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Dossier : 2002-4655(IT)I

ENTRE :

KENNETH S. COLBERT,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE] ____________________________________________________________________

Appel entendu à Whitehorse (Yukon), le 23 mars 2004.

Devant : L'honorable D.W. Rowe

Comparutions :

Pour l'appelant :

L'appelant lui-même

Avocat de l'intimée :

Me Bruce Senkpiel

____________________________________________________________________

JUGEMENT

          L'appel de la cotisation établie en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour l'année d'imposition 2000 est rejeté selon les motifs de jugement ci-joints.

Signé à Sidney (Colombie-Britannique), ce 8e jour de septembre 2004.

« D.W. Rowe »

Juge Rowe

Traduction certifiée conforme

ce 14e jour de mars 2005.

Jacques Deschênes, traducteur


Référence : 2004CCI571

Date : 20040908

Dossier : 2002-4655(IT)I

ENTRE :

KENNETH S. COLBERT,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge suppléant Rowe

[1]      Dans le calcul de son revenu pour l'année d'imposition 2000, l'appelant a déduit certains montants s'élevant en tout à 6 000 $ qu'il avait versés à son ex-épouse au titre de la pension alimentaire pour enfants. Ces montants étaient payables périodiquement en vertu d'une ordonnance judiciaire.

[2]      Conformément à une ordonnance de la Section de première instance de la Cour suprême de Terre-Neuve en date du 25 février 1992, l'appelant était tenu de verser à son ex-épouse, au titre de la pension alimentaire pour enfants, une somme mensuelle de 1 200 $, payable en deux versements de 600 $ les 1er et 15e jour de chaque mois, à compter du 1er mars 1992. Le ministre du Revenu national (le « ministre » ) a refusé la déduction, telle qu'elle avait été demandée, et s'est fondé sur deux ordonnances judiciaires ultérieures, l'une ayant été rendue le 29 mars 1999 (et datée du 31 mars 1999) et l'autre le 25 avril 2000, par lesquelles le montant de la pension alimentaire était réduit à 800 $ par mois et à 400 $ par mois respectivement. La pension alimentaire versée par l'appelant pendant l'année d'imposition 2000 a été payée conformément aux ordonnances en date du 31 mars 1999 et du 25 avril 2000.

[3]      Selon la position prise par le ministre, l'ordonnance en date du 31 mars 1999 et une ordonnance ultérieure en date du 25 avril 2000 ont eu pour effet de modifier le total des montants payables par l'appelant au titre de la pension alimentaire pour enfants pendant l'année d'imposition 2000, de sorte qu'à ces dates, il existait une date d'exécution, telle qu'elle est définie au paragraphe 56.1(4) de la Loi de l'impôt sur le revenu (la « Loi » ); par conséquent, le montant de la pension alimentaire pour enfants que l'appelant était autorisé à déduire en l'an 2000, conformément à l'alinéa 60b) de la Loi, était de zéro.

[4]      L'avocat de l'intimée, sur consentement de l'appelant, a déposé sous la cote R-1 un relieur, onglets 1 à 3 inclusivement, contenant les ordonnances pertinentes susmentionnées.

[5]      À l'heure actuelle, l'appelant réside à Whitehorse (Yukon); il est gestionnaire du programme de lutte contre les feux de forêt pour le gouvernement du Yukon. Il a témoigné que trois enfants sont issus du mariage : Miranda Sue, née le 15 décembre 1977; Kenneth Jason, né le 25 octobre 1979; et Andrea Maria, née le 21 août 1981. Un jugement de divorce a été prononcé par la Cour suprême de Terre-Neuve le 25 février 1992 (onglet 1). L'appelant a déclaré qu'il considérait que l'exigence qui y était prévue à l'égard de la pension alimentaire pour enfants était fondée sur ce que la somme mensuelle de 400 $ était le montant de la pension alimentaire attribuable à chacun des trois enfants, ce qui correspondait en tout à un montant de 1 200 $. L'appelant a par la suite obtenu certains conseils qui ont confirmé son opinion au sujet de l'effet dudit jugement. Pendant qu'il résidait encore à Goose Bay, au Labrador, l'appelant a demandé une réduction du montant de la pension alimentaire et, le 29 mars 1999, une ordonnance, onglet 2, a été rendue par le juge O'Regan de la Cour suprême de Terre-Neuve, laquelle prévoyait ce qui suit :

[traduction]

1.          Les montants à verser pour la pension alimentaire de Miranda Sue Colbert, enfant à charge, cesseront d'être payés à compter de ce jour;

2.          Les montants à verser pour la pension alimentaire doivent être réduits d'un montant de 400 $ par mois;

3.          Le demandeur versera à la défenderesse au titre de la pension alimentaire pour enfants :

en ce qui concerne Kenneth Jason Colbert [...] et Andrea Maria Colbert [...] une somme mensuelle de 800 $, payable en versements de 400 $ effectués les 1er et 15e jour de chaque mois, à compter du 1er avril 1999.

[6]      L'ex-épouse de l'appelant, Maria Vandijk, est désignée à titre de défenderesse. À la date de cette ordonnance, Miranda Sue avait 21 ans, Kenneth Jason avait 19 ans et Andrea Maria avait 17 ans. Miranda Sue avait terminé ses études et elle travaillait. L'appelant a déclaré qu'il croyait comprendre que les tribunaux judiciaires utilisaient les lignes directrices fédérales en matière de pension alimentaire pour enfants afin de tenir compte des circonstances pertinentes, mais que ces lignes directrices n'étaient pas expressément fondées sur l'âge des enfants. L'appelant a déclaré avoir demandé une autre réduction des montants à verser au titre de la pension alimentaire; le 25 avril 2000, le juge Robert Hall, de la Cour suprême de Terre-Neuve, a rendu une ordonnance à la suite d'une audience tenue à Happy Valley/Goose Bay, au Labrador, aux fins de la modification. Les passages pertinents de cette ordonnance sont ci-après reproduits :

[traduction]

1.          [...] l'obligation du demandeur de payer une pension alimentaire pour enfants à l'égard de Jason Colbert, enfant à charge, prendra fin le 31 mars 2000, l'ordonnance prononcée par le juge O'Regan le 29 mars 1999 étant modifiée en conséquence;

2.          [...] le demandeur continuera à verser une pension alimentaire pour enfants [...] d'un montant de 400 $ par mois à l'égard d'Andrea Colbert, enfant à charge;

3.          [...] la défenderesse sera autorisée à demander une pension alimentaire pour enfants à l'égard de Jason Colbert, enfant à charge, au montant et dans les circonstances qui conviennent, si Jason Colbert reprend ses études à plein temps ou s'il est par ailleurs nécessaire de subvenir à ses besoins.

[7]      Dans ladite ordonnance, l'ex-épouse de l'appelant est désignée comme étant Maria A. Van Dijk, défenderesse. Le 25 avril 2000, Kenneth Jason Colbert avait 20 ans et n'avait pas fréquenté l'école depuis le 1er janvier 1999. Dans le calcul de son revenu pour l'année d'imposition 2000, l'appelant a déclaré avoir inclus trois versements mensuels, d'un montant de 400 $ chacun, qu'il a expressément attribués à Kenneth Jason (1 200 $) ainsi que les montants payés pour l'entretien continu d'Andrea Maria, ce qui correspondait à une déduction de 6 000 $ en tout. L'appelant a déclaré avoir toujours considéré que son obligation de payer une pension alimentaire pour enfants continuait à exister tant que chaque enfant n'avait pas atteint l'âge de 21 ans et qu'il n'était pas au courant de la limite d'âge imposée par la législation fédérale en matière de divorce ou lorsque l'un de ses enfants atteignait l'âge de la majorité.

[8]      L'avocat de l'intimée n'a pas contre-interrogé l'appelant.

[9]      L'appelant a soutenu qu'il avait droit à la déduction étant donné que les ordonnances ultérieures qu'il avait obtenues avaient tout simplement pour effet de confirmer, premièrement, que l'aînée, Miranda Sue, n'avait plus besoin d'une pension alimentaire. L'ordonnance qui a suivi a annulé le paiement de la pension alimentaire à l'égard de Kenneth Jason. L'appelant prend la position selon laquelle, dans les ordonnances ultérieures, il était uniquement tenu compte de l'âge des deux enfants et que chaque ordonnance n'était pas une nouvelle ordonnance influant sur le droit de demander la déduction appropriée à l'égard des montants par la suite versés au titre de la pension alimentaire, en particulier en ce qui concerne l'année d'imposition 2000.

