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Date: 19980916

Dossier: 96-2348-GST-G

ENTRE :

CAMP KAHQUAH CORPORATION LIMITED,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

Le juge Bell, C.C.I.

[1]            Il s'agit d'un appel d'une cotisation de taxe sur les produits et services établie en vertu de la partie IX de la Loi sur la taxe d'accise (la " Loi ") pour la période allant du 1er janvier au 31 décembre 1992. Sauf indication contraire, c'est aux dispositions de la Loi que je me réfère dans ces motifs.

POINT EN LITIGE

[2]            Il s'agit de savoir si des programmes de camp organisés par l'appelante représentent des fournitures exonérées au sens de la définition de " fourniture exonérée " figurant au paragraphe 123(1) de la Loi.

FAITS

[3]            L'appelante est un organisme de bienfaisance au sens de la Loi de l'impôt sur le revenu et est donc un organisme de bienfaisance aux fins de la Loi suivant le paragraphe 123(1), qui définit l'expression " organisme de bienfaisance " comme s'entendant :

d'un organisme de charité enregistré [...] au sens de la Loi de l'impôt sur le revenu.

[4]            L'appelante exploitait un camp d'étude biblique où les participants, moyennant paiement, étaient logés et nourris, recevaient une instruction religieuse et prenaient part à des activités éducatives et récréatives. Le ministre a établi à l'égard de l'appelante une cotisation de taxe fondée sur le fait que cette dernière effectuait une fourniture de services taxables qui n'était pas exonérée en vertu de la Loi. Plus précisément, le ministre prétendait dans l'avis de décision (qui répondait à un avis d'opposition déposé par l'appelante) et dans la réponse à l'avis d'appel que l'appelante effectuait une fourniture de services d'enseignement ou de supervision dans le cadre d'une activité récréative ou sportive, laquelle fourniture, suivant l'alinéa 2j) de la partie VI de l'annexe V de la Loi, était expressément exclue de l'exonération générale applicable aux fournitures effectuées par un organisme de bienfaisance[1].

[5]            Harvey Ray Sider, le premier témoin de l'appelante, s'est décrit comme président dans l'Église de la fraternité chrétienne. Il a dit qu'il s'agit là d'une confession évangélique en ce sens qu'elle croit que c'est dans un milieu fortement imprégné d'influences scripturaires, spirituelles ou religieuses qu'une personne est amenée à saisir qui Dieu est vraiment. Il a dit qu'il y avait deux éléments qui faisaient de l'appelante une partie intégrante de l'Église :

[TRADUCTION]

Tout d'abord, il y a cet enseignement religieux particulier qui est dispensé tout au long de la journée et à des heures déterminées, puis il y a l'atmosphère qui imprègne le lieu et qui fait qu'une personne, qu'elle soit en train de jouer, de pêcher ou quoi que ce soit, établit un rapport avec le créateur et comprend sa propre destinée. Donc, sans cette atmosphère religieuse, le Camp Kahquah n'aurait pas de raison d'être.

[6]            Il a également dit que, bien que le camp offre des activités récréatives, les gens sont là pour se concentrer sur l'aspect spirituel des choses. Il a dit que le camp n'était pas une entreprise à but lucratif et qu'il était subventionné annuellement. Il a ajouté :

[TRADUCTION]

[...] il s'agit essentiellement de vivre une période de renouveau spirituel, de se rapprocher de Dieu dans un cadre qui y soit propice. Où de mieux qu'en pleine nature?

[7]            Il a précisé que des camps familiaux se tenaient pendant trois semaines d'affilée en été, qu'un pasteur y était disponible 24 heures sur 24, qu'il y avait des séances le matin et le soir et que l'on organisait parfois des feux de camp, tout ce qui contribuait à souligner la nature spirituelle de l'être humain. Il a dit que les membres du personnel peuvent faire partie de n'importe quelle confession mais doivent :

[TRADUCTION]

avoir un rapport personnel avec Notre Seigneur Jésus-Christ.

