Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

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Date: 20010228

Dossier: 2000-1798-IT-I

ENTRE :

ELWIRA SOKOLOWSKA,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs de l'ordonnance

Le juge Hershfield, C.C.I.

[1]            Elwira Sokolowska a produit un avis d'appel le 28 avril 2000 en ce qui concerne les avis de nouvelle cotisation visant les années 1995 à 1999 inclusivement. L'intimée n'a pas contesté que les avis d'opposition et d'appel ont été produits en temps opportun (sauf à l'égard de l'année d'imposition 1999, dont je traiterai sous peu), mais elle n'a produit aucune réponse relativement à ces appels. Les avocats de l'intimée ont plutôt fait parvenir une lettre à la Cour et à l'appelante, tard au cours de la journée d'hier, soit la veille du procès (la " lettre du 19 février "). La lettre du 19 février ne constitue pas une réponse. Elle n'énonce aucun fait, n'effectue aucune dénégation et ne formule aucune hypothèse. Elle tient de l'argumentation, sauf pour ce qui est d'une concession apparente par laquelle l'intimée consent à une ordonnance autorisant la déduction des pertes déductibles au titre de placements d'entreprise de 1989 que l'appelante aurait " demandées " pour chacune des années 1996, 1997 et 1998. Rien dans l'appel n'indique toutefois que c'est ce que cherche à obtenir l'appelante en l'espèce. En fait, il semble que l'appelante, dans son avis d'appel, réclame la déduction de pertes déductibles au titre de placements d'entreprise plus importantes que les montants précisés dans la lettre du 19 février. Si c'est le cas, je n'y vois rien de mal. La jurisprudence reconnaît qu'un appelant a le pouvoir d'utiliser le processus d'appel comme moyen de procéder à une modification de la déclaration de revenus telle qu'elle a été produite. L'avis d'appel précise que les pertes de 1995 totalisaient 268 896,65 $. Le fait qu'une partie des pertes (109 744,87 $) se rapporte à une opération de 1989 ne contredit pas nécessairement l'affirmation (figurant à l'avis d'appel) portant que l'année dans laquelle ces pertes doivent être reconnues est l'année 1995. Je comprends que c'est cette perte, reportée prospectivement, que l'appel cherche à voir reconnaître en 1996, en 1997 et en 1998 et que cela entraînerait un rajustement des pertes réclamées pour ces années. Les pertes rajustées réclamées excéderaient alors les pertes acceptées dans la lettre du 19 février. En outre, il semble, selon la demande de rajustement pour 1998 et les annexes à l'avis d'appel mentionnées dans ce dernier avis, qu'une répartition différente des pertes pour 1995 soit demandée entre l'appelante et un deuxième contribuable (non partie au présent appel), à savoir son défunt père. Cette interprétation de l'avis d'appel est confirmée par la lettre du 19 février, où l'on soutient qu'il y a chose jugée en ce qui concerne toute nouvelle répartition des pertes entre l'appelante et son défunt père (argument sur lequel je me pencherai un peu plus loin)[1]. L'avis d'appel énumère également des erreurs de calcul, dont la plupart ont été faites avant 1995, relativement aux pertes. Sans une réponse, ces faits allégués sont présumés être vrais, et la charge de la preuve incombe à l'intimée, qui doit les réfuter.

