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Date: 19991029

Dossier: 98-3854-IT-I

ENTRE :

ROBERT GUIMOND,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

Le juge P.R. Dussault, C.C.I.

[1]            L'appelant conteste des cotisations émises pour ses années d'imposition 1994, 1995 et 1996. Par ces cotisations, le ministre du Revenu national (le « Ministre » ) a refusé les sommes de 13 668 $, 3 840 $ et 12 971 $ respectivement pour chacune des années au titre de pertes provenant de l'exploitation d'une entreprise. Les raisons invoquées sont que l'appelant n'avait aucun espoir raisonnable de profit et que les pertes réclamées constituent des frais personnels.

[2]            Pour établir les cotisations, le Ministre a tenu pour acquis les faits énoncés aux alinéas a) à m) du paragraphe 5. de la Réponse à l'avis d'appel. Ces alinéas se lisent :

a)              l'appelant, pendant les années en litige, était un travailleur en réfrigération, climatisation et protection-incendie;

b)             l'appelant, pendant les années en litige, a exploité une activité à titre de propriétaire unique, sous la raison sociale « Location d'autos Jaguar Enr. » ;

c)              le passe-temps consistait à offrir un service de location de voitures anciennes avec chauffeur, à l'occasion de mariages;

d)             le service de location des voitures anciennes s'échelonnait annuellement du mois de mai au mois de septembre (20 semaines);

e)              les voitures étaient principalement louées le samedi;

f)              pendant les années en litige, la flotte d'automobiles était constituée de deux voitures, une voiture de marque « Bentley » et une autre de marque « Jaguar » ;

g)             les voitures étaient louées au taux d'environ 500 $ par 4 heures;

h)             les deux voitures furent acquises entièrement à l'aide de prêts;

i)               l'appelant était le chauffeur, et à l'occasion son épouse et son beau-père pouvaient agir comme conducteur bénévolement;

j)               l'épouse de l'appelant agissait bénévolement comme téléphoniste-réceptionniste;

k)              l'exploitation du service de location de voitures anciennes a généré constamment des pertes:

                i)                               1992         8 841 $

                ii)              1993         8 563 $

                iii)             1994         13 668 $

                iv)            1995         3 840 $

                v)             1996         12 971 $

l)               l'appelant n'avait aucun espoir raisonnable de tirer un profit dans l'exploitation de son activité;

m)             les pertes réclamées, à l'égard du service de location de voitures anciennes constituaient des frais personnels pour les années en litige.

[3]            L'appelant est en désaccord avec les alinéas c) et e) tels que rédigés. Il conteste le bien-fondé des conclusions énoncées aux alinéas l) et m).

[4]            L'appelant a débuté ses activités au milieu de l'année 1992 après avoir acquis une Jaguar 1989. Cet achat a été financé par un emprunt garanti par une hypothèque sur un immeuble possédé par l'appelant et dont une partie est occupée comme résidence personnelle.

[5]            En 1993, l'appelant a acheté une Bentley 1963. Le prix de 25 000 $ a été acquitté grâce à un emprunt personnel qui a été remboursé en 1995.

[6]            En novembre 1996, l'appelant a acquis une troisième automobile, une Continental, décapotable, quatre portes, au prix de 9 000 $ payés comptant.

[7]            Les revenus de location se sont élevés à 6 400 $, 9 000 $, 11 395 $ et 15 000 $ pour les années 1994, 1995, 1996 et 1997 respectivement.

[8]            L'appelant affirme que les années 1994 et 1996 ont été particulièrement difficiles à cause du coût des réparations importantes qui ont dû être effectuées aux automobiles. En 1994 et 1996, ces dépenses se sont élevées à 5 576 $ et à 8 466 $ pour chacune de ces années respectivement. En 1996, l'appelant a notamment dû payer la somme de 3 498 $ pour des réparations suite à du vandalisme. Comme son assurance prévoyait un montant déductible de 2 500 $, il a préféré acquitter lui-même la totalité du coût des réparations plutôt que de voir ses primes d'assurances augmenter dans le futur.

[9]            L'appelant prétend qu'une fois les réparations importantes effectuées, le coût d'entretien annuel des automobiles est relativement bas.

