Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date: 20001215

Dossier: 2000-419-EI

ENTRE :

XEROX CANADA LTD.,

appelante,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé,

et

MICHEL GINGRAS,

intervenant.

Motifs du jugement

La juge Lamarre, C.C.I.

[1]            Xerox Canada Ltd. ( « Xerox » ) interjette appel de la décision du ministre du Revenu national (le « ministre » ) selon laquelle l'emploi que Michel Gingras a occupé chez Xerox du 1er janvier 1998 au 1er décembre 1998, soit pendant 11 mois, était un emploi assurable au sens de la Loi sur l'assurance-emploi (la « Loi » ). Xerox déclare que M. Gingras a été embauché par l'entremise de PRN Mobile Technical Service ( « PRN » ), une entité enregistrée et exploitée par M. Gingras en qualité d'entrepreneur indépendant, et qu'il n'y avait pas de relation employeur-employé entre Xerox et M. Gingras durant la période en litige.

[2]            La preuve a révélé que, en 1986 et en 1987, M. Gingras avait été employé par Xerox. Puis il avait démarré sa propre entreprise d'imprimerie. En août 1994, M. Gingras avait été embauché par Shawn Thomas & Associates ( « Shawn Thomas » ), à Iqaluit (Territoires du Nord-Ouest), en tant que technicien. À cette époque, Shawn Thomas avait conclu avec Xerox une entente prévoyant la fourniture de services d'entretien et de réparation pour l'équipement Xerox. Shawn Thomas s'occupait également des ventes de Xerox. En tant que technicien, M. Gingras fournissait des services à Xerox au nom de Shawn Thomas.

[3]            En novembre 1994, Daniel Fortier, directeur général du service des ventes pour les opérations du Nord chez Xerox, avait communiqué avec M. Gingras. M. Fortier souhaitait embaucher M. Gingras directement, sans devoir passer par Shawn Thomas, avec qui, selon M. Gingras, Xerox éprouvait certains problèmes.

[4]            M. Fortier a expliqué dans son témoignage qu'il avait eu plusieurs conversations avec M. Gingras, qui lui avait laissé entendre qu'il souhaitait fournir ses services pour son propre compte. Selon M. Fortier et Angèle Crevier, directrice de l'exploitation du service après-vente pour Xerox, la société n'a jamais songé à embaucher des employés dans des régions éloignées, y compris Iqaluit. La charge de travail correspondant dans cette région à moins de la moitié de la charge de travail régulière dans les agglomérations urbaines, Xerox avait besoin d'un agent de service autonome pour y fournir des services à la clientèle. Selon ces deux témoins, il aurait été impossible d'embaucher des personnes inexpérimentées que Xerox aurait dû superviser dans le cadre de la prestation de leurs services, et irréaliste d'embaucher un employé à plein temps dans une région où il y avait une charge de travail moindre.

[5]            M. Fortier et M. Gingras ont eu plusieurs conversations entre novembre 1994 et mars 1995 en vue d'arriver à un accord; M. Gingras a finalement signé une entente avec Xerox et quitté Shawn Thomas. Selon M. Fortier, M. Gingras a accepté de travailler pour Xerox selon le type d'entente proposé par Xerox, c'est-à-dire en tant qu'entrepreneur indépendant.

[6]            Aux termes de cette entente, déposée sous la cote A-2, M. Gingras a été embauché par l'entremise de PRN en tant que représentant du service pour Xerox à l'île de Baffin. M. Gingras a indiqué dans son témoignage qu'il avait enregistré PRN en 1995 dans le but d'obtenir l'entente de services de Xerox. Bien que M. Gingras ait eu un peu d'expérience avec Xerox, il était tenu de participer aux cours de formation agréés par Xerox. Tous les frais de déplacement qu'il avait engagés pour participer à cette formation ont été remboursés par Xerox.

[7]            L'entente a été signée pour une période de trois ans, soit du 1er mars 1995 au 28 février 1998. PRN devait recevoir un tarif mensuel de 5 800 $ plus la TPS, ce qui comprenait les frais de transport, de location de locaux à bureaux et de téléphone. Le tarif mensuel, qui avait été établi en fonction de la population utilisant l'équipement en service sur le territoire assigné, était fixe. PRN devait présenter à Xerox des factures faisant état du montant total susmentionné pour des périodes de trois mois. On a également convenu du fait que M. Gingras devait utiliser son propre véhicule pour entretenir l'équipement de ses clients et assumer les frais d'entretien de ce véhicule. PRN était également tenue de souscrire une assurance de la responsabilité civile des particuliers pour M. Gingras et une police d'assurance automobile. PRN pouvait, après avoir obtenu l'approbation de Xerox, avoir recours aux services d'un sous-traitant pour accomplir les tâches qui lui étaient assignées. Tous les outils et les pièces spéciaux étaient fournis par Xerox.

