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Date: 20000221

Dossier: 1999-857-EI

ENTRE :

UNIVERSITÉ LAVAL,

appelante,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé,

et

LA SUCCESSION HÉLÈNE C. GAGNON

et

ANGE-AIMÉE THIBODEAU,

Intervenantes.

Motifs du jugement

Le juge suppléant Lesage, C.C.I.

[1]            Par lettre du 4 décembre 1998 du Directeur adjoint des Appels à Revenu Canada, les quelques huit cents et plus employés concernés de l'appelante ont été avisés du présent appel et informés de leur droit d'intervention. Le dossier de la Cour ne fait état que des deux intervenantes qui n'ont pas plaidé lors de l'audition. Les interventions sont au même effet que l'appel et l'avocat de l'appelante, en faisant valoir les allégations et conclusions de l'appelante, a aussi protégé et fait valoir les droits des intervenantes et des autres employés touchés par la décision du ministre du Revenu national (le « Ministre » ).

[2]            La cause a été entendue à Québec le 15 décembre 1999. Les avocats des parties ont plaidé oralement. La Cour a demandé la transcription des plaidoiries qui a été reçue le 12 janvier 2000.

[3]            La preuve résulte, du consentement des parties, à la véracité des faits allégués à l'avis d'appel et aux avis d'intervention et aux réponses de l'intimé à ces avis.

[4]            Les faits suivants sont donc tenus pour prouvés :

« Par un avis de cotisation en date du 11 mai 1998, le Ministre du Revenu national a cotisé l'appelante à l'égard de cotisations d'assurance-emploi et d'assurance-chômage, y compris les intérêts qui s'appliquent, pour les années 1995, 1996 et 1997;

Cet avis de cotisation portait sur les prestations d'assurance-salaire versées à certains employés de l'appelante, pour les années en litige, dans le cadre du Régime d'assurance-salaire courte durée de l'appelante (le « Régime d'assurance » );

Le Régime d'assurance prévoit le versement d'une indemnité hebdomadaire égale à 85 % du traitement de l'employé pour les 26 premières semaines et de 80 % de son traitement pour les 26 semaines suivantes;

Le Régime d'assurance fait l'objet d'un contrat d'assurance avec Assurance-Vie Desjardins-Laurentienne;

L'appelante a interjeté appel de l'avis de cotisation auprès de la direction des appels de Revenu Canada;

Le 4 décembre 1998, la Direction des appels de Revenu Canada rendait une décision par laquelle elle confirmait l'avis de cotisation » .

[5]            Le Ministre admet les faits allégués aux paragraphes 1 à 6 de l'avis d'appel.

[6]            Par avis de cotisation daté du 11 mai 1998, l'intimé cotisa l'appelante relativement aux années 1995, 1996 et 1997 pour des cotisations ouvrières et patronales impayées d'assurance-chômage et d'assurance-emploi à l'égard de 895 employés (ci-après appelés les travailleurs) dont la liste est annexée à la Réponse à l'avis d'appel et pour la pénalité et les intérêts s'y rapportant. La cotisation s'établissait comme suit :

pour l'année 1995

                                assurance-chômage              =               93 704,93 $

                                pénalité                                   =                   00,00 $

                                intérêts                                    =               20 756,00 $

                pour l'année 1996

                                assurance-emploi                 =               99 301,36 $

                                pénalité                                   =                   00,00 $

                                intérêts                                    =               10 876,00 $

                pour l'année 1997

                                assurance-emploi                  =               84 365,21 $

                                pénalité                                   =                   00,00 $

                                intérêts                                    =               2 267,00 $

                pour un total de                                                     311 270,50 $

[7]            Le 13 juillet 1998, l'appelante demanda à l'intimé de reconsidérer les cotisations du 11 mai 1998.

[8]            Par lettre en date du 4 décembre 1998, l'intimé informa l'appelante qu'il avait été déterminé de confirmer les cotisations pour la raison que, dans le cadre du régime d'assurance-salaire courte durée, les prestations versées aux travailleurs par l'appelante étaient une rémunération assurable.

[9]            Par avis d'appel déposé le 22 janvier 1999, l'appelante porta en appel devant cette Cour la décision du Ministre datée du 4 décembre 1998.