[2]            L'intimée s'est présentée au procès sans être préparée. Elle ne peut présenter aucun témoin ni produire aucune pièce. Il n'y a pas eu de préavis de la demande d'ajournement et de prolongation du délai pour produire une réponse. Bien qu'une ordonnance admettant l'appel pourrait être justifiée dans les circonstances, les avocats de l'intimée ont demandé un ajournement et une prolongation du délai pour produire une réponse à l'avis d'appel. La demande de production d'une réponse tardive a été faite en vertu du paragraphe 44(2) des Règles de la Cour canadienne de l'impôt (procédure générale), qui précise que la charge de la preuve concernant l'appel incombe à l'intimée. Le maintien du déplacement du fardeau de la preuve de façon qu'il revienne à l'intimée de prouver les hypothèses qu'elle formule dans sa réponse et de réfuter les affirmations contenues dans l'avis d'appel est essentiel, à mon avis, au regard de l'octroi d'un ajournement et d'une prolongation du délai de production et de signification d'une réponse. Autrement, une telle ordonnance occasionne à l'appelante, à mon avis, un préjudice important et injustifié. L'avocat de l'intimée s'est engagé auprès de la Cour à ce que l'intimée n'adopte pas, au cours de l'audition de l'appel, une position qui aurait pour effet d'amenuiser le fardeau incombant à celle-ci. Il n'est pas facile de prendre un tel engagement, mais Me Wheeler, qui comprenait très bien sa signification, l'a pris. Compte tenu du fait que l'avis d'appel a apparemment été préparé sans l'aide d'un avocat et compte tenu des problèmes de langue apparents à la lecture de l'avis, l'engagement soulève la difficulté de discerner dans l'avis les affirmations à l'égard desquelles le fardeau a été déplacé. Il y a un conflit en l'espèce si l'intimée entend adopter une vision étroite des questions de fait à l'égard desquelles elle a le fardeau de la preuve. Le fait que l'appelante ne soit pas représentée par avocat va aggraver ce conflit. L'exécution de l'engagement, afin d'éviter de causer un préjudice à l'appelante, peut alors commander que l'intimée, en acceptant le fardeau de la preuve sur des points particuliers, soit disposée à faire des erreurs en faveur de l'appelante. Me Wheeler a reconnu que l'engagement avait pour but d'assurer que l'appelante ne subisse pas de préjudice par suite de l'octroi de l'ordonnance demandée, notamment en ce qui concerne l'avantage dont jouit l'appelante pour ce qui est du déplacement du fardeau de la preuve.

[3]            Le fait qu'il s'agisse d'une procédure informelle ne devrait pas, à mon avis, m'empêcher d'invoquer le paragraphe 44(2) des Règles de la Cour canadienne de l'impôt (procédure générale). L'affaire devrait être entendue au fond, et je suis convaincu, grâce aux engagements pris par Me Wheeler, que, si j'accorde l'ordonnance demandée, le ministre n'adoptera pas en ce qui concerne l'appel une position incompatible avec l'engagement à ce que l'appelante ne subisse pas de préjudice à la suite de l'octroi de l'ordonnance, notamment pour ce qui est du déplacement du fardeau de la preuve. Parmi les engagements pris par l'intimée, on trouve celui de ne pas retirer son consentement, comme le précise la lettre du 19 février, à une ordonnance autorisant la déduction des pertes déductibles au titre d'un placement d'entreprise réclamées par l'appelante pour chacune des années 1996, 1997 et 1998 (à supposer que l'appelante décide qu'une telle façon de régler la question est acceptable), et celui d'accepter de payer des dépens d'un montant de 100 $ à l'appelante pour s'être présentée ici aujourd'hui. L'ordonnance demandée est accordée à la lumière de ces engagements. En conséquence, l'affaire est ajournée jusqu'au 15 juin 2001, et l'intimée a 60 jours à partir de la date de la présente ordonnance pour produire et signifier une réponse à l'avis d'appel.

