Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

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Date: 20010102

Dossiers : 1999-3612-EI, 1999-3613-CPP, 1999-4881-EI, 1999-4883-CPP

ENTRE :

FARR FARMS TRANSPORT LTD.,

appelante,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé,

ET ENTRE :

Dossiers : 1999-4884-EI, 1999-4888-CPP

FARR FARMS TRANSPORT LTD.,

appelante,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé,

et

HENRY NEMETH,

intervenant.

Motifs du jugement

Le juge suppléant Porter, C.C.I.

[1]            Les présents appels ont été entendus sur preuve commune, du consentement des parties, les 6 et 7 juillet 2000, à Regina (Saskatchewan).

[2]            Par voie d'avis d'évaluation en date du 19 mai 1999, l'appelante a fait l'objet d'une évaluation concernant entre autres des cotisations d'assurance-emploi et des cotisations au Régime de pensions du Canada pour l'année d'imposition 1997 à l'égard des particuliers énumérés à l'annexe « A » , qui fait partie des présents motifs. L'avis d'évaluation était erroné en ce qu'il indiquait à tort que l'évaluation relative à des cotisations d'assurance-emploi et à des cotisations au Régime de pensions du Canada se rapportait à l'impôt fédéral et à l'impôt provincial. Cela n'a toutefois aucune importance en l'espèce.

[3]            Par voie d'avis d'évaluation en date du 19 mai 1999, l'appelante a fait l'objet d'une évaluation concernant entre autres des cotisations d'assurance-emploi et des cotisations au Régime de pensions du Canada pour l'année d'imposition 1998 à l'égard des particuliers énumérés à l'annexe « B » , qui fait partie des présents motifs.

[4]            Par voie d'avis d'évaluation en date du 19 mai 1999, l'appelante a fait l'objet d'une évaluation concernant entre autres des cotisations d'assurance-emploi et des cotisations au Régime de pensions du Canada pour la période du 1er janvier au 28 février 1999 à l'égard des particuliers énumérés à l'annexe « C » , qui fait partie des présents motifs.

[5]            Par une lettre en date du 28 juillet 1999, l'appelante a interjeté appel, auprès du ministre, de ces trois évaluations.

[6]            En réponse à cet appel, le ministre a, par voie de lettre en date du 4 novembre 1999, confirmé chacune des évaluations au motif que chacun des particuliers nommés aux annexes « D » (pour 1997), « B » (pour 1998) et « E » (pour 1999) ci-jointes travaillait pour l'appelante aux termes d'un contrat de louage de services et était donc un employé.

[7]            Le ministre a en outre expressément rendu une décision distincte en date du 7 octobre 1999 selon laquelle Matthew Huston exerçait un emploi assurable aux termes de la Loi sur l'assurance-emploi (la « LAE » ) et un emploi ouvrant droit à pension aux termes du Régime de pensions du Canada (le « Régime » ) durant la période du 23 mars 1998 au 11 janvier 1999, puisqu'il travaillait pour l'appelante aux termes d'un contrat de louage de services.

[8]            Le ministre a également expressément rendu une décision distincte en date du 7 octobre 1999 selon laquelle Dallas Lowe exerçait un emploi assurable aux termes de la LAE et un emploi ouvrant droit à pension aux termes du Régime durant la période du 5 décembre 1998 au 3 mars 1999, puisqu'il travaillait pour l'appelante aux termes d'un contrat de louage de services.

[9]            Il était dit que chacune des décisions était rendue conformément à l'article 93 de la LAE et à l'article 27 du Régime.

[10]          L'appelante interjette appel devant notre cour de chacune des décisions du ministre.

Le droit

[11]          La façon dont la Cour doit procéder pour déterminer s'il s'agit d'un emploi exercé aux termes d'un contrat de louage de services et, par conséquent, d'une relation employeur-employé, ou aux termes d'un contrat d'entreprise et, par conséquent, d'une relation avec un entrepreneur autonome, a été clairement énoncée par la Cour d'appel fédérale dans l'affaire Wiebe Door Services Ltd. c. M.R.N., [1986] 3 C.F. 553 (87 DTC 5025). La Cour d'appel fédérale a par la suite expliqué plus en détail le critère à appliquer dans l'affaire Moose Jaw Kinsmen Flying Fins Inc. c. M.R.N., C.A.F., no A-531-87, 15 janvier 1988 (88 DTC 6099). Plusieurs décisions rendues subséquemment par la Cour canadienne de l'impôt, dont certaines ont été citées par les avocats, montrent comment les lignes directrices exposées par la Cour d'appel fédérale ont été appliquées. Dans l'arrêt Moose Jaw Kinsmen Flying Fins Inc., précité, la Cour d'appel fédérale s'est exprimée en ces termes :

[Analyse]

La cause décisive concernant cette question dans le contexte de la loi est la décision de la Cour dans l'affaire Wiebe Door Services Ltd. c. Le ministre du Revenu national, 87 D.T.C. 5025. Parlant au nom de la Cour, le juge MacGuigan a analysé des causes canadiennes, britanniques et américaines et, en particulier, il a mentionné les quatre critères pour rendre une telle décision qui sont énoncés par lord Wright dans l'affaire La ville de Montréal c. Montreal Locomotive Works Ltd., [1974] 1 D.L.R. 161, aux pages 169 et 170. Il a conclu à la page 5028 que :

Dans ce contexte, les quatre critères établis par lord Wright constituent une règle générale, et même universelle, qui nous oblige à [TRADUCTION] « examiner l'ensemble des divers éléments qui composent la relation entre les parties » . Quand il s'est servi de cette règle pour déterminer la nature du lien existant dans l'affaire Montreal Locomotive Works, lord Wright a combiné et intégré les quatre critères afin d'interpréter l'ensemble de la transaction.

À la page 5029, il déclare :

Je considère le critère de lord Wright non pas comme une règle comprenant quatre critères, comme beaucoup l'ont interprété, mais comme un seul critère qui est composé de quatre parties intégrantes et qu'il faut appliquer en insistant toujours sur ce que lord Wright a appelé [TRADUCTION] « l'ensemble des éléments qui entraient dans le cadre des opérations » et ce même si je reconnais l'utilité des quatre critères subordonnés.