[8]            Il a dit que la plupart des membres du personnel étaient des bénévoles et que les quelques-uns qui étaient payés ne recevaient que des salaires minimes. Il a dit que sa confession considérait ces camps comme différents de camps commerciaux ou de camps sportifs :

[TRADUCTION]

Nous de l'Église de la fraternité chrétienne voyons cela très différemment en ce sens que nous considérons qu'il s'agit d'un camp religieux. Et bien qu'il y ait des sports et du temps libre, pour nous le camp est un prolongement de l'Église. Il est l'Église, tout comme l'école du dimanche l'est

[9]            M. Sider a également dit que le camp est situé au bord d'un lac et a de 500 à 1 000 pieds de rivage comprenant une plage sablonneuse. Il a témoigné que les campeurs peuvent se baigner, se servir de canots ou de chaloupes, jouer au volley-ball et au base-ball et faire des randonnées pédestres sur des pistes aménagées à cette fin.

[10]          Le deuxième témoin de l'appelante, Larry J. Y. Hogg, un comptable agréé, est également membre de l'Église de la fraternité chrétienne. Il a dit que ses parents avaient été les premiers directeurs du camp à y habiter, à l'époque où le camp était dirigé par l'Église en tant que ministère de celle-ci. Il a dit que, enfants, lui et son frère avaient tous deux fait profession personnelle de foi en Jésus-Christ devant un feu de camp de l'Église. M. Hogg a travaillé comme conseiller, a fait partie du personnel d'entretien et a été membre du conseil d'administration, dont il a été président pendant un certain temps. Il est actuellement trésorier de la confession. Il a témoigné qu'il croit en l'importance d'une profession personnelle de foi en Jésus-Christ et du dévouement à ce qu'il y a de plus important dans la vie : le salut de l'âme. Il a dit :

[TRADUCTION]

Nous croyons que notre foi doit rejaillir sur tous les aspects de notre vie. Il ne s'agit pas de pratiquer notre religion à un moment donné ou à un endroit donné. Par exemple, cela ne se fait pas que le dimanche matin à l'église. Ma foi m'accompagne partout, à chaque instant de chaque jour. Nous croyons que c'est ce que Dieu attend de nous. Il veut que nous soyons ses témoins partout où nous allons.

[11]          M. Hogg a ensuite souligné à quel point la communion des fidèles est importante et nécessaire. Il a dit que l'objet du Camp Kahquah est d'évangéliser des personnes de tout âge et d'en faire des disciples au moyen d'un programme de camps chrétiens. Il a dit que Jésus avait commandé à ses disciples d'aller dans le monde, de répandre l'Évangile, de prêcher l'Évangile aux gens et de les baptiser. Il a poursuivi en disant la raison d'être du Camp Kahquah, c'est beaucoup l'évangélisation, la présentation des exigences du Christ et donner aux gens l'occasion d'accepter le Christ comme leur sauveur personnel. Il a dit qu'il s'agit aussi " d'être des disciples, d'en apprendre davantage aux participants sur Dieu et sur les enseignements du Christ ".

[12]          Voici quelques objets énoncés dans les lettres patentes de l'appelante :

[TRADUCTION]

La société établira, exploitera et entretiendra un camp pour enfants et/ou adultes ainsi que d'autres installations pouvant être nécessaires pour une instruction, un enseignement et un ministère religieux et pour la promotion générale de la foi chrétienne et pour la préservation des doctrines et croyances du christianisme, notamment des doctrines et croyances de la Conférence canadienne de l'église de la fraternité chrétienne.

[...]

La société établira et offrira des programmes pour une instruction, un enseignement et un ministère religieux et pour la promotion générale de la foi chrétienne [...]

[...]

La société pourra mettre ses installations à la disposition d'autres organismes de bienfaisance et de groupes d'intérêts spéciaux pour qu'ils puissent offrir une instruction, un enseignement et un ministère religieux et faire la promotion générale de la foi chrétienne.

