Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

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Date: 20000926

Dossiers: 2000-1007-EI, 2000-1010-CPP

ENTRE :

BRYAN H. SHER,

appelant,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé,

et

KRYSTYNA SOZANSKA,

intervenante.

Motifs du jugement

Le juge suppléant Weisman, C.C.I.

[1]            L'intervenante est kinésithérapeute. Du 15 juillet 1997 au 27 novembre 1998, elle a été engagée par l'appelant dans sa clinique de chiropractie et de physiothérapie située sur la rue Bloor à Toronto (la « clinique » ). La question que la Cour est appelée à trancher est celle de savoir si l'intervenante exerçait au cours de cette période un emploi assurable au sens de l'alinéa 5(1)a) de la Loi sur l'assurance-emploi[1] et un emploi ouvrant droit à pension au sens de l'alinéa 6(1)a) du Régime de pensions du Canada[2].

[2]            Selon l'appelant, l'intervenante était une entrepreneuse indépendante engagée aux termes d'un contrat d'entreprise conclu oralement. Elle recevait 60 p. 100 des montants qu'elle facturait à la clinique, le restant (40 p. 100) étant déduit pour couvrir l'utilisation qu'elle faisait des salles de thérapie, du bureau d'accueil et des équipements téléphoniques et de télécopie de la clinique. On l'encourageait à bâtir sa clientèle. Elle était également libre d'exercer son métier ailleurs. C'est ce qu'elle faisait en réalité, passant une journée par semaine à traiter des clients à la Compagnie d'Assurance-Vie Manufacturers, où elle conservait la totalité de ses factures. La TPS a été dûment payée sur les services qu'elle a fournis à la clinique, aucune retenue à la source n'a été effectuée sur sa rémunération et aucun feuillet T4 n'a été établi aux fins de l'impôt sur le revenu. Selon l'appelant, un contrôle minimal était exercé sur les activités quotidiennes de l'intervenante, celle-ci pouvait fournir ses propres instruments et elle avait une chance de profit puisque ses gains variaient en fonction du nombre de clients qu'elle traitait. Elle avait également un risque de perte puisqu'elle engageait ses propres dépenses au titre de l'assurance responsabilité civile, de la formation continue et des frais d'association.

[3]            L'intervenante a brossé un tableau différent. Au début de son emploi, on lui a remis un guide de la politique du bureau, qui comptait huit pages, qu'elle était tenue de suivre et qui prévoyait le contrôle de tous les aspects de ses fonctions quotidiennes, depuis les heures de présence aux procédures de traitement en passant par les exigences au plan de l'alimentation et de l'habillement. Les clients étaient les clients de l'appelant. Celui-ci établissait le barème d'honoraires et percevait les revenus. La clinique était équipée de tous les instruments nécessaires, dont des tables, de l'huile, des draps, des oreillers, des serviettes et des lecteurs de disques compacts. Lorsqu'elle ne traitait pas des clients, l'intervenante était tenue de travailler à l'ordinateur de la clinique et d'appeler les clients pour les inciter à prendre de nouveau rendez-vous. Elle était également tenue de laver les draps de la clinique. Comme les clients étaient les clients de la clinique et que l'intervenante n'engageait que peu de dépenses pour s'acquitter de ses fonctions à cet endroit, celle-ci n'avait pas de chance de profit ni de risque de perte. Elle soutenait que même si elle avait été une entrepreneuse indépendante pour ce qui est de son travail auprès de la Compagnie d'Assurance-Vie Manufacturers, elle était employée par l'appelant.

[4]            La preuve dans la présente affaire doit être examinée à la lumière du critère à quatre volets établi dans l'affaire Wiebe Door Services c. M.R.N.[3] La relation globale entre les parties et l'ensemble des éléments qui entraient dans le cadre des opérations doivent être examinés.

Contrôle

[5]            Fernie Carvalho, assistant chiropraticien à la clinique, a témoigné pour le compte de l'appelant. Julia Notto, instructrice de Pilates et de yoga à la clinique, a témoigné pour l'intimé. Ces deux témoins ont confirmé la position de l'intervenante selon laquelle il était obligatoire de se conformer au guide de la politique établi par la clinique.

[6]            À mon avis, les formes de contrôle important énumérées dans ce guide, ajoutées aux obligations de rappeler les clients et de faire le lavage, ont pour effet de placer l'intervenante dans une position de subordination qui est plus compatible avec le statut d'employé qu'avec celui d'entrepreneur indépendant.

Instruments

[7]            La preuve établit clairement que la clinique était équipée de tous les instruments nécessaires pour que l'intervenante puisse fournir ses services. Bien que les différents thérapeutes aient été libres d'apporter leurs propres instruments (certains en fait le faisaient), le facteur des instruments tend à indiquer que l'intervenante était une employée.