À la page 5030, il poursuit :

Il est toujours important de déterminer quelle relation globale les parties entretiennent entre elles.

Il fait également observer : « Quand il doit régler un tel problème, le juge de première instance ne peut se soustraire à l'obligation de peser avec soin tous les facteurs pertinents. »

[...] comme le juge MacGuigan, nous considérons les critères comme des subordonnés utiles pour peser tous les faits relatifs à l'entreprise de la requérante. C'est maintenant l'approche appropriée et préférable pour la très bonne raison que dans une cause donnée, et celle-ci peut très bien en être une, un ou plusieurs des critères peuvent être peu ou pas applicables. Pour rendre une décision, il faut donc considérer l'ensemble de la preuve en tenant compte des critères qui peuvent être appliqués et donner à toute la preuve le poids que les circonstances peuvent exiger.

[12]          Les critères énoncés par la Cour peuvent se résumer ainsi :

a)              le degré de contrôle exercé par l'employeur présumé ou l'absence d'un tel contrôle;

b)             la propriété des instruments de travail;

c)              les chances de bénéfice et les risques de perte;

d)             l'intégration du travail de l'employé présumé à l'entreprise de l'employeur présumé.

[13]          Je signale aussi le passage qui suit de l'arrêt Wiebe, précité, dans lequel le juge MacGuigan approuve l'approche adoptée par les tribunaux britanniques :

C'est probablement le juge Cooke, dans Market Investigations, Ltd. v. Minister of Social Security, [1968] 3 All. E.R. 732 (Q.B.D.), qui, parmi ceux qui ont examiné le problème, en a fait la meilleure synthèse (aux pages 738 et 739) :

[TRADUCTION]

Les remarques de LORD WRIGHT, du LORD JUGE DENNING et des juges de la Cour suprême des États-Unis laissent à entendre que le critère fondamental à appliquer est celui-ci : « La personne qui s'est engagée à accomplir ces tâches les accomplit-elle en tant que personne dans les affaires à son compte » . Si la réponse à cette question est affirmative, alors il s'agit d'un contrat d'entreprise. Si la réponse est négative, alors il s'agit d'un contrat de service personnel. Aucune liste exhaustive des éléments qui sont pertinents pour trancher cette question n'a été dressée, peut-être n'est-il pas possible de le faire; on ne peut non plus établir de règles rigides quant à l'importance relative qu'il faudrait attacher à ces divers éléments dans un cas particulier. Tout ce qu'on peut dire, c'est qu'il faudra toujours tenir compte du contrôle même s'il ne peut plus être considéré comme le seul facteur déterminant; et que des facteurs qui peuvent avoir une certaine importance sont des questions comme celles de savoir si celui qui accomplit la tâche fournit son propre outillage, s'il engage lui-même ses aides, quelle est l'étendue de ses risques financiers, jusqu'à quel point il est responsable des mises de fonds et de la gestion, et jusqu'à quel point il peut tirer profit d'une gestion saine dans l'accomplissement de sa tâche. L'utilisation du critère général peut être plus facile dans un cas où la personne qui s'engage à rendre le service le fait dans le cadre d'une affaire déjà établie; mais ce facteur n'est pas déterminant. Une personne qui s'engage à rendre des services à une autre personne peut bien être un entrepreneur indépendant même si elle n'a pas conclu de contrat dans le cadre d'une entreprise qu'elle dirige actuellement.

[14]          À cela, j'ajouterais le passage qui suit de l'arrêt Charbonneau c. Canada (M.R.N.), [1996] A.C.F. no 1337, dans lequel le juge Décary, s'exprimant au nom de la Cour d'appel fédérale, déclarait ceci :

Les critères énoncés par cette Cour [...] ne sont pas les recettes d'une formule magique. Ce sont des points de repère qu'il sera généralement utiles de considérer, mais pas au point de mettre en péril l'objectif ultime de l'exercice qui est de rechercher la relation globale que les parties entretiennent entre elles. Ce qu'il s'agit, toujours, de déterminer, une fois acquise l'existence d'un véritable contrat, c'est s'il y a, entre les parties, un lien de subordination tel qu'il s'agisse d'un contrat de travail [...] ou s'il n'y a pas [...] un degré d'autonomie tel qu'il s'agisse d'un contrat d'entreprise ou de service. [...] En d'autres termes, il ne faut pas [...] examiner les arbres de si près qu'on perde de vue la forêt. Les parties doivent s'effacer devant le tout.

Les faits

[15]          Il est dit que le ministre s'était, dans les réponses aux avis d'appel, fondé sur les hypothèses de fait suivantes pour arriver à ses décisions :

[TRADUCTION]

a)              les faits admis ci-dessus;

b)             l'appelante oeuvre dans le domaine du transport;

c)              les travailleurs ont été embauchés pour fournir des services d'opérateurs chauffeurs;

d)             l'appelante a produit une « convention d'entrepreneur indépendant » détaillée;

e)              la plupart des travailleurs n'ont pas signé la « convention d'entrepreneur indépendant » ;

f)              c'était l'appelante qui trouvait les clients et qui concluait des contrats avec eux;

g)             l'appelante fournissait les services d'un répartiteur, qui attribuait et contrôlait les déplacements et les chargements;

h)             les travailleurs étaient quotidiennement en contact avec le répartiteur;

i)               le répartiteur pouvait en tout temps savoir où était chaque véhicule grâce à un système de repérage par satellite;

j)               l'appelante était tenue de respecter tous les délais de livraison;

k)              occasionnellement, les travailleurs étaient tenus de faire rapport au client de l'appelante;

l)               les travailleurs recevaient 0,27 ou 0,30 $ le mille, selon le chargement;

m)             les travailleurs étaient payés mensuellement, par chèque;

n)             les travailleurs étaient payés par l'appelante;

o)             les travailleurs n'étaient payés que pour le millage correspondant au trajet le plus court entre l'établissement du fournisseur et celui du client;

p)             les travailleurs étaient payés même si le client ne payait pas l'appelante;

