Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

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Date: 19980520

Dossiers: 97-643-UI; 97-644-UI

ENTRE :

NICOLE CHAYER,

ARMAND ET ARMANDE CHAYER,

appelants,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

Motifs du jugement

Le juge Pierre Archambault, C.C.I.

[1]            Les appelants contestent une décision rendue par le ministre du Revenu national (ministre) en vertu de la Loi sur l'assurance-emploi (Loi). Le ministre a décidé que Mme Nicole Chayer n'avait pas occupé un emploi assurable pendant la période du 12 au 18 décembre 1996 (période pertinente) chez Les Entreprises A. Chayer (Entreprises). Entreprises appartient à Armand et Armande Chayer. Le ministre prétend que Mme Nicole Chayer n'a pas rendu de services durant cette période ou que, si elle en a rendu, il s'agissait d'un "emploi de convenance".

[2]            Le procureur du ministre a confirmé que le ministre n'avait pas appliqué l'alinéa 5(2)i) de la Loi et qu'il n'avait pas l'intention d'invoquer cette disposition. J'en ai donc conclu que les modalités d'emploi de Mme Chayer, s'il existait effectivement un contrat de travail, auraient été à peu près semblables même s'il n'y avait pas eu de lien de dépendance entre Mme Chayer et Entreprises. D'ailleurs, pour la période allant du 17 juin au 15 novembre 1996, le ministre a confirmé que Mme Chayer avait occupé un emploi assurable.

[3]            En rendant sa décision, le ministre s'est basé notamment sur les faits suivants :

a)              le payeur exploite une entreprise spécialisée dans la récupération de cartons et tissus, sous la raison sociale Les Entreprises A. Chayer;

b)            l'entreprise appartient à Armand et Armande Chayer, parents de l'appelante;

c)              l'appelante a travaillé pour Autobus Rive-Nord Inc. du 27 mai au 21 juin 1996;

d)             du 17 au 21 juin 1996, l'appelante a travaillé pour le payeur le soir, de 17h à 21h30;

e)              après le 21 juin 1996, l'appelante a commencé à travailler à temps plein pour le payeur;

f)              elle effectuait le tri du matériel à récupérer;

g)             le 22 novembre 1996, l'appelante a fait une demande de prestations d'assurance-chômage;

h)             il manquait une semaine à l'appelante pour se qualifier;

i)               le 27 novembre 1996, Guylaine Bergeron adressa une demande de vérification à Revenu Canada;

j)               le 13 décembre 1996, Johanne Di Mauro de Revenu Canada, expliqua à l'appelante, que bien qu'elle eût eu 2 emplois dans la semaine du 17 au 22 juin 1996, elle n'avait accumulé qu'une semaine d'emploi durant cette semaine;

k)              Le 19 décembre 1996, la travailleuse se rendit au centre d'emploi avec un relevé d'emploi additionnel comportant une semaine de travail pour l'appelante, du 12 au 18 décembre 1996;

l)               dans le journal des salaires du payeur, la semaine du 17 au 22 juin 1996 concernant l'appelante a été effacée;

m)             pour la semaine se terminant le 21 novembre 1996, une note y est inscrite : "payer salaire du 17 au 21 juin";

n)             les 5 présumés[sic] journées de travail du 12 au 18 décembre 1996, commence[sic] un jeudi pour se terminer un mercredi, tandis que toutes les autres semaines enregistrées, se terminent un vendredi;

o)             le payeur et l'appelante ont conclu un arrangement dans le but de qualifier cette dernière à recevoir des prestations d'assurance-chômage;

p)             durant la période en litige, il n'y avait pas de véritable contrat de louage de services entre l'appelante et le payeur.

[4]            Madame Chayer a admis tous ces faits à l'exception des paragraphes h), l), m), o) et p).