Profit et perte

[8]            Les clients que l'intervenante a traités à la clinique étaient les clients de la clinique. Leurs paiements allaient directement à l'appelant, qui assumait tous les risques pour ce qui est des créances irrécouvrables. Bien que les gains de l'intervenante aient varié en fonction du nombre de clients qu'elle traitait, on ne saurait dire qu'elle avait une chance de profit[4]. L'appelant a indiqué dans son témoignage que l'intervenante devait fournir ses services personnellement. Elle n'avait pas le droit de demander à un tiers d'effectuer son travail à un taux de rémunération inférieur à celui qu'elle serait assurée de recevoir. En conséquence, elle n'avait pas de chance de profit à cet égard. Elle n'avait pas de risque de perte non plus à l'égard de son travail à la clinique, puisque ses seules dépenses étaient ses frais d'association et l'assurance responsabilité civile. Ce facteur tend à indiquer que l'intervenante était une employée.

Intégration

[9]            L'intervenante devait passer quatre jours par semaine à travailler à la clinique de l'appelant. Même si l'intervenante faisait effectivement de la massothérapie en tant qu'entrepreneuse indépendante dans ses temps libres, je conclus qu'elle a intégré sa fonction dans l'entreprise de l'appelant. Ce facteur indique qu'elle était une employée.

[10]          Le critère à quatre volets établit que l'intervenante était une employée de l'appelant. Bien que l'appelant affirme le contraire, sa crédibilité était diminuée. Tous les thérapeutes ayant témoigné ont réfuté son affirmation selon laquelle le guide de la politique du bureau n'a jamais été utilisé à la clinique. Ce n'est qu'en contre-interrogatoire qu'il a été révélé que l'appelant assumait tous les risques en ce qui concerne les créances irrécouvrables. Cela confirme que les clients étaient les siens, que l'entreprise était la sienne. Il a également été un témoin évasif. Lorsqu'on lui a demandé s'il exigeait que l'intervenante fasse le lavage, il a répondu : [TRADUCTION] « Je peux l'avoir fait. » Quand on l'a prié d'être plus précis, il a enfin admis : [TRADUCTION] « D'accord, oui. »

[11]          Je conclus que l'appelant n'a pas réussi à s'acquitter de la charge de la preuve dans la présente affaire[5]. L'intervenante était une employée de l'appelant aux termes d'un contrat de louage de services pendant la période en cause, et elle exerçait par conséquent un emploi assurable et ouvrant droit à pension.

[12]          Les appels sont rejetés et les décisions du ministre sont confirmées.

Signé à Toronto (Ontario), ce 26e jour de septembre 2000.

« N. Weisman »

J.S.C.C.I.

Traduction certifiée conforme ce 28e jour de mars 2001.

Philippe Ducharme, réviseur

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

2000-1007(EI)

ENTRE :

BRYAN H. SHER,

appelant,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé,

et

KRYSTYNA SOZANSKA,

intervenante.

Appel entendu sur preuve commune avec l'appel de Bryan H. Sher (2000-1010(CPP)) le 29 août 2000 à Toronto (Ontario) par

l'honorable juge suppléant N. Weisman

Comparutions

Avocat de l'appelant :                          Me Lawrence A. Wolfman

Avocat de l'intimé :                                        Me Lesley King

Pour l'intervenante :                             L'intervenante elle-même

JUGEMENT

          L'appel est rejeté et la décision du ministre est confirmée selon les motifs de jugement ci-joints.

Signé à Toronto (Ontario), ce 26e jour de septembre 2000.

« N. Weisman »

J.S.C.C.I.

Traduction certifiée conforme

ce 28e jour de mars 2001.

Philippe Ducharme, réviseur


[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

2000-1010(CPP)

ENTRE :

BRYAN H. SHER,

appelant,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé,

et

KRYSTYNA SOZANSKA,

intervenante.

Appel entendu sur preuve commune avec l'appel de Bryan H. Sher (2000-1007(EI)) le 29 août 2000 à Toronto (Ontario) par

l'honorable juge suppléant N. Weisman

Comparutions

Avocat de l'appelant :                          Me Lawrence A. Wolfman

Avocat de l'intimé :                                        Me Lesley King

Pour l'intervenante :                             L'intervenante elle-même

JUGEMENT

          L'appel est rejeté et la décision du ministre est confirmée selon les motifs de jugement ci-joints.


Signé à Toronto (Ontario), ce 26e jour de septembre 2000.

« N. Weisman »

J.S.C.C.I.

Traduction certifiée conforme

ce 28e jour de mars 2001.

Philippe Ducharme, réviseur


[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]



[1] L.C. 1996, ch. 23.

[2] L.R.C. (1985), ch. C-8.

[3] [1986] 3 C.F. 553 (87 DTC 5025).

[4] Le Procureur général du Canada c. Hennick, C.A.F., no A-328-94, 22 février 1995 (179 N.R. 315).

[5] Johnston v. M.N.R., [1948] S.C.R. 486.

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