M. Hogg a dit que la société n'était pas et n'avait jamais été un organisme à but lucratif et qu'elle était en déficit.

[13]          L'avis de décision faisant suite à l'avis d'opposition de l'appelante se lit en partie comme suit :

[TRADUCTION]

Un examen des faits indique que vos programmes de camps représentent la fourniture d'un service d'enseignement ou de supervision dans le cadre d'une activité récréative ou sportive suivant l'alinéa 2j) de la partie VI de l'annexe V de la LTA, et qu'il s'agit donc d'une fourniture taxable.

On y lit en outre :

Les droits payés pour le camp récréatif sont principalement pour les activités récréatives offertes.

[14]          M. Hogg a dit qu'il n'était pas d'accord sur cette description et que celle-ci ne traduit pas " l'essence " du camp de l'Église. Il a dit que, s'il s'agissait principalement d'offrir des activités récréatives, l'Église ne s'en mêlerait pas. Il a dit que le camp était une façon très efficace de mettre en oeuvre les politiques évangéliques de l'Église et que ce n'était qu'un moyen parmi tant d'autres dont l'Église se servait pour accomplir son travail d'évangélisation. Il a ensuite dit qu'au cours de la dernière année 50 campeurs avaient " accepté le Christ comme leur sauveur personnel ". Il a en outre dit que les réunions du conseil d'administration commencent par la prière et que toutes les personnes qui sont autour de la table prient pour que, grâce au travail accompli au camp, des gens " entrent dans le royaume de Dieu et acceptent le Christ comme leur sauveur ". Il a dit que c'était là ce qu'il y avait de plus important à leurs yeux et que les activités récréatives représentaient simplement un moyen utilisé par l'Église et qu'elles n'étaient pas l'essentiel.

[15]          Un énoncé de la philosophie du camp daté de janvier 1980 se lit en partie comme suit :

[TRADUCTION]

[...] que dans la mesure où l'on respecte les exigences du Christ et où l'on fournit l'occasion d'accepter le Christ, il en résultera des avantages spirituels [...]

Montrer la pertinence du christianisme dans tous les aspects de la vie et pour tous les groupes d'âge par des expériences vécues dans un cadre où les campeurs vivent, travaillent, jouent et font leurs dévotions ensemble.

[16]          M. Hogg a dit qu'ils croient que Dieu a créé le ciel et la terre et que c'est ainsi qu'ils présentent les choses aux campeurs. Il a ajouté que le camp fournit aux gens une occasion de servir et que cela fait partie de leur rôle de disciples, c'est-à-dire partager leur foi avec d'autres.

[17]          M. Hogg a ensuite décrit les différents camps, y compris le camp des enfants, le camp des pré-adolescents, le camp des adolescents, le camp familial et la retraite organisée pour l'âge d'or, et les locations hors saison. Il a dit qu'il y avait au camp une confiserie où l'on vendait des bonbons, des boissons gazeuses et d'autres choses. Il a dit que la somme de 19 915 $ incluait les ventes de la confiserie et les repas servis au camp familial, qui étaient des dépenses payées directement[2].

[18]          En contre-interrogatoire, M. Hogg a dit que n'importe quel enfant pouvait fréquenter le camp et non pas nécessairement uniquement les enfants de membres de la confession. Il a dit qu'il s'agit surtout d'enfants amis de membres de la confession et que certains de ces enfants " ont accepté le Christ ". Il a fait mention du canotage, de la natation, du soccer, du football, de la nage avec tuba et d'autres activités récréatives offertes au camp. Une supervision un enseignement étaient offerts pour toutes ces activités. Il a dit que, si les enfants ont du plaisir, ils voudront venir au camp et y emmener leurs amis; ils voudront y revenir l'année suivante. Il a dit que, si les enfants viennent au camp, on peut leur prêcher l'Évangile. M. Hogg a précisé qu'ils ne pouvaient réussir que si les participants pouvaient s'amuser, et que les camps chrétiens représentent un mode de ministère chrétien assez reconnu.

