Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date: 20010709

Dossier: 2001-934-IT-I

ENTRE :

DAVID K. DONYINA,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifsdu jugement

Le juge en chef adjoint Bowman

[1]            Les appels en l'instance sont à l'encontre de cotisations établies pour les années d'imposition 1997 et 1998.

[2]            Deux questions sont soulevées, soit :

a)              la question de savoir si des pertes locatives à l'égard d'un appartement à Winnipeg étaient déductibles dans le calcul du revenu de l'appelant pour les années en cause;

b)             la question de savoir si des pertes subies à l'égard d'une entreprise alléguée, " Golden Seminars ", sont déductibles.

[3]            Les hypothèses sur lesquelles se fondent les cotisations sont les suivantes :

[TRADUCTION]

                Pertes locatives

a)              en novembre 1988, l'appelant a acheté le 40, promenade Dalhousie, appartement 1105, Winnipeg (Manitoba) (le " 40, Dalhousie "), soit une unité condominiale de deux chambres à coucher, pour 87 900 $;

b)             l'achat du 40, Dalhousie a été financé par un prêt hypothécaire de premier rang de 48 750 $ de Household Trust, par un prêt hypothécaire de deuxième rang de 9 750 $ de Reicor Capital Corp., par un prêt hypothécaire de troisième rang de 19 400 $ de Reicor Capital Corp. et par un prêt à l'investissement de 10 000 $ de la Banque de Nouvelle-Écosse;

c)              durant toute la période pertinente, le Manhatten Management Group demandait à l'appelant des frais de gestion représentant 36,6 p. 100 du loyer brut tiré du 40, Dalhousie;

d)             l'appelant a commencé à déduire des pertes locatives en 1988 et a, de 1988 à 1999, déclaré les montants suivants comme revenus de location et pertes locatives à l'égard du 40, Dalhousie :

                                                Revenu brut                                     Perte nette

1988                                                315 $                                               ( 14 093 $)

1989                                             7 560 $                                               ( 13 484 $)

1990                                             9 689 $                                                ( 9 741 $)

1991                                           16 345 $                                               ( 32 316 $)

1992                                             2 314 $                                               ( 12 138 $) *

1993                                             3 525 $                                                ( 9 682 $) *

1994                                             7 395 $                                                ( 8 703 $) *

1995                                           NÉANT                                                 NÉANT

1996                                             7 200 $                                                ( 3 560 $)

1997                                             7 200 $                                               ( 13 525 $)

1998                                             2 560 $                                                ( 9 452 $)

1999                                             6 400 $                                                ( 2 323 $)

* pour les années d'imposition 1992, 1993 et 1994, le ministre a établi à l'égard de l'appelant de nouvelles cotisations où il a refusé les pertes locatives;

e)              pour les années d'imposition 1997 et 1998, l'appelant a déclaré les montants figurant à l'annexe " A " ci-jointe comme revenus de location, dépenses de location et pertes locatives;

f)              le loyer demandé n'était pas suffisant pour compenser les intérêts hypothécaires et impôts fonciers relatifs au 40, Dalhousie;

g)             pour l'année d'imposition 1997, un montant indiqué comme paiement à H & R Developments représentait non pas une dépense liée à la prétendue activité de location, mais plutôt un acompte relatif à un bien situé au 1011, promenade Bancroft, Mississauga (Ontario);

h)             le paiement à H & R Developments pour l'année d'imposition 1997 était une dépense en capital;

i)               pour les années d'imposition 1997 et 1998, les revenus / (pertes) de l'appelant provenant de la prétendue location du 40, Dalhousie ont été d'au plus 368 $ et (5 161 $) respectivement, comme l'indiquent les annexes " B " et " C " ci-jointes;

j)               l'appelant n'a déclaré aucun profit à l'égard de la prétendue activité de location depuis le début de celle-ci;

k)              pour les années d'imposition 1997 et 1998, les dépenses de location n'ont pas été faites ou engagées ou, si elles ont été faites ou engagées, elle ne l'ont pas été en vue de gagner un revenu;

l)               l'appelant n'avait pas d'attente raisonnable de profit à l'égard de la location du 40, Dalhousie durant les années d'imposition 1997 et 1998;

m)             les dépenses de location pour les années d'imposition 1997 et 1998 étaient des frais personnels ou de subsistance de l'appelant;

