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Date: 20000803

Dossier: 1999-3801-IT-I

ENTRE :

LOUISE VAILLANCOURT,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

La juge Lamarre Proulx, C.C.I.

[1]            Il s'agit d'un appel concernant la détermination de la prestation fiscale pour enfants à laquelle l'appelante peut avoir droit pour ses enfants Mathieu, Marc-André et Maxime. Les périodes en litige sont pour Mathieu, du mois de mars 1997 au mois de mai 1998, pour Marc-André du mois de janvier 1998 au mois de mai 1998, et pour Maxime du mois de novembre 1997 au mois de mai 1998.

[2]            La question principale en litige est de savoir qui du père ou de la mère était la personne qui assumait principalement le soin et l'éducation des enfants. Il faut aussi pour quelques périodes ou une partie des périodes, déterminer avec lequel des parents chacun des enfants résidait.

[3]            Pour établir à néant les prestations fiscales de l'appelante, le ministre du Revenu national (le « Ministre » ), s'est appuyé sur les faits décrits au paragraphe 6 de la Réponse à l'avis d'appel, la Réponse, comme suit :

a)              l'appelante et monsieur Daniel Bergeron sont nés trois enfants :

b)             de l'union de l'appelante et de monsieur Daniel Bergeron sont nés trois enfants :

i)               Mathieu, le 21 juillet 1981,

ii)              Marc-André, le 7 octobre 1983,

iii)             Maxime, le 18 août 1986;

c)              le 14 octobre 1994 un consentement entre les parties établissait la garde des enfants selon les modalités suivantes :

i)               le père obtenait la garde de l'enfant Mathieu;

ii)              les enfants Marc-André et Maxime faisaient l'objet d'une garde partagée;

d)             le 18 décembre 1995, un consentement en modification des mesures accessoires établissait, entre autres, que les trois enfants faisaient l'objet d'une garde partagée;

e)              le père, monsieur Daniel Bergeron, a déposé au mois de février 1998 une demande de prestation fiscale pour enfants, alléguant, entre autres, que la garde partagée à l'égard de l'enfant Mathieu n'avait jamais été exercée et que ce dernier avait toujours demeuré chez lui;

f)              suite à une étude du Ministre, il a été établi que les enfants ont vécu chez leur père pendant les périodes suivantes :

i)               Mathieu, depuis 1993,

ii)              Marc-André, du mois de janvier 1998 au mois de juin 1998;

iii)             Maxime, du mois de novembre 1997 au mois de mars 1998.

g)             à l'égard de l'enfant Maxime, le Ministre a établi qu'il a existé une garde partagée pendant les mois d'avril, mai et juin 1998, qu'un partage des prestations fiscales était possible avec l'accord du père, mais aucune entente n'est intervenue;

h)             le Ministre, le 20 août 1998, procéda à l'émission d'avis de prestation fiscale pour enfants qui déterminait que le père était la personne qui assumait principalement les soins et l'éducation des enfants à l'égard des années de base 1995 et 1996 :

i)               Mathieu, du mois de mars 1997 au mois de juin 1998;

ii)              Marc-André, du mois de janvier 1998 au mois de juin 1998;

iii)             Maxime, du mois de novembre 1997 au mois de juin 1998;

i)               le 29 septembre 1998, un consentement en modification des mesures accessoires établissait, entre autres, que les trois enfants étaient confiés au père.

[4]            L'appelante a témoigné pour sa partie. Monsieur Daniel Bergeron, le père des enfants, a témoigné à la demande de l'avocat de l'intimée.

[5]            L'appelante a admis les alinéas 6a) à 6d), 6f)ii) et iii) et 6i) de la Réponse. Elle a corrigé la date de naissance de son fils Maxime paraissant au sous-alinéa 6b)iii) de la Réponse par le 19 août 1986.

[6]            Le consentement mentionné à l'alinéa 6c) a été déposé comme pièce I-1. L'appelante s'est référée à l'article 10 de ce consentement qui se lit comme suit :

10.            Toutefois, les allocations familiales versées au bénéfice des enfants Mathieu, Marc-André et Maxime ainsi que les prestations fiscales fédérales versées au profit des enfants Mathieu, Marc-André et Maxime seront versées à la demanderesse;

S'il en était, les allocations familiales et prestations fiscales versées au bénéfice de l'enfant Mathieu au défendeur seront remises par lui à la demanderesse aussitôt;

[7]            Le consentement sur la requête du défendeur en modification des mesures accessoires mentionné à l'alinéa 6d) de la Réponse a été déposé comme pièce I-2. L'appelante s'est référée aux articles 3 à 7 de ce document pour démontrer que c'était elle qui assurait la majeure partie des coûts reliés à l'entretien et l'éducation des enfants.