[19]          M. Cornell, le troisième témoin de l'appelante, a décrit les installations du camp, y compris le sentier de randonnée pédestre, où les randonneurs vont à la recherche de Dieu, qu'ils peuvent découvrir de diverses manières sur le sentier: dans les Saintes Écritures et dans la nature environnante. Il a fait d'autres comparaisons entre l'expérience religieuse et les expériences vécues au camp.

ANALYSE ET CONCLUSION

[20]          Les arguments présentés dans cette affaire étaient longs et complexes. Voici ce qu'a dit le juge en chef lord Widgery, relativement au jugement de lord Denning, M.R., dans l'affaire British Railways Board v. Customs and Excise Commissioners, [1977] 2 All E.R. 873 (R.-U.), à la page 876 :

[TRADUCTION]

[...] il est à espérer que, dans l'avenir, en répondant à la question de lord Denning, M.R., dans ce genre d'affaires, on se penchera vraiment sur le fond et la réalité du problème [...] Il serait bien déplorable que nous permettions dans ce domaine un formalisme excessif ou une insistance démesurée sur les règles de droit, alors que, à mon sens, une fois la question posée, il faudrait y répondre en usant d'un peu de bon sens et en tenant un peu compte de ce qui se fait dans la vraie vie [...]

J'ai cherché à mettre à profit ces sages propos dans la rédaction des présents motifs.

[21]          L'article 165 de la Loi dit ceci :

Sous réserve des autres dispositions de la présente partie, l'acquéreur d'une fourniture taxable effectuée au Canada doit payer à Sa Majesté du chef du Canada une taxe égale à 7 % de la valeur de la contrepartie de la fourniture.

(Je souligne.)

[22]          L'expression " fourniture taxable " est définie au paragraphe 123(1) comme désignant une fourniture effectuée dans le cadre d'une activité commerciale, et le terme " activité commerciale " désigne l'exploitation d'une entreprise ou les projets à risque ou les affaires de caractère commercial, sauf, dans chaque cas, dans la mesure où cela comporte la réalisation de fournitures exonérées.

[23]          L'article 166 dispose que la contrepartie ou la partie de contrepartie d'une fourniture taxable effectuée par un petit fournisseur, qui devient due ou qui est payée à un moment où le petit fournisseur n'est pas un inscrit, n'est pas à inclure dans le calcul de la taxe payable. À l'époque en cause, l'appelante n'était pas un inscrit en vertu de la Loi.

[24]          L'expression " fourniture exonérée " est définie au paragraphe 123(1) comme désignant une fourniture prévue à l'annexe V. L'article 2 de la partie VI de cette annexe inclut la fourniture de biens meubles ou de services par un organisme de bienfaisance, sauf la fourniture de certains biens et services énumérés.

[25]          L'avocat de l'intimée a soutenu que l'alinéa 2j) s'appliquait à l'appelante et que le cas de celle-ci était donc exclu de l'exonération. Cet alinéa vise la fourniture :

d'un service de supervision ou d'enseignement dans le cadre d'une activité récréative ou sportive, ou d'un droit d'adhésion ou autre droit permettant à une personne de bénéficier d'un tel service.

L'avocat de l'intimée a fait valoir ce qui suit :

[TRADUCTION]

Bien que l'on puisse avoir un objectif supplémentaire à l'esprit en exploitant le camp, cela ne change rien au fait fondamental qu'il s'agit ici d'un camp qui assure une supervision ou un enseignement dans le cadre d'activités récréatives ou sportives [...] Le simple fait que le camp comporte une dimension religieuse ou spirituelle ne signifie pas que les activités de natation, de base-ball, de canotage et de randonnée pédestre, pour n'en nommer que quelques-unes, perdent leur caractère d'activités récréatives. Ce sont bel et bien des activités récréatives. Elles peuvent se dérouler dans le contexte d'un camp ayant une dimension religieuse, mais les activités elles-mêmes ne perdent pas le caractère d'activités récréatives ou sportives simplement parce que ce sont des chrétiens qui s'y livrent ou qu'elles sont exercées sous la supervision de chrétiens.