                Pertes d'entreprise

                [1]l'appelant en a déduit des dépenses de 34 789 $ et de 25 224 $ respectivement, ce qui donnait lieu à des pertes de 17 117 $ et de 8 795 $ respectivement, soit des pertes provenant d'une prétendue entreprise appelée Golden Seminars (l'" Entreprise ");

o)             pour l'année d'imposition 1997, concernant la perte susmentionnée de 17 117 $, l'appelant a déduit sa part de 50 %, soit 8 558 $;

p)             pour l'année d'imposition 1998, concernant la perte susmentionnée de 8 795 $, l'appelant en a déduit le montant total, soit 8 795 $;

q)             l'appelant a commencé l'Entreprise en 1996;

r)              durant toute la période pertinente, l'appelant et sa conjointe étaient associés à parts égales dans l'Entreprise;

s)              l'appelant a commencé à déduire des pertes d'entreprise en 1996 et a, de 1996 à 1998, déclaré les montants suivants comme revenus, dépenses et profits / (pertes) attribuables à l'Entreprise :

                                                     Revenu brut                     Dépenses                Profit / (perte) net

1996                                     2 340 $                             24 157 $                      (21 817 $) *

1997                                   17 672 $                             34 789 $                      (17 117 $) *

1998                                   16 429 $                             25 244 $                       ( 8 795 $) **

* l'appelant a déduit 50 % de la perte nette

** l'appelant a déduit 100 % de la perte nette;

t)              l'appelant n'a jamais déclaré un profit à l'égard de la prétendue activité d'entreprise depuis le début de celle-ci;

u)             l'appelant a mis un terme à l'Entreprise en 1999;

v)                    pour les années d'imposition 1997 et 1998, les revenus / (pertes) de l'appelant provenant de la prétendue entreprise ont été d'au plus (2 569 $) et 1 635 $ respectivement, et la part de 50 % de l'appelant représente (1 284 $) et 817 $ respectivement, comme l'indiquent les annexes " D " et " E " ci-jointes;

w)             pour les années d'imposition 1997 et 1998, les dépenses d'entreprise indiquées n'ont pas été faites ou engagées ou, si elles ont été faites ou engagées, elles ne l'ont pas été en vue de tirer un revenu d'une entreprise ou d'un bien;

x)              durant les années d'imposition 1997 et 1998, la prétendue entreprise n'avait pas d'attente raisonnable de profit;

y)             pour les années d'imposition 1997 et 1998, les dépenses d'entreprise indiquées étaient des frais personnels ou de subsistance de l'appelant.

[4]            L'appelant est un ingénieur qui a travaillé pour le ministère de l'Environnement de l'Ontario. Il a un doctorat en génie métallurgique de la University of Toronto.

[5]            Lorsque, en 1988, l'appelant a acheté le bien à Imperial Anaheim, on lui a remis une brochure décrivant en termes élogieux le bien, ses perspectives commerciales et ses avantages fiscaux. Pour illustrer le genre de choses que l'on avait promises à l'appelant, je reproduis des extraits de cette brochure.

[TRADUCTION]

La réalisation de vos objectifs en matière de production

de revenu et d'économie d'impôt :

une perspective naturelle

INESTIMABLE!

C'est un fait! Des possibilités de production de revenu IMMOBILIER offrant des avantages inestimables.

A)      Pourquoi j'ai opté pour Imperial Anaheim

·          Allégement fiscal immédiat à concurrence de 18 195 $ la première année ou propriété avec avantages fiscaux réguliers

·          Avantages en matière de gains en capital

·          Gestion immobilière professionnelle suivie

·          Condominium de choix productif de revenu

·          Pas de garantie ni d'argent comptant requis à la date de conclusion

·          Protection contre l'inflation

·          Hypothèques à échéance fixe initiale de 6 %.