[10]          Ainsi, en 1997 un montant de 1 144 $ seulement a été réclamé comme dépenses relatives aux trois automobiles, y compris pour l'immatriculation et l'essence. Pour sa part, l'appelant affirme qu'il y a eu effectivement très peu de dépenses en 1997 de sorte qu'il a réalisé un petit profit de 433 $. Le profit déclaré aurait été près du double en 1998.

[11]          L'avocat de l'intimée soutient pour sa part que toutes les dépenses engagées en 1997 n'ont pas été réclamées de sorte que l'appelant a démontré un profit qui est artificiel. Ainsi, dit-il, pour les années précédentes les frais d'immatriculation et d'essence pour deux automobiles sont d'environ 1 000 $ annuellement en plus des frais d'entretien et de réparation qui sont importants à chaque année. Il met donc en doute le fait que le total des dépenses directes reliées aux trois automobiles n'ait été que de 1 144 $ pour l'année 1997. Il est à noter qu'aucun salaire n'a été réclamé comme dépense au cours des années en litige. L'appelant n'a pas non plus réclamé de déduction pour amortissement ni le coût d'un bureau à domicile.

[12]          En 1994, aucun montant n'est réclamé pour le téléphone et le téléphone cellulaire. Par ailleurs, un montant de 1 200 $ est réclamé au titre de la taxe payée lors de l'achat de la Bentley en 1993. Il est évident qu'il ne s'agit pas là d'une dépense courante dont la déduction pouvait être réclamée en 1994. Ce montant représente une dépense de nature capitale qui devait être ajouté au coût de l'automobile en 1993.

[13]          Pour l'année 1994, le Ministre a par ailleurs ajouté à la perte réclamée et dont la déduction a été refusée un montant au titre des intérêts additionnels payés par l'appelant sur la partie de l'emprunt hypothécaire utilisée pour l'achat de la Jaguar.

[14]          Lors de son témoignage, l'appelant a affirmé qu'il n'avait jamais utilisé les automobiles pour ses fins personnelles, qu'il avait une automobile fournie dans le cadre de son emploi et qu'il possédait une fourgonnette pour l'usage de la famille. D'ailleurs, dit-il, la Jaguar et la Bentley sont des automobiles avec conduite à droite, peu pratique pour un usage quotidien. L'appelant a aussi fait état de l'usage restreint des automobiles aux fins de location. Ainsi, dit-il, un peu plus de 11 000 kilomètres ont été parcourus avec la Jaguar depuis son acquisition soit une moyenne d'environ 1 600 kilomètres par année sur une période de sept ans.

[15]          L'appelant prétend qu'il consacre actuellement environ 25 heures par semaine à son activité de location et qu'au cours des années en litige, il y consacrait environ 20 heures. Il reconnaît qu'il ne verse pas de salaire à son épouse, à son beau-père et à son père qui agissent à l'occasion comme chauffeurs. Son épouse agit également comme réceptionniste. L'appelant affirme que son beau-père et son père sont à la retraite et qu'ils lui donnent un coup de main pour l'aider à réussir.

[16]          Sur la question de publicité, l'appelant affirme être allé à chaque année au Salon de la mariée depuis 1993 et ce, jusqu'en 1997. Toutefois, on note qu'aucune dépense n'a été réclamée à cet égard pour 1994. Depuis la fermeture de cette exposition annuelle, l'appelant paie pour de la publicité sur une base annuelle dans la revue « Marions-nous » .

[17]          Selon l'appelant, l'utilisation des automobiles pour les mariages a habituellement lieu le samedi mais également le dimanche.

[18]          Interrogé sur son intérêt à louer ses voitures pour des bals de finissants en plus des mariages, l'appelant a affirmé qu'il ne pouvait le faire à l'époque puisque le permis spécial pour le faire n'était accordé qu'à l'égard d'automobiles de moins de deux ans. L'appelant affirme qu'il ne pouvait pas non plus à l'époque obtenir le permis pour les automobiles anciennes de 30 ans et plus.

[19]          Madame Lucie Allaire, agent des appels, a témoigné pour l'intimée. Selon elle, l'appelant lui aurait déclaré avoir débuté son activité comme passe-temps en 1992 et qu'il y consacrait alors de six à huit heures par semaine.