[26]          L'avocat de l'intimée cherchait à minimiser l'aspect religieux des camps et, ce faisant, en soulignait l'aspect récréatif. Il a avancé le point de vue selon lequel l'alinéa 2j) excluait de l'exonération de taxe le camp des enfants, le camp des pré-adolescents, le camp des adolescents, le camp familial et la retraite organisée pour l'âge d'or.

[27]          J'accepte la preuve détaillée présentée par les témoins de l'appelante, qui ont souligné l'objet déclaré du camp et le fait qu'il était effectivement exploité dans le but d'atteindre cet objet. J'accepte notamment la preuve selon laquelle les camps en question n'existeraient pas sans la dimension religieuse et sans la possibilité d'évangéliser et de convertir les campeurs. Bien que la preuve n'indique pas que les activités récréatives sont, pour ce qui est du temps y consacré, secondaires par rapport aux activités chrétiennes qui ont lieu, je retiens le témoignage selon lequel les principes chrétiens de l'appelante sont enseignés et démontrés par le truchement des activités offertes. En outre, on peut comprendre que, comme l'indique la preuve, les enfants n'auraient pas particulièrement envie de participer à un camp religieux n'offrant pas certains des sports d'été qui font partie du programme au camp en question. Un programme incluant de telles activités en été serait évidemment beaucoup plus attrayant qu'un programme qui ne les comprenait pas. La mission de l'Église de la fraternité chrétienne consiste en partie à offrir une orientation et un enseignement religieux dans un cadre gai et attrayant. Un camp organisé dans le désert n'aurait assurément pas tous les attraits du camp Kahquah.

[28]          Dans version anglaise de l'alinéa 2j) on emploie le terme " involving " en parlant d'un " service involving [...] supervision or instruction in any recreational or athletic activity ", alors que la version française parle :

d'un service de supervision ou d'enseignement dans le cadre d'une activité récréative ou sportive, ou d'un droit d'adhésion ou autre droit permettant à une personne de bénéficier d'un tel service.

La version française ne renferme aucun terme équivalant au mot anglais " involving ". Elle parle seulement d'un service de supervision ou d'enseignement, et indique par là qu'il doit s'agir de la fourniture d'un service de supervision ou d'enseignement et que ce service ne doit pas être simplement une composante ou un aspect d'une fourniture globale.

[29]          En ce qui concerne l'alinéa 2j), je conclus que les cinq camps considérés en l'espèce ne sont pas exclus de l'exonération.

[30]          Dans l'affaire Cosmopolitan Music Society v. The Queen, [1995] G.S.T.C. 19, le juge Mogan a qualifié certaines activités comme représentant à la fois une fourniture taxable et une fourniture exonérée. Ce faisant, il a conclu que les 70 p. 100 de son temps, de son énergie et de ses efforts que la société appelante consacrait à l'objet consistant à offrir aux membres une activité récréative dans le domaine de la musique représentaient une fourniture taxable et que les 30 p. 100 consacrés à la présentation de concerts représentaient une fourniture exonérée. Il dit à la page 19-7 :

L'objet principal de la société appelante est de fournir un lieu de rencontre, ainsi que les services de chefs compétents, à des musiciens amateurs qui aiment chanter dans un choeur ou jouer dans un orchestre comme activité récréative. Il s'agit là d'une fourniture taxable en vertu de l'alinéa 2j) de la partie VI de l'annexe V. L'objet secondaire de la société appelante est de donner des concerts en public une fois que les membres ont atteint un niveau acceptable. Dans ce cas-là, il s'agit d'une fourniture exonérée visée à l'article 11 de la partie VI de l'annexe V.

[31]          Selon mon interprétation de la preuve dans la présente espèce, l'appelante avait uniquement pour objet de tenir un camp chrétien qui comprenait des activités d'évangélisation dans le but de convertir des gens aux croyances religieuses auxquelles l'appelante adhérait. Il n'y avait pas d'objet secondaire comme le fait de donner des concerts en public dans l'affaire Cosmopolitan : la fourniture d'installations récréatives et de services d'enseignement faisait partie de l'objet de l'appelante et était subordonnée à cet objet.