Les promoteurs ont créé un programme unique en son genre qui ne comporte pas de versement initial immédiat ni de frais de conclusion.

Imperial Anaheim a souvent fourni à ses clients le montant des paiements bancaires de financement de deuxième rang jusqu'à ce qu'ils reçoivent le montant de leurs déductions d'impôt sur le revenu à la source.

B)       La formule productive de revenu d'Imperial Anaheim

·          Prenez rendez-vous avec un chargé principal de compte

·          Nos comptables établiront une analyse personnelle de flux de trésorerie

·          Choisissez votre unité condominiale productive de revenu

·          Nous organisons le financement " total "

·          Vous recevez le " titre " sur une unité condominiale productive de revenu

·          Un comptable agréé remplira vos déclarations initiales de revenu

·          Nous fournissons de l'information fiscale suivie pour l'établissement de vos déclarations annuelles de revenu

·          Imperial Anaheim fournira des services de gestion immobilière suivis et veillera à la protection et au maintien du revenu, y compris concernant les demandes immédiates relatives aux déductions d'impôt sur le revenu à la source.

C)       Conditions à remplir pour être accepté comme client d'Imperial Anaheim

·          Revenu annuel de 30 000 $ ou plus

·          Bonne cote de solvabilité.

D)       Avantages

·          Aide à la revente à tarif forfaitaire par l'entremise d'un agent immobilier détenteur de permis

·          Rendement privilégié des capitaux propres

·          Garantie en matière de flux de trésorerie

·          Courtage et évaluations

·          Aide financière

·          Protection du revenu " pleinement définie " pour sept ans

·          Augmentations annuelles de loyer de 5 % " pleinement définies "

·          Flux de trésorerie positifs en 1988

·          Remboursements d'impôt immédiats

·          Financement à 100 %

·          Entretien suivi pendant sept ans et garantie d'assurance " par unité "

·          Gestion immobilière professionnelle suivie pendant cinq à dix ans " à votre choix ".

E)       Club des membres

          Avantages en matière d'utilisation personnelle

          Affiliation à un club sportif situé dans la région de Naples et de Fort Myers en Floride, près du Golf du Mexique. Un centre de villégiature " Four Seasons " récemment construit a été conçu pour répondre aux besoins actuels et futurs de nos propriétaires ainsi que de leurs familles et de leurs invités. Chaque client achetant une unité condominiale " canadienne " productive de revenu aura des privilèges " constants " et " pleinement définis " relativement au club des membres en Floride. Un deuxième centre de villégiature sera bientôt ouvert près de Gray Rocks et de Mont-Tremblant dans la région québécoise des Laurentides.

F)       Avantages INESTIMABLES

          Dispositions de " rachat " hypothécaire pleinement définies pour la septième année

          Protection du patrimoine

          Financement de deuxième rang — assurance-vie pour une période de cinq à dix ans.

G)       Condominiums à Ottawa et à Winnipeg avec installations inspirées de clubs sportifs de Palm Beach.

          COMMODITÉS

Sauna*

Salle de jeux*

Centre de culture physique*

Cuisinière et réfrigérateur*

Antenne parabolique*

Lave-vaisselle*

Système d'interphone de sécurité*

Laveuse*

Piscine extérieure*

Sécheuse*

Foyer au bois*

Climatiseur*

Les meilleurs condominiums au Canada, sans contredit.

Imperial Anaheim est une des organisations les plus innovatrices au Canada en matière de gestion immobilière et de production de revenu immobilier.

*         S'applique à certains modèles

AVANTAGES POUR LES ACHETEURS

ET FAITS SAILLANTS

Chaque option immobilière s'accompagne d'une gamme complète de services.

1               Le taux moyen d'inoccupation pour les dix plus grandes villes de l'Ontario est actuellement de 0,8 %, alors qu'il était de 1,9 % en avril 19831.