[8]            En décembre 1997, M. Gingras a commencé à négocier un nouveau contrat avec Xerox, et les parties en sont finalement venues à une entente en avril 1998. La nouvelle entente visait la période allant de mars 1998 à décembre 1998. Aux termes de cette entente, Xerox devait payer à PRN, pour les services de M. Gingras, un tarif mensuel fixe. Selon Angèle Crevier, ce tarif mensuel correspondait à un pourcentage de la charge de travail basé sur la population totale utilisant l'équipement sur le territoire. En 1998, le tarif ainsi calculé était de 1 880 $ par mois, auquel a été ajouté ce que les parties ont appelé une « indemnité de services en régions septentrionales » de 4 705,05 $ par mois. Cette indemnité tenait compte du coût élevé de la vie dans une région septentrionale. L'indemnité mensuelle pouvait être révisée périodiquement afin de tenir compte de l'augmentation de la clientèle utilisant l'équipement en service dans la région. En fait, la clientèle n'a pas changé du tout en 1998. En outre, PRN s'est vu offrir une indemnité supplémentaire, calculée au cas par cas, pour tous les services supplémentaires qu'elle fournissait à ses clients et qui n'étaient pas visés par l'indemnité mensuelle (par exemple, de nouvelles installations, l'enlèvement d'équipement ou les autres services fournis aux clients mais non visés par la garantie Xerox). Le paiement de l'indemnité mensuelle et de l'indemnité de services en régions septentrionales était garanti, alors que l'indemnité accordée au cas par cas n'était payée que si le représentant du service (PRN) fournissait des services donnant lieu à cette indemnité. C'est la raison pour laquelle l'indemnité payée au cas par cas pouvait varier d'un mois à l'autre.

[9]            Selon M. Fortier et Mme Crevier, on encourageait le préposé à la clientèle à travailler pour d'autres, dans la mesure où il maintenait un service compétent pour Xerox et où il n'offrait pas ses services de réparation et d'entretien à des concurrents de Xerox.

[10]          Angèle Crevier a traité de la distinction entre les employés et les entrepreneurs indépendants travaillant pour Xerox. Ses employés travaillent à plein temps (37,5 heures par semaine, de 8 h 30 à 17 h, cinq jours par semaine) et ne font pas uniquement des visites de réparation, comme les entrepreneurs, mais ils accomplissent également d'autres tâches touchant la gestion ou l'entretien préventif. Les entrepreneurs n'ont pas d'heures de travail régulières; ils effectuent leur travail à leur propre rythme. Les employés voient leur travail évalué deux fois par année et doivent atteindre certains objectifs, alors que les entrepreneurs ne sont pas évalués et n'ont pas à réaliser d'objectifs particuliers. Les employés doivent fournir des feuilles de présence et reçoivent un salaire fixe deux fois par mois. Les entrepreneurs doivent fournir une facture mensuelle pour être payés. Pour ce qui est des employés, leurs dépenses reliées au travail leur sont remboursées sur présentation d'une note de frais et ils peuvent recevoir des primes. Les entrepreneurs ne reçoivent aucune prime, et leurs dépenses ne sont pas remboursées. Les dépenses des entrepreneurs sont normalement couvertes par l'indemnité mensuelle, et les entrepreneurs sont responsables de la gestion de leurs dépenses. Les employés jouissent d'avantages sociaux complets, ce qui n'est pas le cas des entrepreneurs.

[11]          En ce qui concerne la supervision, Angèle Crevier a indiqué dans son témoignage qu'il y avait une grande différence entre les employés et les entrepreneurs. Les employés travaillent en groupes, et Xerox joue un rôle de gestion à l'égard de ces groupes. La direction rencontre régulièrement les employés afin de discuter stratégie. Il n'y a aucune rencontre de ce genre avec les entrepreneurs; ceux-ci travaillent tout seuls.

[12]          Les employés doivent aviser Xerox s'ils sont malades ou s'ils prennent un congé. Les entrepreneurs, lorsqu'ils sont malades ou absents du travail pour une courte période, n'ont pas à le signaler à Xerox. Pour les périodes d'absence plus longues (deux semaines ou plus), les entrepreneurs conviennent avec leurs clients qu'ils feront le travail à leur retour si personne ne peut les remplacer. Xerox doit toutefois offrir les services d'un remplaçant si besoin est.