[10]     L'avocat de l'intimée a fait valoir que le droit de l'appelant de déduire les montants versés au titre de la pension alimentaire a été annulé par l'effet de l'ordonnance en date du 31 mars 1999 (onglet 2) et que l'ordonnance ultérieure (onglet 3), en date du 25 avril 2000, modifiait simplement l'ordonnance du 31 mars 1999. Selon la position prise par l'avocat, l'ordonnance du 31 mars 1999 est soit une nouvelle ordonnance soit une ordonnance ultérieure visée au paragraphe 56.1(4) de la Loi, de sorte que les montants versés par l'appelant conformément à l'une ou l'autre ordonnance ne sont plus déductibles étant donné qu'ils sont visés par la modification législative apportée aux montants versés au titre d'une pension alimentaire après le 1er mai 1997.

[11]     Au cours de l'argumentation, j'ai soulevé la question de savoir si le jugement initial de divorce (onglet 1), dans lequel il était ordonné à l'appelant de payer chaque mois une somme de 1 200 $ en tout au titre de la pension alimentaire pour enfants à l'égard des trois enfants à charge, comportait une date d'expiration automatique à l'égard de Miranda Sue, lorsque celle-ci a eu 19 ans le 15 décembre 1996, et le 29 mars 1999, lorsqu'elle avait terminé ses études et trouvé un emploi. Cette question n'était pas en soi en litige dans le présent appel étant donné que la déduction par l'appelant de la pension alimentaire pour enfants versée pour l'année d'imposition 1999 avait été admise et que le ministre n'avait établi aucune nouvelle cotisation. Toutefois, en ce qui concerne l'année d'imposition 2000, tant que le juge Hall n'a pas rendu une ordonnance le 25 avril 2000, l'appelant a demandé la déduction de trois paiements, s'élevant en tout à 1 200 $, à l'égard de Kenneth Jason, qui avait eu 20 ans le 25 octobre 1999. Dans le cas où le jugement initial de divorce, prononcé conformément aux dispositions de la Loi sur le divorce, L.R.C. 1985, ch. 3 (2e suppl.), n'obligeait pas l'appelant à continuer à verser une pension alimentaire une fois qu'un enfant à charge aurait atteint l'âge de la majorité ou subviendrait à ses besoins, l'appelant ne serait pas autorisé à déduire ces trois paiements à l'égard de Kenneth Jason parce qu'ils n'auraient plus été effectués conformément à une ordonnance. Par conséquent, si je retenais l'argument de l'appelant, les trois paiements effectués à l'égard de Kenneth Jason avant que l'ordonnance du 25 avril 2000 ait été rendue, ne seraient néanmoins, selon moi, peut-être pas déductibles. L'avocat de l'intimée a demandé qu'on lui donne le temps de préparer une réponse à cette question et l'appelant s'est vu accorder la possibilité de répondre.

[12]     Le paragraphe 56.1(4) de la Loi définit les expressions « pension alimentaire pour enfants » , « date d'exécution » et « pension alimentaire » . Cette disposition est rédigée comme suit :

Sommes à inclure dans le revenu de l'année

            56.(1)    Sans préjudice de la portée générale de l'article 3, sont à inclure dans le calcul du revenu d'un contribuable pour une année d'imposition :

Définition

            (4)         Les définitions qui suivent s'appliquent au présent article et à l'article 56.

« pension alimentaire pour enfants » "child support amount"

« pension alimentaire pour enfants » Pension alimentaire qui, d'après l'accord ou l'ordonnance aux termes duquel elle est à recevoir, n'est pas destinée uniquement à subvenir aux besoins d'un bénéficiaire qui est soit l'époux ou le conjoint de fait ou l'ex-époux ou l'ancien conjoint de fait du payeur, soit le père ou la mère d'un enfant dont le payeur est le père naturel ou la mère naturelle.

« date d'exécution » "commencement day"

« date d'exécution » Quant à un accord ou une ordonnance :

            a)          si [...] l'ordonnance est établi[e] après avril 1997, la date de son établissement;

b)          si l'accord ou l'ordonnance est établi avant mai 1997, le premier en date des jours suivants, postérieur à avril 1997 :

(i)          le jour précisé par le payeur et le bénéficiaire aux termes de l'accord ou de l'ordonnance dans un choix conjoint présenté au ministre sur le formulaire et selon les modalités prescrits,

(ii)         si l'accord ou l'ordonnance fait l'objet d'une modification après avril 1997 touchant le montant de la pension alimentaire pour enfants qui est payable au bénéficiaire, le jour où le montant modifié est à verser pour la première fois,

(iii)        si un accord ou une ordonnance subséquent est établi après avril 1997 et a pour effet de changer le total des montants de pension alimentaire pour enfants qui sont payables au bénéficiaire par le payeur, la date d'exécution du premier semblable accord ou de la première semblable ordonnance,

(iv)        le jour précisé dans l'accord ou l'ordonnance, ou dans toute modification s'y rapportant, pour l'application de la présente loi.

« pension alimentaire » "support amount"

« pension alimentaire » Montant payable ou à recevoir à titre d'allocation périodique pour subvenir aux besoins du bénéficiaire, d'enfants de celui-ci ou à la fois du bénéficiaire et de ces enfants, si le bénéficiaire peut utiliser le montant à sa discrétion et, selon le cas :

a)          le bénéficiaire est l'époux ou le conjoint de fait ou l'ex-époux ou l'ancien conjoint de fait du payeur et vit séparé de celui-ci pour cause d'échec de leur mariage ou union de fait et le montant est à recevoir aux termes de l'ordonnance d'un tribunal compétent ou d'un accord écrit;

b)          le payeur est le père naturel ou la mère naturelle d'un enfant du bénéficiaire et le montant est à recevoir aux termes de l'ordonnance d'un tribunal compétent rendue en conformité avec les lois d'une province.

[13]     Dans la décision Kovarik v. R., [2001] 2 C.T.C. 2503, le juge en chef adjoint Bowman examinait le cas d'un appelant divorcé depuis le 20 décembre 1979, qui avait conclu un accord écrit le 15 janvier 1990 en vue d'augmenter le montant de la pension alimentaire pour enfants qui devait être versé en vertu d'un jugement conditionnel de divorce. Le 12 février 1998, les parties ont conclu un accord écrit prévoyant que la pension alimentaire au profit de l'aîné pourrait cesser d'être versée le 1er février 1998 parce que l'enfant avait près de 25 ans, qu'il avait obtenu son diplôme universitaire, qu'il subvenait à ses propres besoins et qu'il n'était plus soumis à l'autorité parentale. Conformément à l'accord du 15 janvier 1990, l'appelant versait chaque mois un montant de 450 $ pour chaque enfant, soit une somme mensuelle de 900 $ en tout, mais à la suite de l'accord du 12 février 1998, il versait la somme de 450 $ pour le seul enfant qui avait encore besoin d'une pension alimentaire.

[14]     Avant de conclure que l'appel devait être rejeté, le juge Bowman a dit ce qui suit au paragraphe 14 et suivants :

14         L'avocat de l'appelant prétend que la définition de « date d'exécution » du paragraphe 56.1(4) ne s'applique pas et que, par conséquent, la restriction de l'alinéa 60b) ne s'applique pas non plus. Il soutient que, si l'appelant et son ancienne conjointe avaient conclu deux accords en ce qui concerne leurs deux enfants, l'annulation de l'un d'eux ne toucherait pas l'autre. Je suis d'accord avec lui, mais ce n'est pas ce qui s'est produit. Nous sommes en présence d'un accord qui couvre les pensions alimentaires de deux enfants. En 1998, le plus jeune fils a reçu un MBA et est déménagé, devenant indépendant. Le plus vieux, un étudiant en médecine, continuait d'avoir besoin du soutien de ses parents. L'accord de 1990 a été modifié, et les versements de pension alimentaire ont été réduits à 450 $ par mois.