2               En matière de " liquidité " supplémentaire, le promoteur offrira une aide à la revente " à tarif forfaitaire ". CET AVANTAGE sera offert selon la formule " premier demandé - premier racheté ". Sous réserve des définitions.

3               Comme chaque acheteur aura le titre de propriété sur une unité condominiale particulière, il aura la " latitude " nécessaire pour vendre son unité à d'autres acheteurs.

4               Les acheteurs sont assurés d'un taux d'intérêt favorable sur leurs emprunts hypothécaires grâce à une période initiale d'ACHAT D'UNE RÉDUCTION d'intérêts hypothécaires garantis. Voir les détails dans l'annexe financière.

5               Grâce à du financement de deuxième rang organisé d'avance, les acheteurs admissibles ont une OCCASION UNIQUE EN SON GENRE D'ÊTRE FINANCÉS À 100 %.

6               DES BILLETS D'ASSURANCE-VIE seront émis à l'égard des avances consenties par le promoteur pour aider à la protection du patrimoine.

7               UNE PROTECTION SUPPLÉMENTAIRE DU PATRIMOINE est offerte grâce à l'engagement des promoteurs d'acheter jusqu'à deux unités par année du patrimoine des propriétaires pendant une période pouvant aller jusqu'à sept ans après l'écoulement des unités. Sous réserve de certaines conditions.

8               Chaque acheteur individuel aura une GARANTIE supplémentaire SOUS FORME DE DROIT DE COMPENSATION en ce que toutes les dépenses pourront être PRISES EN COMPTE aux fins de l'impôt sur le revenu.

9               Le promoteur continuera de fournir à chaque client un certain nombre d'assurances et de services financiers pour aider chaque propriétaire. Les condominiums ont été constitués de manière à maximaliser la position après impôt des acheteurs et de manière à fournir des services en vue de minimaliser la participation personnelle.

10             Tous les frais de démarrage et coûts de commercialisation initiaux seront payés par Imperial Anaheim.

11             UN POTENTIEL DE LIQUIDITÉ AVANTAGEUX est réalisé grâce à deux options permettant à l'acheteur d'atteindre une position de liquidité : propriété d'une unité condominiale individuelle; disposition de rachat " hypothécaire pleinement définie " pour la septième année à partir de la première année de propriété.

12             TRAITEMENT DES GAINS EN CAPITAL. Un incitatif gouvernemental important a été établi avec l'introduction de l'exonération cumulative des gains en capital pour encourager les Canadiens à investir dans des immeubles productifs de revenus. Les gains en capital sur la vente de l'immeuble seront exonérés d'impôt à concurrence de 100 000 $.

13             Programme de protection en matière de flux de trésorerie pleinement défini pour une période de sept ans.

14             Programme d'assurance ainsi que d'entretien et de réparation à tarif forfaitaire garanti pour sept ans.

15             Pour les années initiales de propriété, programme " prépayé et pleinement défini " de rendement privilégié garanti des capitaux propres.

1 Étude réalisée par Clayton Research Associates Ltd., Economic Consultants, 1985.

2 Rapport de la Commission into Residential Tenancies, volume 1, août 1984.

QUI NOUS SOMMES

                Le groupe Imperial Anaheim comprend diverses divisions s'occupant, notamment, de la mise en valeur immobilière, de l'acquisition de terrains, de la gestion immobilière et de la décoration d'intérieurs.

                Chaque division a un rôle distinct, le but commun étant d'élaborer des projets d'investissement dans des condominiums productifs de revenus.

[6]            La société Imperial Anaheim a disparu après la première année environ et l'appelant, malgré les garanties, a dû se débrouiller tout seul. Il a remboursé les prêts hypothécaires de deuxième et troisième rangs. Il n'a pas emprunté pour ce faire. Il a maintenu l'hypothèque de premier rang en faveur de Household Trust, car il croyait que, s'il abandonnait simplement le bien, il serait poursuivi en raison de son engagement. Les seuls intérêts déduits pour 1997 et 1998 sont les intérêts sur le prêt hypothécaire de premier rang de Household Trust.