[10]          En établissant les cotisations, le Ministre, s'est fondé sur les présomptions de faits suivants :

« a)           l'appelante embauchait des employés de soutien et de bureau;

b)             le 26 février 1991, l'appelante a signé une convention collective avec les représentants des travailleurs;

c)              durant les années cotisées, cette convention était toujours en vigueur;

d)             au terme de cette convention, l'appelante maintenait pour les travailleurs un régime d'assurance­salaire en cas d'accident ou de maladie, pour les 52 premières semaines d'invalidité ou de maladie;

e)              selon le paragraphe 31.01 de la convention, le régime était entièrement payé par l'appelante;

f)              l'appelante avait signé une entente avec la société d'assurance l'Assurance Vie Desjardins-Laurentienne (ci-après appelée l'assureur);

g)             l'entente entre l'appelante et l'assureur mentionnait que l'appelante était auto-assurée;

h)             l'appelante pouvait émettre des chèques au nom de     l'assureur;

i)               l'assureur ouvrait un compte de banque sur lequel l'appelante tirait des chèques;

j)               un(e) employé(e) de l'appelante signait les chèques;

k)              l'assureur calculait les montants à être versés dans ce compte par l'appelante;

l)               les intérêts étaient crédités par l'assureur à l'appelante sur les sommes versées au compte jusqu'au moment où les prestations étaient payées;

m)             à la fin de l'année, s'il y avait surplus dans le compte, l'appelante pouvait garder ce montant en dépôt ou se faire rembourser;

n)             à la fin de l'année, s'il y avait un déficit dans le compte, l'appelante devait le rembourser avec les intérêts;

o)             l'assureur n'agissait qu'à titre d'administrateur du compte et n'assumait aucun risque financier;

p)             l'assureur chargeait à l'appelante des frais administratifs pour la gestion du compte;

q)             le régime d'assurance-salaire de l'appelante était autofinancé par l'appelante;

r)              l'appelante décidait qui était admissible à recevoir des prestations et non l'assureur;

s)              les travailleurs, en congé de maladie, étaient toujours à l'emploi de l'appelante;

t)              les travailleurs, en congé de maladie, continuaient à accumuler des crédits de vacances;

u)             les prestations versées par l'appelante constituaient une continuation de la rémunération des travailleurs. »

[11]          Selon les termes de la convention collective avec ses employés, l'appelante a consenti à ces derniers un régime d'assurance salaire en cas d'accident ou maladie pour les 52 premières semaines d'invalidité ou de maladie. Un assureur fournit tous les services nécessaires à l'administration du régime et l'appelante paie la totalité des bénéfices prévus au régime en faveur des salariés. Elle paie aussi pour les services rendus par l'assureur selon le système « A.S.O. » , c'est-à-dire Administrative Services Only.

[12]          L'emploi exercé par l'employé est un emploi assurable aux fins des Lois sur l'assurance-chômage et/ou l'assurance-emploi.

[13]          La position de l'appelante est que les paiements faits à ses employés en vertu de son régime d'assurance maladie-incapacité ne sont pas une rémunération assurable et cotisable parce que ces paiements ne sont pas faits en contrepartie d'un travail correspondant. L'appelante se base sur le principe « temps fait, temps payé » .

[14]          La convention collective de travail entre l'appelante et ses employés comprend l'obligation de payer des congés de vacances et les jours non travaillés pour cause de maladie et d'incapacité en plus du temps fait.

[15]          Le Règlement concernant la perception des cotisations d'assurance-chômage prévoit que la rémunération d'une personne correspond à toute rétribution, entièrement ou partiellement en espèces, qu'elle reçoit ou bénéficie et qui lui est versée par son employeur relativement à cet emploi (paragraphe 3(1) du Règlement sur l'assurance-chômage).

[16]          Le Règlement sur la rémunération assurable et la perception des cotisations prévoit que :

« Pour l'application de la définition de « rémunération assurable » au paragraphe 2(1) de la Loi et pour l'application du présent règlement, le total de la rémunération d'un assuré provenant de tout emploi assurable correspond à l'ensemble des montants suivants :

a)             le montant total, entièrement ou partiellement en espèces, que l'assuré reçoit ou dont il bénéficie et qui lui est versé par l'employeur à l'égard de cet emploi; »

[16]          En contrepartie de toutes les conditions de travail assumées par les employés, dont le taux de salaire convenu, s'ajoutent d'autres bénéfices dont les congés payés (aucune prestation de travail) et le droit à l'assurance maladie-invalidité de courte durée (aucune prestation de travail).