15         La règle essentielle, dans l'interprétation des lois, est celle du sens ordinaire. Des outils nécessaires à l'interprétation ont été élaborés : voir l'affaire Glaxo Wellcome Inc. c. La Reine, C.C.I., no 93-1327(IT)G, 4 janvier 1996 (96 DTC 1159) conf. par C.A.F., no A-114-96, 8 octobre 1998 (98 DTC 6638)), (C.A.F.), (autorisation de pourvoi devant la Cour suprême du Canada refusée). Toutefois, ces outils d'interprétation ne sont pas nécessaires lorsque les termes sont clairs. La définition de « date d'exécution » du paragraphe 56.1(4) n'est pas difficile à comprendre. Que l'accord du 12 février 1998 soit un nouvel accord ou simplement une modification de l'accord de 1990, il modifie clairement les paiements de la pension alimentaire pour enfants en les faisant passer de 900 $ à 450 $ par mois. Je ne vois pas comment les termes clairs de la définition peuvent être mis de côté, aussi sophistiquées que puissent être les règles d'interprétation législatives que l'on peut choisir.

16         La responsabilité à l'égard d'un enfant, le plus vieux, demeure sans conteste la même, mais les montants totaux changent.

17         L'avocat prétend que l'accord de 1998 n'était pas nécessaire parce que l'obligation de payer une pension alimentaire pour Ray Paul Kovarik aurait pris fin à son départ. Je ne crois pas que la Loi sur le divorce prévoie une telle cessation automatique. Sans le consentement de l'ancienne conjointe de l'appelant, il lui aurait été nécessaire d'obtenir une ordonnance d'un tribunal ou une autre forme d'homologation permettant la modification de l'accord de 1990, et cela l'aurait fait entrer dans le cadre de la définition de « date d'exécution » d'une manière ou d'une autre.

18         Je n'accepte pas que l'accord de 1998 ait simplement été la confirmation de l'état du droit. Il a modifié les paiements de la pension alimentaire et a établi une limite quant à la période au cours de laquelle ils devaient se poursuivre, limite qui ne figurait pas dans l'accord de 1990.

[15]     Dans l'affaire Samycia v. R., [2002] 2. C.T.C. 2415, le juge en chef adjoint Bowman entendait un appel portant sur la question de l'imposabilité de la pension alimentaire pour enfants que l'appelante avait reçue de son ex-époux. Dans cette affaire-là, un certain nombre d'ordonnances provisoires avaient été rendues par le maître des rôles de la Cour suprême de la Colombie-Britannique. Une des ordonnances avait été portée en appel devant un juge de la Cour suprême de la Colombie-Britannique; le juge qui avait présidé l'audience avait réduit de 450 à 400 $ le montant mensuel de la pension alimentaire à verser pour chacun des quatre enfants à charge.

[16]     Au paragraphe 7 et suivants de ses motifs, le juge Bowman a reproduit les dispositions d'une ordonnance rendue sur consentement par la Cour suprême de la Colombie-Britannique et a indiqué l'effet de l'ordonnance sur la question de droit dont il était saisi :

7           Le 26 septembre 1997, la Cour suprême de la Colombie-Britannique a rendu une ordonnance sur consentement entre l'appelante, à titre de demanderesse et son mari, à titre de défendeur, établie le 29 septembre 1997. Les parties de l'ordonnance sur consentement pertinentes au présent appel sont rédigées comme suit :

[TRADUCTION]

LA COUR ACCORDE à la demanderesse la garde exclusive des enfants issus du mariage, soit JACQUELINE-AIMEE SAMYCIA, née le 10 mars 1980, SOPHIE-AIMEE SAMYCIA, née le 4 juillet 1982 et QUINCY JAMES SAMYCIA, né le 1er juillet 1987 (nommés ci-après les « enfants du mariage » ).

[...]

LA COUR ORDONNE EN OUTRE au défendeur de payer à la demanderesse pour subvenir aux besoins de chaque enfant issu du mariage le montant de 400 $ par mois par enfant, le premier jour de chaque mois à compter du 1er mars 1997 jusqu'à ce que l'enfant :

a.          se marie;

b.          décède;

c.          soit en mesure de subvenir à ses propres besoins;

d.          soit âgé de 19 ans et ne fréquente pas un établissement d'enseignement postsecondaire,

la première éventualité étant retenue. Si un enfant fréquente un établissement d'enseignement postsecondaire à temps plein, le défendeur continue à verser une pension alimentaire pour cet enfant jusqu'à ce qu'il :

a. cesse de fréquenter un établissement d'enseignement postsecondaire à temps plein;

b.          obtienne son diplôme d'études postsecondaires,

la première éventualité étant retenue.

LA COUR ORDONNE DE PLUS que les paiements effectués conformément au paragraphe précédent :

a.          ne seront pas inclus dans le revenu imposable de la demanderesse pour l'année d'imposition durant laquelle ils sont reçus;

b.          ne seront pas déduits à des fins fiscales du revenu du défendeur pour ces années.

8           Il importe de noter que l'ordonnance sur consentement du 26 septembre 1997 ne fait référence qu'à trois enfants, et que les modalités de l'interruption de la pension alimentaire ou de son maintien, dans le cas où un enfant fréquente un établissement d'enseignement postsecondaire, sont clairement énoncées. Cette ordonnance modifie de façon importante le montant total ainsi que la durée des paiements de pension alimentaire.

9           L'appelante a inclus les montants qu'elle a reçus en 1997 dans son revenu pour 1997. Elle n'a pas inclus les montants qu'elle a reçus en 1998 dans son revenu pour 1998, et aucune nouvelle cotisation n'a été établie. Je ne tire aucune conclusion de l'inclusion de la pension par l'appelante en 1997 ou de la non-inclusion de la pension par l'ACDR en 1998. Il s'agit sans aucun doute d'un oubli de part et d'autre.

10         Il y a une conclusion de fait qui est ou n'est peut-être pas pertinente, mais je l'énonce dans l'hypothèse où ma décision devait être portée en appel. En 1997, les parties ou leurs avocats s'étaient rendu compte que les dispositions législatives qui régissaient jusque-là la déduction et l'inclusion des paiements de pension alimentaire avaient été modifiées, et ils voulaient faire en sorte que, aux termes de l'ordonnance sur consentement du 26 septembre 1997, M. Samycia ne puisse les déduire de son revenu et que Mme Samycia ne soit pas tenue de les inclure dans le sien. La question à trancher en l'espèce est, bien entendu, celle de savoir si les parties ont atteint ce résultat.

[...]

[17]     Au paragraphe 11 et suivants de ses motifs, le juge Bowman a dit ce qui suit :

11         L'alinéa 56(1)b) de la Loi de l'impôt sur le revenu est libellé de la façon suivante :

56.(1)    Sans préjudice de la portée générale de l'article 3, sont à inclure dans le calcul du revenu d'un contribuable pour une année d'imposition

[...]

b)          le total des montants représentant chacun le résultat du calcul suivant :

            A - (B + C)

A          représente le total des montants représentant chacun une pension alimentaire que le contribuable a reçue après 1996 et avant la fin de l'année d'une personne donnée dont il vivait séparé au moment de la réception de la pension,

B           le total des montants représentant chacun une pension alimentaire pour enfants que la personne donnée était tenue de verser au contribuable aux termes d'un accord ou d'une ordonnance à la date d'exécution ou postérieurement et avant la fin de l'année relativement à une période ayant commencé à cette date ou postérieurement,

C          le total des montants représentant chacun une pension alimentaire que le contribuable a reçue de la personne donnée après 1996 et qu'il a incluse dans son revenu pour une année d'imposition antérieure;

12         Dans cette formule, A est le montant de 10 671 $ reçu par l'appelante en 1999. B est le montant reçu après la date d'exécution. Selon l'interprétation de l'appelante, la date d'exécution est le 26 septembre 1997 et B devrait donc être 10 671 $, de sorte qu'en appliquant la formule on obtient le chiffre zéro. Selon l'interprétation avancée par les deux parties, C équivaut à zéro. L'intimée fait valoir que B équivaut à zéro parce qu'il n'y a pas de date d'exécution et que, par conséquent, l' « ancien régime » que j'ai décrit dans l'affaire Kovarik c. R., C.C.I., no 2000-4906(IT)I, 27 mars 2001 ([2001] 2 C.T.C. 2503) continue de régir le traitement fiscal des paiements de pension alimentaire.

