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Date: 20001127

Dossiers: 2000-652-EI, 2000-653-CPP

ENTRE :

SLOOT CONSTRUCTION - DESIGN LIMITED,

appelante,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé,

ET

Dossiers: 2000-1160-EI, 2000-1161-CPP

KEITH MURPHY,

appelant,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

Motifs du jugement

Le juge suppléant MacLatchy, C.C.I.

[1]            Les présents appels ont été entendus le 2 novembre 2000 à London, en Ontario. Les parties ont accepté que les quatre appels soient entendus sur preuve commune.

[2]            Keith Murphy (le « travailleur » ) a interjeté appel à l'encontre d'une décision du ministre du Revenu national (le « ministre » ) portant sur la détermination de la question de savoir s'il occupait un emploi assurable et ouvrant droit à pension alors qu'il était à l'emploi de Sloot Construction - Design Limited (l' « appelante » ), pour la période allant du 1er juillet 1997 au 20 février 1999, au sens de la Loi sur l'assurance-emploi (la « Loi » ) et du Régime de pensions du Canada (le « Régime » ).

[3]            Dans une lettre datée du 23 décembre 1999, le ministre a informé le travailleur et l'appelante qu'il avait été déterminé que l'emploi du travailleur auprès de l'appelante au cours de la période en litige était assurable et ouvrait droit à pension au motif que le travailleur était employé en vertu d'un contrat de louage de services.

[4]            Afin de parvenir à sa décision, l'intimé s'est fondé sur certaines hypothèses, dont quelques-unes ont été acceptées par l'appelante, et d'autres, rejetées par elle, tel que cela est décrit ci-dessous.

[5]            L'appelante est une entreprise oeuvrant dans le domaine de la construction, de la rénovation et de la finition intérieure. M. Dominic Sloot, le président et unique actionnaire de l'appelante, a été le premier à témoigner et il a expliqué à cette cour la manière dont il menait les affaires de la compagnie. Il abordait un client ou était abordé par un client qui avait un projet de construction ou de rénovation et était invité à soumissionner le projet en question. Pour ses propres besoins, M. Sloot dressait une liste des gens de métier dont il aurait besoin pour le projet si sa soumission était acceptée. Il communiquait alors avec des personnes faisant ces métiers pour voir si elles étaient disponibles pour travailler à un tel projet et, si oui, il leur demandait de présenter un devis pour leur partie du projet. M. Sloot a déclaré avoir eu des listes de personnes pour chacun des métiers qui lui étaient nécessaires et, lorsqu'il recevait des soumissions, il préparait son estimation des frais et présentait une soumission à son client. Si la soumission était acceptée et quand elle l'était, il choisissait alors les gens de métier qui avaient selon lui les meilleurs devis et il établissait un contrat selon leur soumission. Sur la liste de charpentiers et de scieurs de planches de M. Sloot figurait le nom du travailleur, Keith Murphy. Le travailleur présentait, sur demande, une estimation du nombre d'heures dont il aurait besoin pour remplir ses fonctions quant à un projet particulier. Il présentait le devis et, s'il était accepté, il concluait une entente avec M. Sloot pour effectuer sa partie du projet selon le nombre d'heures estimé, à un prix horaire antérieurement proposé. La pièce A-1 appuie ce témoignage.

[6]            Le travailleur est un charpentier et un scieur de planches expérimenté et, durant la période en litige, il demandait d'être payé à un taux horaire de 15 $. Lorsqu'il a témoigné, le travailleur a déclaré qu'il exploitait sa propre entreprise et qu'il présentait à M. Sloot des soumissions pour des projets, comme l'atteste la pièce A-1. Selon sa pratique habituelle, il préparait son devis avec M. Sloot en fonction de sa propre estimation du temps qu'il lui faudrait pour effectuer sa partie du projet, mais il n'incluait pas les matériaux, lesquels étaient fournis par M. Sloot à un coût inférieur à celui que le travailleur pouvait offrir, et ce, en raison des ristournes, etc.