[13]          On fournit aux employés tous les outils nécessaires, y compris un ordinateur et une automobile, pour l'exercice de leurs fonctions. On ne fournit aux entrepreneurs que les outils spéciaux nécessaires à leur travail.

[14]          M. Gingras a indiqué dans son témoignage qu'il travaillait pendant les heures normales de bureau à Iqaluit. On lui demandait de vérifier s'il y avait des appels de la part de clients, de faire état des visites de réparation qu'il avait faites et de commander les pièces requises pour l'équipement des clients. Il a affirmé qu'il communiquait avec le centre de répartition au moins quatre ou cinq fois par jour et que, chaque fois, il indiquait le type de service effectué et le temps passé pour chaque visite. Il prenait également des appels sur son répondeur, qui était fourni par Xerox à son domicile. Dans le cas des clients à l'extérieur d'Iqaluit, il tentait de résoudre le problème au téléphone avec ceux-ci. S'il n'y arrivait pas, il demandait au client d'envoyer son équipement à Iqaluit à ses propres frais. Parfois, M. Gingras louait un avion pour se rendre sur les lieux. En pareil cas, il facturait directement les frais de déplacement au client, mais Xerox facturait le service à ce dernier. Qu'il se rende à un endroit ou qu'il se fasse expédier directement la pièce d'équipement, cela ne lui demandait pas plus de temps selon ses dires. Selon lui, l'équipement qui lui était expédié était souvent endommagé, et il devait alors prendre le temps de réparer les dommages. Angèle Crevier a indiqué dans son témoignage que Xerox n'avait pas pour politique de demander à ses agents de se déplacer à l'extérieur de leur territoire. Si M. Gingras décidait de le faire, c'était son propre choix. Selon elle, de tels déplacements lui laissaient moins de temps pour faire le reste de son travail pour Xerox ou pour trouver d'autre travail pour sa propre entreprise. En tout état de cause, c'était M. Gingras qui établissait son horaire de travail et qui devait subir les conséquences de ses décisions. Le témoignage de M. Fortier allait dans le même sens. Celui-ci a ajouté que, une fois le service effectué, M. Gingras faisait un compte rendu et indiquait les pièces qu'il avait utilisées. Toutefois, M. Fortier ne revoyait pas son travail.

[15]          En juillet 1998, M. Gingras a fait part à Xerox de son intention d'embaucher un certain John Paton pour l'aider à faire le travail. Il avait formé M. Paton depuis le mois de mai 1998. Angèle Crevier a accepté qu'il soit formé à Montréal, mais M. Paton est parti au mois d'août sans avoir reçu la formation de Xerox. Du mois de mai à son départ, M. Paton a été considéré comme un employé de PRN aux fins de l'obtention d'une subvention gouvernementale. M. Paton a été payé par PRN et a effectué le travail pour Xerox au nom de PRN. En fait, dans sa déclaration de revenus produite pour l'année d'imposition 1998, M. Gingras avait déclaré tout le revenu que lui avait versé PRN et déduit toutes les dépenses engagées dans le cadre de l'exécution de son travail pour Xerox. Les dépenses salariales s'élevaient à 15 314 $. M. Gingras a indiqué dans son témoignage que M. Paton était l'unique employé de PRN et que cette dernière lui versait 1 056 $ à la quinzaine, dont la moitié était remboursée à PRN grâce à la subvention gouvernementale. M. Gingras a également indiqué que les dépenses salariales comprenaient aussi des montants qui lui étaient versés. L'état des activités commerciales de PRN indique un revenu net de 31 092 $ en 1998. La taxe d'affaires, les honoraires, les frais de livraison, d'essence et d'assurance, le loyer, les honoraires juridiques et les frais d'automobiles et de déplacement sont des dépenses qui ont été déclarées par M. Gingras au titre de l'exploitation de PRN. On devrait faire remarquer ici que M. Gingras a indiqué dans son témoignage que la seule entreprise avec laquelle PRN faisait affaire était Xerox.