13         Le terme « date d'exécution » est défini de la façon suivante au paragraphe 56.1(4) :

« date d'exécution » Quant à un accord ou une ordonnance :

a)          si l'accord ou l'ordonnance est établi après avril 1997, la date de son établissement;

b)          si l'accord ou l'ordonnance est établi avant mai 1997, le premier en date des jours suivants, postérieur à avril 1997 :

(i)          le jour précisé par le payeur et le bénéficiaire aux termes de l'accord ou de l'ordonnance dans un choix conjoint présenté au ministre sur le formulaire et selon les modalités prescrits,

(ii)         si l'accord ou l'ordonnance fait l'objet d'une modification après avril 1997 touchant le montant de la pension alimentaire pour enfants qui est payable au bénéficiaire, le jour où le montant modifié est à verser pour la première fois,

(iii)        si un accord ou une ordonnance subséquent est établi après avril 1997 et a pour effet de changer le total des montants de pension alimentaire pour enfants qui sont payables au bénéficiaire par le payeur, la date d'exécution du premier semblable accord ou de la première semblable ordonnance,

(iv)        le jour précisé dans l'accord ou l'ordonnance, ou dans toute modification s'y rapportant, pour l'application de la présente loi.

14         Comme je l'ai mentionné ci-dessus, l'appelante prétend que l' « accord ou l'ordonnance » est celui du 26 septembre 1997 et que, puisqu'il a été établi « après avril 1997 » , sa date d'exécution est celle à laquelle il a été établi.

15         Selon l'intimée, l' « accord ou l'ordonnance » dont il est question dans la définition du terme « date d'exécution » est l'ordonnance du juge Meiklem du 2 août 1994. Étant donné que cette date n'est pas postérieure à avril 1997, je dois conclure, compte tenu des mots « if any » figurant dans la version anglaise de l'introduction du paragraphe b) de la définition de « commencement day » (date d'exécution), qu'il n'y a pas de date d'exécution.

16         L' « accord ou l'ordonnance » dont il est question dans la définition de date d'exécution doit évidemment être l'accord ou l'ordonnance aux termes duquel les paiements de pension alimentaire étaient recevables, tel qu'envisagé par l'élément B de la formule au paragraphe 56(1)b).

17         L'avocat de l'intimée prétend que, puisque l'ordonnance du 26 septembre 1997 n'a pas eu pour effet de modifier le montant total de la pension alimentaire pour enfants payable aux termes de l'ordonnance du 2 août 1994, je ne puis considérer l'ordonnance du 26 septembre 1997 comme l' « accord ou l'ordonnance » puisqu'elle n'a pas modifié les modalités de l'ordonnance précédente. L'appelante avance que l' « accord ou l'ordonnance » est celui du 2 août 1994.

18         La réponse simple et brève à cet argument est que l'ordonnance du 26 septembre 1997 a radicalement modifié les modalités de l'ordonnance du 2 août 1994. Elle résout définitivement tous les conflits entre les parties. Elle remplace entièrement l'ordonnance du 2 août 1994 et, le plus important, elle modifie le montant total de la pension alimentaire pour enfants payable à Mme Samycia par son conjoint.

[18]     Le juge Bowman a ajouté ce qui suit :

19         Cela devait être suffisant pour trancher la question. Toutefois, par respect pour l'argument avancé par Me Caux, j'énonce le raisonnement qu'il a formulé, car je ne suis pas convaincu que, même si l'ordonnance du 26 septembre 1997 n'avait pas modifié le total des paiements de pension alimentaire par rapport à celui qui est payable aux termes de l'ordonnance intérimaire du 2 août 1994, j'aurais été justifié de tirer une autre conclusion.

20         L'alinéa a) de la définition est en soi parfaitement clair :

a)          si l'accord ou l'ordonnance est établi après avril 1997, la date de son établissement;

21         Ces mots s'appliquent exactement à l'ordonnance du 26 septembre 1997, qui est l'ordonnance aux termes de laquelle les paiements ont été effectués. Il n'est pas nécessaire d'examiner la question davantage.

22         L'intimée toutefois, prétend que le sous-alinéa b)(iii) constitue une dérogation à l'alinéa a) en ce sens que, si un accord ou une ordonnance établi après avril 1997 est précédé d'un autre accord ou d'une autre ordonnance établis avant mai 1997, la « date d'exécution » est la date de l'accord ou de l'ordonnance établi après avril 1997 si et seulement si cet accord ou ordonnance modifie le montant total de la pension alimentaire pour enfants payable aux termes de l'accord ou de l'ordonnance antérieur.

23         Le but général que le législateur semble vouloir atteindre est le suivant. Si des paiements sont effectués conformément à un accord ou à une ordonnance établis avant mai 1997, l'ancien régime s'applique à moins qu'un nouvel accord ou une nouvelle ordonnance modifiant le montant total de la pension alimentaire payable à l'égard des enfants soit établi après avril 1997.

24         Cet argument peut être valable dans une certaine mesure si l' « accord ou l'ordonnance » aux termes duquel les paiements sont effectués est un accord établi avant mai 1997 ou une ordonnance qui acquiert une date d'exécution par suite d'une modification des montants après avril 1997. Si l'on n'est pas en présence d'un type de modification envisagée par les sous-alinéas b)(ii) ou (iii) et que les paiements sont versés conformément à un accord établi ou à une ordonnance rendue après avril 1997, les sous-alinéas b) (ii) et (iii) ne s'appliquent pas, et il ne nous reste que l'alinéa a) pour déterminer la date d'exécution.

25         Il y a eu une modification telle qu'envisagée par les sous-alinéas b)(ii) ou (iii) ou il n'y en a pas eu, mais quelle que soit l'hypothèse retenue, la date d'exécution est le 26 septembre 1997.

26         Lorsqu'il existe une ordonnance détaillée comme celle du 26 septembre 1997, cette ordonnance remplace évidemment celle du 2 août 1994 et l'ordonnance du 26 septembre 1997 est celle aux termes de laquelle les paiements de 1999 sont effectués. C'est la date d'exécution de cette ordonnance qui est pertinente et elle est déterminée par l'alinéa a) de la définition. Bien que l'ordonnance du 26 septembre 1997 ait comme effet de modifier le montant total payable aux termes de l'entente du 2 août 1994, elle ne fait pas référence à l'ordonnance antérieure. Il s'agit d'une ordonnance indépendante (voir Kovarik, précité).

[19]     Pour revenir au présent appel, l'avocat de l'intimée a attiré mon attention sur la décision rendue par le juge Mogan dans l'affaire Miller v. R., 2003 CarswellNat 3161, où il s'agissait de savoir si une seconde ordonnance judiciaire avait établi une date d'exécution. Dans cette affaire-là, les parties avaient divorcé en 1985 et il avait été ordonné à l'appelant de verser à son ancienne femme, au titre de la pension alimentaire pour enfants, une somme mensuelle de 200 $ par enfant, soit un montant mensuel brut de 600 $. En 1996, l'ancienne femme avait présenté une demande à la cour en vue de faire modifier le montant de la pension alimentaire pour enfants et, le 15 novembre 1996, un juge de la Cour suprême de la Colombie-Britannique avait rendu une ordonnance enjoignant à l'appelant de verser une somme mensuelle de 475 $ par enfant, soit un montant mensuel de 1 425 $ en tout, à compter du 1er novembre 1996, et ce, tant qu'une autre ordonnance ne serait pas rendue. Au paragraphe 4 de ses motifs, le juge Mogan a énoncé comme suit les détails de la seconde ordonnance accordée par la cour :

            L'appelant et Lola Marie se sont retrouvés devant le tribunal en décembre 1999 pour l'audition de ce qui était apparemment une requête conjointe par le juge MacKenzie. Je dis « apparemment » parce que l'ordonnance débute de la façon suivante :

[TRADUCTION]