[20]          L'avocat de l'intimée se réfère d'abord à la décision de la Cour d'appel fédérale dans l'affaire Tonn c. Canada, [1996] 2 C.F. 73, pour soutenir que les appels devraient être rejetés au motif que l'appelant n'avait aucune attente raisonnable de profit quant à ses activités de location au cours des années en litige. L'avocat de l'intimée souligne que l'appelant lui-même a déclaré à l'agent des appels qu'il avait débuté ses activités à titre de passe-temps et qu'ainsi l'activité comporte un élément personnel qui requiert un examen plus approfondi de la situation au regard des critères retenus par les tribunaux pour déterminer si le contribuable avait ou non une attente raisonnable de profit au cours des années en litige. Même si l'avocat de l'intimée reconnaît qu'il n'y a pas nécessairement d'élément personnel très clair dans le présent cas, il affirme qu'il faut tenir compte de l'ensemble des circonstances. Il insiste sur le manque de consistance dans la façon dont l'appelant réclame la déduction de ses dépenses d'année en année.

[21]          Quant aux pertes, il signale d'abord que l'appelant enregistre des pertes depuis 1992. Quant aux années postérieures aux années en litige, il soutient que le profit minime réalisé en 1997 ne correspond pas à la réalité puisque aucune dépense n'est réclamée pour l'entretien et la réparation des automobiles au cours de cette année.

[22]          L'avocat de l'intimée souligne également que l'appelant ne consacre pas beaucoup de temps à son activité et qu'il n'a exprimé aucune intention de les développer dans le futur.

[23]          L'avocat de l'intimée signale aussi que l'appelant n'a aucun employé rémunéré et qu'il n'a réclamé aucune déduction pour amortissement. À cet égard, il se réfère à la décision de cette Cour dans l'affaire Major c. Canada, [1995] A.C.I. no 718 qui présente des éléments très différents de ceux de la présente affaire. Ainsi, même si le contribuable poursuivait une activité semblable à celle de l'appelant, il possédait cinq automobiles et engageait trois employés rémunérés. De plus, il avait à chaque année réclamé une déduction pour amortissement.

[24]          Comme on le rappelle dans cette décision, l'amortissement constitue, selon la décision de la Cour suprême du Canada dans l'affaire Moldowan c. La Reine, [1978] 1 R.C.S. 480, un élément dont on doit tenir compte pour déterminer si un contribuable a un espoir raisonnable de profit. L'avocat de l'intimée soutient donc que si une déduction pour amortissement avait été réclamée par l'appelant, les pertes auraient été beaucoup plus importantes au cours des années en litige et l'appelant aurait également subi une perte en 1997.

[25]          Finalement, l'avocat de l'intimée mentionne que l'appelant n'a pas non plus réclamé de dépenses de bureau à la maison.

[26]          Somme toute, l'avocat de l'intimée soutient qu'il n'y a aucune cohérence dans la façon dont l'appelant réclame ses dépenses d'année en année et, si je comprends bien son raisonnement, que si toutes les dépenses étaient réclamées de façon normale, les pertes auraient été beaucoup plus importantes à tel point que l'appelant ne peut prétendre avoir un espoir raisonnable de profit quant à son activité de location d'automobiles.

[27]          L'appelant, quant à lui, soutient qu'il a dû engager des dépenses au cours de certaines années pour faire effectuer des réparations importantes aux automobiles pour la transmission, la suspension ou le système d'échappement par exemple mais qu'une fois ces dépenses engagées elles sont faites pour dix ans. Quant à la prétention de l'avocat de l'intimée qu'il n'avait pas consacré beaucoup de temps à son activité lorsqu'il a débuté celle-ci, l'appelant soutient qu'il n'avait pas à être présent constamment pour répondre aux appels, qu'il possédait un répondeur et qu'il organisait ses rendez-vous le soir ou la fin de semaine lorsque les gens sont le plus susceptible de venir le rencontrer. Il réitère également qu'il n'a aucunement utilisé les automobiles pour ses fins personnelles puisqu'une automobile est mise à sa disposition par son employeur 24 heures sur 24 et qu'il possède une fourgonnette pour les besoins de la famille. Enfin, il affirme avoir voulu dès le départ créer une entreprise et qu'à cette fin il a investi environ 65 000 $.