[7]            En une seule occasion, M. Sloot et le travailleur ont convenu que ce dernier se voie rembourser son kilométrage pour un projet à Darnia, en Ontario, ville qui se trouvait à une certaine distance du lieu de résidence du travailleur, à London, en Ontario. M. Sloot a de plus déclaré qu'il remboursait le kilométrage d'autres sous-traitants pour des projets éloignés de London, que c'était ce qu'il avait coutume de faire.

[8]            Le travailleur fournissait ses propres outils à main, comme cela est fréquent dans ce secteur d'activité. Il a fourni plus de détails à ce sujet en disant qu'il possédait une fourgonnette bien équipée, qui contenait non seulement les outils à main, mais beaucoup plus, dont des scies circulaires à table, des scies à onglets, des perceuses à béton et un compresseur pour les organes d'assemblage. Il avait également un petit atelier, dans son sous-sol, destiné à la fabrication de classeurs et d'autres articles propres à son entreprise.

[9]            Les parties ont reconnu que le travailleur n'avait pas travaillé pour l'appelante en 1997, et qu'il n'avait commencé à le faire qu'en 1998. Le travailleur a déclaré avoir touché des prestations d'assurance-emploi au début de 1998, puisqu'il avait été auparavant employé et qu'il y était admissible. Lorsque la relation entre l'appelante et le travailleur a débuté, ce dernier a déclaré les heures de travail effectuées pour l'appelante sur ses cartes d'admissibilité requises par Développement des ressources humaines Canada.

[10]          Toutes les parties reconnaissent que les clients étaient ceux de l'appelante. La nature du contrat de soumission de projets de construction imposait ce qui suit : à moins que le sous-traitant, en l'espèce le travailleur, ne soit connu du client, on ne faisait pas appel à lui pour présenter sa soumission de projet. Il n'entendait parler du projet que par l'appelante.

[11]          La question à laquelle cette cour doit répondre est celle de savoir s'il existait une relation employeur-employé entre l'appelante et le travailleur.

[12]          On a demandé à cette cour d'appliquer le critère composé de quatre parties intégrantes recommandé par la Cour d'appel fédérale dans l'affaire Wiebe Door Services Ltd. c. M.R.N., [1986] 3 C.F. 553 (87 DTC 5025). Les critères à être examinés comprennent le contrôle, la propriété des instruments de travail, la possibilité de profit et le risque de perte et l'intégration. Ces critères sont utiles mais non exhaustifs, et l'ensemble de la relation entre l'appelante et le travailleur doit être évaluée.

Contrôle :

[13]          La preuve présentée indiquait que l'appelante était l'entrepreneure principale et qu'elle sous-traitait avec d'autres afin qu'ils exercent leurs compétences pour le projet particulier. En raison de la nature des types de construction et de rénovation effectués par l'appelante, le projet dans son ensemble devait généralement être complété dans un certain délai et à certaines heures, conditions qui étaient dictées par le client et qui faisaient partie du contrat conclu. Le délai devenait très important pour toutes les parties liées au projet. Afin d'assurer qu'un horaire soit suivi et que le projet soit mené à bien selon les directives du client, l'appelante avait un superviseur sur les lieux. Il semblait agir comme coordonnateur afin de faire en sorte que le contrat dans son ensemble soit terminé à temps. Si la soumission du travailleur était acceptée par l'appelante et qu'un contrat était conclu entre eux, il incombait ensuite au travailleur de remplir sa part du contrat selon les paramètres de temps établis par le client. Il s'agit d'un type de contrôle, non pas imposé par l'appelante au travailleur, mais imposé par les modalités du contrat conclu entre les parties. Il en est de même pour l'endroit où le projet était effectué, puisque le lieu faisait partie du contrat. L'appelante ne se préoccupait pas de la manière dont le travail était effectué par le travailleur ni ne lui disait comment il devait être fait. L'appelante s'attendait à ce que le travail soit effectué par le travailleur conformément aux normes fixées par son expérience relative à des projets antérieurs. L'appelante n'a pas embauché ni ne pouvait congédier le travailleur, mais respectait simplement les modalités du contrat conclu. Elle ne versait aucun avantage au travailleur, ne prenait pas en note les heures travaillées et payait le prix convenu par contrat au travailleur, quand il avait terminé son travail, selon une facture qu'il présentait, laquelle comprenait un supplément pour la TPS. Cela ne ressemble pas au contrôle exercé par un employeur sur un employé.