[8]            Le document mentionné à l'alinéa 6i) de la Réponse a été produit comme pièce I-3. L'appelante était contre la présentation de ce document vu qu'il avait été exécuté après les périodes en litige. La première page de la Requête du défendeur en modification des mesures accessoires était attachée au Consentement. Le paragraphe 5 de cette requête se lit, pour la partie qui paraît sur la première page, comme suit :

5.              Malgré le paragraphe 1 dudit consentement, les parties n'ont jamais exercé la garde partagée de l'enfant Mathieu, qui a vécu exclusivement avec le défendeur et .....

[9]            En ce qui concerne l'énoncé de l'alinéa 6f) de la Réponse, elle dit que Mathieu a habité à certaines périodes avec elle et d'autres périodes avec son ex-conjoint. Elle n'a pas tenu de journal à cet égard. Mais cela était ainsi. Quand Mathieu se fatiguait d'un endroit, il s'en allait dans l'autre. En ce qui concerne Marc-André, l'appelante a admis l'alinéa 6f)ii). Ce dernier a donc résidé avec son père pendant toute la période en litige qui le concerne. En ce qui concerne Maxime, l'appelante dit qu'il a habité avec elle de mars à mai 1998.

[10]          L'appelante explique que même quand les enfants habitaient chez leur père elle les voyait quotidiennement parce que, après la classe, ils venaient chez elle attendre que leur père vienne les chercher pour rentrer à la maison.

[11]          L'appelante soutient qu'elle était celle qui s'intéressait aux études des enfants et qui allaient aux réunions parents-maîtres. C'était elle qui payait les frais d'étude et les vêtements des enfants. Elle dit aussi que c'était elle qui amenait les enfants chez le dentiste et chez le médecin.

[12]          Monsieur Bergeron a expliqué que Mathieu a presque toujours habité avec lui. Il dit que c'est vrai que c'est l'appelante qui payait la majeure partie des vêtements des enfants. Mais lui aussi en achetait quand c'était nécessaire. Il explique qu'il a eu la garde exclusive de ses enfants à partir du mois d'août 1998. Il se dit très proche de ses enfants. Il favorise le dialogue et la sincérité à une trop grande rigidité.

[13]          Il a fait une demande de prestation fiscale le 20 février 1998. La demande a été produite comme pièce I-5. Pour Mathieu, il a indiqué qu'il avait été celui qui s'en était toujours occupé principalement. Pour Maxime, il a indiqué qu'il était celui qui s'en était occupé principalement à partir du 28 octobre 1997. Pour Marc-André, à partir du 25 décembre 1997.

[14]          Les questionnaires permettant aux personnes qui réclament le statut de la personne assumant principalement le soin et l'éducation des enfants d'expliquer les soins qu'ils prennent à l'égard de leurs enfants, et la perception qu'ils ont des soins donnés par l'autre parent, ont été déposés comme pièce I-4 pour l'appelante et la pièce I-6 pour monsieur Bergeron. À la lecture du questionnaire rempli par l'appelante sa description des soins donnés par le père des enfants semblait tenir du dénigrement. Elle a expliqué que ce n'était pas son intention de dénigrer le père. Son seul but était le bien-être de ses enfants et qu'elle voulait que leur père en prenne bien soin.

[15]          Le sens de « particulier admissible » est défini à l'article 122.6 de la Loi . J'en cite la partie pertinente :

« particulier admissible » S'agissant, à un moment donné, du particulier admissible à l'égard d'une personne à charge admissible, personne qui répond aux conditions suivantes à ce moment :

a)             elle réside avec la personne à charge;

b)             elle est la personne — père ou mère de la personne à charge — qui assume principalement la responsabilité pour le soin et l'éducation de cette dernière;

...

Pour l'application de la présente définition:

f)               si la personne à charge réside avec sa mère, la personne qui assume principalement la responsabilité pour le soin et l'éducation de la personne à charge est présumée être la mère;

g)             la présomption visée à l'alinéa f) ne s'applique pas dans les circonstances prévues par règlement;

h)             les critères prévus par règlement serviront à déterminer en quoi consistent le soin et l'éducation d'une personne.

[16]          Le paragraphe 6301(1) du Règlement de l'impôt sur le revenu se lit ainsi :

          (1) Pour l'application de l'alinéa g) de la définition de « particulier admissible » à l'article 122.6 de la Loi, la présomption mentionnée à l'alinéa f) de cette définition ne s'applique pas dans les circonstances suivantes :

a)       la mère de la personne à charge admissible déclare par écrit au ministre de la Santé nationale et du Bien-être social qu'elle réside avec le père de cette personne et qu'il est celui qui assume principalement la responsabilité pour le soin et l'éducation de chacune des personnes à charge admissibles avec lesquelles les deux résident;

b)       la mère est une personne à charge admissible d'un particulier admissible et chacun d'eux présente un avis au ministre de la Santé nationale et du Bien-être social conformément au paragraphe 122.62(1) de la Loi à l'égard de la même personne à charge admissible;

c)        la personne à charge admissible a plus d'une mère avec qui elle réside et chacune des mères présente un avis au ministre de la Santé nationale et du Bien-être social conformément au paragraphe 122.62(1) de la Loi à l'égard de la personne à charge admissible;

d)       plus d'une personne présente un avis au ministre de la Santé nationale et du Bien-être social conformément au paragraphe 122.62(1) de la Loi à l'égard de la même personne à charge admissible qui réside avec chacune d'elles à des endroits différents.

