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Date: 20000621

Dossier: 1999-2176-EI

ENTRE :

NICOL GAUTHIER,

appelant,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

Motifs du jugement

Le juge suppléant Charron, C.C.I.

[1]            Cet appel a été entendu à Montréal (Québec), le 26 avril 2000, dans le but de déterminer si l'appelant exerçait un emploi assurable, au sens de la Loi sur l'assurance-emploi (la « Loi » ), durant la période du 28 juillet au 24 octobre 1997, lorsqu'il était au service de Gauthier, Bouchard et Associés, le payeur.

[2]            Par lettre du 15 février 1999, l'intimé informa l'appelant que cet emploi n'était pas assurable, car il n'était pas régi par un contrat de louage de services entre lui et le payeur.

Exposé des faits

[3]            Les faits sur lesquels s'est fondé l'intimé pour rendre sa décision sont énoncés au paragraphe 5 de la Réponse à l'avis d'appel comme suit :

« a)           le payeur a été enregistré en société de personnes le 20 février 1997; (admis)

b)             les associés du payeur étaient Rosaire Bouchard, Jacques Bouchard et l'appelant; (admis)

c)              le 1er mars 1997, les trois associés signaient une convention de partage à part égale des frais, des responsabilités et des revenus; (admis)

d)             la société exploitait une entreprise de construction et de rénovation; (admis)

e)              Jacques Bouchard était menuisier, Rosaire Bouchard était apprenti menuisier et l'appelant était journalier; (admis)

f)              durant la période en litige, l'appelant oeuvrait pour sa propre entreprise. » (nié)

[4]            L'appelant a reconnu la véracité de tous les alinéas du paragraphe 5 de la Réponse à l'avis d'appel, sauf ceux qu'il a niés ou déclaré ignorer, ainsi qu'il est indiqué entres parenthèses, à la fin de chaque alinéa.

Témoignage de Nicol Gauthier

[5]            L'appelant est l'un des trois associés qui, le 20 février 1997, ont enregistré une société de personnes sous la raison sociale Gauthier, Bouchard et Associés (pièce A-1). Les heures de travail de chacun des associés étaient accumulées et partagées, à parts égales, entre chacun d'eux, quand ils obtenaient et exécutaient un contrat de construction ou de rénovation; cela permettait à chacun de bénéficier de prestations d'assurance-emploi en cas de chômage. Jacques Bouchard agit comme contremaître. Les associés travaillent de 8 h à 16 h 30, dont une demi-heure pour manger. Jacques Bouchard reçoit les plaintes en cas de travail mal fait et de renvoi pour manque de travail. L'appelant est journalier et Rosaire Bouchard travaille comme apprenti menuisier. Jacques Bouchard paie les matériaux avec la carte de crédit du payeur, dont le compte de banque est déposé à la Banque Nationale. Les deux autres associés sont absents et s'abstiennent de témoigner. Les chèques de paye sont sous la responsabilité et compétence de Rosaire Bouchard. C'est lui qui fait les chèques.

Témoignage de Mario Shink

[6]            Cet individu est agent des appels auprès de Revenu Canada et informe la Cour que Rosaire Bouchard a aussi fait appel de la décision de l'intimé, mais s'est désisté par la suite.

Analyse des faits en regard du droit

[7]            La question que je dois déterminer est celle d'établir si l'appelant était engagé en vertu d'un contrat de louage de services avec la société du payeur à l'époque des faits allégués ci-dessus, à savoir du 28 juillet au 24 octobre 1997. Il est important de noter que cette période de temps se situe après l'adoption du Code civil du Québec (1er janvier 1994).

[8]            Si je dois appliquer les critères énoncés par le Conseil Privé dans l'affaire City of Montreal c. Montreal Locomotive Works Ltd., [1947] 1 D.L.R. 161, afin de déterminer s'il y a un contrat de louage de services, je dois constater l'existence d'un contrôle, la propriété des instruments de travail du payeur, la possibilité de profit pour l'appelant et l'existence d'aucun risque de perte pour ce dernier. Ce contrat a pris naissance dans la province de Québec et c'est à la lumière du droit applicable au Québec qu'il faut en analyser les conséquences juridiques.

[9]            La société n'est pas définie dans le Code civil du Bas-Canada, mais l'article 2186 en établit la nature comme suit :

« ART. 2186. Le contrat de société est celui par lequel les parties conviennent, dans un esprit de collaboration, d'exercer une activité, incluant celle d'exploiter une entreprise, d'y contribuer par la mise en commun de biens, de connaissances ou d'activités et de partager entre elles les bénéfices pécuniaires qui en résultent. »

[10]          L'appelant est donc un associé du payeur Gauthier, Bouchard et Associés.