[16]          Au mois de juillet 1998, M. Gingras avait demandé à Xerox de porter son indemnité mensuelle à environ 15 000 $ afin de couvrir le salaire de deux techniciens. Cette demande a été rejetée, et M. Gingras a décidé de quitter Iqaluit dès qu'il le pourrait. Il est allé aux États-Unis et a laissé son employé, M. Paton, seul pour servir les clients de Xerox. En faisant cela, il pouvait, selon ses propres mots, veiller sur son entreprise de l'extérieur. En août, lorsque M. Paton a démissionné, M. Gingras est revenu pour faire le travail. Il est entré en contact avec diverses personnes dans le but de trouver quelqu'un pour le remplacer. Il a finalement résilié l'entente qu'il avait conclue avec Xerox en novembre 1998 et a dissous PRN.

[17]          Un autre facteur mérite certaines observations. Selon une note envoyée à Angèle Crevier en septembre 1998, M. Gingras avait demandé à Xerox la permission d'attribuer des « frais d'encombrement » à toutes les pièces d'équipement Xerox pour couvrir des frais de déplacement dans des régions éloignées. Il s'agissait d'imposer des frais à tous les clients. Xerox a rejeté cette demande, puisqu'elle ne faisait pas partie de leur entente. Si je comprends bien les documents déposés en preuve, M. Gingras a pris sur lui de facturer à tous les clients de la région ces « frais d'encombrement » sans d'abord en aviser Xerox. Apparemment, un bon nombre de clients ont accepté de payer à PRN les « frais d'encombrement » (voir la pièce A-1, onglets 10, 12 et 13). Certains se sont toutefois plaints.

Argument

[18]          L'avocate de l'appelante a soutenu que, lorsque les parties cherchent à établir l'existence d'une relation particulière, la meilleure approche consiste à accepter que le contrat liant les parties constitue le point de départ, puis à examiner la preuve présentée dans le but de déterminer si les faits ainsi établis sont compatibles avec la relation entre les parties telle qu'elle est exprimée dans le contrat écrit. (L'avocate a renvoyé la Cour à la décision du juge Cattanach dans l'affaire Elkin v. M.N.R. (NR 4), mentionnée par le juge suppléant Porter, de cette cour, dans l'affaire Société d'assurance publique du Manitoba c. Canada, [1998] A.C.I. no 953 (Q.L.).)

[19]          Pour sa part, l'avocate de l'intimé a déclaré qu'une telle entente ne pouvait en elle-même déterminer la relation existant entre les parties et que les faits devaient être examinés attentivement afin que la relation entre les parties soit établie (Wiebe Door c. M.R.N., [1986] 3 C.F. 553, à la page 556).

Analyse

[20]          Je conclus en l'espèce que l'entente conclue par les parties reflète la relation existant réellement entre les parties.

[21]          Les deux parties étaient parfaitement au courant de la substance de l'entente qu'elles avaient signée. M. Gingras était employé par Shawn Thomas à cette époque et on n'a pas fait pression sur lui pour qu'il signe avec Xerox. En réalité, la preuve démontre que l'entente conclue avec Xerox lui convenait à ce moment-là, puisqu'il souhaitait travailler pour son propre compte et que, en outre, il serait en mesure, aux fins de l'impôt sur le revenu, de déduire toutes les dépenses (dont une partie du loyer de son appartement) de son revenu provenant de Xerox. M. Gingras a également imposé la TPS sur la contrepartie reçue pour ses services. Un employé n'impose pas de TPS sur son salaire.

[22]          En outre, M. Gingras agissait comme quelqu'un qui exploitait sa propre entreprise. Je ne peux concevoir qu'un employé puisse quitter le pays, déléguer son travail à une autre personne qui n'a pas reçu de formation particulière de l'employeur (je fais ici référence à M. Paton), et continuer à recevoir son chèque de paye à la fin du mois. Une telle attitude serait intolérable dans une relation employeur-employé, mais elle est acceptable dans le cas d'un contrat d'entreprise. Je ne peux non plus concevoir qu'un employé paie quelqu'un d'autre de sa poche pour du travail effectué pour l'employeur, même si ce geste donne lieu à une subvention gouvernementale qui couvre la moitié du salaire du deuxième employé. Dans une relation employeur-employé, un employé n'embauche pas d'autres employés. Il ne peut déléguer son travail à quelqu'un d'autre (voir l'affaire Alexander v. M.N.R., 70 DTC 6006 (C. de l'É. du Canada)). Dans un contrat d'entreprise, l'entrepreneur peut engager une personne pour l'aider à remplir ses obligations.