            « J'ai entendu aujourd'hui à New Westminster, Colombie-Britannique, les REQUÊTES du demandeur, CHARLES WESLEY MILLER, et de la défenderesse, LOLA MARIE MILLER, [...] »

Le dispositif de l'ordonnance du juge MacKenzie est rédigé comme suit :

            [TRADUCTION]

« LA COUR ORDONNE que l'ordonnance de l'honorable juge Holmes, rendue le 15 novembre 1996, soit modifiée de la façon suivante :

             a) la pension alimentaire pour enfants payable par le demandeur à la défenderesse à l'égard de Heather Mae Miller, née le 30 juin 1977, est annulée à compter du 5 octobre 1999;

             b) le demandeur paiera à la défenderesse à titre d'aliments provisoires pour les enfants à charge, soit Erin Fern Miller, né le 5 juin 1979, et Sarah Lindsey Miller, née le 1er juin 1981 (ci-après collectivement les « enfants » ) le montant de 475 $ par mois par enfant pour un montant total de 950 $ par mois commençant le 5 octobre 1999 et chaque mois par la suite jusqu'à nouvelle ordonnance de la cour, les paiements étant effectués par le défendeur à la défenderesse au montant de 438, 48 $ chaque deux semaines par la suite. »

[20]     Conformément à cette ordonnance, l'appelant a effectué des paiements mensuels de 475 $ et la question dont le juge Mogan était saisi était de savoir si la seconde ordonnance avait pour effet de modifier le droit de l'appelant de déduire les montants versés au titre de la pension alimentaire pour enfants à compter du 5 octobre 1999. Après avoir mentionné la définition de l'expression « date d'exécution » figurant dans la Loi, le juge Mogan a dit ce qui suit au paragraphe 8 et suivants :

8           Les dispositions pertinentes ont fait l'objet d'une importante modification qui est entrée en vigueur le 1er mai 1997. Le juge Bowman, juge en chef adjoint de la présente Cour, décrit bien ce qui s'est passé dans Kovarik c. Sa Majesté la Reine, [2001] 2 C.T.C. 2503 :

8           En vertu de ce que je pourrais décrire comme l'ancien régime (antérieur à mai 1997), les conjoints effectuant des paiements à leurs conjoints dont ils étaient séparés ou à leurs anciens conjoints à titre d'aliments pour les enfants pouvaient déduire ces paiements et les bénéficiaires devaient les inclure dans leur revenu. À la suite de la décision de la Cour suprême du Canada dans l'affaire Thibaudeau c. Canada, [1995] 2 R.C.S. 627, la loi a changé. Tant qu'un accord antérieur à mai 1997 demeurait inchangé, le système de déduction et d'inclusion en vertu de l'ancien régime prévalait.

9           Si un nouvel accord était conclu ou si un ancien accord était modifié d'une manière particulière, le régime de déduction et d'inclusion cessait, et seuls les paiements effectués à la « date d'exécution » , ainsi qu'elle est définie, étaient déductibles par le payeur et devaient être inclus par le bénéficiaire dans son revenu.

Le passage de l'ancien au nouveau régime dépendait de l'existence d'une « date d'exécution » telle que définie ci-dessus.

9           Étant donné que l'ordonnance de base n'a pas été établie après avril 1997, mais le 15 novembre 1996 (pièce R-1), selon la définition de « date d'exécution » , le présent appel est régi par le paragraphe b). Le paragraphe b) prévoit quatre situations. J'examinerai d'abord la première et la dernière situation parce qu'il est facile de les mettre de côté. Si le payeur et le bénéficiaire signent un choix conjoint et le présentent au ministre dans le formulaire prescrit, ils peuvent choisir une date d'exécution en vertu de l'alinéa b)(i). L'appelant et Lola Marie n'ont pas signé de choix conjoint. En vertu de l'alinéa b)(iv), l'accord ou l'ordonnance peuvent préciser un jour comme la date d'exécution pour l'application de la Loi de l'impôt sur le revenu. Aucune date d'exécution n'est précisée dans la deuxième ordonnance. Les alinéas b)(i) et b)(iv) ne s'appliquent pas.

10         Il me reste à examiner les deux autres alinéas, soit les alinéas b)(ii) et b)(iii) :

            (ii) si l'accord ou l'ordonnance fait l'objet d'une modification après avril 1997 touchant le montant de la pension alimentaire pour enfants qui est payable au bénéficiaire, le jour où le montant modifié est à verser pour la première fois,

            (iii) si un accord ou une ordonnance subséquent est établi après avril 1997 et a pour effet de changer le total des montants de pension alimentaire pour enfants qui sont payables au bénéficiaire par le payeur, la date d'exécution du premier semblable accord ou de la première semblable ordonnance,[...]

Il y a une similarité évidente entre les dispositions dans les alinéas (ii) et (iii) parce dans l'alinéa (ii) on trouve les mots « touchant le montant de la pension alimentaire pour enfants » et, dans l'alinéa (iii), les mots « de changer le total des montants de pension alimentaire pour enfants » . L'alinéa b)(ii) s'applique si un accord ou une ordonnance « fait l'objet d'une modification » tandis que l'alinéa b)(iii) s'applique s'il y a un accord ou une ordonnance subséquent. Dans le présent appel, nous avons ce qui semble être une modification parce que, dans la deuxième ordonnance, Mme la juge MacKenzie conclut :

[TRADUCTION]

« LA PRÉSENTE COUR ORDONNE que l'ordonnance de l'honorable juge Holmes, rendue le 15 novembre 1996, soit modifiée de la façon suivante : » (je souligne.)

Dans l'hypothèse où l'ordonnance du 15 novembre 1996 fait seulement « l'objet d'une modification » , l'alinéa b)(ii) s'applique dans le cas de l'appelant. La deuxième ordonnance n'a pas modifié les montants de pension alimentaire pour enfants payables par mois par enfant. Les deux ordonnances sont rédigées à peu près de la même façon. La première ordonnance de novembre 1996 prévoit « une pension alimentaire de 475 $ par mois par enfant pour un total de 1 425 $ par mois » . La deuxième ordonnance stipule ce qui suit « le montant de 475 $ par mois par enfant pour un montant total de 950 $ par mois » . Il est parfaitement évident que, s'il y a cessation de l'obligation de payer une pension alimentaire à l'égard de l'un des trois enfants, il y aura diminution du montant. Mais cela n'est pas ce que l'alinéa b)(ii) de la définition de « date d'exécution » vise. L'alinéa b)(ii) vise le cas où l'ordonnance fait l'objet d'une modification « touchant le montant de la pension alimentaire pour enfants qui est payable au bénéficiaire » .

11         Selon moi, l'alinéa b)(ii) s'applique seulement si un accord ou une ordonnance antérieur fait l'objet d'une modification touchant le montant payable par enfant. Dans la deuxième ordonnance, parce que Heather (l'enfant le plus âgé) avait atteint un certain âge ou niveau d'instruction, s'était mariée, était partie ou pour quelque autre raison que ce soit, l'appelant n'était plus tenu de payer 475 $ par mois à son égard après le 5 octobre 1999. Il était, par contre, tenu aux termes de la deuxième ordonnance, de continuer à payer pour chacun des deux plus jeunes enfants exactement le même montant que le tribunal lui avait précédemment ordonné de payer dans l'ordonnance du 15 novembre 1996. Selon mon interprétation des deux ordonnances du tribunal, celle du 15 novembre 1996 et celle du 16 décembre 1999, il n'y a pas de date d'exécution en ce qui concerne l'appelant et les paiements qu'il a effectués à son ancienne épouse en 1999, 2000 et 2001. Comme il n'y a pas de date d'exécution, il continue, tout comme c'était le cas avant le 16 décembre 1999, à avoir le droit de déduire les paiements mensuels.

[21]     Au paragraphe 13 et suivants de ses motifs, le juge Mogan a encore une fois mentionné la décision rendue par le juge Bowman dans l'affaire Kovarik, précitée, et a fait remarquer ce qui suit :

13         Le juge Bowman a rejeté l'appel de M. Kovarik et il a conclu qu'il y avait une « date d'exécution » à cause de l'accord conclu le 12 février 1998. Il dit ce qui suit à la page 2510 :

16         La responsabilité à l'égard d'un enfant, le plus vieux, demeure sans conteste la même, mais les montants totaux changent.