[32]          L'avocat de l'intimée a soutenu subsidiairement que le camp de l'âge d'or et le camp familial entraient dans le cadre de l'exception prévue à l'alinéa 2m) relatif à la fourniture :

d'un droit d'entrée :

                (i) à un lieu de divertissement.

[33]          L'expression " lieu de divertissement " est définie comme suit :

Local ou lieu, intérieur ou extérieur, dans tout ou partie duquel sont présentés ou tenus :

a) films, diaporamas, spectacles son et lumière ou présentations semblables;

b) représentations ou expositions artistiques, littéraires, théâtrales, musicales ou autres;

c) foires, cirques, ménageries, rodéos ou événements semblables;

d) courses, jeux de hasard, concours d'athlétisme ou autres concours ou jeux.

Y sont assimilés les musées, les sites historiques et les parcs zoologiques, fauniques ou autres, les endroits où l'on fait des paris et les endroits, constructions, dispositifs, machines et appareils qui ont pour objet de fournir des divertissements ou des distractions.

[34]          Il est à noter qu'on emploie les termes " qui ont pour objet ". Cela indique que le seul objet du " lieu de divertissement " est d'offrir des divertissements ou des distractions. Dans cette définition, on n'emploie pas des termes comme ceux qui figurent au paragraphe 55(2) de la Loi de l'impôt sur le revenu, à savoir : " dont l'un des objets ". L'ensemble du contexte du " lieu de divertissement " fait obstacle à l'argument de l'avocat de l'intimée à cet égard.

[35]          Concernant les locations hors saison, l'avocat de l'intimée a fait valoir que cette fourniture était exclue de l'exonération du fait de l'alinéa 25f) de l'annexe V, qui se lit comme suit :

La fourniture d'immeubles par un organisme de services publics (sauf une institution financière ou un gouvernement), à l'exclusion des fournitures suivantes [...]

f) les immeubles, sauf les logements provisoires, fournis soit par bail pour une période de moins d'un mois, soit par licence, si la fourniture est effectuée dans le cadre de l'exploitation d'une entreprise par l'organisme.

[36]          L'expression " organisme de services publics " est définie au paragraphe 123(1) comme incluant un organisme de bienfaisance. Le bien loué par l'appelante est un immeuble au sens de la définition de ce terme figurant au paragraphe 123(1).

[37]          L'expression " logement provisoire " est définie comme suit :

"logement provisoire" Immeuble d'habitation ou habitation fournis par bail, licence ou accord semblable, pour être occupé à titre résidentiel ou d'hébergement par un particulier donné pendant une durée de moins d'un mois.

[38]          Le terme " habitation " est défini comme suit :

Maison individuelle, jumelée ou en rangée; unité en copropriété; maison mobile; maison flottante; appartement; chambre d'hôtel, de motel, d'auberge ou de pension; chambre dans une résidence d'étudiants, de personnes âgées ou handicapées ou d'autres particuliers; ou tout gîte semblable, ou toute partie de ceux-ci, qui est, selon le cas :

a) occupé à titre résidentiel ou d'hébergement;

b) fourni par bail, licence ou accord semblable, pour être utilisé à titre résidentiel ou d'hébergement;

c) vacant et dont la dernière occupation ou fourniture était à titre résidentiel ou d'hébergement;

d) destiné à servir à titre résidentiel ou d'hébergement sans jamais avoir servi à une fin quelconque.

[39]          Hors saison, le camp était mis à la disposition d'autres personnes au moyen d'un accord de la nature d'une licence. L'avocat de l'appelante et M. Hogg ont tous les deux employé les termes " loyer " et " location ". Je conviens avec l'avocat de l'intimée que les termes " tout gîte semblable " figurant dans la définition du mot " habitation " doivent être interprétés ejusdem generis, de manière à inclure seulement des choses du même genre que celles qui sont énumérées précédemment dans la définition. L'utilisation des installations du camp n'est pas comparable à un logement provisoire comme l'est normalement une chambre d'hôtel, de motel, d'auberge ou de pension. Je conviens aussi avec l'avocat de l'intimée que la fourniture était effectuée dans le cadre de l'exploitation d'une entreprise par l'appelante. Le mot " entreprise " est défini au paragraphe 123(1) comme incluant " toutes affaires quelconques avec ou sans but lucratif ". Les activités de l'appelante entrent dans le cadre de cette définition. Par conséquent, les activités de location hors saison sont exclues de l'exonération et représentent donc une fourniture taxable.