[7]            De temps en temps, l'appelant mettait le bien en vente et, en l'an 2000, il a fini par le vendre, pour 45 000 $. Cela a à peine couvert le solde du prêt hypothécaire de premier rang.

[8]            Le principe de l'attente raisonnable de profit a évolué. Pendant un certain temps après l'affaire Moldowan, les répartiteurs de l'impôt ont, avec ferveur, refusé des pertes qu'ils considéraient rétrospectivement comme résultant d'une activité exercée sans attente raisonnable de profit. Leur ferveur a été beaucoup tempérée par des jugements comme Tonn c. La Reine, [1996] 2. C.F. 73 (96 DTC 6001); P.G. du Canada c. Mastri, [1998] 1 C.F. 66 (97 DTC 5420); Mohammad c. La Reine, C.A.F., no A-652-96, 28 juillet 1997 (97 DTC 5503); Kuhlmann c. La Reine, C.A.F., no A-981-96, 30 octobre 1998 (98 DTC 6652); Walls c. La Reine, C.A.F., no A-163-96, 23 novembre 1999 (2000 DTC 6025) (en appel devant la C.S.C.); Milewski c. La Reine, C.C.I., no 97-3096(IT)G, 12 août 1999 (99 DTC 968) (confirmé par C.A.F., no A-596-99, 26 septembre 2000 (2000 DTC 6559)) Kaye c. La Reine , C.C.I., no 97-2772(IT)I, 9 avril 1998 (98 DTC 1659); Costello c. La Reine, C.C.I., no 97-407(IT)I, 8 janvier 1998 (98 DTC 1362); Smith c. La Reine, C.C.I., no 92-604(IT)G, 20 octobre 1995 (96 DTC 1886); Saunders c. R., C.C.I., no 96-1999(IT)I, 5 février 1998 ([1998] 2 C.T.C. 3196), et Roopchan c. La Reine, C.C.I., no 94-2533(IT)I, 12 avril 1995 (96 DTC 1338), ainsi que par des décisions antérieures de notre cour : Bélec c. La Reine, C.C.I., no 93-3443(IT)I, 5 août 1994 (95 DTC 121); Nichol c. La Reine, C.C.I., no 91-2094(IT)G, 9 septembre 1993 (93 DTC 1216), et N. Cipollone c. La Reine, C.C.I., no 94-54(IT)I, 24 août 1994 ([1995] 1 C.T.C. 2598). Le plus récent jugement sur cette question est Keeping c. La Reine, C.A.F., no A-372-99, 4 février 2001 (2001 F.C.A. 182).

[9]            Je ne vais pas citer ces jugements ni les analyser en long et en large. Je pense qu'il suffit de résumer certains des principes qu'ils semblent établir.

1.              En l'absence d'un élément personnel, le critère de l'attente raisonnable de profit doit être appliqué avec modération (Tonn, Keeping, Bélec et Walls). L'absence d'un élément personnel n'établit pas définitivement que le principe de l'attente raisonnable de profit ne peut être invoqué, mais une telle absence est un facteur qui a beaucoup de poids (Mastri).

2.              Le ministre ou le tribunal ne doit pas rétrospectivement porter un jugement sur le sens des affaires d'un contribuable qui s'est lancé de bonne foi dans une entreprise commerciale (Keeping, Tonn, Nichol, Kuhlmann, Bélec et Smith).

3.              Le fait qu'une entreprise ou qu'un bien soit financé à 100 p. 100 n'est pas en soi une raison pour appliquer le principe de l'attente raisonnable de profit (Milewski, Mohammad et Saunders).

4.              Il faut laisser au contribuable une période de temps raisonnable aux fins de l'établissement de l'entreprise (Keeping). Une telle période variera selon les circonstances et pourra bien être longue (Milewski).

5.              Le principe de l'attente raisonnable de profit ne doit pas être invoqué en remplacement d'une analyse. Avant d'invoquer ce principe, le répartiteur de l'impôt doit examiner les dépenses pour déterminer si elles sont raisonnables ou si, pour une autre raison, elles ne sont pas déductibles (Smith, Costello et Cipollone).