17         L'avocat prétend que l'accord de 1998 n'était pas nécessaire parce que l'obligation de payer une pension alimentaire pour Ray Paul Kovarik aurait pris fin à son départ. Je ne crois pas que la Loi sur le divorce prévoie une telle cessation automatique. Sans le consentement de l'ancienne conjointe de l'appelant, il lui aurait été nécessaire d'obtenir une ordonnance d'un tribunal ou une autre forme d'homologation permettant la modification de l'accord de 1990, et cela l'aurait fait entrer dans le cadre de la définition de « date d'exécution » d'une manière ou d'une autre.

Dans le cas Kovarik, l'accord du 12 février 1998 était « un accord subséquent » auquel s'applique, par conséquent, l'alinéa b)(iii) de la définition de « date d'exécution » . Le juge Bowman a conclu qu'il était lié par le libellé clair de l'alinéa b)(iii), soit : « changer le total des montants de pension alimentaire pour enfants qui sont payables au bénéficiaire par le payeur » . même si le montant payable par enfant n'avait pas changé.

14         Je ne suis pas enclin à interpréter l'alinéa b)(ii) de la définition et à conclure à l'existence d'une date d'exécution seulement parce que parmi deux ou plusieurs enfants il y en a un qui est devenu inadmissible aux paiements de pension alimentaire pour enfants. À mon avis, une date d'exécution aurait été établie après avril 1997 en vertu de l'alinéa b)(ii) seulement s'il y avait eu modification du montant de pension alimentaire payable par enfant. Lorsque deux ou plusieurs enfants sont admissibles aux paiements de pension alimentaire pour enfants et que l'un d'entre eux devient inadmissible aux paiements de pension alimentaire à cause de son âge, de son niveau d'instruction, de son mariage, de son départ, etc., le montant total payable au bénéficiaire diminue, bien entendu, mais cette diminution n'est pas, à mon avis, une « modification » des montants de pension alimentaire pour enfants pour l'application de l'alinéa b)(ii).

15         Revenant aux faits dans le présent appel, la deuxième ordonnance a modifié l'ordonnance précédente du juge Holmes, mais seulement dans la mesure où elle mettait fin à la pension alimentaire pour enfants payable à l'égard de Heather. À tout autre point de vue, la deuxième ordonnance a confirmé que l'ancien montant de pension alimentaire pour enfant (475 $ par mois) était toujours payable à l'égard des deux plus jeunes enfants (Erin et Sarah). Étant donné ces faits, je conclus que la deuxième ordonnance du 16 décembre 1999 n'a pas établi de « date d'exécution » . Les appels pour les années 1999, 2000 et 2001 sont accueillis, sans frais.

[22]     Dans la décision Hill c. Canada, [1993] A.C.I. no 317, j'ai tranché l'appel interjeté par la contribuable à qui le ministre avait ordonné d'inclure dans le revenu le plein montant de la pension alimentaire pour enfants. La contribuable avait conclu avec le père des enfants un accord écrit l'autorisant à recevoir une somme mensuelle de 225 $. En 1990, elle avait demandé une augmentation de ce montant et la cour avait rendu une ordonnance portant à 450 $ par mois le montant à verser, et ce, à compter du 27 juin 1990. Le payeur et la bénéficiaire ne s'étaient jamais mariés; les dispositions applicables de la Loi étaient les alinéas 3a) et 56(1)c.1) ainsi que le paragraphe 56.1(1), puisque le payeur était le père naturel des enfants et que les montants avaient été reçus par l'appelante dans l'année d'imposition en cause aux termes d'une ordonnance rendue après le 10 février 1988 par un tribunal compétent en conformité avec les lois d'une province, à titre d'allocation périodique pour subvenir aux besoins des enfants pendant que l'appelante vivait séparément du payeur. Aux paragraphes 7 et 8 des motifs, j'ai fait les remarques suivantes :

            Il est nécessaire ici d'examiner le sens de l'expression anglaise « pursuant to an order » , rendue dans la Loi par « en vertu d'une ordonnance » . Dans l'arrêt The Queen v. Barbara D. Sills, 85 D.T.C. 5096, la Cour d'appel fédérale a fait remarquer, à la page 5098 :

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

« Selon le dictionnaire Shorter Oxford, le terme "pursuant" signifie entre autres "in accordance with" ("conformément à"). La Cinquième édition du dictionnaire Black's Law Dictionary définit "pursuant" comme signifiant notamment "To execute or carry out in accordance with or by reason of something" ("exécuter ou accomplir conformément à quelque chose ou à cause de quelque chose"). Selon ce dictionnaire, "pursuant to" veut dire notamment "in the course of carrying out; in conformance to or agreement with; according to" ("dans le cours de l'accomplissement de; en conformité ou en accord avec; selon"). »

            Il ne fait guère de doute que, le 30e jour de chaque mois, après que le juge Barnett eut rendu l'ordonnance en date du 27 juin 1990, la personne tenue de payer l'allocation avait de bonnes raisons de croire que, chaque fois qu'elle versait les 450 $, elle le faisait « en vertu de » cette ordonnance ou « conformément à » celle-ci. Contrairement au paragraphe 56.1(1) de la Loi de l'impôt sur le revenu, où l'expression « ou une modification s'y rapportant » se rattache aux mots qui précèdent ( « un arrêt, une ordonnance, un jugement ou un accord écrit » ), l'alinéa 56(1)c.1) ne fait aucunement mention d'une modification. Toutefois, en ce qui concerne une ordonnance rendue par un tribunal compétent, le terme « modification » n'a rien de bien sorcier. Dans l'affaire Horkins v. The Queen, 76 D.T.C. 6043, le juge Collier, de la Cour fédérale du Canada - Section de première instance, déclarait, à la page 6046 :

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

« [...] Je ne veux pas essayer de donner une définition exhaustive du mot "ordonnance", mais il me semble que ce mot suppose nécessairement une décision, un décret ou une directive du tribunal en question. »

[23]     L'effet de la nouvelle ordonnance a été examiné au paragraphe 13 et suivants :

13         Il appert que les ordonnances précédentes et l'entente écrite déposée au greffe de la Cour provinciale n'ont pas été modifiées par l'ordonnance du 27 juin 1990 en ce qui a trait à la déclaration de paternité ou à la garde des enfants. La question est de savoir si la nouvelle ordonnance qui a été rendue a eu pour effet de supprimer le droit aux allocations d'entretien des enfants découlant des trois autres ordonnances distinctes (l'entente écrite étant applicable comme si elle avait été à l'origine une ordonnance de la Cour) ou si elle a simplement eu pour effet d'augmenter le montant payable à l'appelante, sans miner les fondements des ordonnances antérieures.

14         Après que l'ordonnance du 27 juin 1990 eut été rendue, si la personne tenue de payer les allocations avait accumulé des arriérés de paiement et que des mesures de mise à exécution aient été nécessaires, il est raisonnable de présumer que la demande visant à faire respecter les dispositions de l'ordonnance aurait été basée sur celle-ci et non sur les ordonnances antérieures, qui, collectivement, conféraient à l'appelante le droit de recevoir 225 $ par mois au total. Cependant, du fait qu'il a expressément traité d'une demande de l'appelante visant à faire modifier ces ordonnances antérieures et qu'il a rejeté la requête que la personne tenue de payer les allocations avait déposée pour faire annuler les ordonnances ou les faire modifier de manière à en ramener le montant à 1 $ par mois, est-ce que le juge Barnett a, en ordonnant à la personne responsable du paiement des allocations de faire des versements de 450 $ par mois au total, créé une nouvelle obligation pour cette personne?