[11]          Vu la conclusion que monsieur Gauthier était un associé du payeur lorsqu'il a rendu ses services durant la période pertinente, pouvait-il être en même temps un salarié de cette société? En d'autres mots, un contrat de travail peut-il exister entre un associé et sa société? Le Code civil du Québec définit un contrat de travail de la façon suivante :

« ART. 2085. Le contrat de travail est celui par lequel une personne, le salarié, s'oblige, pour un temps limité et moyennant rémunération, à effectuer un travail sous la direction ou le contrôle d'une autre personne, l'employeur. »

[12]          De plus, il n'a pas fourni son travail sous la direction ou le contrôle d'une « autre personne » . La société de personnes n'est pas considérée comme possédant une personnalité distincte de celle de ses associés, contrairement aux sociétés par actions. L'entreprise de la société de personnes est celle des associés. Les actifs de la société appartiennent aux associés. C'est donc pour lui-même que monsieur Gauthier travaillait. Le travail qu'il a fait n'était donc pas accompli sous la direction ou le contrôle d'une autre personne tel que l'exige l'article 2085 du C.c.Q. Par conséquent, il n'existait pas de contrat de travail entre monsieur Gauthier et le payeur.

[13]          Dans l'affaire Carpentier c. M.R.N., 95-1684(UI), madame la juge Lamarre adopte des conclusions similaires :

« Compte tenu des caractéristiques rattachées à un contrat de société tant sous le C.c.B.C. que sous le C.c.Q. et les critères retenus par la jurisprudence pour établir l'existence d'un contrat de louage de services, il m'apparaît évident qu'un associé ne peut être l'employé de sa propre société. Puisque en tant qu'associé, il participe aux prises de décision de la société dans la poursuite de l'objectif commun de la société, qu'il en partage les profits et les pertes, il en est automatiquement le maître et ne peut donc agir en même temps à titre de subalterne pour lui-même et ce, même s'il y a plusieurs associés. »

[14]          Les juges Teskey dans J. & S. Young Ltd. v. M.N.R., [1990] T.C.J. No. 819, Tardif dans Godin c. M.R.N., 94-1384(UI), et St-Onge dans Pitre c. Canada, [1998] A.C.I. No. 743 (numéros du greffe 97-1737(UI) et 97-1738(UI)), de même que les auteurs A. Edward Aust et Lyse Charette dans Le contrat d'emploi, 2e éd., Cowansville, Éditions Yvon Blais, 1993, à la page 27, partagent le même point de vue.

[15]          Pour ces motifs, l'appel est rejeté et la décision rendue par le Ministre est confirmée.

Signé à Ottawa, Canada, ce 21e jour de juin 2000.

« G. Charron »

J.S.C.C.I.

No DU DOSSIER DE LA COUR :        1999-2176(EI)

INTITULÉ DE LA CAUSE :                                 Nicol Gauthier et M.R.N.

LIEU DE L'AUDIENCE :                      Montréal (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :                    le 26 avril 2000

MOTIFS DE JUGEMENT PAR :         l'honorable juge suppléant G. Charron

DATE DU JUGEMENT :                      le 21 juin 2000

COMPARUTIONS :

Pour l'appelant :                                    L'appelant lui-même

Pour l'intimé :                                         Nicole Savard (Stagiaire en droit)

AVOCAT(E) INSCRIT(E) AU DOSSIER :

Pour l'appelant :

                                Nom :                      

                                Étude :                    

Pour l'intimé :                                         Morris Rosenberg

                                                                                Sous-procureur général du Canada

                                                                                                Ottawa, Canada

1999-2176(EI)

ENTRE :

NICOL GAUTHIER,

appelant,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

Appel entendu le 26 avril 2000 à Montréal (Québec) par

l'honorable juge suppléant G. Charron

Comparutions

Pour l'appelant :                                  L'appelant lui-même

Pour l'intimé :                                      Nicole Savard (Stagiaire en droit)

JUGEMENT

          L'appel est rejeté et la décision rendue par le Ministre est confirmée selon les motifs du jugement ci-joints.

Signé à Ottawa, Canada, ce 21e jour de juin 2000.

« G. Charron »

J.S.C.C.I.


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