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Date: 20001130

Dossiers: 98-2304-GST-I; 98-2305-GST-I

ENTRE :

VITO CIRIELLO, ROSA CIRIELLO,

appelants,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

Intimée.

Motifs du jugement

Le juge Rip, C.C.I.

[1]            Pendant les périodes allant du 1er mai 1991 au 31 octobre 1991 et du 1er février 1992 au 30 avril 1994, R. & V. Insulating Glass Co. Ltd. (" R & V ") a fait défaut de verser au receveur général du Canada une taxe nette s'élevant à 69 295,28 $ comme l'exige le paragraphe 228(1) de la Loi sur la taxe d'accise (la " Loi "). R & V s'est également vu imposer des intérêts et des pénalités. Le 25 juin 1994 ou vers cette date, R & V a effectué une cession de ses biens en vertu de la Loi sur la faillite et l'insolvabilité, et la preuve de la créance de la Couronne, en ce qui concerne la taxe nette, les intérêts et les pénalités, a été faite.

[2]            À l'époque où R & V a fait défaut de verser la taxe nette au receveur général, Vito Ciriello, et Rosa Ciriello, sa conjointe, étaient administrateurs de la société, et le ministre du Revenu national (le " ministre ") a établi une cotisation à l'égard de chacun d'eux en vertu du paragraphe 323(1) de la Loi au moyen d'avis de cotisation datés du 27 février 1997. M. Ciriello interjette appel à l'encontre de la cotisation au motif qu'il a agi avec autant de soin, de diligence et de compétence, pour prévenir le défaut de R & V de verser la taxe, que l'aurait fait une personne raisonnablement prudente dans les mêmes circonstances, comme l'exige le paragraphe 323(3) de la Loi.

[3]            M. Ciriello soutient également que le ministre n'a pas accordé de crédit à R & V pour les créances irrécouvrables. Aucune preuve n'a été présentée par l'appelant à l'égard des créances irrécouvrables. Pour que R & V reçoive un remboursement ou se voie accorder un redressement de la taxe, le paragraphe 231(1) de la Loi exige non seulement que le contribuable ait effectué une fourniture taxable dans le cadre d'une activité commerciale et pour une contrepartie, mais également qu'il ait produit une déclaration justifiant la taxe et par laquelle il la verse aux termes de la section II relativement à cette fourniture. Enfin, la contrepartie et la taxe doivent être devenues une créance irrécouvrable. Aucun élément de preuve n'a satisfait aux conditions de la loi en vue de justifier un redressement de la taxe.

[4]            M. Ciriello soutient également que R & V " a cessé d'exploiter une entreprise le 25 juin 1994 [...] [et], à la connaissance du ministre, l'appelant a cessé d'être un administrateur ou le ministre a compris qu'il n'était plus un administrateur à partir du 25 juin 1994 ". Comme l'avis de cotisation de M. Ciriello a été établi plus de deux années après qu'il eut cessé d'être un administrateur, la cotisation est prescrite : paragraphe 323(4).

[5]            Mme Ciriello soutient qu'elle n'est pas responsable du défaut de R & V de verser la taxe, puisque, entre autres choses, elle n'était qu'une administratrice à titre nominal ou passive de R & V, elle ne participait pas aux décisions et elle ne connaissait pas la situation financière de la société. Mme Ciriello soutient qu'elle a fait preuve de la diligence requise par le paragraphe 323(3) de la Loi pour prévenir le défaut de R & V de verser la taxe et elle déclare également qu'elle a cessé d'être une administratrice de R & V plus de deux années avant l'établissement de la cotisation à son égard.

[6]            Les appels de M. et de Mme Ciriello ont été entendus ensemble sur preuve commune.

[7]            M. Ciriello possède une sixième année. Il a immigré au Canada de l'Italie. Il a constitué R & V en personne morale en 1982. De 1960 à 1982 environ, il était employé en tant que contremaître d'outillage pour une compagnie de vitrage isolant. R & V assemblait et installait des fenêtres à vitrage thermos.