q)             c'était l'appelante qui s'occupait de tous les revenus et qui en assurait le contrôle;

r)              l'appelante fournissait le tracteur, la remorque, le matériel ainsi que les cartes pour le carburant, les appels téléphoniques et les péages;

s)              les travailleurs fournissaient leur permis de conduire;

t)              l'appelante payait tous les frais d'exploitation normaux, notamment au titre de l'essence, de l'huile, de la graisse, des lavages, des réparations, des assurances, des péages et de l'immatriculation du véhicule;

u)             les travailleurs devaient payer les amendes et frais de réparation imputables à une négligence de leur part;

v)             les travailleurs étaient tenus de se conformer aux politiques et lignes directrices de l'appelante;

w)             les travailleurs devaient suivre toutes les lignes directrices gouvernementales;

x)              l'appelante devait approuver les réparations majeures nécessaires;

y)             chaque travailleur devait tenir un carnet de route;

z)              les travailleurs étaient tenus de laver le véhicule régulièrement;

aa)            les travailleurs devaient graisser le véhicule et vérifier la pression des pneus chaque semaine;

bb)           les travailleurs étaient tenus de rapporter tout accident sur-le-champ;

cc)            l'appelante donnait une certaine formation aux travailleurs;

dd)           occasionnellement, l'appelante embauchait un remplaçant comme chauffeur lorsqu'un travailleur n'était pas libre;

ee)            les travailleurs ne faisaient pas payer de TPS à l'appelante;

ff)             les salaires bruts des travailleurs pour la période du 1er janvier 1997 au 28 février 1999 sont indiqués à l'annexe « G » faisant partie de la réponse à l'avis d'appel;

gg)           avant le 1er juillet 1997, l'appelante traitait les travailleurs comme des employés;

hh)           les conditions de travail n'ont pas changé après le 30 juin 1997.

[16]          Les hypothèses de fait sont pratiquement les mêmes dans chacun des appels, la paie totale différant toutefois pour chaque chauffeur.

[17]          Jeffrey James Farr, qui était le principal actionnaire de l'appelante et qui était chargé de surveiller les opérations de camionnage de cette dernière, a témoigné. De plus, Douglas McCullough a témoigné en sa qualité de répartiteur et ancien chauffeur de l'appelante. Debbie Lynn Darroch, qui était le chef de bureau de la société, a également témoigné, de même que quatre chauffeurs de camion, soit Marvin Dreghici, Henry Nemeth (l'intervenant), James Seed et Steve Ralston.

[18]          Par la preuve qu'elle a présentée, l'appelante se trouve avoir admis certaines hypothèses de fait avancées par le ministre, soit les hypothèses figurant aux alinéas suivants : a), b) et c) (quoique l'emploi du verbe « embaucher » ait été contesté), d), f), g) et h) (Jeffrey James Farr a déclaré que c'était plutôt « au besoin » , mais le reste de la preuve m'a convaincu que l'hypothèse était exacte), i), j), k), l), m), n), o), p), q), r), s), t), u), v), w), x), y), z), aa), bb) et cc) (la preuve ne révélait pratiquement aucun élément à cet égard), dd) et ff) (cela variait selon chacun des appels), ainsi que hh).

[19]          L'appelante a toutefois nié les hypothèses figurant aux alinéas suivants : e) (selon la preuve qui m'a été présentée, et que j'accepte, tous les chauffeurs signaient de tels contrats), ee) (certains éléments de preuve indiquaient qu'un certain nombre de chauffeurs faisaient bel et bien payer de la TPS et utilisaient des noms commerciaux), gg) (cette hypothèse était au coeur du différend entre les parties).

[20]          Il m'est apparu clairement, d'après la preuve, que les modalités de travail étaient les mêmes dans l'ensemble, bien qu'il puisse y avoir eu certaines différences mineures dans la manière dont les divers chauffeurs vaquaient à leurs occupations. Les représentants de l'appelante affirmaient que Henry Nemeth n'était pas de bonne foi, mais, bien franchement, j'ai trouvé que M. Nemeth faisait preuve d'honnêteté dans son témoignage. Sa déposition différait peu de celles des autres chauffeurs qui ont comparu, et la crédibilité de ces derniers n'a pas été mise en doute. En outre, M. Nemeth a admis qu'il ne savait plus trop quoi penser au sujet de sa situation, au regard des termes utilisés dans la convention écrite, et qu'il ignorait son statut. Son témoignage était factuel et crédible, malgré un différend d'ordre pécuniaire qui oppose encore M. Nemeth à l'appelante.

[21]          Comme l'indique la preuve, l'entreprise de camionnage de l'appelante est issue de l'entreprise agricole familiale. Elle a été créée pour répondre aux besoins de l'entreprise agricole, puis est devenue une entreprise de camionnage de grande envergure. Jeff Farr et d'autres membres de sa famille avaient acheté les camions, dont ils étaient propriétaires. Ils les donnaient à bail à la société appelante. Ils les exploitaient au coût de revient (y compris le coût en capital) et ne gagnaient d'argent que lorsque les véhicules, une fois payés, étaient vendus.

[22]          Jusqu'en juin 1997, Jeff Farr avait fait fonction de répartiteur. Au cours de cette année-là, un répartiteur à temps plein a été embauché. M. Farr a exposé l'idée des contrats aux travailleurs. Un vaste examen de l'entreprise a été effectué, et les chauffeurs de l'appelante, qui avaient jusque-là été des employés permanents, sont passés à ce nouveau système. L'entreprise est en outre devenue une entreprise de transport en zone longue. Doug McCullough a été le deuxième répartiteur embauché par l'appelante.

[23]          La preuve indique clairement que les chauffeurs étaient tous tenus de conclure le contrat qui avait été rédigé. S'ils refusaient, ils n'étaient pas embauchés. On leur donnait la possibilité de lire le contrat, mais la preuve indique que l'on faisait cela uniquement pour la forme et que, parfois, les chauffeurs ne lisaient aucunement les contrats. Je retiens toutefois le fait que l'on disait à tous les chauffeurs qu'ils étaient des entrepreneurs indépendants et qu'ils étaient responsables de leurs propres retenues légales. Ils donnaient tous leur assentiment; si cela les embarrassait, ils estimaient qu'ils n'avaient pas le choix.

