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Date: 20010511

Dossier: 2000-1208-IT-I

ENTRE :

JACQUES GAGNÉ,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

La juge Lamarre Proulx, C.C.I.

[1]            Il s'agit d'appels concernant les années d'imposition 1994 à 1996.

[2]            La question en litige est de savoir si les montants payés par l'appelant à titre de pension alimentaire, à la mère de son enfant avec laquelle il n'a pas été marié, en conformité avec un jugement en date du 21 avril 1987 peuvent être déduits par l'appelant en vertu de l'alinéa 60c) de la Loi de l'impôt sur le revenu (la " Loi ").

[3]            Les faits sur lesquels le ministre du Revenu national (le " Ministre ") s'est appuyé pour établir ses nouvelles cotisations sont décrits au paragraphe 7 de la Réponse à l'avis d'appel (la " Réponse ") comme suit :

a)              l'appelant et dame Nicole Bergeron sont les parents d'un garçon, prénommé Nicolas, né le 19 avril 1983;

b)             suite à un jugement de la Cour supérieure daté du 21 avril 1987, et rendu par le juge Gérald Boisvert, J.C.S., ce dernier a condamné l'appelant à verser à dame Nicole Bergeron, une somme hebdomadaire de 75 $ pour l'entretien de son fils;

c)              l'appelant et dame Nicole Bergeron n'ont pas fait un choix conjoint par écrit afin que la somme totale versée en vertu de l'ordonnance soit imposable pour la bénéficiaire et déductible pour le payeur;

d)             les sommes réclamées par l'appelant, à titre de pension alimentaire, à l'égard des années en litige, ont été appuyées par des reçus provenant du Gouvernement du Québec, plus précisément de la Direction générale des services judiciaires relevant du ministère de la Justice;

e)              le Ministre, dans le calcul du revenu de l'appelant pour les années d'imposition 1994, 1995 et 1996, refusa la déduction réclamée au titre de pension alimentaire ou autre allocation payable périodiquement.

[4]            Seul l'appelant a témoigné. Il a admis les alinéas de la Réponse à l'exception de l'alinéa 7c).

[5]            L'appelant a relaté que dans les années 1988 et 1989, il avait obtenu une lettre de Revenu Canada pour permettre à son employeur de diminuer les déductions à la source vu que son revenu serait réduit par le paiement de la pension alimentaire. Cette lettre aurait été envoyée suite à la réception du jugement dont il est fait état à l'alinéa 7b) de la Réponse. La correspondance n'a pas été produite car l'appelant n'avait plus en sa possession ces documents.

[6]            Selon l'appelant, le Ministre serait lié par cette lettre.

[7]            L'appelant a produit comme pièce A-1 le susdit jugement. Il a lu le paragraphe suivant à la page 2 :

L'intimé vit actuellement en concubinage avec une dame qui a un enfant dont le père n'est pas l'intimé, la Cour se doit d'établir immédiatement que l'intimé n'a aucune obligation, ni envers cette dame ni envers son enfant, son obligation première est de voir à l'entretien de son fils et sa part, compte tenu des revenus de chacune des parties, devrait être de $74.03 par semaine, ceci sans tenir compte de l'incidence fiscale défavorable à l'égard de la requérante qui devra payer de l'impôt sur le revenu sur le montant de la pension alimentaire payable par l'intimé, de sorte que la demande de $75.00 par semaine est plus que raisonnable.

[8]            Selon l'appelant cette mention d'incidence fiscale défavorable à l'égard de la requérante était indicatrice de la volonté de la bénéficiaire et du contribuable que la pension alimentaire soit imposable pour la bénéficiaire et déductible pour le payeur.

Analyse

[9]            Pour les fins de l'analyse de ce dossier, un historique de la disposition pertinente est requis. L'alinéa 60c.1) de la Loi a été ajouté par L.C. 1980-81-82-83, ch. 140, par. 28(2) :

28(2)        L'alinéa 60c) de ladite loi est abrogé et remplacé par ce qui suit :

c)              toute somme payée dans l'année par le contribuable, en vertu d'une ordonnance rendue par un tribunal compétent, à titre d'allocation payable périodiquement pour subvenir aux besoins du bénéficiaire, d'enfants du bénéficiaire ou à la fois du bénéficiaire et d'enfants du bénéficiaire si, à la date où le paiement a été effectué et jusqu'à la fin de l'année, le contribuable vivait séparé de son conjoint auquel il était tenu de faire le paiement;

c.1)           une somme payée dans l'année par le contribuable, en vertu d'une ordonnance rendue par un tribunal compétent en conformité avec la loi d'une province, à titre d'allocation payable périodiquement pour subvenir aux besoins du bénéficiaire, d'enfants du bénéficiaire ou à la fois du bénéficiaire et d'enfants du bénéficiaire, si, à la date où le paiement a été effectué et jusqu'à la fin de l'année, le contribuable vivait séparé du bénéficiaire et si ce dernier était un particulier appartenant à une catégorie prescrite de personnes prévue dans la loi de cette province;

[10]          Cette disposition a été mise en vigueur selon les termes du paragraphe 28(13) de la même loi modificative qui se lit comme suit :

(13)          Le paragraphe (2) s'applique aux paiements effectués

a)             après le 11 décembre 1979, dans le cas d'une ordonnance rendue après cette date; et

b)             dans l'année d'imposition et les années d'imposition suivantes, dans tous les autres cas où le bénéficiaire et le contribuable s'entendent par écrit à une date quelconque de l'année d'imposition.