[23]          Une autre indication du fait que M. Gingras agissait comme s'il exploitait sa propre entreprise est son attitude à l'égard des « frais d'encombrement » . Il a envoyé des factures au nom de PRN à tous les clients de son territoire, leur demandant ces « frais d'encombrement » , sans en avoir d'abord parlé à Xerox. De nombreux clients ont payé ces « frais d'encombrement » à PRN sans les mettre en question. La même remarque peut s'appliquer à la facturation par PRN de l'utilisation d'un avion pour se rendre à un endroit. Cela n'avait rien à voir avec Xerox. Encore une fois, cela faisait partie des ententes entre M. Gingras et ses clients. Il s'agit certainement là d'indications que les clients étaient habitués à traiter directement avec M. Gingras par l'entremise de PRN et qu'ils faisaient affaire avec PRN pour ce qui est des services d'entretien de leurs produits Xerox, et non avec Xerox.

[24]          En ce qui concerne d'autres indices élaborés par la jurisprudence pour permettre aux tribunaux de déterminer si une relation employeur-employé existe, je ne considère pas que la preuve nous amène à une telle conclusion.

[25]          Pour ce qui est du degré de contrôle, il existe une différence entre le fait de contrôler le travail d'un employé et le fait de contrôler le produit lui-même. Il est vrai que M. Gingras avait dû suivre un cours de formation, à la demande de Xerox. Toutefois, le travail que M. Gingras avait accepté de faire pour Xerox était d'installer l'équipement Xerox ou de fournir des services d'entretien de cet équipement, lequel est, comme chacun le sait, constamment modifié et devient plus perfectionné d'une année à l'autre. Ainsi, il est normal que Xerox demande à tous ceux qui entretiendront ou répareront cet équipement de recevoir des instructions afin que les produits leur deviennent familiers.

[26]          M. Gingras a expliqué qu'il appelait le centre de répartition quatre ou cinq fois par jour et qu'il indiquait, pour chaque visite de réparation, le temps passé et les pièces utilisées pour effectuer le travail. Ni M. Fortier ni Mme Crevier n'ont indiqué dans leur témoignage que M. Gingras devait mentionner le temps consacré à une visite de réparation. Ils ont tous deux déclaré que M. Gingras était responsable d'établir son propre horaire. D'un autre côté, M. Fortier et Mme Crevier ont indiqué que M. Gingras devait communiquer avec le centre de répartition pour savoir si d'autres visites de réparation devaient être effectuées, pour indiquer qu'il avait terminé un travail de réparation et pour préciser les pièces qu'il avait utilisées. Je comprends, du témoignage de M. Fortier, que cette dernière condition était nécessaire pour fins d'inventaire. En effet, Xerox expédiait par conteneur les parties requises à M. Gingras, qui les utilisait pour entretenir l'équipement des clients.

[27]          Je conclus que Xerox n'a pas exercé le degré de contrôle requis pour que M. Gingras soit considéré comme un employé. Ainsi, j'accorde plus de poids aux témoignages de M. Fortier et de Mme Crevier qu'à celui de M. Gingras. En effet, le fait que M. Gingras ait décidé d'utiliser un avion de temps à autre, aux frais de ses clients et sans que Xerox ne l'ait exigé, constitue à mon avis un facteur démontrant que M. Gingras était maître de son propre horaire. Il organisait son travail de manière à convenir aux besoins de sa propre entreprise. Xerox n'avait pas de contrôle sur son travail en tant que tel. Il est vrai que Xerox recueillait des données du centre de répartition au sujet des visites de réparation effectuées par M. Gingras. Toutefois, il est clair, d'après le témoignage de M. Fortier, que ces données n'ont pas été utilisées comme source de rétroaction pour son travail. Il ne s'agissait que d'une manière de vérifier l'importance des activités et de compléter les stocks. Comme on l'a affirmé dans l'affaire Vulcain Alarme Inc. c. Canada, [1999] A.C.I. no 749 (Q.L.), mentionnée par les deux parties, la vérification des résultats ne doit pas être confondue avec le contrôle du travailleur.

[28]          En ce qui concerne la propriété des instruments de travail, il est vrai que Xerox fournissait à M. Gingras et à M. Paton les instruments spéciaux nécessaires. Cela ne constitue pas à mon avis un élément déterminant. En effet, M. Gingras n'aurait pu entretenir l'équipement Xerox sans les pièces nécessaires et les instruments spéciaux. En outre, Xerox n'a pas fourni de voiture à M. Gingras, alors qu'elle en avait fourni une à tous ses autres employés. Je me rends bien compte que M. Gingras recevait un salaire mensuel fixe (dont l'indemnité de services en régions septentrionales) qui devait couvrir tous les coûts engagés par ce dernier dans l'exécution de ses contrats de services. Toutefois, M. Gingras pouvait utiliser cet argent comme il l'entendait. Il n'avait pas à présenter de note de frais, contrairement à tous les autres employés.