[24]          Suivant le système qui avait été établi — à ce que j'ai pu en comprendre à partir des éléments de preuve qui ont été présentés et à l'égard desquels il n'y avait pas vraiment de grande divergence entre les divers témoins —, les chauffeurs, après avoir été engagés, recevaient leurs instructions du centre de répartition. C'était ce centre qui, par l'entremise de la banque de la société, prenait avec les clients les dispositions relatives aux chargements et qui attribuait ensuite les chargements aux divers chauffeurs. Ces derniers pouvaient accepter ou refuser un chargement, mais la preuve indiquait clairement que, s'ils refusaient sans raison valable, on leur signifiait leur congé, comme cela avait été le cas pour James Seed. Steve Ralston a dit clairement qu'il n'était pas recommandé de refuser un chargement. Ainsi, en réalité, les chauffeurs se voyaient attribuer un chargement, et l'on s'attendait à ce qu'ils l'acceptent. Une fois les chauffeurs rendus à destination, on leur attribuait un autre chargement. On a donné un seul exemple d'un chauffeur qui avait lui-même trouvé un chargement en Californie, et je ne puis être certain que cela avait préalablement été approuvé par l'appelante. Quoi qu'il en soit, c'était l'exception à la règle.

[25]          Le centre de répartition avait un système de repérage par satellite permettant de savoir en tout temps où se trouvaient les camions. Les chauffeurs devaient se présenter au centre de répartition chaque jour, avant 10 heures, et chaque fois qu'il leur fallait quelque chose. La preuve était contradictoire pour ce qui est de savoir si cela était une exigence, mais, après avoir entendu les chauffeurs, je suis convaincu que l'appelante exigeait effectivement qu'ils se présentent au centre de répartition.

[26]          Par voie de contrat, le centre de répartition s'entendait avec les clients de l'appelante sur une heure de ramassage et de livraison, puis il faisait savoir clairement aux chauffeurs que ces derniers étaient [TRADUCTION] « mieux de respecter ces délais » . C'était là une autre attente que l'on avait à l'égard des chauffeurs. Le millage, sur la base duquel les chauffeurs étaient payés, était déjà établi par ordinateur au moment de l'affectation. Compte tenu de ces paramètres, ainsi que des restrictions prévues par les règlements américains et canadiens en ce qui a trait aux heures de conduite, les chauffeurs étaient libres de choisir leurs parcours et les heures auxquelles se restaurer et se reposer.

[27]          Les chauffeurs étaient payés à tant le mille, et le taux augmentait selon le nombre de milles parcouru.

[28]          Il est clair que le centre de répartition s'efforçait de satisfaire aux demandes des chauffeurs désireux d'aller à un endroit particulier avec leur famille lors de congés, par exemple à Orlando, en Floride, durant le temps des fêtes. Il s'agissait toutefois de demandes seulement, et un chauffeur ne pouvait simplement prendre son camion et se rendre à tel endroit sans avoir obtenu l'approbation expresse du centre de répartition. De même, les chauffeurs n'étaient pas libres d'accepter simplement des chargements pour d'autres sociétés. Tous leurs chargements devaient être approuvés par le centre de répartition.

[29]          Tous les frais relatifs au camion étaient payés par l'appelante. Les chauffeurs devaient seulement payer leurs frais personnels comme les frais de repas ou d'hébergement, mais, à ce que j'ai compris, les chauffeurs dormaient la plupart du temps dans la cabine de leur camion. En outre, ils devaient payer eux-mêmes les amendes et pénalités pour excès de vitesse, pour poids excédentaire ou pour omission de tenir avec exactitude leur carnet de route pour ce qui est de leurs heures de conduite. Ils devaient également payer les frais relatifs à tout dommage causé au camion en raison d'une négligence de leur part. On a donné comme exemple le cas de rallonges brisées, dont le remplacement coûte environ 1 000 $ par unité. À part cela, tous les frais étaient payés par l'appelante, et les chauffeurs n'avaient rien à débourser. On a mentionné qu'un chauffeur qui endommageait son camion en raison d'une négligence de sa part et qui avait parcouru un nombre de milles peu élevé pouvait enregistrer un déficit à la fin du mois, mais, encore là, cela semblait bien être l'exception plutôt que la règle. On a donné un seul exemple d'un chauffeur n'étant pas revenu travailler après un accident.

[30]          Les réparations étaient approuvées et payées d'avance par l'appelante, sauf les réparations mineures, qui étaient effectuées par les chauffeurs eux-mêmes.

[31]          L'appelante ne payait aucun aide pour le chargement ou le déchargement des camions. La preuve semblait toutefois indiquer que des aides n'étaient généralement pas nécessaires.

[32]          Certains éléments de preuve indiquaient que deux ou trois des chauffeurs faisaient payer de la TPS à l'appelante et utilisaient des noms commerciaux. Aucun élément de preuve n'indiquait qu'ils étaient constitués en société ou qu'ils avaient fait enregistrer leurs noms commerciaux. En outre, aucune preuve n'indiquait que l'un ou l'autre de ces chauffeurs exerçait des activités professionnelles autres que la conduite d'un camion pour l'appelante.

[33]          Au cours des témoignages, il a beaucoup été question du stationnement des camions. Dans la plupart des cas, il semble que les camions étaient rangés chez l'appelante, mais il n'y avait apparemment aucune exigence stricte à cet effet, puisque certains chauffeurs stationnaient leur camion ailleurs quand ils revenaient au port d'attache. Il m'a certes semblé que l'appelante avait le droit de dire aux chauffeurs où stationner lorsqu'ils étaient au port d'attache, bien qu'elle puisse ne pas avoir exercé ce droit.

[34]          Les contrats se présentaient sous une forme standard. Ils portaient le titre de [TRADUCTION] « Convention d'entrepreneur indépendant » . Les passages pertinents du contrat se lisent comme suit :

[TRADUCTION]

5.              L'entrepreneur accepte de se joindre à la société comme entrepreneur indépendant en vue de fournir des services d'opérateur chauffeur à des clients de la société;

1.01          La société retient les services de l'entrepreneur pour qu'il fournisse des services d'opérateur chauffeur à des clients de la société en conformité avec la présente convention à partir du 9 mars 1998, déplacement par déplacement, étant toutefois entendu que la présente convention peut être résiliée à tout moment suivant un préavis de 48 heures donné par l'entrepreneur ou par la société.

