l'appui d'une disposition à laquelle l'appelante s'est elle-même assujettie.

[44]          Le renvoi par l'avocat de l'intimée à la décision que j'ai rendue dans l'affaire Deuce n'est d'aucune assistance à l'intimée. Dans cette affaire, la question en litige était simplement de savoir si le " revenu sauf " devait être déterminé avant ou après impôt. Une seule entité était examinée. Il n'y avait pas de filiales étrangères en cause. Bien que, dans cette affaire, elle ait dû faire face à une lacune dans les dispositions législatives, la Cour est arrivée à sa conclusion en tenant compte de la réalité du marché. Dans l'affaire qui nous intéresse, la Cour a dû s'aventurer dans des domaines où des professionnels aguerris reculent avec une horreur qui est loin d'être feinte devant la simple possibilité d'être exposés au bourbier législatif et réglementaire se rapportant à l'article 55 et aux dispositions du Règlement de l'impôt sur le revenu relatives aux filiales étrangères. Dans J.F. Newton Ltd. and John F. Newton v. Thorne Riddell et al., 91 DTC 5276, le juge Finch, de la Cour suprême de la Colombie-Britannique, a dit, en ce qui concerne l'article 55 :

[TRADUCTION]

Je n'arrive pas à imaginer que l'on puisse considérer qu'un tel libellé puisse être lu de façon intelligible ou s'appliquer à des événements réels, comme la vente d'une entreprise.

[45]          L'avocat de l'intimée a fait valoir l'argument suivant, ainsi qu'il a été indiqué précédemment :

[TRADUCTION]

Le " revenu gagné ou réalisé " ne constitue pas le critère en fait. Le critère, c'est comme le ballon gonflé d'air. Ce critère c'est ce qui, dans le ballon, n'est pas du revenu gagné ou réalisé.

[46]          Je rejette cet argument pour la simple raison que le paragraphe 55(2) renvoie à " quoi que ce soit qui n'est pas du revenu gagné ou réalisé par une corporation après 1971 ". La façon la plus simple de déterminer ce montant est de calculer d'abord le " revenu gagné ou réalisé " puisque l'alinéa 55(5)d) édicte explicitement ce que ce montant est réputé être. Il n'y a aucune disposition à la partie LIX du Règlement qui requiert que les déficits exonérés soient pris en compte dans le calcul du " revenu gagné ou réalisé ". La seule exigence d'origine législative est prévue à l'alinéa 55(5)d). L'inclusion de cette disposition dans la Loi[8]met fin au débat. Je n'ai pas l'intention, dans les présents motifs, d'analyser les exemples soumis par Hiltz. J'ai reproduit les propos de ce dernier in extenso parce que son article constitue en fait l'argument de l'intimée. Il est évidemment noté qu'au moment où il a écrit cet article, il était un employé de l'intimée. Celle-ci n'a présenté aucune preuve appuyant de quelque façon que ce soit la validité des hypothèses et des calculs de Hiltz, soit de façon générale, soit relativement à l'appel en l'instance. Bien que la présentation de Hiltz paraisse avoir été fondée sur la logique et sur des procédures comptables, il n'a pas traité, dans l'analyse du paragraphe 55(2), de la description du " revenu gagné ou réalisé " à l'alinéa 55(5)d). Il paraît tenter de donner un sens à une loi qui en manque grandement.

[47]          La Cour suprême du Canada[9] a dit :

Même si l'ambiguïté n'était pas apparente, il importe de signaler qu'il convient toujours d'examiner "l'esprit de la loi, l'objet de la loi et l'intention du législateur" pour déterminer le sens manifeste et ordinaire de la loi en cause.

[48]          Dans la partie du discours du budget de 1979 citée précédemment, on indiquait qu'en règle générale, l'objectif de la loi fiscale était qu' "un gain en capital doit apparaître au moins dans la mesure où le produit de la vente reflète la hausse non réalisée et non imposée, depuis 1971, de la valeur des actifs correspondants". On pouvait lire à la fin de cette partie du discours du budget que cette règle sera généralement respectée quand les versements de dividendes en franchise d'impôt sont limités aux bénéfices non distribués et imposés, postérieurs à 1971. En utilisant les expressions " en règle générale " et " généralement ", le ministre des Finances peut avoir souhaité que seuls les surplus, et non les déficits, soient inclus dans le calcul du " revenu sauf ". L'adoption de l'alinéa 55(5)d) vient appuyer cette proposition.

[49]          Si l'alinéa 55(5)d) est compliqué du fait des hypothèses et des renvois qu'il renferme, il ne justifie pas l'interprétation avancée par l'intimée. L'existence même de ce long article, les nombreux exemples donnés par Hiltz et l'article présenté lors du Congrès canadien de l'impôt qui s'est tenu en 1981 par John R. Robertson[10] dont Hiltz a fait mention à 15:5, font ressortir combien il est difficile de comprendre les dispositions. Dans l'examen des raisons qui ont justifié l'adoption de l'article 55, la Cour, tout en tentant d'interpréter les dispositions législatives et réglementaires à la lumière de cet objectif, ne peut valablement tirer des conclusions qui ne reflètent pas une interprétation raisonnable de ces dispositions. Faire autrement reviendrait non pas à interpréter les dispositions, mais à les réécrire.

