Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

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Date: 19971008

Dossier: 96-4069-IT-I

ENTRE :

WILLIAM J. STRAIN,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

Le juge en chef adjoint Christie, C.C.I.

[1]            L'appel en instance est régi par la procédure informelle prévue aux articles 18 et suivants de la Loi sur la Cour canadienne de l'impôt. L'année considérée est 1994.

[2]            Il s'agit de savoir si l'appelant doit verser des intérêts en vertu du paragraphe 161(2) et s'il est passible d'une pénalité en vertu de l'article 163.1 de la Loi de l'impôt sur le revenu (la "Loi").

[3]            Il n'y a pas de désaccord important au sujet des faits. Le paragraphe 8 de la réponse à l'avis d'appel se lit comme suit :

[TRADUCTION]

8.              Dans cette cotisation établie à l'égard de l'appelant, le ministre se fondait sur les hypothèses de fait suivantes :

a)              pour l'année d'imposition 1994, le revenu net de l'appelant a été de 787 333 $;

b)             le revenu de l'appelant ne provenait principalement ni de l'agriculture ni de la pêche;

c)              pour l'année d'imposition 1994, le revenu de l'appelant duquel des sommes ont été retenues à la source a été de 562 333,04 $;

d)             l'impôt à payer de l'appelant pour l'année d'imposition 1994 était de 223 238,12 $;

e)              l'impôt à payer de l'appelant pour l'année antérieure à l'année d'imposition 1994 était de 177 216,02 $;

f)              l'appelant n'a pas payé des acomptes provisionnels d'un montant de 60 284 $ qu'il était tenu de payer pour l'année d'imposition 1994.

À l'audience, l'appelant a expressément convenu des alinéas 8a) à e) inclusivement.

[4]            Au cours d'un bref contre-interrogatoire, l'appelant a dit qu'il avait payé 83 862 $ le 30 avril. Toutefois, en 1994, il n'avait fait aucun paiement directement au receveur général. Des retenues d'impôt avaient été effectuées à la source par son employeur et remises au receveur général. L'avis d'opposition aux cotisations a été déposé en preuve sous la cote A-1. À l'audience, l'appelant a, sous serment, confirmé la véracité des faits qui y sont énoncés. Le paragraphe 5 se lit comme suit : "L'impôt total à payer pour 1994 s'élevait à 361 958 $. L'impôt sur le revenu retenu à la source pour 1994 s'élevait à 276 329 $. L'abattement du Québec était de 2 600 $. Un solde de 83 682 $ a été payé au moment où la déclaration d'impôt a été produite, soit avant le 30 avril 1994." En ce qui a trait à cette dernière date, c'est manifestement de l'année 1995 que l'on voulait parler et non de l'année 1994, ce que confirme la déclaration d'impôt de l'appelant pour 1994, qui est datée du 30 avril 1995.

[5]            Les paragraphes 161(1) et (2) de la Loi disposent :

161.          (1) Dans le cas où le total visé à l'alinéa a) excède le total visé à l'alinéa b) à un moment postérieur au jour où un contribuable est tenu de payer le solde de son impôt payable pour une année d'imposition en vertu de la présente partie, ou au jour où il aurait été ainsi tenu si un impôt avait été ainsi payable, le contribuable est tenu de verser au receveur général des intérêts sur l'excédent, calculés au taux prescrit pour la période au cours de laquelle cet excédent est impayé:

                a) le total des impôts payables par le contribuable pour l'année en vertu de la présente partie et des parties I.3, VI et VI.1;

                b) le total des montants représentant chacun un montant payé au plus tard à ce moment au titre de l'impôt payable par le contribuable et imputé par le ministre, à compter de ce moment, sur le montant dont le contribuable est redevable pour l'année en vertu de la présente partie ou des parties I.3, VI ou VI.1.