[5]            Madame Nicole Chayer de même que sa mère et son père ont témoigné lors de l'audience. La preuve a révélé les faits complémentaires suivants. Mme Nicole Chayer a expliqué les circonstances entourant son engagement durant la période pertinente. Selon elle, Entreprises avait reçu la livraison d'une remorque pleine de matériel à récupérer, ce qui nécessitait l'engagement d'une personne additionnelle. Son père l'aurait appelée pour venir travailler. Elle affirme avoir fait de 30 à 40 heures de travail durant les cinq journées. Sa mère a confirmé avoir gardé les enfants de Mme Chayer pendant cette période et son père, qui a supervisé l'appelante, a confirmé l'avoir vue rendre les services en question.

[6]            On a produit à l'audience une copie du livre de paie révélant que Mme Nicole Chayer a travaillé du 17 juin jusqu'au 15 novembre et cinq jours en décembre à compter du 12 de ce mois. Les chèques de paie ont été produits, dont notamment celui du 18 décembre 1996 couvrant la période pertinente.

Analyse

[7]            Le procureur du ministre soutient que Mme Chayer n'a pas fourni les services qu'elle prétend avoir rendus. Il accorde peu de crédibilité aux témoignages fournis lors de l'audience. Les services de Mme Nicole Chayer ont été retenus à un moment correspondant à une période plus tranquille pour Entreprises. De plus, les services n'ont pas été rendus à compter du début de la semaine. Plutôt, les services de Mme Chayer ont été rendus à compter du jeudi 12 décembre 1996. De plus, Mme Chayer a reconnu qu'elle a travaillé parce qu'il lui manquait une semaine pour être admissible aux prestations d'assurance-emploi.

[8]            Même s'il est possible d'entretenir certains doutes quant à la coïncidence que représente l'engagement de Mme Chayer pour la période allant du 12 décembre au 18 décembre 1996, j'ai été convaincu, selon la prépondérance de la preuve, que Mme Chayer avait véritablement rendu des services pendant la période pertinente. Le témoignage de Mme Chayer a été corroboré par celui de sa mère de même que par celui de son père. Comme Mme Chayer a reçu un salaire, qu'elle a rendu des services et qu'il existait un lien de subordination, tous les éléments essentiels à l'existence d'un contrat de travail sont réunis.

[9]            Même si un contrat de travail existait et que des services ont été rendus, le procureur du ministre soutient que l'emploi n'est pas assurable parce qu'il s'agit d'un "emploi de convenance". Toutefois, il est reconnu dans la jurisprudence qu'un emploi de convenance peut être considéré comme un emploi assurable aux fins de la Loi. Dans l'affaire Canada (Procureur général) c. Rousselle, [1990] A.C.F. no 990, le juge Hugessen de la Cour d'appel fédérale a énoncé ce qui suit :

Ce n'est pas d'exagérer je crois, à la lumière de ces faits, que de dire que si les intimés ont exercé un emploi, il s'agissait bien d'un emploi "de convenance" dont l'unique but était de leur permettre de se qualifier pour des prestations d'assurance-chômage. Certes, ces circonstances n'empêchent pas nécessairement que les emplois soient assurables mais elles imposaient à la Cour canadienne de l'impôt l'obligation de scruter avec un soin particulier les contrats en cause; il est clair que la motivation des intimés était plutôt le désir de profiter des dispositions d'une loi de portée sociale que de participer dans le jeu normal des forces économiques du marché".

                                                                                                                [Je souligne.]

[10]          Donc, il est clair qu'un emploi de convenance peut constituer un emploi assurable. Toutefois, cette cour a l'obligation de scruter le contrat avec soin afin de s'assurer que toutes les conditions sont réunies pour qu'il y ait un emploi assurable. En l'espèce, j'ai déjà conclu que toutes ces conditions de l'existence d'un contrat de travail avaient été réunies.

[11]          Pour ces motifs, les appels des appelants sont accueillis et la décision du ministre est modifiée en tenant pour acquis que Mme Nicole Chayer a occupé un emploi assurable du 12 au 18 décembre 1996.

Signé à Ottawa, Canada, ce 20e jour de mai 1998.

" Pierre Archambault "

J.C.C.I.

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