2.01          La société se charge de fournir un tracteur (camion de catégorie 8) (décrit plus en détail à la clause 5.01), du matériel et de l'outillage, des procédures opérationnelles, des installations et des contrats, pour permettre à l'entrepreneur de conduire d'une manière compétente et professionnelle.

3.01          Il incombe à l'entrepreneur de conduire d'une manière compétente et de suivre les procédures opérationnelles lorsqu'il fournit des services aux clients de la société dans le cadre de la prestation des services de transport.

3.02          L'entrepreneur accepte de s'acquitter des fonctions et responsabilités qui lui sont confiées selon les normes les plus élevées applicables à un opérateur chauffeur de tracteur (camion de catégorie 8).

4.01          L'entrepreneur fournira des services d'opérateur chauffeur aux clients de la société selon les directives données à l'occasion par la société [...]

4.02          Les deux parties conviennent que les dates et les lieux de prestation de services d'opérateur chauffeur par l'entrepreneur en conformité avec la présente convention dépendront de l'obtention par la société de contrats de transport auprès des clients et du maintien de ces contrats.

4.03          Pour que la société puisse s'acquitter de ses obligations envers ses clients et remplir ses obligations contractuelles pour ce qui est des dispositions à prendre pour fournir des services de transport à ses clients, l'entrepreneur accepte de fournir des services d'opérateur chauffeur selon les directives données à l'occasion par la société. Les deux parties conviennent que l'entrepreneur sera en droit de conclure avec d'autres sociétés de transport des contrats de prestation de services d'opérateur chauffeur, pourvu que ces autres activités n'empêchent pas l'entrepreneur de respecter son engagement à être libre pour fournir des services aux clients de la société ou à d'autres organisations selon ce qui est prévu aux présentes.

7.01          L'entrepreneur est un entrepreneur indépendant et non un employé de la société, de sorte que la société ne sera en droit de retenir aucune somme au titre de l'impôt sur le revenu de l'entrepreneur, du régime de pensions, de l'assurance-chômage, de l'assurance, notamment l'assurance vie ou l'assurance invalidité, ou d'autres éléments découlant d'obligations légales ou de régimes privés d'avantages sociaux, et les deux parties conviennent que chacune est individuellement tenue de s'acquitter elle-même de tels paiements. La société et l'entrepreneur conviennent que, l'entrepreneur n'étant pas un employé de la société, cette dernière ne sera pas tenue de se conformer aux dispositions législatives applicables à une relation employeur-employé.

8.01          L'entrepreneur accepte ce qui suit :

a)              L'entrepreneur se conformera à toutes les politiques de la société ainsi qu'aux lignes directrices des clients de la société.

b)             L'entrepreneur se chargera lui-même d'effectuer les paiements au titre de l'impôt sur le revenu, du régime de pensions, de l'assurance-chômage, de l'assurance, notamment l'assurance vie ou l'assurance invalidité, ou d'autres éléments semblables, et ce, en temps opportun.

c)              Sous réserve de son obligation de respecter les dispositions législatives en matière de circulation routière, l'entrepreneur respectera tous les délais de livraison, à moins qu'un événement ne l'en empêche ou que la société n'ait accepté un retard.

d)             L'entrepreneur devra toujours maintenir en règle un permis d'opérateur chauffeur valable pour les tracteurs de la société (camions de catégorie 8) et l'équipement connexe. L'entrepreneur accepte de fournir, sur demande, des documents prouvant qu'il répond à toutes les exigences relatives au maintien en règle de son permis d'opérateur chauffeur, y compris des certificats médicaux, des résumés et des carnets de route.

e)              L'entrepreneur s'abstiendra d'agir comme opérateur chauffeur d'un tracteur de la société (camion de catégorie 8) s'il a pris de l'alcool ou une drogue, sauf s'il s'agit d'un médicament expressément autorisé par un médecin et ne risquant pas de nuire à la conduite.

f)              L'entrepreneur sera responsable de tous les dommages causés au tracteur de la société (camion de catégorie 8) ou à la remorque par suite de sa négligence dans l'accomplissement de son travail, selon ce qui sera déterminé par la société, par exemple si des dommages sont ainsi causés aux portières ou si des pneus sont endommagés parce que l'entrepreneur conduisait alors que les tambours de frein étaient gelés.

g)             L'entrepreneur ne devra en aucune circonstance se disputer avec le personnel affecté à l'expédition ou à la réception ou vexer le personnel de quelque autre manière; toute question concernant le chargement ou le déchargement devra être discuté avec le centre de répartition.

h)             L'entrepreneur ne devra prendre aucune décision qui oblige la société à payer des réclamations pour dommages ou manquants. Sinon, la société lui fera payer le montant en cause. La direction et le centre de répartition sont les seuls à pouvoir obliger la société à payer quoi que ce soit.

i)               Tout accident de quelque nature que ce soit doit être immédiatement signalé à la société, et un rapport doit être rempli au moment de l'accident. Une déclaration doit accompagner le rapport d'accident ou d'incident de l'entrepreneur. La dissimulation ou la non-divulgation d'un accident ou d'un incident, ou toute divergence entre les faits et le rapport de l'entrepreneur, constitue un motif de résiliation du présent contrat.

j)               L'entrepreneur devra payer les amendes pour chargement de poids excessif attribuable au fait qu'il n'avait pas pesé sa charge pour veiller à ce que le poids en soit légal.

L'entrepreneur devra payer les amendes pouvant être imposées s'il présente un manifeste incomplet au moment de traverser une frontière.