Outils :

[14]          En raison de la nature du métier de charpentier et du marché de la construction, on s'attend à ce qu'un charpentier possède ses propres outils à main. Le travailleur possédait de tels outils et en avait de nombreux autres, qu'il transportait sur les lieux du projet dans sa propre fourgonnette. Il possédait ce dont il avait besoin pour remplir sa partie du contrat.

Profit et perte :

[15]          Les deux témoins, M. Sloot et le travailleur, ont indiqué dans leur témoignage qu'une fois que le prix du contrat était convenu, selon l'estimation du travailleur quant au nombre d'heures nécessaire au projet, c'était ce prix qui devait être demandé au moyen d'une facture présentée à l'appelante. Toutefois, si le travailleur pouvait terminer le projet en moins de temps, il recevait le montant convenu. Il avait là la possibilité de tirer profit de son taux horaire convenu. De la même manière, il pouvait subir une perte s'il prenait plus de temps que convenu pour terminer le projet. Le travailleur a déclaré qu'il contrôlait son taux horaire, qu'il fixait lui-même. S'il le fixait trop haut, ses soumissions ne seraient pas acceptées pour certains projets si un charpentier concurrent soumissionnait à un taux inférieur. Le travailleur pouvait travailler quand il le souhaitait, à moins d'être limité à certaines heures par le client, pourvu que sa partie du projet dans son ensemble soit terminée comme cela avait été convenu. Le travailleur a de plus indiqué qu'il avait travaillé pour d'autres et leur avait présenté des copies de factures, comme le démontre la pièce A-2.

Intégration :

[16]          Il s'agit d'un concept difficile à appliquer à une industrie spécialisée comme celle de la construction, où de nombreuses compétences distinctes sont nécessaires, lesquelles ne peuvent être supervisées de façon satisfaisante. Les spécialités comme l'électricité, le chauffage et le refroidissement, la plomberie et toutes les autres spécialités nécessaires sont exercées par des personnes qui possèdent des connaissances particulières dans ces domaines. Beaucoup de ces spécialités peuvent être exercées par des employés et pourtant ne pas être supervisées ou l'être à peine. De même, et plus fréquemment, leurs tâches sont accomplies par des entrepreneurs qui exploitent leur propre entreprise.

[17]          En l'espèce, l'appelante a besoin de beaucoup de gens de métier pour exercer ses fonctions. L'entreprise de l'appelante consiste à effectuer un projet de construction pour un client et elle a besoin de travailleurs pour l'effectuer en son nom. Pourtant, chacune des spécialités peut être exercée par des particuliers qui exploitent leur propre entreprise. Ces sous-traitants travaillent selon les modalités de contrats d'entreprise, et leur travail n'est pas assurable. Ils sont en affaires pour eux-mêmes.

[18]          Le travailleur tente d'exploiter sa propre entreprise et est soumis aux joies et aux peines de ce qui peut en découler. Ayant examiné toute la preuve et lu la jurisprudence relative à la question dont elle est saisie, cette cour conclut que le travailleur peut travailler indépendamment de l'appelante et qu'il peut avoir sa propre entreprise.

[19]          L'intimé a renvoyé cette cour à la décision de la Cour d'appel fédérale dans l'affaire M.R.N. c. Emily Standing, C.A.F., no A-857-90, 29 septembre 1992 (147 N.R. 238) pour soutenir sa conclusion, selon laquelle la simple déclaration par des parties qu'elles exercent leurs fonctions en vertu d'un contrat d'entreprise ne constitue pas nécessairement un élément déterminant de la relation entre ces parties. Dans la situation en l'espèce, l'appelante et le travailleur ont tous deux déterminé qu'ils ne travaillaient pas dans le cadre d'une relation employeur-employé et la preuve présentée confirme cet argument.

[20]          Après examen de l'ensemble de la relation, cette cour conclut que le travailleur était un sous-traitant, et non un employé, et que l'emploi n'était pas assurable en vertu de la Loi ni n'ouvrait droit à pension en vertu du Régime.