                (2) Un contribuable qui n'a pas payé au plus tard à la date où il en est tenu tout ou partie d'un acompte provisionnel ou d'une fraction d'impôt qu'il est tenu de payer en vertu de la présente partie doit verser au receveur général, outre les intérêts payables en vertu du paragraphe (1), des intérêts sur le montant qu'il n'a pas payé, calculés au taux prescrit pour la période allant de la date où ce montant devait au plus tard être payé jusqu'à la date du paiement ou jusqu'au début de la période pour laquelle il est tenu de payer des intérêts sur ce montant en vertu du paragraphe (1), si ce début est antérieur.

L'article 163.1 dispose :

163.1 Toute personne qui ne paye pas tout ou partie d'un acompte provisionnel pour une année d'imposition au plus tard le jour où elle en est tenue par la présente partie est passible d'une pénalité égale à 50 % de l'excédent éventuel des intérêts payables par cette personne en application de l'article 161 sur tous les acomptes provisionnels payables pour l'année, sur le plus élevé des montants suivants :

                a) 1 000 $;

                b) 25 % des intérêts qui auraient été payables par elle en application de cet article sur ces acomptes si aucun acompte n'avait été payé pour l'année.

Le paragraphe 156(1) dispose :

156. (1) Sous réserve de l'article 156.1, tout particulier, sauf celui auquel le paragraphe 153(2) ou l'article 155 s'applique, doit payer les montants suivants au receveur général pour chaque année d'imposition[1]:

                a) au plus tard le 15 mars, le 15 juin, le 15 septembre et le 15 décembre de l'année, le quart de l'une des sommes suivantes:

                (i) la somme qu'il estime être son impôt payable pour l'année en vertu de la présente partie,

                (ii) sa base des acomptes provisionnels pour l'année d'imposition précédente;

                b) au plus tard:

                (i) le 15 mars et le 15 juin de l'année, le quart de sa base des acomptes provisionnels pour la deuxième année d'imposition précédente,

                (ii) le 15 septembre et le 15 décembre de l'année, la moitié de l'excédent éventuel de sa base des acomptes provisionnels pour l'année d'imposition précédente sur la moitié de sa base des acomptes provisionnels pour la deuxième année d'imposition précédente,

et au plus tard à la date d'exigibilité du solde qui lui est applicable pour l'année, le solde de son impôt, estimé en application de l'article 151[2].

[6]            Il est à noter que l'exigence du paragraphe 156(1) de la Loi voulant que tout particulier doive payer des acomptes provisionnels vaut sous réserve des exceptions suivantes :

a)              le revenu du particulier provient principalement de l'agriculture ou de la pêche et l'impôt net à payer par le particulier pour l'année ne dépasse pas des montants spécifiés (al. 156.1(2)a));

b)             l'impôt net à payer par le particulier pour l'année ou pour chacune des deux années d'imposition précédentes ne dépasse pas le plafond des acomptes provisionnels qui lui est applicable pour l'année (al. 156.1(2)b));

c)              le particulier décède, et les circonstances énoncées s'appliquent (par. 156.1(3));

d)             des sommes ont été retenues à la source et une proportion d'au moins 75 p. 100 du revenu du particulier pour l'année consiste en un revenu duquel de l'impôt a été retenu à la source (par. 153(2));

e)              la source principale du revenu du particulier pour une année d'imposition est l'agriculture ou la pêche, auquel cas (sous réserve de l'alinéa 156.1(2)a)) des paiements spéciaux par acomptes sont prévus (par. 155(1)).

[7]            L'appelant n'entre pas dans le cadre de l'une quelconque de ces exceptions. Concernant l'alinéa c), 75 p. 100 de son revenu de 787 333 $ pour 1994 représentent 590 500 $. Le revenu de l'appelant pour cette année-là duquel des sommes ont été retenues à la source a été de 562 333 $.

[8]            En adoptant le paragraphe 156(1), le Parlement a décrété que tout particulier, sauf celui qui entre dans le cadre des exceptions décrites au paragraphe, doit payer de l'impôt par acomptes au receveur général. D'après le principal argument de l'appelant, comme des sommes ont été retenues à la source et remises au receveur général en 1994 par son employeur en vertu du paragraphe 153(1)3 de la Loi et que ces sommes étaient supérieures aux montants devant être versés par acomptes en vertu du paragraphe 156(1), l'exigence voulant que des sommes soient payées par acomptes ne s'applique plus.