ANNEXE « A »

a)              L'entrepreneur devra régulièrement laver le tracteur de la société (camion de catégorie 8) et la remorque pour éviter toute détérioration.

b)             L'entrepreneur devra hebdomadairement graisser le tracteur de la société (camion de catégorie 8) et la remorque et vérifier les niveaux de liquide.

c)              L'entrepreneur devra hebdomadairement vérifier la pression des pneus du tracteur de la société (camion de catégorie 8) et de la remorque.

d)             L'entrepreneur devra tenir un journal des travaux d'entretien et de réparation relatifs au tracteur de la société (camion de catégorie 8) et à la remorque.

[35]          Il ressort de ce qui précède que, malgré le fait que les chauffeurs étaient en droit de fournir des services de chauffeur à d'autres sociétés (4.03), ils ne pouvaient le faire que dans la mesure où cela n'entrait pas en conflit avec les exigences de l'appelante. On peut également constater que l'appelante imposait un nombre considérable d'obligations aux chauffeurs quant à la manière dont ces derniers devaient s'acquitter de leurs fonctions et responsabilités à l'égard des camions.

[36]          Tels sont les faits saillants que j'ai dégagés de la preuve présentée.

Application aux faits du critère à quatre volets

[37]          Au départ, on peut dire que l'intention des parties, ou du moins de l'appelante, était que les chauffeurs soient des entrepreneurs indépendants. C'est ainsi que les chauffeurs étaient étiquetés dans les contrats, et tel est l'arrangement que les contrats étaient censés établir. La façon sommaire dont les contrats étaient remis aux chauffeurs ainsi que l'attitude selon laquelle l'offre de la société était à prendre ou à laisser soulèvent un grand doute pour ce qui est de l'intention véritable des chauffeurs. Néanmoins, pour situer au mieux la thèse de l'appelante, je reconnais que telles étaient les conventions signées par l'appelante et les divers chauffeurs.

[38]          Toutefois, la Cour s'intéresse davantage à l'essence véritable de l'arrangement existant en fait entre les parties qu'à l'intention exprimée par ces dernières ou à la manière dont elles choisissent d'étiqueter les chauffeurs dans les contrats. L'intention ayant été exprimée dans la convention écrite, la Cour, en l'absence de preuve établissant clairement que l'essence de l'arrangement ne correspondait pas à l'intention exprimée par les parties ou à la manière dont les chauffeurs étaient étiquetés dans les contrats, devrait probablement être encline à accorder un poids considérable à la volonté exprimée par les parties. Cependant, si l'essence de l'arrangement n'est de toute évidence pas conforme à l'intention exprimée par les parties ou à la manière dont les chauffeurs étaient étiquetés dans les contrats, il est clair que c'est l'essence de l'arrangement que la Cour doit prendre en considération.

[39]          Contrôle — L'existence du contrôle ou de la supervision doit reposer principalement sur le droit d'exercer un contrôle ou une supervision, que ce droit soit ou non effectivement exercé. Il est clair que, plus un travailleur est un spécialiste compétent, moins il est nécessaire que la personne qui le paie exerce effectivement un contrôle ou une supervision. Dans le cas présent, il est clair que les chauffeurs étaient des conducteurs professionnels à qui l'on confiait des véhicules valant des dizaines, voire des centaines, de milliers de dollars. Il n'était pas nécessaire de superviser les chauffeurs quotidiennement. Toutefois, des éléments de contrôle étaient présents. Les chauffeurs ne pouvaient prendre les camions que pour la mission que leur assignait le centre de répartition. Ils ne pouvaient prendre ni utiliser les camions à d'autres fins. Ils étaient suivis par satellite. En pratique, ils ne pouvaient pas réellement refuser un chargement, sinon ils risquaient de perdre l'emploi qu'ils exerçaient. Ils devaient se présenter quotidiennement. Ils devaient faire approuver les réparations importantes. Ils devaient régulièrement graisser et laver les camions. Ils devaient être disponibles pour la société, ce qui limitait leurs possibilités de travailler pour d'autres. Ils devaient ramasser et livrer les marchandises dans des délais dont l'appelante convenait avec ses clients. Leur contrat pouvait être résilié suivant un préavis de 48 heures. Tous ces facteurs indiquent que les chauffeurs n'étaient absolument pas soustraits au contrôle de l'appelante. Le fait que les chauffeurs choisissaient leur propre parcours entre deux points déjà précisés, soit une distance en milles déjà déterminée, et qu'ils décidaient quand faire des pauses et se reposer n'enlève rien à cet élément de contrôle. Il est clair que l'appelante leur assurait un moyen de subsistance et qu'elle pouvait le leur retirer suivant un très bref préavis. Comme l'indiquent clairement les témoignages des chauffeurs, ceux-ci devaient se mettre au pas.

[40]          Cet aspect du critère, tant du point de vue du contrôle effectif que de celui du droit d'exercer un contrôle, indique clairement l'existence d'une relation employeur-employé, c'est-à-dire d'un contrat de louage de services.

[41]          Instruments de travail — Il n'y a vraiment guère d'éléments de preuve établissant que les chauffeurs fournissaient autre chose que leur capacité de conduire et leur permis de catégorie « A » , que je ne considère pas comme des instruments de travail au sens jurisprudentiel. Certains chauffeurs pouvaient avoir quelques outils personnels. Toutefois, le matériel principal était le camion, qui était fourni par l'appelante, tout comme le système de repérage par satellite et les téléphones cellulaires. Il est clair que les chauffeurs n'avaient guère investi dans du matériel, ce qui leur aurait donné le droit de réclamer de l'argent. Ils offraient leurs compétences, et le matériel était essentiellement fourni par l'appelante. À mon avis, cet aspect du critère indique également qu'un contrat de louage de services et non un contrat d'entreprise avait été conclu avec chacun des chauffeurs.

[42]          Chances de bénéfice et risques de perte — Les chauffeurs pouvaient gagner plus d'argent s'ils parcouraient un plus grand nombre de milles. Plus ils conduisaient, plus ils gagnaient d'argent et, à partir d'un certain point, le taux par mille augmentait. Toutefois, il ne s'agit pas là d'un bénéfice au sens entrepreneurial, soit le critère établi par les tribunaux d'appel dans ces types de causes. Les chauffeurs avaient des délais à respecter dans l'accomplissement de leur travail; ainsi, rien de ce qu'ils faisaient, sauf parcourir un plus grand nombre de milles, n'influait sur le gain qu'ils pouvait réaliser. En un sens, ils étaient payés à la pièce.