[17]          Les dispositions réglementaires de l'assurance-chômage et de l'assurance-emploi sur la rémunération assurable sont claires. Le mot « bénéfice » y est employé pour que soient inclus les autres avantages qu'un salaire basé sur le temps travaillé.

[18]          Les emplois des intervenants et de tous les employés liés par la convention collective de travail de l'appelante avec ses syndiqués sont des emplois assurables et cotisables au sens de la Loi sur l'assurance-chômage et la Loi sur l'assurance-emploi et leurs Règlements.

[19]          La preuve n'a pas établi que le Ministre a agi de mauvaise foi, ou de façon arbitraire ou illégale, ni fondé sa décision sur des faits non pertinents ou n'a pas tenu compte de faits pertinents (voir Elia et M.R.N., [1998] A.C.F. no. 316). Ce commentaire de la Cour d'appel fédérale s'applique à la présente affaire.

[20]          Les jugements rendus dans les causes suivantes ont été portés à l'attention de la Cour qui en a fait une lecture approfondie :

                -                Kawa c. M.R.N., [1987] A.C.I. No 528 (Q.L.)

                -                Rousseau v. M.R.N., [1995] A.C.I. No 1066 (Q.L.)

                -                Bédard v. M.R.N., [1996] A.C.I. No 125 (Q.L.)

                -                Bouffard c. M.R.N., [1998] A.C.I. No 308 (Q.L.)

                -                Ministère du revenu national c. Visan [1983] 1 C.F. 820 (Q.L.)

                -                Brière c. Canada (M.N.R.) [1998] A.C.I. No 111 (Q.L.)

                -                Wong c. Canada (M.N.R.) [1995] F.C.J. no. 984 (Q.L.)

                -                Gagné c. Canada (M.N.R.) [1998] A.C.I. No 12 (Q.L.)

La décision prise en la présente cause est conforme aux principes qui y sont énoncés.

L'appel est rejeté et la décision rendue par le Ministre est confirmée.

Signé à Sillery (Québec), ce 21e jour de février 1999.

"A.J. Lesage"

J.S.C.C.I.

No DU DOSSIER DE LA COUR :        1999-857(EI)

INTITULÉ DE LA CAUSE :                 Université Laval et M.R.N. et la Succession Hélène C. Gagnon et Ange-Aimée Thibodeau

LIEU DE L'AUDIENCE :                      Québec (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :                    le 15 décembre 1999

MOTIFS DE JUGEMENT PAR :         l'honorable juge suppléant A.J. Lesage

DATE DU JUGEMENT :                      le 21 février 2000

COMPARUTIONS :

Pour l'appelante :                                  Me Martin Rochette

Pour l'intimé :                                         Me Diane Lemery

Pour les intervenantes :       Jacqueline Gagnon (représentante de la Succession Hélène C. Gagnon

Personne n'a comparu pour Ange-Aimée Thibodeau

AVOCAT(E) INSCRIT(E) AU DOSSIER :

Pour l'appelante :

                                Nom :                       Me Marin Rochette

                                Étude :                     Ogilvy, Renault

                                                                                Québec (Québec)

Pour l'intimé :                                         Morris Rosenberg

                                                                                Sous-procureur général du Canada

                                                                                Ottawa, Canada

1999-857(EI)

ENTRE :

UNIVERSITÉ LAVAL,

appelante,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé,

et

LA SUCCESSION HÉLÈNE C. GAGNON

et

ANGE-AIMÉE THIBODEAU,

intervenantes.

Appel entendu le 15 décembre 1999 à Québec (Québec) par

l'honorable juge suppléant A.J. Lesage

Comparutions

Avocat de l'appelante :               Me Martin Rochette

Avocate de l'intimé :                  Me Diane Lemery

Pour les intervenantes :               Jacqueline Gagnon (représentante de la Succession Hélène C. Gagnon)

Personne n'a comparu pour

Ange-Aimée Thibodeau

JUGEMENT

          L'appel est rejeté et la décision rendue par le Ministre est confirmée selon les motifs du jugement ci-joints.

Signé à Sillery (Québec), ce 21e jour de février 2000.

"A.J. Lesage"

     J.S.C.C.I.


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