[8]            M. Ciriello a affirmé qu'il était la seule personne à prendre des décisions d'affaires pour R & V. Il a déclaré que le nom de Mme Ciriello avait été utilisé pour un poste d'administrateur et le poste de secrétaire de R & V parce que, lorsque la société avait été constituée en personne morale, on lui avait dit qu'elle devait avoir un président et un secrétaire. M. Ciriello a expliqué avoir été informé par son avocat, au moment de la constitution, du fait que la compagnie devait avoir deux dirigeants. En tant que président, il était responsable de toutes les décisions financières et d'affaires. Il semble avoir été le seul à avoir eu le pouvoir de signer des chèques. Il a insisté sur le fait qu'il n'avait été informé par personne, y compris son avocat à ce moment, des responsabilités d'un dirigeant ou d'un administrateur. M. Ciriello n'avait pas de formation antérieure sur la manière d'exploiter une entreprise. Il n'y a pas eu de réunions des administrateurs de R & V.

[9]            M. Ciriello n'avait jamais été un dirigeant ou un administrateur d'une société auparavant; il avait toujours été un employé. Il a volontiers admis avoir pris toutes les décisions quant à savoir quels créanciers seraient payés et lesquels ne le seraient pas.

[10]          R & V employait un secrétaire-comptable pour enregistrer les comptes de la compagnie. Un comptable se présentait chez R & V afin de " vérifier le système ". Depuis 1988, R & V possédait un système comptable informatisé. M. Ciriello a affirmé ne pas s'être immiscé dans le processus de sécurité et avoir laissé " les employés faire leur travail ".

[11]          Les déclarations de TPS ont été signées par une certaine Mme Thompson, qui était la secrétaire-comptable de R & V. M. Ciriello n'a pas révisé les déclarations. Il a déclaré que le comptable de la compagnie examinait les déclarations de la taxe sur les produits et services (" TPS ") et qu'il " n'était pas nécessaire [qu'il] le fasse ". M. Ciriello a également déclaré qu'à la fin de chaque mois, on lui remettait une feuille du grand livre indiquant les sommes à recevoir et les sommes à payer.

[12]          Du moment où R & V s'est lancé en affaires jusqu'à 1990 environ, l'entreprise a tenu bon, selon M. Ciriello. R & V a construit un édifice en 1987, dans lequel elle exploitait son entreprise. Toutefois, M. Ciriello s'est plaint du fait que la récession économique de 1990 a gravement touché l'entreprise. Cette entreprise était saisonnière, et, si aucune construction n'avait lieu, les affaires n'étaient pas bonnes pour R & V. En 1990, il était devenu plus difficile pour cette dernière de percevoir ses sommes à recevoir. Au même moment, R & V a commencé à prendre du retard pour payer sa taxe de vente provinciale au gouvernement de l'Ontario et a commencé à faire défaut de verser les retenues à la source et la TPS au receveur général, même si M. Ciriello a affirmé que R & V avait effectué certains paiements de TPS.

[13]          En 1990 ou en 1991 - la date exacte n'est pas clairement établie par la preuve - le banquier de R & V a demandé le paiement du montant de crédit qu'il avait accordé à la compagnie.

[14]          R & V était également confrontée à d'autres problèmes, puisque la municipalité d'Etobicoke menaçait de vendre son édifice à cause d'arriérés d'impôt. En 1992, R & V a vendu la moitié de son droit dans l'édifice, qu'il avait acquis en 1987, pour un montant inférieur à son coût. Le produit de la vente a été appliqué à des impôts fonciers impayés. Plus tôt, l'huissier avait repris possession de l'un des camions de R & V, dont l'entreprise avait besoin, selon M. Ciriello. Il craignait également la saisie d'un autre camion.

[15]          En 1991, les appelants ont obtenu un prêt de la compagnie Shoppers Trust, garanti par une hypothèque enregistrée sur leur maison. Le montant avancé était de 250 000 $, moins l'ajustement des intérêts de 770,55 $. R & V a effectué les paiements hypothécaires[1]. Il ressort du témoignage de M. Ciriello en contre-interrogatoire que les fonds hypothécaires ont servi à rembourser le prêt bancaire, ce qui lui a permis d'obtenir une ligne de crédit de 50 000 $ d'une autre succursale de la même banque.