[9]            Une telle exception n'ayant pas été incluse dans le paragraphe 156(1), l'appelant ne peut avoir gain de cause que s'il parvient à faire état d'une ou plusieurs autres dispositions de la Loi ou du règlement pris en application de la Loi qui disent cela ou desquelles une exception de ce genre doit nécessairement être déduite, et j'insiste sur le mot "nécessairement". Cela n'a pas été fait.

[10]          L'appelant a renvoyé la Cour aux jugements Gill v. M.N.R., 75 DTC 278 (C.R.I.), et Lalonde v. M.N.R., 82 DTC 1772 (C.R.I.). Dans ces affaires-là, l'employeur de l'appelant avait retenu des sommes à la source mais avait omis de les remettre au receveur général. Il avait été statué que, dans les circonstances, les appelants étaient, dans la mesure des retenues effectuées, soustraits à l'obligation de payer de l'impôt. Les employeurs avaient été considérés comme étant les mandataires du ministre du Revenu national à l'égard des retenues à effectuer. Je ne pense pas que ces jugements aident l'appelant.

[11]          La question des retenues à la source et la question des paiements par acomptes représentent des concepts différents et ne sont liées que dans la mesure où la loi peut le prévoir.

[12]          Enfin, l'appelant a agité le spectre d'une double imposition possible. Comme on l'aura vu, il n'y a pas eu de double imposition en l'espèce. À mon avis, considérés ensemble ou séparément, les paragraphes 156(1) et 163(1) ne peuvent à juste titre être interprétés comme étant destinés à permettre une double imposition. Dans l'affaire B.S.C. Footwear Ltd. v. Ridgeway (Inspector of Taxes), [1972] A.C. 544, lord Reid disait, à la page 555 : "Un principe fondamental du droit fiscal veut que la même somme ne soit pas imposée deux fois." S'il arrive qu'un contribuable ait trop payé d'impôt à cause de retenues à la source ou de paiements par acomptes ou à cause des deux, la situation peut être corrigée par un remboursement : paragraphe 164(1) de la Loi.

[13]          La cotisation établie à l'égard de l'appelant en vertu des articles 162 et 163.1 de la Loi était fondée. Il s'ensuit que l'appel doit être rejeté.

"D.H. Christie"

J.C.A.C.C.I.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Traduction certifiée conforme ce 12e jour de mai 1998.

Mario Lagacé, réviseur



1 Ces termes introductifs ont été modifiés par L.C. 1994, ch. 8, par. 23(1), qui a eu pour effet de supprimer la mention du paragraphe 153(2). La modification s'appliquait aux montants payables après juin 1994.

2 Les termes "et au plus tard à la date d'exigibilité [...]" ont été abrogés par L.C. 1994, ch. 8, par. 23(2). La modification s'appliquait aux années d'imposition 1994 et suivantes. Il est également à noter que le paragraphe 21(3) de L.C. 1994, ch. 8, dispose :

21. (3) Pour son application à l'année d'imposition 1994, le paragraphe 153(2) est remplacé par ce qui suit :

                (2) Sous réserve des articles 155, 156 et 156.1, le particulier qui a reçu au cours d'une année d'imposition de la rémunération ou d'autres paiements qui ont fait l'objet d'une déduction ou d'une retenue aux termes du présent article et dont le total est égal ou supérieur aux trois quarts de son revenu pour l'année doit payer au receveur général, au plus tard à la date d'exigibilité du solde qui lui est applicable pour l'année, le solde de son impôt pour l'année, estimé en application de l'article 151.

3 L'alinéa 153(1)a) dispose :

(1)            Toute personne qui verse au cours d'une année d'imposition l'un des montants suivants :

a) un traitement, un salaire ou autre rémunération; [...]

doit en déduire ou en retenir la somme fixée selon les modalités réglementaires et doit, au moment fixé par règlement, remettre cette somme au receveur général au titre de l'impôt du bénéficiaire ou du dépositaire pour l'année [...]

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