15         Quelle somme l'appelante a-t-elle reçue en obtenant l'ordonnance du 27 juin 1990? Elle a reçu 150 $ de plus par mois. En raison de cette ordonnance, elle a doublé le montant de la pension alimentaire auquel elle avait droit antérieurement. Sans cette ordonnance, elle aurait pu recevoir d'une manière suivie une pension de 225 $ par mois pour les trois enfants. Une ordonnance rendue par un tribunal compétent est plus qu'une directive; c'est un ordre, que ce tribunal ou un autre tribunal compétent peut faire mettre à exécution. La personne devant verser les allocations avait antérieurement été tenue de payer 225 $ par mois, et la nouvelle ordonnance a renforcé cette exigence en ajoutant non pas une nouvelle responsabilité, mais plutôt un fardeau supplémentaire. Les ordonnances précédentes n'ont pas été explicitement annulées et n'auraient pas en fait été révoquées dans la mesure où elles traitaient aussi de questions autres que la pension alimentaire. Toutefois, comme la nouvelle ordonnance reconnaissait l'existence d'ordonnances exigeant le paiement d'une pension alimentaire, elle commande que la pension « soit augmentée, c'est-à-dire qu'elle passe à 150 $ par mois pour chaque enfant » . L'ordre de payer cette somme précise aurait été tout aussi effectif même s'il n'avait pas été mentionné que le montant adjugé représentait une « augmentation » . En ce sens, on peut considérer qu'il y a « subsomption » , car il s'agit d'un élément constituant d'un ensemble. La prétention selon laquelle la somme payable « en vertu » de l'ordonnance du 27 juin 1990 n'est donc que le montant de l'augmentation de la pension alimentaire revient à limiter la définition de cette expression de manière que seul y soit compris le montant découlant d'une source distincte, c'est-à-dire directement issu de l'augmentation commandée par la nouvelle ordonnance. La jurisprudence, à mon avis, n'appuie pas une telle limitation. La disposition d'assujettissement à l'impôt 56(1)c.1) exige que soit inclus dans le revenu tout montant que le contribuable a reçu au cours de l'année en vertu d'une ordonnance rendue par un tribunal compétent en conformité avec la législation d'une province, à titre d'allocation payable périodiquement pour subvenir aux besoins du contribuable, d'enfants de celui-ci ou à la fois du contribuable et d'enfants de celui-ci si l'ordonnance a été rendue après le 10 février 1988 et si certaines autres conditions sont remplies, dont aucune n'entre en ligne de compte dans l'appel en instance. Cette disposition n'établit pas que le montant à inclure dans le revenu en vertu d'une ordonnance rendue après le 10 février 1988 n'est que le montant représentant une augmentation par rapport aux sommes déjà reçues en vertu d'ordonnances alimentaires antérieures.

[24]     Quant aux circonstances afférentes au présent appel, la décision rendue dans l'affaire Miller étaye de toute évidence fortement la prétention de l'appelant selon laquelle les deux ordonnances qui ont été rendues après le prononcé du jugement de divorce n'ont pas créé de nouvelles obligations et confirmaient simplement la position de l'appelant, à savoir qu'un enfant, puis un autre enfant, n'avaient plus besoin de la pension alimentaire et que l'obligation qui incombait à l'appelant à cet égard devait prendre fin. En l'espèce, aucune des ordonnances ne traitait expressément des montants à verser chaque mois pour chaque enfant, en indiquant ensuite le montant total de l'obligation, comme c'était le cas dans l'affaire Miller. Toutefois, le témoignage de l'appelant et les circonstances dans lesquelles s'inscrivait la demande qu'il a présentée à deux reprises après le prononcé du jugement de divorce, ainsi que le texte des ordonnances elles-mêmes, montrent que tous s'entendaient fort probablement sur le rapport existant entre la somme mensuelle de 400 $ et le montant attribuable à un enfant individuel, payé au profit d'un enfant individuel. La demande relative à l'ordonnance datée du 31 mars 1999 visait à faire annuler l'obligation de payer une pension alimentaire pour enfants à l'égard de Miranda Sue, l'aînée, qui avait 21 ans et subvenait à ses propres besoins. Selon le premier paragraphe de cette ordonnance, la pension alimentaire à verser pour cette enfant devait cesser d'être versée à cette date. Au deuxième paragraphe, il était déclaré que [traduction] « les montants à verser pour la pension alimentaire [devaient] être réduits d'un montant de 400 $ par mois » . Toutefois, au paragraphe 3, sans qu'il soit fait mention de l'ordonnance initiale qui avait été rendue au sujet de la pension alimentaire à la suite du jugement de divorce (onglet 1) daté du 25 février 1992, il est ajouté ce qui suit :

[traduction]

Le demandeur versera à la défenderesse au titre de la pension alimentaire des enfants :

en ce qui concerne Kenneth Jason Colbert, né le 25 octobre 1979, et Andrea Maria Colbert, née le 21 août 1981, une somme mensuelle de 800 $, payable en versements de 400 $ effectués les 1er et 15e jour de chaque mois, à compter du 1er avril 1999.

[25]     Comme le montre le texte de l'ordonnance, la somme de 400 $ a été utilisée pour indiquer la méthode de paiement applicable au montant global de 800 $, mais aucun montant précis n'était attribué à chaque enfant. Encore une fois, il est raisonnable de conclure que l'appelant, l'ex-épouse et, selon toute probabilité, le juge qui présidait l'instruction avaient accepté le montant attribué à chaque enfant.

[26]     Le 25 avril 2000, le juge Hall a ordonné que l'obligation de l'appelant de payer une pension alimentaire pour Kenneth Jason prenne fin à compter du 31 mars 2000, [traduction] « l'ordonnance prononcée par le juge O'Regan le 29 mars 1999 étant modifiée en conséquence » . Au paragraphe suivant de l'ordonnance, le juge Hall enjoignait à l'appelant de continuer à verser une pension alimentaire d'un montant de 400 $ par mois à l'égard d'Andrea Maria. De plus, au paragraphe 3 de cette ordonnance, le juge accordait à l'ex-épouse de l'appelant l'autorisation de demander une pension alimentaire à l'égard de Kenneth Jason (âgé de 20 ans) [traduction] « au montant et dans les circonstances qui conviennent, si Jason Colbert repren[ait] ses études à plein temps ou s'il [était] par ailleurs nécessaire de subvenir à ses besoins » .

[27]     À mon avis, l'ordonnance rendue par le juge O'Regan le 29 mars 1999 modifiait l'obligation antérieure de l'appelant en prévoyant la cessation des paiements destinés à l'enfant aînée à charge et en réduisant le montant total de la pension alimentaire d'un montant de 400 $ par mois et, fait important, en enjoignant à l'appelant de verser un montant mensuel total de 800 $ au titre de la pension alimentaire de deux enfants, à compter du 1er avril 1999. La modification n'était pas aussi importante que celle qui était créée par les ordonnances en cause dans l'affaire Samycia, précitée, que le juge Bowman a décrite comme suit au paragraphe 18 de ses motifs :

La réponse simple et brève à cet argument est que l'ordonnance du 26 septembre 1997 a radicalement modifié les modalités de l'ordonnance du 2 août 1994. Elle résout définitivement tous les conflits entre les parties. Elle remplace entièrement l'ordonnance du 2 août 1994 et, le plus important, elle modifie le montant total de la pension alimentaire pour enfants payable à Mme Samycia par son conjoint.

[28]     Comme je l'ai statué dans la décision Hill, précitée, il me semble qu'une ordonnance doit être considérée comme telle, et ce, même si elle peut être considérée à certains égards comme effectuant une modification, apportant des précisions, accordant une prorogation ou remaniant l'ordonnance antérieure. Elle vaut à titre d'ordonnance judiciaire et, en cas d'inobservation, elle a un effet et des conséquences. Elle a une existence qui lui est propre à compter du moment où il est déclaré qu'elle prend effet. L'ordonnance rendue le 29 mars 1999 et datée du 31 mars 1999 modifiait le montant total de la pension alimentaire pour enfants en éliminant la pension attribuée à un enfant et en ordonnant le versement, pour deux enfants à charge, d'un montant mensuel de 800 $ en tout, à compter du 1er avril 1999. Si l'ordonnance initiale concernant le paiement de la pension alimentaire pour enfants, incorporée dans le jugement de divorce, avait été organisée de façon à prévoir la cessation des paiements à l'égard d'un enfant lorsque surviendraient certains événements précis du genre mentionné par le juge Mogan dans la décision Miller, la position prise par l'appelant aurait peut-être été plus forte. Toutefois, la question de savoir si une personne continue à être « un enfant à charge » conformément à la Loi sur le divorce peut être une question épineuse et, à défaut de consentement, elle exigera dans la plupart des cas une décision de la part d'un tribunal compétent. Toute décision rendue après l'entrée en vigueur du nouveau régime établira à mon avis une date d'exécution et le payeur perdra tout droit à la déductibilité qu'il possédait auparavant.