[16]          R & V a pris des dispositions pour qu'une société d'affacturage perçoive ses sommes à recevoir en contrepartie d'un montant de 50 000 $.

[17]          M. Ciriello ne pouvait se rappeler si l'argent qu'il avait reçu de l'hypothèque consentie sur sa maison de la banque ou de la société d'affacturage avait été versé au titre de la TPS, même si R & V payait ses fournisseurs. Les services de la société d'affacturage ont été utilisés parce que le créancier hypothécaire de l'édifice de R & V exigeait un dépôt de garantie de 50 000 $ afin de renouveler l'hypothèque. R & V avait autrefois effectué des paiements en retard. C'était avant qu'elle vende la moitié de son droit dans l'édifice.

[18]          Malheureusement, les efforts pour financer la compagnie se sont avérés vains, et, en mai 1994, le Trésorier de l'Ontario a entrepris une saisie-arrêt des montants dus à R & V en raison du défaut de cette dernière de verser la taxe de vente au détail de l'Ontario. Cela, selon M. Ciriello, a été la " goutte qui a fait déborder le vase ". Les fournisseurs ne désiraient plus approvisionner R & V. À la même époque, R & V avait utilisé toute la ligne de crédit de la banque. En juin 1994, la compagnie a effectué une cession de ses biens en vertu de la Loi sur la faillite et l'insolvabilité.

[19]          Les syndics ont tenté de percevoir les sommes à recevoir de R & V qui, au moment de la faillite, s'élevaient à 189 049 $. Le syndic a perçu 55 176 $ des sommes à recevoir. Je ne sais pas si le syndic a effectué des paiements au receveur général grâce aux montants qu'il a perçus.

[20]          À son apogée, R & V employait 16 personnes pendant la haute saison, de juin à décembre. M. Ciriello mettait à pied des employés durant la saison morte, même s'il gardait environ huit à dix employés, dont lui-même, Mme Ciriello, le contremaître, un camionneur et la secrétaire. Mme Ciriello et lui-même étaient les seuls membres de la famille à l'emploi de R & V.

[21]          En contre-interrogatoire, M. Ciriello a reconnu qu'avant 1992, il fallait beaucoup de temps avant que les sommes à recevoir soient acquittées, mais qu'à tout autre moment, les sommes à payer et les sommes à recevoir ne constituaient " pas un problème ".

[22]          En 1992, R & V a d'abord reçu son avis d'arriérés de TPS. M. Ciriello a reconnu qu'il savait que la compagnie était en retard puisqu'il y avait une récession. Il ne connaissait pas l'obligation légale selon laquelle les montants relatifs à la TPS devaient être conservés dans un compte distinct des autres fonds de la compagnie. Il a déclaré que, lorsque R & V percevait de l'argent de ses créanciers, la TPS était payée.

[23]          Selon M. Ciriello, il revenait au " secrétaire-comptable et au comptable " de payer ou non la TPS. M. Ciriello a déclaré qu'il n'avait rien à voir avec cette décision.

[24]          À l'époque où elle connaissait des difficultés financières, R & V ne payait aucun salaire à M. Ciriello et versait à Mme Ciriello son salaire normal de 600 $ par semaine.

[25]          En contre-interrogatoire, M. Ciriello a indiqué avoir pris des dispositions, en février 1994, pour payer les arriérés de TPS en envoyant des chèques postdatés à Revenu Canada. Il croit qu'un chèque peut avoir été encaissé et qu'un autre peut avoir été retourné pour provision insuffisante. Il a indiqué dans son témoignage qu'une fois que le gouvernement provincial avait pratiqué une saisie-arrêt des sommes à recevoir de R & V, la question de savoir quel créancier était payé ne lui importait pas.