[28]          Dans l'affaire Moldowan (précitée), le juge Dickson de la Cour suprême du Canada disait à la page 485 du jugement :

                Il y a d'abord eu controverse, mais il est maintenant admis que pour avoir une « source » de revenu, le contribuable doit avoir en vue un profit ou une expectative raisonnable de profit. L'expression source de revenu équivaut donc au terme entreprise: Dorfman c. M.R.N.2

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2               [1972] C.T.C. 151.

et plus loin il ajoutait aux pages 485 et 486 :

                Une jurisprudence volumineuse traite de la signification de l'expression expectative raisonnable de profit, mais il ne s'en dégage aucune constante. À mon avis, on doit s'appuyer sur tous les faits pour déterminer objectivement si un contribuable a une expectative raisonnable de profit. On doit alors tenir compte des critères suivants: l'état des profits et pertes pour les années antérieures, la formation du contribuable et la voie sur laquelle il entend s'engager, la capacité de l'entreprise, en termes de capital, de réaliser un profit après déduction de l'allocation à l'égard du coût en capital. Cette liste n'est évidemment pas exhaustive. Les facteurs seront différents selon la nature et l'importance de l'entreprise: La Reine c. Matthews3.

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3               (1974), 74 D.T.C. 6193.

[29]          Dans l'affaire Landry v. The Queen, 94 DTC 6499, le juge Décary de la Cour d'appel fédérale insiste sur le fait que les facteurs identifiés par le juge Dickson ne sont pas exhaustifs et qu'ils vont varier effectivement selon la nature et l'importance de l'entreprise.

[30]          Se référant ensuite à de multiples décisions, le juge Décary énumère à la page 6500 les critères retenus par les tribunaux au fil des ans dans les termes suivants :

                Outre les critères énumérés par le juge Dickson, ceux dont la jurisprudence a tenu compte, à ce jour, pour déterminer s'il y avait espoir raisonnable de profit, comprennent les suivants: le temps requis pour rentabiliser une activité de ce genre, la présence des ingrédients nécessaires à la réalisation éventuelle de profits, l'état des profits et pertes pour les années postérieures aux années en litige, le nombre d'années consécutives pendant lesquelles des pertes ont été enregistrées, l'accroissement des dépenses et la diminution des revenus au cours des périodes pertinentes, la persistance des facteurs qui causent les pertes, l'absence de planification, et le défaut d'ajustement. Par ailleurs, il ressort de ces mêmes arrêts que la bonne foi et la réputation du contribuable, la qualité du résultat obtenu, le temps et l'énergie consacrés, ne suffisent pas, en eux-mêmes, à transformer en entreprise l'exercice d'une activité.

(les références ont été omises)

[31]          Par ailleurs, dans l'affaire Tonn (précitée), la Cour d'appel fédérale a rappelé ce qui suit aux pages 75 et 76 :

L'application du critère de l'arrêt Moldowan comme critère objectif vise donc principalement à empêcher les réductions d'impôt illégitimes; le critère ne doit pas servir d'instrument permettant de faire des conjectures sur l'appréciation commerciale des contribuables. Sauf s'il en est prévu autrement dans la Loi, les erreurs de jugement n'empêchent pas un contribuable de réclamer les déductions des pertes qui en découlent. Le critère de l'arrêt Moldowan devrait être appliqué avec modération lorsque l' « appréciation commerciale » du contribuable est concernée, qu'aucun élément personnel n'a été établi et que le montant des déductions réclamées n'est pas contestable à première vue. Cependant, lorsque les circonstances donnent à penser qu'une motivation personnelle ou non commerciale existait ou que l'attente de profit était déraisonnable au point de soulever un doute, le contribuable devra prouver objectivement que l'activité constituait effectivement une entreprise.

(les soulignés sont de moi)

[32]          Dans la présente affaire, l'examen des dépenses réclamées au cours des années en litige, soit 1994, 1995 et 1996 de même que celles de 1997 (pièce I-1) permet de constater certaines anomalies qui ont pour effet de sous-estimer les pertes réelles subies au moins au cours des années en litige.

[33]          Ainsi, alors que l'appelant a déclaré avoir fait de la publicité au Salon de la mariée depuis 1993, on constate qu'aucune dépense n'est réclamée pour l'année 1994 alors qu'une déduction a été réclamée pour les années 1995, 1996 et 1997.