[17]          L'article 6302 du Règlement de l'impôt sur le revenu se lit comme suit :

Pour l'application de l'alinéa h) de la définition de « particulier admissible » à l'article 122.6 de la Loi, les critères suivants servent à déterminer en quoi consistent le soin et l'éducation d'une personne à charge admissible :

a)       le fait de surveiller les activités quotidiennes de la personne à charge admissible et de voir à ses besoins quotidiens;

b)       le maintien d'un milieu sécuritaire là où elle réside;

c)        l'obtention de soins médicaux pour elle à intervalles réguliers et en cas de besoin, ainsi que son transport aux endroits où ces soins sont offerts;

d)       l'organisation pour elle d'activités éducatives, récréatives, athlétiques ou semblables, sa participation à de telles activités et son transport à cette fin;

e)        le fait de subvenir à ses besoins lorsqu'elle est malade ou a besoin de l'assistance d'une autre personne;

f)         le fait de veiller à son hygiène corporelle de façon régulière;

g)       de façon générale, le fait d'être présent auprès d'elle et de la guider;

h)       l'existence d'une ordonnance rendue à son égard par un tribunal qui est valide dans la juridiction où elle réside.

[18]          La définition de « particulier admissible » exige que la personne à charge réside avec le particulier admissible. Donc pour les périodes mentionnées aux alinéas 6f)ii) et iii) de la Réponse au sujet desquelles l'appelante a admis qu'il n'y avait pas de garde partagée, l'appelante n'est pas un particulier admissible et n'a pas droit aux prestations fiscales pour les enfants et les périodes concernées. Ainsi, ce qui concerne Marc-André, comme il a habité avec son père durant toute la période en litige, l'appelante n'a pas droit aux prestations fiscales pour enfants à son égard.

[19]          En ce qui concerne Maxime, la période en litige est de novembre 1997 à mai 1998. Il aurait habité chez sa mère les trois derniers mois de cette période. En ce qui concerne Mathieu, le père dit qu'il a habituellement habité avec lui. La mère dit que Mathieu a habité de longues périodes chez elle. La preuve n'est pas claire quant aux périodes où Mathieu a habité chez l'un ou chez l'autre.

[20]          Pour la période où il y a eu garde partagée concernant Maxime et pour la période en litige concernant Mathieu, qui est du 7 mars 1997 au mois de mai 1998, la Cour doit déterminer en fonction de la preuve, qui de l'appelante ou de son ex-conjoint assumait principalement la responsabilité pour le soin et l'éducation des enfants.

[21]          Je prends le cas de Mathieu d'abord. À la séparation des parents, Mathieu n'a pas fait l'objet d'une garde séparée. Son père en a eu la garde exclusive à partir du 1er août 1991. Il est vrai que le 18 décembre 1995, un consentement en modification des mesures accessoires établissait que les trois enfants faisaient l'objet d'une garde partagée. Toutefois, il ne semble pas qu'à l'égard de Mathieu il y ait eu effectivement garde partagée. Dans son avis d'appel, l'appelante fait état de ce qu'elle a fait à l'égard de Mathieu de février 1998 à juillet 1998. J'ose espérer que l'appelante comprend bien que la détermination par la Cour de la personne qui assume principalement la responsabilité pour le soin et l'éducation d'une personne a charge ne signifie pas que l'autre personne ne s'en occupe pas et que son action n'est pas essentielle pour le bien-être psychologique de l'enfant. Toutefois je suis d'avis que la preuve a révélé que c'est le père qui semble avoir résidé en majeure partie avec Mathieu et d'après le témoignage des parents et d'après les réponses données aux questionnaires, je suis d'avis que c'est le père qui s'en est principalement occupé.

[22]          Maintenant, en ce qui concerne Maxime qui résidait avec sa mère en garde partagée les trois derniers mois de la période en litige, regardons les circonstances particulières à cette période. Maxime a durant cette période suivie une thérapie auprès d'une psychologue à la demande de sa mère. Cette thérapie était nécessaire à la suite d'un geste posé par Maxime qui pouvait montrer du désarroi psychologique. La mère a aussi reçu des conseils de cette psychologue. Elle a participé aux rencontres et aux activités scolaires. Elle a vu aux besoins matériels et psychologiques de Maxime durant cette période. Je suis d'avis que durant cette période l'appelante a été la personne qui assumait principalement le soin et l'éducation de la personne à charge.

[23]          L'appel est accordé pour la période de trois mois précédemment mentionnée, à l'égard de l'enfant Maxime. Pour toutes les autres périodes en litige, aucun redressement ne peut être accordé.

Signé à Ottawa, Canada, ce 3e jour d'août 2000

« Juge Louise Lamarre Proulx »

J.C.C.I.

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