[26]          Mme Ciriello a indiqué dans son témoignage avoir immigré au Canada en 1966 et, après avoir élevé ses trois enfants, elle a commencé à travailler pour R & V. Elle a complété une cinquième année en Italie. Lorsque R & V a été constituée en personne morale, son conjoint et elle-même se sont présentés au cabinet d'un avocat, qui leur a dit qu'elle pouvait être incluse à titre d'administratrice de la compagnie " dans l'éventualité où quelque chose arriv[e] à [s]on conjoint ". En réalité, elle n'a jamais agi à titre d'administratrice et elle n'a jamais participé à l'exploitation de l'entreprise de la compagnie sauf en tant qu'employée non spécialisée. Elle n'a jamais vu les dossiers financiers de la compagnie et n'a jamais discuté des affaires de la société avec M. Ciriello.

[27]          Mme Ciriello était suffisamment vigilante pour constater qu'une fois que la récession s'était installée, les affaires de la compagnie n'étaient plus aussi bonnes qu'auparavant. En conséquence, elle a accepté que leur maison soit hypothéquée pour obtenir la ligne de crédit parce que " si nous perd[i]ons l'entreprise, nous perd[i]ons tout ". Elle s'est rappelé que, lorsque R & V avait démarré, son conjoint et elle-même avaient obtenu un prêt de 30 000 $, garanti par une hypothèque sur leur maison, afin de financer l'entreprise de R & V. Elle espérait que le nouveau financement aiderait R & V.

[28]          Je me prononcerai d'abord sur la situation de Mme Ciriello. Cette dernière a une scolarité limitée, obtenue en Italie. Elle a indiqué dans son témoignage qu'elle n'avait absolument rien à voir avec la gestion et l'administration de R & V et qu'elle avait été nommée administratrice suite à la suggestion de l'avocat de la société, au moment de la constitution en personne morale de R & V. Elle n'était qu'une administratrice à titre nominal. Aucun élément de preuve ne contredit le témoignage de Mme Ciriello, lequel concorde avec celui de son conjoint : c'est M. Ciriello qui dirigeait R & V.

[29]          Mme Ciriello a consenti à ce que la résidence familiale soit hypothéquée afin de conserver l'entreprise. La maison avait été hypothéquée en vue d'aider à financer R & V lorsqu'elle a entrepris ses affaires, et elle croyait qu'un financement supplémentaire aiderait à surmonter les problèmes financiers de l'entreprise en 1991. Toutefois, elle n'était pas au courant du défaut de R & V de verser la TPS et n'était pas en position de faire quoi que ce soit à ce sujet, même si elle en avait été au courant, car son conjoint avait le contrôle total. Dans l'affaire Robitaille c. La Reine[2], la contribuable a été nommée administratrice afin de respecter une obligation imposée par la loi exigeant qu'une société devait avoir au moins trois administrateurs. Elle ne jouait aucun rôle actif dans la compagnie et a appris les difficultés financières de cette dernière après que la banque eut pris le contrôle de fait des affaires de la compagnie. Dans l'affaire Robitaille, le juge de première instance a beaucoup été influencé par le fait que la banque contrôlait la compagnie.

[30]          Dans l'affaire Soper c. La Reine[3], le juge d'appel Robertson a formulé la norme " objective subjective " en déterminant la question de savoir si un administrateur avait fait preuve de la " diligence raisonnable " exigée par le paragraphe 227.1(3) de la Loi de l'impôt sur le revenu, lequel est semblable au paragraphe 323(3) de la Loi. Dans l'affaire Worrell c. Canada[4], le juge Evans de la Cour d'appel fédérale a expliqué que la Cour devrait prendre en considération les caractéristiques de l'administratrice en question, dont son niveau de compétence, d'expérience et de savoir en regard de ses fonctions. Le juge doit ensuite se demander si, dans des circonstances similaires, un administrateur raisonnablement prudent, avec un niveau de compétence, d'expérience et de connaissances comparable, aurait fait de même.

[31]          À mon avis, Mme Ciriello n'avait pas les compétences et l'expérience pour reconnaître tout défaut de R & V de verser la TPS au receveur général, et toute personne possédant son niveau de compétence, d'expérience et de qualification ou n'en bénéficiant pas aurait agi ou, plus précisément, comme Mme Ciriello, n'aurait pas agi. En fonction de la norme " objective subjective ", Mme Ciriello a fait preuve de la " diligence raisonnable " requise, et son appel devrait être accueilli[5].