[4]            Pour mémoire, je note que la lettre du 19 février précise également que l'appel portant sur l'année 1999 est prématuré et qu'il y a chose jugée pour ce qui est de l'appel relatif à l'année 1995. L'appelante n'a pas nié que l'appel relatif à l'année 1999 avait été produit dans les 90 jours suivant la production en temps opportun d'un avis d'opposition et était par conséquent prématuré. En conséquence, les parties consentent à ce que soit rendue une ordonnance portant que l'avis d'appel est accepté comme ayant été produit en temps opportun ce 20e jour de février 2001. Pour ce qui est de l'appel relatif à l'année 1995, à l'égard duquel il y aurait chose jugée, je ne vois aucun fondement à cette affirmation. Bien que j'aie ajourné l'audition du présent appel, je crois qu'il m'est nécessaire de formuler un commentaire à l'égard de cet argument puisqu'il se rapporte à l'engagement pris aujourd'hui et sur lequel je me suis fondé. Selon cet argument, une décision de cette cour portant sur l'allocation ou la répartition des pertes entre l'appelante et son défunt père relativement à une année antérieure empêche l'appelante d'invoquer une répartition différente en 1995 lorsque les pertes découleraient censément des mêmes investissements. Je ne souscris pas à cette opinion. L'appelante est libre d'invoquer une répartition différente des pertes en ce qui a trait à une autre année d'imposition. Il s'agit d'un nouvel appel, portant sur une nouvelle année, à l'égard duquel la charge de la preuve incombera maintenant totalement à l'intimée. C'est sur cette prémisse qu'est fondée l'ordonnance d'ajournement. Dans la décision précédente de cette cour, le fardeau de prouver la répartition des pertes incombait à l'appelante.

[5]            Pour mémoire, je note que l'appelante a comparu aujourd'hui en tant qu'interprète de sa mère, qui agissait comme représentante pour elle (l'appelante). J'ai informé l'appelante que lorsque l'audition de l'affaire débuterait, la Cour prendrait des dispositions pour obtenir les services d'un interprète. Même si les avocats de l'intimée ont accepté que l'appelante soit l'interprète de son propre porte-parole, l'appelante a été prévenue qu'il était possible que la Cour ne le permette pas. En outre, je remarque que l'appelante a demandé que le présent appel, devant être instruit le 15 juin 2001, soit joint à un appel prochain devant être déposé au nom de son défunt père (ou au nom de la succession de son défunt père) par son représentant. Comme cet appel n'a pas été produit, il n'y avait aucun fondement à cette demande, et elle a été rejetée.

Signé à Ottawa, Canada, ce 28e jour de février 2001.

" J. E. Hershfield "

J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme ce 4e jour de septembre 2001.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Philippe Ducharme, réviseur

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

2000-1798(IT)I

ENTRE :

ELWIRA SOKOLOWSKA,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Requête entendue le 20 février 2001 et motifs rendus oralement le même jour, à Ottawa (Ontario), par

l'honorable juge J. E. Hershfield

Comparutions

Représentante de l'appelante :               Maria Sokolowska

Avocats de l'intimée :                          Me Carol Benoît, Me Ernest Wheeler

ORDONNANCE

          Vu la requête présentée par l'intimée afin d'obtenir une ordonnance ajournant l'audition des présents appels et prolongeant le délai dans lequel une réponse à l'avis d'appel peut être produite et signifiée;

          Et vu les allégations des parties et les engagements pris par l'avocat de l'intimée (lesquels sont reproduits dans les motifs de l'ordonnance ci-joints);

          Il est ordonné que l'audition des présents appels soit ajournée au 15 juin 2001; qu'un délai de 60 jours à partir de la date de la présente ordonnance soit accordé à l'intimée pour produire et signifier une réponse à l'avis d'appel; et que l'appel de l'appelante concernant son année d'imposition 1999 soit accepté ainsi qu'il a été produit le 20 février 2001.

          Conformément à l'un des engagements pris par l'avocat de l'intimée au nom de celle-ci, des dépens d'un montant fixe de 100 $ sont adjugés à l'appelante.

Signé à Ottawa, Canada, ce 28e jour de février 2001.

" J. E. Hershfield "

J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme

ce 4e jour de septembre 2001.

Philippe Ducharme, réviseur




[1] On parle d'" interprétation " de l'avis d'appel puisqu'il est évident que l'avis a été rédigé sans l'aide d'un avocat par une personne dont la langue maternelle n'était pas l'anglais, langue dans laquelle il a été rédigé.

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