[50]          En outre, je ne peux accepter la prétention de l'intimée selon laquelle une disposition de la Loi de l'impôt sur le revenu devrait être interprétée de façon que son application mène à une utilisation généralisée d'une décision administrative, même si la tentative de l'écrire était louable. En outre, j'estime que la déclaration de l'avocat de l'intimée selon laquelle l'équité parmi les contribuables est rehaussée si la Cour confirme la pratique administrative à laquelle les autres contribuables ont été assujettis aux fins de l'établissement de l'impôt à payer, est ahurissante. La communauté des affaires ne devrait pas s'estimer tenue, parce que c'est opportun de le faire, de se conformer à des textes administratifs lorsque la loi manque simplement de clarté.

[51]          L'alinéa 55(5)d) prévoit ce que le " revenu gagné ou réalisé d'une corporation " est réputé être aux fins de l'article 55. Le paragraphe (2) de l'article 55 prévoit que la partie d'un dividende " qui pourrait raisonnablement être considérée comme étant attribuable à quoi que ce soit qui n'est pas du revenu gagné ou réalisé par une corporation après 1971 " est réputé ne pas être un dividende, mais un produit de disposition. Le surplus exonéré de F et de G, qui sont des filiales étrangères de l'appelante, est, du fait de l'interaction entre l'alinéa 55(5)d), le paragraphe 93(1) et le paragraphe 113(1), un " revenu gagné ou réalisé par une corporation " au sens où cette expression est utilisée au paragraphe 55(2). Il n'y a aucune directive législative ou réglementaire comparable relativement aux déficits exonérés. Par conséquent, j'ai conclu que les déficits exonérés de A, B, C, D, E et Inc. ne devraient pas être utilisés pour réduire les surplus exonérés de F et de G dans le calcul du " revenu gagné ou réalisé après 1971 ". Quoi qu'il en soit, il est loisible à la Cour, pour ce qui est des dispositions législatives analysées dans la présente affaire et compte tenu de la décision rendue dans l'affaire Johns-Manville, de conclure qu'il y a une " incertitude raisonnable [...] découlant du manque de clarté de la loi [qui] doit jouer en faveur du contribuable ".

[52]          L'erreur mathématique susmentionnée relativement à Tricil devrait être prise en considération en utilisant ce montant, à savoir 451 946 $, pour réduire le " revenu sauf " de l'appelante. La perte autre que la perte en capital de l'appelante sera rajustée en conséquence de ce qui précède.

[53]          L'appel est admis et l'appelante a droit aux frais.

Signé à Ottawa, Canada, ce 6e jour de mars 1998.

" R. D. Bell "

J.C.C.I.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Traduction certifiée conforme ce 9e jour de juillet 1998.

Benoît Charron, réviseur

ANNEXE " A "




< IMG src="1998cci961399.gif" alt="Annexe A" >




ANNEXE " B "

Trimac Limited

Calgary (Alberta)

Analyse du calcul du revenu sauf

Compagnie canadienne

Révisé au

31 déc. 1988

Révisé au

29 nov. 1989

Part de Trimac

Tricil (Sarnia) Ltd.

15 533 430 $

5 717 262 $

21 250 692 $

Tricil Ltd.

9 026 833

2 845 896

12 776 622

Enterprises

4 952 505

1 662 916

6 615 421

Tricil (QUÉ)

3 147 980

1 128 049

4 276 029

O.H. Sanitation

253 488

0

253 488

B & B Disposal

444

0

444

Clean City Disp

(3)

0

(3)

Instant Waste Rem

(57 520)

0

(57 520)

Dominion Waste

(538 476)

0

(538 476)

Total partiel

32 318 681

11 354 123

44 576 697

Part de 50 % de

Trimac Ltd

15,792,745

5,677,062

22,288,349

COMPAGNIES AMÉRICAINES

Tricil Environmental

6 982 216

2 182 087

9 164 303

Tricil Resources Inc.

513 371

0

513 371

Tricil Inc.

(161 756)

13 946

(147 810)

Total

7 333 831

2 196 033

9 529 864

Part de Trimac Ltd.

3 666 916

1 098 017

4 764 932

Taux de change

1,1632

1,1632

1,1632

Équivalent en dollars canadiens

4 265 356

1 277 213

5 542 569

Total partiel

20 058 101

6 954 274

27 830 917

Tricil Ene Res

(1 397 129)

(1 446 541)

(2 843 670)

Tricil Rec

(916 518)

(531 817)

(1 448 335)

Tricil N.Y.

(702 956)

603 722

(99 234)

Tricil Env Man

(286 947)

(3 453 423)

(3 740 370)

Recouvrement d'impôt

0

106 117

106 117

Redox Inc.