[32]          La situation de M. Ciriello est différente de celle de sa conjointe. Lui aussi avait reçu une éducation obtenue d'une école publique, mais, au cours des années, il a obtenu de l'expérience en gérant l'entreprise de R & V. Avant 1991, R & V avait versé des retenues à la source au receveur général, et M. Ciriello savait, lorsque la partie IX de la Loi est entrée en vigueur, que R & V devait également verser la TPS.

[33]          Dans l'affaire Worrell, précitée, le juge d'appel Evans était d'avis " qu'il [était] essentiel de ne pas perdre de vue la question qui [était] au coeur du présent appel, savoir si les administrateurs en l'espèce [avaient] exercé la diligence raisonnable requise pour prévenir le défaut de versement de la compagnie "[6]. Il a ajouté que :

Pour être en mesure d'invoquer le moyen de défense tiré du paragraphe 227.1(3), il faut normalement qu'ils aient pris des mesures positives qui, si elles aboutissaient, auraient pu prévenir le défaut de versement. Il faut donc examiner si ce qu'ont fait ces administrateurs pour prévenir le défaut satisfait à la norme de soin, de diligence et d'habileté qu'aurait observée une personne raisonnablement prudente dans des circonstances comparables.

[34]          Le fait d'exploiter l'entreprise en sachant que la compagnie n'effectuera pas les versements à temps, mais en espérant que la chance de la compagnie tournera n'est normalement pas utile pour la défense de l'administrateur. Ce dernier, en de telles circonstances, assume le risque selon lequel la compagnie pourra par la suite effectuer des paiements.

[35]          L'avocat des appelants a soutenu que M. Ciriello ne pouvait en faire plus puisque la seule façon pour R & V de payer la TPS était de continuer d'exploiter l'entreprise. Malheureusement, R & V (et l'appelant, M. Ciriello) a été dépassée par les événements. L'avocat s'est fondé sur les motifs du jugement de l'affaire Soper, et en particulier la norme " objective subjective "[7].

[36]          R & V avait au moins un employé travaillant quotidiennement, dont les responsabilités comprenaient le versement de la TPS au receveur général. Toutefois, M. Ciriello savait que la compagnie devait verser la TPS mais qu'elle n'avait pas versé la TPS et il ne semble pas avoir fait beaucoup d'efforts pour régler le problème. Il savait que la compagnie éprouvait des difficultés financières. Il concentrait ses énergies à s'assurer que ses fournisseurs étaient satisfaits. Afin de s'assurer que les fournisseurs traitaient avec R & V, M. Ciriello a hypothéqué sa maison, a cédé ses créances à une société d'affacturage et a emprunté de l'argent à la banque. Rien dans la preuve n'indique qu'une partie importante - s'il en est une - des montants reçus de ces sources ait été appliquée à la dette de R & V à l'égard du receveur général.

[37]          La preuve présentée devant moi, comme dans l'affaire Fancy c. La Reine[8], par exemple, n'indique pas que le banquier de R & V ait empêché M. Ciriello d'amener R & V à verser la TPS. En tout état de cause, rien dans la preuve n'indique que M. Ciriello ait fait quoi que ce soit pour prévenir les omissions de R & V qui étaient clairement prévisibles à mesure que l'entreprise poursuivait ses activités.

[38]          M. Ciriello soutient avoir cessé d'être un administrateur de R & V dès que la société a effectué cession de ses biens, le 25 juin 1994, et être par conséquent libéré de la responsabilité prévue au paragraphe 323(1).

[39]          Ce n'est pas la première fois qu'un administrateur d'une société en faillite fait valoir qu'il a cessé d'occuper le poste au sens du paragraphe 227.1(4) de la Loi de l'impôt sur le revenu, lequel est similaire au paragraphe 323(5) de la Loi, au moment de la nomination d'un syndic et qu'il n'est par conséquent pas responsable du fait d'autrui pour le défaut de la société[9].