6.              Une attente de profit irrationnelle, absurde et ridicule n'est pas une attente raisonnable (Kuhlmann).

7.              Le fait qu'un investissement ou une entreprise soit en partie motivé par des considérations fiscales n'est pas pertinent quant à savoir s'il existe une entreprise et, en soi, une motivation fiscale n'est pas pertinente dans la détermination de la déductibilité de dépenses si une entreprise existe (Stubart Investments Limited c. La Reine, [1984] 1 R.C.S. 536 (84 DTC 6305), à moins évidemment que le ministre ne choisisse d'invoquer la règle générale anti-évitement prévue à l'article 245, auquel cas la situation est fondamentalement différente.

8.              Lorsque des pertes ont été déclarées, puis refusées, la première question est de savoir s'il s'agit de " frais personnels ou de subsistance ", dont la définition législative inclut le critère de l'attente raisonnable de profit. Dans la négative, le critère de l'attente raisonnable de profit doit être appliqué avec un soin extrême et il faut alors déterminer s'il y a une entreprise. L'existence d'une attente raisonnable de profit n'est qu'un facteur dans cette détermination (Kaye).

9.              La question du caractère raisonnable de dépenses se pose dans le contexte d'une entreprise existante - l'article 67 interdit la déduction de dépenses qui ne sont pas raisonnables - ainsi qu'à l'étape initiale consistant à déterminer s'il y a une entreprise (Kaye).

10.            Si ce qui est manifestement un bien locatif a été acquis et détenu dans le cadre d'un projet comportant un risque de caractère commercial et qu'il était raisonnable de s'attendre à en tirer un profit à la revente, les pertes (soit les frais de possession engagés moins les loyers reçus) ne doivent pas être refusées selon le principe de l'attente raisonnable de profit (Roopchan). Le tribunal doit toutefois examiner avec soin une déclaration a posteriori selon laquelle un bien détenu à perte pendant un certain nombre d'années fait partie d'une opération spéculative motivée par une revente à profit. Ce n'est pas quelque chose que l'on s'attendrait qu'une personne admette facilement si le bien a été vendu à profit.

11.            Si le contribuable a plusieurs biens locatifs et que certains donnent lieu à un profit, tandis que d'autres donnent lieu à une perte, il ne convient pas d'appliquer le critère de l'attente raisonnable de profit aux biens donnant lieu à une perte et de faire fi des biens donnant lieu à un profit. L'investissement doit être examiné dans son ensemble (Smith).

12.            Les décisions quant à savoir quand lancer une entreprise et quand l'abandonner sont des décisions d'ordre commercial dans lesquelles ni les autorités fiscales ni le tribunal ne doivent intervenir (Nichol). Néanmoins, si des pertes continuent d'être subies année après année pendant une période excessive, il faut tôt ou tard appliquer le principe selon lequel " trop, c'est trop " et considérer que ce qui pourrait avoir été une entreprise viable s'est révélé avec le temps un cas désespéré et que la meilleure chose à faire de cette entreprise est d'y mettre fin convenablement. Il faut toutefois considérer avec beaucoup de respect la décision d'un homme d'affaires de maintenir une entreprise.

[10]          En appliquant ces principes (ou ceux d'entre eux qui sont pertinents) à la présente espèce, il est évident que le ministre s'est trompé en appliquant le principe de l'attente raisonnable de profit à l'activité locative exercée par M. Donyina à Winnipeg. Le bien avait été acheté purement à titre d'investissement. Il n'y avait aucun élément personnel. Les dépenses n'étaient pas déraisonnables. L'appelant - un homme intelligent - a agi de bonne foi en suivant les avis qu'il avait reçus du promoteur et il n'avait aucune raison de douter de l'exactitude de ces avis. Rétrospectivement, il semble évident que l'appelant s'est fait avoir, mais il ne m'appartient pas de juger après coup son appréciation commerciale. Il ne saurait être responsable du fait que le promoteur a disparu et que les garanties ont perdu toute valeur. L'appelant avait essayé de vendre le bien plus tôt, mais il l'a gardé aussi longtemps qu'il l'a fait parce qu'il craignait d'être poursuivi en raison de l'engagement relatif à son emprunt hypothécaire de premier rang. Les autres emprunts hypothécaires et dettes ont été remboursés relativement tôt, de sa poche.