[29]          Pour ce qui est des possibilités de profits ou de pertes, M. Gingras, par l'entremise de PRN, a certainement couru certains risques, puisqu'il devait organiser son travail en fonction de son budget. Il est vrai qu'il a reçu une indemnité mensuelle garantie. Toutefois, s'il ne gérait pas convenablement son horaire de travail ou s'il n'offrait pas un bon service, il devait effectuer le travail supplémentaire à ses propres frais. En fait, M. Gingras a écrit quelques lettres à Xerox pour se plaindre du fait que faire affaire dans le Nord lui coûtait très cher. Il a également demandé une indemnité plus élevée, qui couvrirait le salaire d'un deuxième technicien. Cette demande n'a pas été acceptée par Xerox, puisque cela ne faisait pas partie de leur entente. En outre, Xerox n'offrait pas d'avantages sociaux à M. Gingras, qui était par ailleurs tenu de souscrire une assurance de responsabilité civile des particuliers. Lorsqu'il a résilié l'entente qu'il avait conclue avec Xerox en novembre 1998, il n'a pas reçu un cent de plus. Il n'a reçu ni paye de vacances ni aucune autre indemnité. D'un autre côté, il avait une chance de réaliser un profit, puisque, s'il était rapide et efficace, il avait davantage de temps pour travailler ailleurs et gagner plus d'argent. De plus, dans le cadre de son contrat avec Xerox, il lui était possible de faire plus d'argent pour du travail payé au cas par cas et non couvert par son indemnité mensuelle. En fait, PRN a déclaré des bénéfices en 1998, même si elle avait versé un salaire à M. Paton pendant cette année-là.

[30]          À mon avis, on peut conclure de la preuve produite que M. Gingras ne faisait pas partie intégrante de l'entreprise de Xerox. Pour employer les mots de lord Denning dans l'affaire Stevenson, Jordan and Harrison v. MacDonald and Evans, [1952] 1 T.L.R. 101, à la page 111, son travail n'était qu'accessoire à Xerox. Non seulement M. Gingras agissait comme quelqu'un qui exploitait sa propre entreprise, mais encore il était, en fait et selon l'entente conclue avec Xerox, un entrepreneur indépendant.

[31]          Comme l'a déclaré le juge Cooke dans l'affaire Market Investigations Ltd. v. Minister of Social Security, [1968] 3 All E.R. 732, aux pages 738 et 739, une personne qui s'engage à fournir des services pour le compte d'une autre personne peut bien être une entrepreneuse indépendante, même si elle n'a pas conclu de contrat dans le cadre d'une entreprise qu'elle dirige à ce moment-là. En effet, le fait que M. Gingras ait enregistré PRN afin de contracter avec Xerox n'est pas décisif en l'espèce.

[32]          Compte tenu de tous ces éléments, qui ont été analysés dans le contexte général de la relation entre les parties, je conclus que le poids de la preuve établit davantage que M. Gingras n'était pas employé par l'appelante aux termes d'un contrat de louage de services, mais qu'il a été engagé à titre d'entrepreneur indépendant. Pour ces motifs, l'appel est accueilli, et la décision du ministre est annulée.

Signé à Ottawa, Canada, ce 15e jour de décembre 2000.

« Lucie Lamarre »

J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme ce 9e jour de juillet 2001.

Philippe Ducharme, réviseur

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

2000-419(EI)

ENTRE :

XEROX CANADA LTD.,

appelante,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé,

et

MICHEL GINGRAS,

intervenant.

Appel entendu les 5 et 6 décembre 2000 et jugement rendu oralement

le 8 décembre 2000 à Ottawa (Ontario) par

l'honorable juge Lucie Lamarre

Comparutions

Avocate de l'appelante :              Me Janice Payne

Avocate de l'intimé :                   Me Shalene Curtis-Micallef

Pour l'intervenant :                     l'intervenant lui-même

JUGEMENT

          L'appel interjeté en vertu du paragraphe 103(1) de la Loi sur l'assurance-emploi est accueilli, et la décision rendue par le ministre du Revenu national au titre de l'appel porté devant lui en vertu de l'article 91 est annulée.


Signé à Ottawa, Canada, ce 15e jour de décembre 2000.

« Lucie Lamarre »

J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme

ce 9e jour de juillet 2001.

Philippe Ducharme, réviseur


[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.