[40]          La Cour d'appel fédérale a accueilli l'appel de la Couronne interjeté à l'encontre de la décision de cette cour dans l'affaire Kalef. La Cour d'appel a examiné la loi régissant les sociétés nationales, en vertu de laquelle la société en question avait été constituée en personne morale. Le paragraphe 121(1) de la Loi sur les sociétés par actions de l'Ontario prévoit que le mandat d'un administrateur d'une société prend fin au décès de celui-ci, au moment de sa démission ou de sa destitution ou au moment où il devient inhabile. La Loi de l'impôt sur le revenu, comme la Loi sur la taxe d'accise, est silencieuse quant au moment où une personne cesse d'être un administrateur, et, par conséquent, il faut se reporter à la loi en vertu de laquelle la société a été constituée en personne morale. La Cour d'appel a conclu que M. Kalef n'avait pas cessé d'être un administrateur en raison de la nomination d'un syndic et qu'il ne respectait pas les conditions portant sur la fin du mandat d'un administrateur établies par la Loi sur les sociétés par actions de l'Ontario. Par conséquent, le délai prévu par l'article 227.1 de la Loi de l'impôt sur le revenu n'a pas fait obstacle à l'établissement de la nouvelle cotisation à l'égard de M. Kalef.[10]

[41]          Dans l'affaire La Reine c. Wheeliker[11], la Cour fédérale du Canada s'est fondée sur l'affaire Kalef et a déclaré qu'il n'était pas utile d'invoquer la common law, puisque le droit législatif précisait à quel moment une personne cessait d'occuper un poste d'administrateur.

[42]          Une société continue d'exister lorsqu'elle fait cession de ses biens ou lorsqu'une requête de mise en faillite est présentée à son égard et qu'un syndic est nommé. Les administrateurs ne peuvent plus exploiter la société en faillite, mais ils en sont encore les administrateurs[12].

[43]          Je suis lié par la décision de la Cour d'appel fédérale dans l'affaire Kalef. M. Ciriello n'a pas cessé d'être un administrateur le 25 juin 1994 ou vers cette date.

[44]          L'appel de M. Ciriello sera accueilli, mais seulement pour déférer la cotisation au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation afin de déterminer si le syndic a effectué des paiements de TPS au receveur général et, le cas échéant, de réduire le montant de la cotisation en conséquence. À tous les autres égards, l'appel est rejeté.

Signé à Ottawa, Canada, ce 30e jour de novembre 2000.

" Gerald J. Rip "

J.C.C.I.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Traduction certifiée conforme ce 31e jour de mai 2001.

Mario Lagacé, réviseur



[1] Il semble que M. Ciriello effectue actuellement des paiements.

[2] [1990] 1 C.F. 310 (90 DTC 6059).

[3] [1998] 1 C.F. 124 ((1997) 3 C.T.C. 242).

[4] [2000] A.C.F. no 1730, paragraphes 24 à 26.

[5] Par conséquent, il ne m'est pas nécessaire d'examiner la question de savoir si Mme Ciriello a cessé d'être une administratrice au moment où R & V a fait faillite.

[6] Worrell, précitée, paragraphe 68.

[7] Soper, précité, paragraphe 30.

[8] C.C.I., no 86-1318(IT), 21 septembre 1988 (88 DTC 1641).

[9] Voir par exemple McConnachie c. M.R.N., C.C.I., no 89-210(IT), 1er mai 1991 (91 DTC 873) et Kalef c. La Reine, C.C.I., no 91-1759(IT)G, 14 décembre 1994 (95 DTC 487), C.A.F., no A-11-95, 1er mars 1996 (96 DTC 6132). On peut remarquer que la Cour suprême du Canada a rejeté la demande d'autorisation de M. Kalef d'en appeler de la décision de la Cour d'appel fédérale. [1996] S.C.C.A. no 219, no de dossier 25290.

[10] Kalef, précitée, à la p. 6135.

[11] [1999] 3 C.F. 173, au paragraphe 10 ([1992] 2 C.T.C. 395, au paragraphe 32).

[12] Voir, par exemple, National Trust Company Limited v. Ebro Irrigation and Power Company Ltd. et al., [1954] O.R. 463 (C.S.).

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