[21]          Les appels sont accueillis, et la décision du ministre est modifiée au motif que l'emploi du travailleur n'était pas assurable et n'ouvrait pas droit à pension.

Signé à Toronto (Ontario), ce 27e jour de novembre 2000.

« W. E. MacLatchy »

J.S.C.C.I.

Traduction certifiée conforme ce 30e jour de mai 2001.

Mario Lagacé, réviseur

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

2000-652(EI)

ENTRE :

SLOOT CONSTRUCTION - DESIGN LIMITED,

appelante,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

Appel entendu sur preuve commune avec les appels de Sloot Construction - Design Limited (2000-653(CPP)) et de Keith Murphy (2000-1160(EI) et 2000-1161(CPP)) le 2 novembre 2000 à London (Ontario) par

l'honorable juge suppléant W. E. MacLatchy

Comparutions

Représentant de l'appelante :                Dominic R. Sloot

Avocate de l'intimé :                            Me Jade Boucher

JUGEMENT

L'appel est accueilli, et la décision du ministre est modifiée selon les motifs du jugement ci-joints.


Signé à Toronto (Ontario), ce 27e jour de novembre 2000.

« W. E. MacLatchy »

J.S.C.C.I.

Traduction certifiée conforme

ce 30e jour de mai 2001.

Mario Lagacé, réviseur


[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

2000-653(CPP)

ENTRE :

SLOOT CONSTRUCTION - DESIGN LIMITED,

appelante,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

Appel entendu sur preuve commune avec les appels de Sloot Construction - Design Limited (2000-652(EI)) et de Keith Murphy (2000-1160(EI) et 2000-1161(CPP))

le 2 novembre 2000 à London (Ontario) par

l'honorable juge suppléant W. E. MacLatchy

Comparutions

Représentant de l'appelante :                Dominic R. Sloot

Avocate de l'intimé :                            Me Jade Boucher

JUGEMENT

L'appel est accueilli, et la décision du ministre est modifiée selon les motifs du jugement ci-joints.


Signé à Toronto (Ontario), ce 27e jour de novembre 2000.

« W. E. MacLatchy »

J.S.C.C.I.

Traduction certifiée conforme

ce 30e jour de mai 2001.

Mario Lagacé, réviseur


[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

2000-1160(EI)

ENTRE :

KEITH MURPHY,

appelant,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

Appel entendu sur preuve commune avec les appels de Sloot Construction - Design Limited (2000-652(EI) et 2000-653(CPP)) et de Keith Murphy (2000-1161(CPP))

le 2 novembre 2000 à London (Ontario) par

l'honorable juge suppléant W. E. MacLatchy

Comparutions

Pour l'appelant :                         L'appelant lui-même

Avocate de l'intimé :                   Me Jade Boucher

JUGEMENT

L'appel est accueilli, et la décision du ministre est modifiée selon les motifs du jugement ci-joints.


Signé à Toronto (Ontario), ce 27e jour de novembre 2000.

« W. E. MacLatchy »

J.S.C.C.I.

Traduction certifiée conforme

ce 30e jour de mai 2001.

Mario Lagacé, réviseur


[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

2000-1161(CPP)

ENTRE :

KEITH MURPHY,

appelant,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

Appel entendu sur preuve commune avec les appels de Sloot Construction - Design Limited (2000-652(EI) et 2000-653(CPP)) et de Keith Murphy (2000-1160(EI))

le 2 novembre 2000 à London (Ontario) par

l'honorable juge suppléant W. E. MacLatchy

Comparutions

Pour l'appelant :                         L'appelant lui-même

Avocate de l'intimé :                   Me Jade Boucher

JUGEMENT

L'appel est accueilli, et la décision du ministre est modifiée selon les motifs du jugement ci-joints.


Signé à Toronto (Ontario), ce 27e jour de novembre 2000.

« W. E. MacLatchy »

J.S.C.C.I.

Traduction certifiée conforme

ce 30e jour de mai 2001.

Mario Lagacé, réviseur


[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

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