[11]          Je ne vois aucune raison d'appliquer le critère de l'attente raisonnable de profit à l'activité locative de l'appelant à la lumière de la jurisprudence à laquelle j'ai fait référence et que j'ai résumée.

[12]          Toutefois, certaines des dépenses indiquées par l'appelant n'étaient pas étayées. Plus précisément, les 10 000 $ versés à H & R Development en 1997 n'avaient rien à voir avec l'activité locative et ne sont pas admissibles. En outre, bien que je reconnaisse que des impôts fonciers ont selon toute probabilité été payés à l'égard du 40, Dalhousie, j'en ignore le montant. La déduction d'impôts fonciers dans le calcul de la perte locative de l'appelant n'est donc pas admise.

[13]          Pour ce qui est de la déduction de pertes provenant de l'activité de Golden Seminars, il semble que, après que l'appelant eut perdu son emploi, lui et son épouse ont commencé à organiser des séminaires au cours desquels l'appelant donnait des conférences sur des questions comme :

(i)             les investissements immobiliers;

(ii)            le pouvoir destructeur du sexe;

(iii)           le service au client.

[14]          Les compétences de l'appelant pour donner des conférences sur de telles questions n'étaient pas évidentes, mais j'ose dire que l'appelant doit avoir appris quelque chose de son malheureux investissement à Winnipeg.

[15]          L'appelant avait indiqué que lui et son épouse étaient associés à parts égales pour 1996 et 1997, mais pas pour 1998.

[16]          L'appelant a mis fin à cette activité en 1999. Golden Seminars présentait certaines des caractéristiques d'un commerce. Elle générait des revenus et avait des dépenses. Je ne pense toutefois pas que c'était une entreprise selon le critère que j'ai énoncé dans l'affaire Kaye c. La Reine C.C.I., no 97-2772(IT)I, 9 avril 1998, à la p. 2 (98 DTC 1659, à la p. 1660) :

                [4]            Je ne trouve pas particulièrement utile, dans les cas de ce genre, l'utilisation de l'expression rituelle, et je préfère formuler ainsi la question : " Y a-t-il une entreprise véritable? " C'est une question plus générale qui, je crois, revêt plus de sens et qui, du moins en ce qui me concerne, mène à une série de questions et de réponses plus concluantes. Il ne fait pas de doute qu'elle englobe la question du caractère raisonnable de l'attente de profit du contribuable, mais elle va aussi plus loin. Comment peut-on dire qu'un entrepreneur faisant le forage de puits d'exploration a une attente raisonnable de profit et qu'il exploite une entreprise quand on connaît le très faible taux de succès de ce genre d'entreprise? Pourtant, personne ne conteste le fait que les compagnies du genre exploitent une entreprise. C'est le caractère commercial de l'entreprise, révélé par sa structure, qui en fait une entreprise. L'intention subjective de faire de l'argent entre certes en ligne de compte, mais ce n'est pas le facteur déterminant, bien que l'absence d'une telle intention puisse nuire à l'assertion qu'une activité est une entreprise.

                [5]            On ne peut considérer le caractère raisonnable de l'attente de profit de façon isolée. Il faut se demander : " Est-ce qu'une personne raisonnable qui examine une activité en particulier et applique des normes courantes de gestion d'entreprise affirmerait qu'il s'agit bien d'une entreprise? " Pour répondre à la question, la personne raisonnable fictive examinerait entre autres choses la structure du capital, les connaissances du participant et le temps consacré à l'activité. Elle évaluerait également si la personne qui prétend exploiter une entreprise a procédé de façon ordonnée et méthodique, de la manière dont une personne en affaires procéderait normalement.