[43]          De même, il n'y avait aucun risque de perte pour eux, sauf s'ils endommageaient les camions par négligence. Telle était, semble-t-il, la situation avant 1997, à l'époque où les chauffeurs étaient clairement traités comme des employés. Donc, il n'y avait pour eux aucun risque de perte au sens entrepreneurial. Ce n'était pas comme si on avait pu prévoir un bénéfice ou une perte à la fin de chaque déplacement, selon un certain nombre de variables en fonction desquelles on se serait attendu à ce que les chauffeurs assument le risque. Les chauffeurs avaient droit à un montant fixe par mille, mais ils devaient payer eux-mêmes les amendes et pénalités pour infractions, ainsi que le coût de tout dommage causé par négligence. Encore là, cette absence totale de risque commercial indique clairement à mon avis qu'il s'agit d'un contrat de louage de services. Dans le cas d'un contrat conclu avec un véritable entrepreneur indépendant, les hauts et les bas de l'activité commerciale influent sur le montant gagné ou perdu. Cela me semble être une caractéristique du contrat d'entreprise, et elle était absente dans le cas présent.

[44]          Intégration — Je dois examiner ce volet du critère du point de vue des divers chauffeurs et non du point de vue de l'appelante. Il est rare que le payeur n'ait pas d'entreprise. Il faut déterminer à qui appartient l'entreprise par rapport au travail accompli par les chauffeurs. Les chauffeurs exploitaient-ils en fait leur propre entreprise individuelle distincte lorsqu'ils conduisaient les camions, ou est-ce que leur travail faisait vraiment partie de l'entreprise même de l'appelante? En d'autres termes, leur travail était-il intégré à l'entreprise de l'appelante et travaillaient-ils au sein de cette entreprise, ou fournissaient-ils simplement des services pour l'appelante de l'extérieur, dans le cadre de l'exploitation de leur propre entreprise individuelle? Le fait qu'ils travaillaient pour une seule personne est assurément pertinent, mais ce n'est pas un facteur déterminant. Cela ne signifie pas qu'un entrepreneur indépendant ne peut avoir qu'un seul client. En fait, ce peut être très fréquent à notre époque caractérisée par la haute technologie. Quoi qu'il en soit, c'est un facteur pertinent, qu'il faut prendre en considération dans la présente espèce. Aucun de ces chauffeurs n'exploitait son propre camion ni, apparemment, ne conduisait pour qui que ce soit d'autre. En fait, ils devaient être disponibles en priorité pour travailler pour l'appelante. Il n'y a bien franchement aucune preuve indiquant que l'un ou l'autre de ces chauffeurs menait quelque activité que ce soit dans le cadre de l'exploitation de sa propre entreprise. En effet, l'ensemble de l'arrangement semble avoir été imposé aux chauffeurs par l'appelante, ce qui jetait la confusion dans l'esprit de certains des chauffeurs, qui ont témoigné. À part le fait que deux ou trois chauffeurs avaient un nom commercial et faisaient payer de la TPS, fait sur lequel la preuve est bien mince, pratiquement rien n'indique que l'un d'eux était un entrepreneur travaillant à son compte. Si ces chauffeurs n'avaient pas conduit pour la société, celle-ci en aurait simplement trouvé d'autres, et ils se seraient retrouvés devant rien.

[45]          À mon avis, aucun élément de preuve n'indique que ces arrangements étaient vraiment des contrats d'entreprise comme ils étaient censés l'être. Tout indique en réalité que le travail des chauffeurs était pleinement intégré à l'entreprise de l'appelante aux termes de contrats de louage de services.

Conclusion

[46]          Lorsque j'examine, au bout du compte, non seulement les arbres qui composent la forêt, lesquels indiquent tous l'existence de contrats de louage de services, mais également la forêt dans son ensemble, je ne vois que des employés et non des entrepreneurs indépendants. À mon avis, les chauffeurs n'étaient pas assez indépendants de l'appelante pour que l'on puisse dire qu'ils ont été engagés aux termes de contrats d'entreprise.

[47]          Il ressort selon moi des causes soumises à la Cour que, bien trop souvent, non seulement dans le domaine du camionnage, mais aussi dans d'autres domaines, les parties pensent qu'il leur suffit de convenir du statut d'entrepreneur indépendant et de ne pas effectuer de retenues légales pour qu'il s'agisse d'un contrat d'entreprise. Il est clair que ces personnes sont mal informées, peu importe leur source de renseignements. C'est regrettable, car, tout comme dans le cas présent, les employeurs font souvent de nombreuses années plus tard l'objet d'évaluations où il est question de sommes considérables, qu'ils ne sont pas en mesure de recouvrer de leurs travailleurs. Cela les place dans une position très désavantageuse. Il leur reste une solution, soit élaborer un arrangement approprié et obtenir à l'avance une décision du ministre dans chaque cas. Malheureusement, trop peu d'entreprises choisissent de le faire.

[48]          En conséquence, les appels sont rejetés et les décisions du ministre sont confirmées.

Signé à Calgary (Alberta), ce 2e jour de janvier 2001.

« Michael H. Porter »

J.S.C.C.I.

Traduction certifiée conforme ce 8e jour de juin 2001.