[34]          Aucune dépense de téléphone, téléphone cellulaire et pagette n'est réclamée pour 1994 alors que les dépenses indiquées à ce titre pour 1995, 1996 et 1997 s'élèvent à 616 $, 1 194 $ et 1 348 $ respectivement pour chacune des années. Pourtant, l'appelant a affirmé qu'il y avait un téléphone cellulaire dans la Jaguar dès 1993 et qu'il avait également un autre téléphone cellulaire portable. On peut à bon droit se demander si les chiffres fournis par l'appelant quant à ses dépenses reflètent effectivement la réalité. Lors de son témoignage, l'appelant a affirmé avoir emprunté pour acquitter la totalité du prix d'acquisition de la Jaguar en 1992. Or, cet emprunt a été garanti par une hypothèque sur l'immeuble qu'il possède et dont partie est utilisée comme résidence. Comme les intérêts payés n'ont pas été réclamés comme dépense de l'activité de location d'automobiles mais plutôt à l'encontre des revenus de l'immeuble, Revenu Canada a estimé qu'un montant représentant 32% des intérêts payés était attribuable à la location d'automobiles ce qui a eu pour effet d'augmenter de 4 214 $ la perte réclamée en 1996 et de diminuer de 4 114 $ le profit réalisé en 1997. Si on ajoute un semblable montant comme dépense en relation avec l'activité de location d'automobiles en 1994 et 1995 les pertes déclarées de 10 688 $ et de 3 840 $ (voir pièce I-1) seraient en réalité de près de 15 000 $ et de 8 000 $ pour chacune de ces deux années, abstraction faite des autres dépenses non réclamées.[1]

[35]          Certes, le revenu tiré par l'appelant de son activité a augmenté de 6 400 $ qu'il était en 1994 à 15 000 $ en 1997 et il se serait stabilisé à peu près à ce niveau depuis. Pour l'année d'imposition 1997, l'appelant a déclaré un bénéfice de 433 $. Le bénéfice aurait été du double pour l'année 1998. Or, on se demande jusqu'à quel point la vérification et les nouvelles cotisations pour les années antérieures ont pu l'influencer et l'amener à présenter pour 1997 des résultats le favorisant en sous-estimant encore les dépenses réellement engagées. Dans l'état des résultats présenté pour 1997, sous la rubrique « Dépenses relatives aux véhicules à moteur (sans la DPA) » les dépenses réclamées sont de 694,50 $ et de 450 $ pour un total de 1 144,50 $. Elles ne sont pas identifiées. Selon l'appelant, le total représenterait toutes les dépenses engagées pour les trois automobiles pour l'immatriculation, l'essence et l'entretien. Selon lui, il n'y aurait eu aucune réparation en 1997. Cette affirmation est un peu étonnante lorsque l'on constate que l'appelant possédait trois automobiles en 1997 et que les dépenses pour l'immatriculation et l'essence seulement étaient d'un total légèrement inférieur à 1 000 $ pour les années antérieures alors qu'il possédait deux automobiles.

[36]          Tel que signalé plus haut, dans les états des résultats pour les années antérieures et plus particulièrement pour les années en litige, on constate que les dépenses n'ont pas toutes été réclamées d'une façon consistante et on se demande jusqu'à quel point on peut se fier aux chiffres fournis par l'appelant pour le reste. Cet aspect n'est pas sans soulever un doute sérieux sur la capacité réelle de tirer un profit de l'activité.

[37]          Sur la question de la rémunération, force est de constater que l'appelant n'a jamais versé de rémunération directe à qui que ce soit et plus particulièrement à son épouse, à son père et à son beau-père qui, dit-il, ont tous travaillé bénévolement. Si l'appelant les a rémunérés indirectement en les invitant à l'occasion au restaurant comme il l'a affirmé, il n'a jamais non plus réclamé la déduction de ces dépenses ou à tout le moins d'une partie des dépenses engagées à cet égard. L'aspect de la rémunération est important et laisse à penser que l'activité ne pourrait être rentable si elle était exploitée sur une base strictement commerciale alors qu'un employeur doit non seulement rémunérer ses employés mais également assumer plusieurs coûts indirects dont les contributions à l'assurance-emploi, à la CSST, etc.

[38]          Le fait que l'appelant ne verse aucun salaire à qui que ce soit et que des membres de sa famille contribuent bénévolement au maintien de son activité de location d'automobiles depuis plus de six ans incite à penser que cette activité relève plus d'un passe-temps que d'une activité commerciale véritable.