                [6]            Cela mène à une autre considération — soit la question du caractère raisonnable. L'article 67 de la Loi de l'impôt sur le revenu traite en particulier du caractère raisonnable des dépenses, mais la notion n'est pas coulée dans le béton. L'article 67 s'applique dans le contexte d'une entreprise et suppose l'existence d'une entreprise. C'est également un des volets de la question visant à déterminer si une activité particulière est une entreprise. Par exemple, on ne peut dire, en l'absence de raisons contraignantes, qu'une personne dépenserait 1 000 000 $ si tout ce dont elle pouvait raisonnablement s'attendre de tirer est un revenu de 1 000 $.

                [7]            En fin de compte, les choses se résument à évaluer, en faisant preuve de sens pratique, l'ensemble des facteurs, en accordant à chacun l'importance qui convient dans le contexte global. Bien entendu, on ne doit pas faire fi de la vision et de l'imagination de l'entrepreneur, mais ce sont là deux aspects qui sont difficiles à évaluer à prime abord. En d'autres termes, si vous voulez qu'on vous traite comme un homme d'affaires, agissez en homme d'affaires.

[17]          Les dépenses de l'appelant incluent des frais de trajet et des frais d'automobile, mais il ne s'agit que d'estimations. L'appelant ne tenait essentiellement aucun registre. Il n'avait aucune idée quant à savoir qui assistait à ses séminaires ou combien d'argent était perçu. Bon nombre des dépenses indiquées se rapportaient à des éléments en capital. Certaines dépenses comme les frais d'adhésion à un centre de culture physique étaient des frais personnels. L'appelant n'a tenu que quelques séminaires, dont au moins un à Pittsburgh.

[18]          La déclaration des revenus et des dépenses a été faite au hasard. Les dépenses indiquées étaient très disproportionnées par rapport aux revenus déclarés.

[19]          J'aurais pu passer la preuve en revue et découvrir quelles dépenses étaient des dépenses prouvées et déductibles et lesquelles ne l'étaient pas, mais je doute que je serais arrivé à un chiffre bien différent de celui du répartiteur de l'impôt (perte de 2 569 $ pour 1997 et profit de 1 635 $ pour 1998), dont 50 p. 100 sont attribuables à l'appelant et 50 p. 100 à sa conjointe. Je pense toutefois qu'il est plus approprié d'appliquer le raisonnement que j'ai utilisé dans l'affaire Kaye et de rejeter la demande de déduction de l'appelant relative aux pertes provenant de l'activité de Golden Seminars.

[20]          Les appels sont admis et les cotisations sont déférées au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelles cotisations, de manière que soit acceptée la partie des pertes locatives admise dans les motifs du jugement.

[21]          Il n'y aura aucune ordonnance quant aux dépens.

Signé à Ottawa, Canada, ce 9e jour de juillet 2001.

" D. G. H. Bowman "

J.C.A.

Traduction certifiée conforme ce 26e jour de septembre 2001.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Mario Lagacé, réviseur

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

2001-934(IT)I

ENTRE :

DAVID K. DONYINA,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Appels entendus le 8 juin 2001 à Toronto (Ontario), par

l'honorable juge en chef adjoint D. G. H. Bowman

Comparutions

Représentant de l'appelant :                  Brian McFarlane, CA

Avocate de l'intimée :                           Me Sherry Darvish

JUGEMENT

          Il est ordonné que les appels des cotisations établies en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour les années d'imposition 1997 et 1998 soient admis et les cotisations déférées au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelles cotisations, de manière que soit acceptée la partie des pertes locatives admise dans les motifs du jugement.

          Il n'y aura aucune ordonnance quant aux dépens.


Signé à Ottawa, Canada, ce 9e jour de juillet 2001.

" D. G. H. Bowman "

J.C.A.

Traduction certifiée conforme

ce 26e jour de septembre 2001.

Mario Lagacé, réviseur




[1]               Le début de l'alinéa n) ne figure pas dans la réponse à l'avis d'appel déposée auprès de la Cour.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.