[40]          Enfin, l'avocat de l'appelante a soutenu que le revenu provenant de la confiserie et des repas servis dans le cadre du camp familial n'était pas taxable étant donné que l'appelante était un petit fournisseur. L'article 166 de la Loi se lit comme suit :

La contrepartie ou la partie de contrepartie d'une fourniture taxable, sauf la fourniture d'un immeuble par vente, effectuée par un petit fournisseur, qui devient due, ou qui est payée avant qu'elle devienne due, à un moment où le petit fournisseur n'est pas un inscrit, n'est pas à inclure dans le calcul de la taxe payable relativement à la fourniture.

Comme je l'ai dit précédemment, l'appelante n'était pas un inscrit à l'époque en cause.

[41]          En vertu du paragraphe 148(1), une personne est un petit fournisseur tout au long d'un trimestre civil donné et du premier mois suivant si :

le total visé à l'alinéa a) ne dépasse pas la somme [...] de 30 000 $ :

a) le total des montants dont chacun représente la valeur de la contrepartie [...] devenue due au cours des quatre trimestres civils précédant le trimestre donné, ou payée au cours de ces trimestres sans qu'elle soit devenue due, à la personne ou à son associé au début du trimestre donné pour des fournitures taxables [...]

[42]          L'avocat de l'intimée a soutenu qu'il n'y avait aucune preuve devant la Cour quant au total des fournitures effectuées au cours des quatre trimestres civils précédant l'un quelconque des trimestres considérés en l'espèce, et qu'il n'y avait aucune répartition selon les trimestres civils durant lesquels les fournitures ont été effectuées. Vu l'absence d'une telle preuve, l'appelante ne peut éviter que les fournitures correspondant aux sommes en question soient incluses dans les fournitures taxables.

[43]          L'appel est accueilli dans la mesure où la fourniture que représentent le camp des enfants, le camp des pré-adolescents, le camp des adolescents, le camp familial et la retraite organisée pour l'âge d'or était une fourniture exonérée. Les fournitures correspondant aux locations hors saison, à la confiserie ainsi qu'aux repas servis dans le cadre du camp familial étaient des fournitures taxables.

[44]          Comme le succès a été partagé, aucuns dépens ne sont adjugés.

Signé à Calgary (Alberta), ce 16e jour de septembre 1998.

" R. D. Bell "

J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme ce 19e jour d'avril 1999.

Erich Klein, réviseur

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

96-2348(GST)G

ENTRE :

CAMP KAHQUAH CORPORATION LIMITED,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Appel entendu le 17 juin 1998 à Toronto (Ontario) par

l'honorable juge R. D. Bell

Comparutions

Avocat de l'appelante :                        Me David Manoochehri

Avocat de l'intimée :                           Me Eric Noble

JUGEMENT

          L'appel de la cotisation établie en vertu de la Loi sur la taxe d'accise, dont l'avis est daté du 19 novembre 1993 et porte le numéro 784670, est accueilli dans la mesure indiquée dans les motifs du jugement ci-joints, et la cotisation est renvoyée au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation selon ces motifs.


Signé à Ottawa, Canada, ce 16e jour de septembre 1998.

" R. D. Bell "

J.C.C.I.

Traduction certifiée conformece 19e jour d'avril 1999.

Erich Klein, réviseur


[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]



[1]               Comme on le verra plus loin, les positions de l'intimée reposent aussi sur d'autres fondements.

[2]               Le montant exact n'a pas été précisé en preuve, probablement parce que l'avocat de l'appelante avait fait valoir que cette somme n'était pas taxable du fait que l'appelante était un petit fournisseur.

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