[11]          L'alinéa 60c) de la Loi ne s'appliquait pas à l'appelant en 1987 parce que l'appelant n'était pas marié. L'alinéa 60c.1) s'appliquait dans le cas des personnes non mariées, sauf qu'il fallait que le bénéficiaire appartienne à une catégorie prescrite par la loi de la province de résidence du bénéficiaire. Seule l'Ontario a eu une telle législation.

[12]          L'alinéa 60c.1) a été modifié en 1988 par L.C. 1988, ch. 55, par. 37(1), comme suit :

37(1)        L'alinéa 60c.1) de la même loi est abrogé et remplacé par ce qui suit :

c.1)           une somme que le contribuable a payée au cours de l'année en vertu d'une ordonnance rendue par un tribunal compétent en conformité avec la législation d'une province, à titre d'allocation payable périodiquement pour subvenir aux besoins du bénéficiaire, d'enfants de celui-ci ou à la fois du bénéficiaire et d'enfants de celui-ci si :

(i)             l'ordonnance a été rendue :

(A)           soit après le 10 février 1988,

(B)            soit avant le 11 février 1988, si le contribuable et le bénéficiaire ont fait un choix conjoint par écrit avant la fin de l'année pour que le présent alinéa et l'alinéa 56(1)c.1) s'appliquent au paiement,

(ii)            à la date du paiement et jusqu'à la fin de l'année, le contribuable vivait séparé du bénéficiaire, et

(iii)           le contribuable tenu de payer le montant est un particulier de sexe opposé :

(A)           qui, avant la date de l'ordonnance, vivait avec le bénéficiaire dans une situation assimilable à une union conjugale, ou

(B)            qui est le père naturel ou la mère naturelle d'un enfant du bénéficiaire.

                                                (Le souligné est de moi.)

[13]          Cette disposition a été mise en vigueur selon les conditions établies au paragraphe 37(3) de la loi modificative de 1988 qui se lisait comme suit :

(3)            Le paragraphe (1) s'applique aux années d'imposition 1986 et suivantes en ce qui concerne les ordonnances rendues en conformité avec la législation de l'Ontario et aux années d'imposition 1988 et suivantes dans les autres cas. Toutefois, pour l'application du sous-alinéa 60c.1) de la même loi, édicté par le paragraphe (1), aux sommes reçues en vertu d'ordonnances rendues après le 11 décembre 1979 en conformité avec la législation de l'Ontario, les dates du 10 février 1988 et du 11 février 1988 sont remplacées respectivement par les dates du 11 décembre 1979 et du 12 décembre 1979.

                                                                                (Le souligné est de moi.)

[14]          Cet amendement avait pour effet de supprimer la nécessité d'appartenir à la catégorie prescrite de personnes prévue dans la loi d'une province. L'application était générale pour les ordonnances rendues après le 10 février 1988. Toutefois pour les ordonnances rendues le 10 février 1988 et avant, le contribuable et le bénéficiaire devaient faire un choix conjoint par écrit, pour que l'alinéa 60c.1) et l'alinéa 56(1)c.1) s'appliquent au paiement.

[15]          L'alinéa 60c.1) de la Loi a été modifié à nouveau en 1993, la même année où la notion de conjoint de fait a été incluse dans celle de conjoint. Le paragraphe 20(2) de l'annexe VIII de la Loi visant à adapter certaines dispositions législatives relatives à l'impôt sur le revenu au texte révisé de la Loi de l'impôt sur le revenu et des Règles concernant l'application de l'impôt sur le revenu, L.C. 1994, ch. 7 a remplacé l'alinéa 60c.1) par l'alinéa 60c). Le paragraphe 20(2) se lit comme suit :

(2)            L'alinéa 60c.1) de la même loi est remplacé par ce qui suit :

c)              un montant payé par le contribuable au cours de l'année à titre d'allocation payable périodiquement pour subvenir aux besoins du bénéficiaire, d'enfants de celui-ci ou à la fois du bénéficiaire et de ces enfants, si les conditions suivantes sont réunies :

(i)             au moment du paiement et durant le reste de l'année, le contribuable vivait séparé du bénéficiaire,

(ii)            le contribuable est le père naturel ou la mère naturelle d'un enfant du bénéficiaire,

(iii)           le montant a été reçu en vertu d'une ordonnance rendue par un tribunal compétent en conformité avec la législation d'une province;

[16]          Le paragraphe 20(12) de cette même loi modificative se lit comme suit :

(12)          Le paragraphe (2) s'applique aux ordonnances rendues après 1992.

[17]          En ce qui concerne les ordonnances rendues avant 1993, l'alinéa 60c.1) continue à s'appliquer. Il n'a été abrogé qu'à l'égard des ordonnances rendues après 1992. Autrement, selon le texte du nouvel alinéa 60c) de la Loi, l'appelant aurait droit de réclamer la déduction de la pension alimentaire qu'il a payée au cours de l'année 1994. Toutefois cette disposition ne s'applique qu'aux ordonnances rendues après 1992. Pour les ordonnances rendues avant 1993 l'ancienne disposition de l'alinéa 60c.1) subsiste.

[18]          En ce qui concerne le motif que le Ministre pourrait être lié par ses cotisations antérieures, la jurisprudence est constante que c'est la Loi qui prime. En ce qui concerne le motif que le choix requis par l'alinéa 60c.1) de la Loi a été fait puisque le jugement exprime l'idée que la bénéficiaire sera imposée sur les pensions alimentaires, ce motif ne peut être retenu non plus parce qu'il ne s'agit pas du choix prescrit par la Loi.

[19]          L'appel doit être rejeté.

Signé à Ottawa, Canada, ce 11e jour de mai 2001.

" Louise Lamarre Proulx "

J.C.C.I.

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