Philippe Ducharme, réviseur

ANNEXE A

CARTIER, NORMAN

COZAC, PETER

FARREL, JAMES

FRANK, MICHAEL

HARRIS, CHRIS

ISFAN, DOUG

LEIBEL, JOANNE

LEWIS, HARVEY

MCEWEN, WADE

NEAULT, ROY

SANFORD, DON

THOMPSON, ROGER

YAKEL, JASON

ANNEXE B

ASHWORTH, JAMES

BECHARD, HECTOR

BELANGER, KEN

BULYAKI, JOSEPH

CARTIER, NORMAN

COZAC, PETER

DAVIS, JAMES

DRAGHICI, MARVIN

FLOREK, KEVIN

GESSNER, ERIC

HARRIS, CHRIS

HUSTON, MATTHEW

ISFAN, DOUG

KINRADE, SCOTT

LALIBERTE, MICHEAL

LEIBEL, JOANNE

LOWE, DALLAS

MARTIN, GERD

MCCULLOUGH, DOUG

MCEWEN, WADE

MCNABB, JOHN

MUXLOW, DALE

NEAULT, ROY

NEMETH, HENRY

SAKUNDIAK, WALTER

SANFORD, DON

TUDHOPE, BRIAN

WILLOCK, LYLE

YAKEL, JASON

ANNEXE C

BECHARD, HECTOR

BELANGER, KEN

COCKBURN, MICHAEL

DRAGHICI, MARVIN

FLOREK, KEVIN

GESSNER, ERIC

GIROUX, GARY

KINRADE, SCOTT

LALIBERTE, MICHAEL

LEIBEL, JOANNE

LOWE, DALLAS

MARTIN, GERD

MCCULLOUGH, DOUG

MCEWEN, WADE

MCNABB, JOHN

NEMETH, HENRY

RALSTON, STEVEN

ROYLE, TED

SEED, JAMES

YAKEL, JASON

ANNEXE D

CARTIER, NORMAN

COZAC, PETER

FARREL, JAMES

FRANK, MICHAEL

GRAHAM, DOUGLAS

HARRIS, CHRIS

ISFAN, DOUG

LEIBEL, JOANNE

LEWIS, HARVEY

MCEWEN, WADE

NEAULT, ROY

SANFORD, DON

THOMPSON, ROGER

YAKEL, JASON

ANNEXE E

BECHARD, HECTOR

BELANGER, KEN

COCKBURN, MICHAEL

DRAGHICI, MARVIN

FLOREK, KEVIN

GESSNER, ERIC

KINRADE, SCOTT

LALIBERTE, MICHAEL

LEIBEL, JOANNE

LOWE, DALLAS

MARTIN, GERD

MCCULLOUGH, DOUG

MCEWEN, WADE

MCNABB, JOHN

NEMETH, HENRY

RALSTON, STEVEN

ROYLE, TED

SEED, JAMES

YAKEL, JASON

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

1999-3612(EI)

1999-4881(EI)

ENTRE :

FARR FARMS TRANSPORT LTD.,

appelante,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

Appels entendus sur preuve commune avec les appels de Farr Farms Transport Ltd. (1999-3613(CPP), 1999-4883(CPP), 1999-4884(EI) et 1999-4888(CPP)), les 6 et 7 juillet 2000, à Regina (Saskatchewan) par

l'honorable juge suppléant Michael H. Porter

Comparutions

Avocat de l'appelante :               Me Barry Nychuk

Avocat de l'intimé :                              Me Stacy Cawley

JUGEMENT

          Les appels sont rejetés et les décisions du ministre sont confirmées selon les motifs du jugement ci-joints.

Signé à Calgary (Alberta), ce 2e jour de janvier 2001.

« Michael H. Porter »

J.S.C.C.I.

Traduction certifiée conforme

ce 8e jour de juin 2001.

Philippe Ducharme, réviseur


[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

1999-3613(CPP)

1999-4883(CPP)

ENTRE :

FARR FARMS TRANSPORT LTD.,

appelante,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

Appels entendus sur preuve commune avec les appels de Farr Farms Transport Ltd. (1999-3612(EI), 1999-4881(EI), 1999-4884(EI) et 1999-4888(CPP)), les

6 et 7 juillet 2000, à Regina (Saskatchewan) par

l'honorable juge suppléant Michael H. Porter

Comparutions

Avocat de l'appelante :               Me Barry Nychuk

Avocat de l'intimé :                              Me Stacy Cawley

JUGEMENT

          Les appels sont rejetés et les décisions du ministre sont confirmées selon les motifs du jugement ci-joints.

Signé à Calgary (Alberta), ce 2e jour de janvier 2001.

« Michael H. Porter »

J.S.C.C.I.

Traduction certifiée conforme

ce 8e jour de juin 2001.

Philippe Ducharme, réviseur


[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

1999-4884(EI)

ENTRE :

FARR FARMS TRANSPORT LTD.,

appelante,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé,

et

HENRY NEMETH,

intervenant.

Appel entendu sur preuve commune avec les appels de Farr Farms Transport Ltd. (1999-3612(EI), 1999-3613(CPP), 1999-4881(EI), 1999-4883(CPP) et 1999-4888(CPP)), les 6 et 7 juillet 2000, à Regina (Saskatchewan) par

l'honorable juge suppléant Michael H. Porter

Comparutions

Avocat de l'appelante :               Me Barry Nychuk

Avocat de l'intimé :                              Me Stacy Cawley

Pour l'intervenant :                     l'intervenant lui-même

JUGEMENT

          L'appel est rejeté et la décision du ministre est confirmée selon les motifs du jugement ci-joints.

Signé à Calgary (Alberta), ce 2e jour de janvier 2001.

« Michael H. Porter »

J.S.C.C.I.

Traduction certifiée conforme

ce 8e jour de juin 2001.

Philippe Ducharme, réviseur


[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

1999-4888(CPP)

ENTRE :

FARR FARMS TRANSPORT LTD.,

appelante,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé,

et

HENRY NEMETH,

intervenant.

Appel entendu sur preuve commune avec les appels de Farr Farms Transport Ltd. (1999-3612(EI), 1999-3613(CPP), 1999-4881(EI), 1999-4883(CPP) et 1999-4884(EI), les 6 et 7 juillet 2000, à Regina (Saskatchewan) par

l'honorable juge suppléant Michael H. Porter

Comparutions

Avocat de l'appelante :               Me Barry Nychuk

Avocat de l'intimé :                              Me Stacy Cawley

Pour l'intervenant :                     l'intervenant lui-même

JUGEMENT

          L'appel est rejeté et la décision du ministre est confirmée selon les motifs du jugement ci-joints.

Signé à Calgary (Alberta), ce 2e jour de janvier 2001.

« Michael H. Porter »

J.S.C.C.I.

Traduction certifiée conforme

ce 8e jour de juin 2001.

Philippe Ducharme, réviseur


[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

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