(1 320)

(22 012)

(23 332)

Total partiel

(3 304 870)

(4 743 954)

(8 048 824)

Part de Trimac

(1 652 435)

(2 371 977)

(4 024 412)

Taux de change

1,1632

1,1632

1,1632

Équivalent en dollars canadiens

(1 922 112)

(2 759 084)

(4 681 196)

Revenu sauf total

18 135 989

4 195 191

23 149 721

Contribuable

25 735 216

Écart

(2 585 495 $)

***********

Voir annexe jointe pour les détails des changements effectués au calcul du revenu sauf.

ANNEXE " C "

Analyse du calcul du revenu sauf de l'appelante

par l'intimée

Compagnie canadienne

Révisé au

31 déc. 1988

Révisé au

29 nov. 1989

Part de Trimac

Part de 50 % de l'appelante

Tricil (Sarnia) Ltd.

15 533 430 $

5 717 262 $

21 250 692 $

Tricil Ltd.

9 026 833

2 845 896

12 776 622

Enterprises

4 952 505

1 662 916

6 615 421

Tricil (QUÉ)

3 147 980

1 128 049

4 276 029

O.H. Sanitation

253 488

0

253 488

B & B Disposal

444

0

444

Clean City Disp

(3)

0

(3)

Instant Waste Rem

(57 520)

0

(57 520)

Dominion Waste

(538 476)

0

(538 476)

Total partiel

32 318 681

11 354 123

44 576 697

22 288 349

Part de 50 % de

Trimac Ltd.

15 792 745

5 677 062

22 288 349

COMPAGNIES AMÉRICAINES

Tricil Environmental (F)

6 982 216

2 182 087

9 164 303

Tricil Resources Inc. (G)

513 371

0

513 371

Tricil Inc.

(161 756)

13 946

(147 810)

Total

7 333 831

2 196 033

9 529 864

Part de Trimac Ltd.

3 666 916

1 098 017

4 764 932

Taux de change

1,1632

1,1632

1,1632

Équivalent en dollars canadiens

4 265 356

1 277 213

5 542 569

5 542 569

Total partiel

20 058 101

6 954 274

27 830 917

27 830 917

Tricil Ene Res (A)

(1 397 129)

(1 446 541)

(2 843 670)

Tricil Rec (B)

(916 518)

(531 817)

(1 448 335)

Tricil N.Y. (C)

(702 956)

603 722

(99 234)

Tricil Env Man (D)

(286 947)

(3 453 423)

(3 740 370)

Récupération fiscale

0

106 117

106 117

Redox Inc. (E)

(1 320)

(22 012)

(23 332)

Total partiel

(3 304 870)

(4 743 954)

(8 048 824)

Part de Trimac

(1 652 435)

(2 371 977)

(4 024 412)

Taux de change

1,1632

1,1632

1,1632

Équivalent en dollars canadiennes

(1 922 112)

(2 759 084)

(4 681 196)

(4 681 196)

Revenu sauf total

18 135 989

4 195 191

23 149 721

23 149 721

Contribuable

25 735 216

25 735 216

Écart

(2 585 495 $)

***********

2 585 495



[1]               Bien que le terme ne soit pas d'origine législative, en raison de son usage courant, je l'utiliserai pour faciliter la compréhension des choses.

[2]               Toutes les dispositions législatives mentionnées dans les présents motifs du jugement sont des dispositions de la Loi de l'impôt sur le revenu.

[3]               Ce passage est tiré de l'exposé conjoint des faits.

[4]               Le moins que l'on puisse dire, c'est que l'analyse du calcul du revenu sauf manque de clarté. En effet, il y a notamment une colonne intitulée " Part de Trimac " (un ancien nom de l'appelante) où figurent le total des montants pris en considération et la part de 50 p. 100 de l'appelante. Une copie d'une annexe clarifiant les choses, préparée par la Cour, est jointe à l'annexe " C ".

[5]               Dans l'affaire Cooper v. M.N.R., 87 DTC 194, page 205, le juge en chef adjoint Christie, de la C.C.I., a dit:

                Il serait contradictoire d'admettre l'appel d'un contribuable pour une année d'imposition et, simultanément, de rendre une ordonnance ayant pour effet d'accroître ses obligations fiscales. Cela ne serait pas conforme à l'interprétation qu'il convient de donner au paragraphe 171(1).

[6]               Une corporation étrangère affiliée de l'appelante est une corporation ne résidant pas au Canada, dans laquelle l'appelante détient un pourcentage de participation directe et indirecte de plus de dix pour cent (les paragraphes 95(1) et 95(4)). Par conséquent, Inc., A, B, C, D, E, F, et G sont toutes des corporations étrangères affiliées de l'appelante.

[7]               Alinéas 5907(1)b) et 5907(1)d) du Règlement de l'impôt sur le revenu.

[8]               Il y a lieu de garder à l'esprit que l'alinéa définit le revenu gagné ou réalisé " [a]ux fins du présent article ".

[9]               The Queen v. Province of Alberta Treasury Branches, 96 DTC 6245 (C.S.C.).

[10]             Lui aussi était alors un employé de l'intimée.

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