[39]          Enfin, il y a la question de l'amortissement. On sait que la déduction à cet égard est facultative et que si le contribuable réclame une telle déduction, il n'est pas tenu de réclamer le montant annuel maximal permis. Sans doute, il est permis de penser, lorsqu'il s'agit d'automobiles dites anciennes comme la Bentley 1963 par exemple qu'il n'est peut-être pas approprié de réclamer annuellement une déduction égale au montant maximal permis bien qu'il apparaisse normal qu'il soit quand même tenu compte de la perte de valeur résultant de l'utilisation à moins bien sûr que l'appelant ne compte sur une augmentation plutôt que sur une diminution de la valeur des automobiles acquises. Il est en effet connu que les automobiles anciennes peuvent, dépendant des circonstances, augmenter plutôt que diminuer en valeur avec le temps.

[40]          Quant aux frais de bureau à domicile mentionnés par l'avocat de l'intimée, on sait que l'appelant n'en a réclamé aucun, bien que l'activité de location d'automobiles soit exercée exclusivement à partir de sa résidence. Il importe de souligner ici le paragraphe 18(12) de la Loi de l'impôt sur le revenu qui en aurait empêché la déduction pour augmenter les pertes au cours des années en litige. Il n'est reste pas moins que les dépenses raisonnables et justifiées d'un tel bureau, si elles ne sont pas déductibles lorsqu'un contribuable enregistre déjà une perte à cause des autres dépenses n'en sont pas moins reportables indéfiniment aux fins du calcul du revenu des années subséquentes pour autant qu'un bénéfice soit réalisé une fois déduites les autres dépenses. Dans le cas présent, l'appelant n'a même pas tenté d'établir un montant qui représenterait le coût véritable de l'utilisation d'un bureau à sa résidence.

[41]          Par ailleurs, dans une situation comme celle que l'on retrouve ici où le contribuable possède une source principale de revenu, on peut à bon droit se demander s'il ne cherche pas à « subventionner » le coût de ses autres activités en réclamant la déduction des dépenses qui y sont reliées du revenu provenant de sa source principale.

[42]          Somme toute, j'estime que l'appelant n'a pas démontré, selon la prépondérance des probabilités, que son activité de location d'automobiles pouvait devenir rentable dans un avenir prévisible si on tenait compte de l'ensemble des dépenses qui seraient normalement déductibles en rapport avec cette activité si elle était exercée sur une véritable base commerciale.

[43]          Compte tenu de ce qui précède, les appels sont rejetés.

Signé à Ottawa, Canada, ce 29e jour d'octobre 1999.

« P.R. Dussault »

J.C.C.I.

No DE DOSSIER DE LA COUR :         98-3854(IT)I

INTITULÉ DE LA CAUSE :                                 Entre Robert Guimond et

                                                                                                Sa Majesté la Reine

LIEU DE L'AUDIENCE :                      Montréal (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :                    le 8 octobre 1999

MOTIFS DE JUGEMENT PAR :         l'honorable P.R. Dussault

DATE DU JUGEMENT :                      le 29 octobre 1999

COMPARUTIONS :

Pour l'appelant :                                    L'appelant lui-même

Pour l'intimée :                                       Me Mounes Ayadi

AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER :

Pour l'appelant :

                                Nom :                       --

                                Étude :                     --

Pour l'intimée :                                       Morris Rosenberg

                                                                                Sous-procureur général du Canada

                                                                                Ottawa, Canada

98-3854(IT)I

ENTRE :

ROBERT GUIMOND,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Appels entendus le 8 octobre 1999 à Montréal (Québec) par

l'honorable juge P.R. Dussault

Comparutions

Pour l'appelant :               L'appelant lui-même

Avocat de l'intimée :         Me Mounes Ayadi

JUGEMENT

          Les appels des cotisations établies en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour les années d'imposition 1994, 1995 et 1996 sont rejetés selon les motifs de jugement ci-joints.

Signé à Ottawa, Canada, ce 29e jour d'octobre 1999.

« P.R. Dussault »

J.C.C.I.




[1]           La perte refusée pour 1994 a été établie à 13 668 $ par le Ministre alors que l'appelant avait, quant à lui, réclamé une perte de 10 688 $. Aucune explication n'a été fournie pour expliquer le montant de 13 668 $ établi par le Ministre.

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