[29]     J'ai demandé à l'avocat de l'intimée de me remettre un mémoire portant sur la question de savoir si l'appelant a payé une pension alimentaire après qu'il eut cessé d'être tenu de le faire. L'appelant avait toujours pris la position selon laquelle il était tenu de verser une pension alimentaire tant que chaque enfant n'avait pas atteint l'âge de 21 ans, et ce, même si l'âge de la majorité, à Terre-Neuve et au Labrador, tel qu'il était établi par la législation provinciale, était de 19 ans. Il s'agissait d'un élément important en ce sens que si je tirais une conclusion favorable à l'appelant à l'égard des montants versés au profit d'Andrea Maria, conformément à l'ordonnance datée du 31 mars 1999, il se pourrait qu'il n'existe pas de droit équivalent de déduire trois paiements qu'il a effectués en l'an 2000, à l'égard de Kenneth Jason, si cet enfant n'était plus admissible à la pension alimentaire conformément aux dispositions de la Loi sur le divorceétant donné que le jugement de divorce rendu le 25 février 1992 ne prévoyait rien au sujet de la cessation finale des paiements à l'égard de l'un des enfants. J'ai donc jugé raisonnable de me demander si l'obligation de l'appelant a continué à exister à l'égard de Kenneth Jason étant donné que l'obligation de payer avait peut-être cessé d'exister lorsque cet enfant avait atteint l'âge de la majorité, lorsqu'il avait quitté l'école ou lorsqu'il avait commencé à travailler. Il est compréhensible que le jugement de divorce n'ait pas prévu la cessation des paiements à effectuer au titre de la pension alimentaire en ce sens que la nécessité continue de prendre soin d'enfants adultes, qui manifestent une réticence remarquable à quitter le nid, est imprévisible, et qu'il s'agit en outre d'un phénomène relativement récent qui a créé des obligations durables de la part des parents, au point que la souffrance que ceux-ci ont endurée au moment de la puberté de leurs enfants est maintenant considérée avec une pointe d'humour, comme, lorsque l'on regarde au bout de plusieurs années des photographies prises lors de vacances vraiment désastreuses.

[30]     Dans la décision Kovarik, précitée, le juge Bowman a exprimé l'avis selon lequel la Loi sur le divorce ne prévoyait pas une cessation unilatérale des montants versés au titre de la pension alimentaire pour enfants une fois qu'un « enfant à charge » telle que cette expression est définie dans cette loi atteint l'âge de la majorité. L'examen de la jurisprudence tend à étayer l'avis selon lequel, pour que cette fin soit accomplie, la loi exige la conclusion d'un accord entre les époux ou une ordonnance rendue par un tribunal judiciaire compétent. J'ai examiné le mémoire que l'avocat de l'intimée m'a remis, et je suis convaincu qu'il n'y a pas eu cessation automatique de l'obligation de l'appelant de continuer à effectuer des paiements au titre de la pension alimentaire après que Miranda Sue ou Kenneth Jason eurent atteint l'âge de la majorité, à savoir 19 ans, à Terre-Neuve et au Labrador, ou après qu'ils eurent terminé leurs études ou obtenu un emploi. De toute évidence, les tribunaux judiciaires tiendront compte de nombreux facteurs afin de déterminer si un enfant continue à être « un enfant à charge » au sens de la définition (voir : Van de Pol v. Van de Pol, (1996) 179 A.R. 221; (1996) 20 R.F.L. (4th) 178 et Kushnir v. Kushnir, (2001) 21 R.F.L. (5th) 90). Ces deux décisions étayent la thèse selon laquelle une fois qu'un enfant atteint l'âge de la majorité, il n'est plus présumé être un enfant à charge et il sera nécessaire pour le parent bénéficiaire d'établir que l'enfant est à sa charge. Par conséquent, je suis convaincu que la seule mesure appropriée que l'appelant pouvait prendre est celle qu'il a choisie, à savoir présenter une demande à la Cour suprême de Terre-Neuve à deux reprises afin d'obtenir une ordonnance approuvant la cessation des paiements effectués au titre de la pension alimentaire à l'égard d'un enfant précis.

[31]     Quant à l'ordonnance (onglet 2) datée du 31 mars 1999, elle accomplissait le but visé par l'appelant qui, en sa qualité de demandeur, a cherché à faire cesser les paiements effectués au titre de la pension alimentaire de Miranda Sue. Par conséquent, son engagement continu était maintenant réduit de 1 200 $ à 800 $ par mois pour les deux enfants désignés dans cette ordonnance, les paiements devant commencer à être effectués le 1er avril 1999. À mon avis, cette ordonnance a annulé la déductibilité dont l'appelant bénéficiait auparavant étant donné qu'il s'agissait d'une ordonnance rendue après le mois d'avril 1997 et d'une ordonnance indépendante en ce sens qu'elle modifiait le montant total de la pension alimentaire payable à la bénéficiaire. En outre, elle ne visait pas à modifier l'obligation antérieure découlant du jugement de divorce rendu le 25 février 1992. Il s'agissait d'une ordonnance au sens de la définition de l'expression « date d'exécution » conformément à l'alinéa 56.1(4)a) de la Loi.

[32]     Dans le préambule de l'ordonnance (onglet 3) datée du 25 avril 2000, il est fait mention du fait que la demande présentée par l'appelant avait été soumise à la cour en vue de la tenue d'une [traduction] « audience concernant la modification » et au premier paragraphe de l'ordonnance, il est expressément fait mention du fait que [traduction] « l'ordonnance prononcée par le juge O'Regan le 29 mars 1999 [est] modifiée » . Cette ordonnance est donc visée au sous-alinéa 56.1(4)b)(iii) en tant qu'ordonnance subséquente, dont l'effet était de changer le total des montants de pension alimentaire qui étaient payables à la bénéficiaire étant donné qu'elle éliminait la nécessité de payer une pension alimentaire continue à l'égard de Kenneth Jason, même si elle préservait expressément le droit de l'ex-épouse de l'appelant de présenter une nouvelle demande de pension alimentaire pour enfants si les circonstances justifiaient la chose. L'ordonnance enjoignait également à l'appelant de [traduction] « continuer à verser une pension alimentaire pour enfants » d'un montant de 400 $ par mois à l'égard d'Andrea Maria.

[33]     Il me semble que le législateur a décidé que le nouveau régime, après le mois d'avril 1997, s'appliquerait même s'il pouvait en résulter certaines iniquités apparentes lorsque l'on obtenait une nouvelle ordonnance empêchant le payeur de déduire le montant qu'il pouvait déduire depuis la prise d'effet de l'obligation initiale.

[34]     Dans le présent appel, il s'agit de décider si l'appelant a droit à une déduction, pour l'année d'imposition 2000, à l'égard des montants qu'il a versés à son ex-épouse au titre de la pension alimentaire pour enfants lesquels s'élèvent en tout à 6 000 $. Pour les motifs susmentionnés, je conclus qu'il n'y a pas droit. La cotisation établie par le ministre est exacte et l'appel est par les présentes rejeté.

Signé à Sidney (Colombie-Britannique), ce 8e jour de septembre 2004.

« D.W. Rowe »

Juge Rowe

Traduction certifiée conforme

ce 14e jour de mars 2005

Jacques Deschênes, traducteur


RÉFÉRENCE :

2004CCI571

No DU DOSSIER DE LA COUR :

2002-4655(IT)I

INTITULÉ :

Kenneth S. Colbert et S.M.R.

LIEU DE L'AUDIENCE :

Whitehorse (Yukon)

DATE DE L'AUDIENCE :

Le 23 mars 2004

MOTIFS DU JUGEMENT :

L'honorable D.W. Rowe

DATE DU JUGEMENT :

Le 8 septembre 2004

COMPARUTIONS :

Pour l'appelant :

L'appelant lui-même

Avocat de l'intimée :

Me Bruce Senkpiel

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Pour l'appelant :

Nom :

Cabinet :

Pour l'intimée :

Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada

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