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Date: 20010326

Dossier: 1999-491-GST-G

ENTRE :

GESTION CHEERS INC.,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifsdu jugement

Le juge McArthur

[1]            Le présent appel est interjeté contre une cotisation de taxe sur les produits et services établie en vertu de la Loi sur la taxe d'accise pour la période allant du 1er juin 1991 au 31 janvier 1995. La question est de savoir si l'appelante doit payer 53 519 $ de taxe nette, soit 7 p. 100 du montant de 770 565 $ représentant de prétendues ventes non déclarées. Durant la période pertinente, l'appelante exploitait un bar à Montréal, près du Forum.

[2]            Le ministre du Revenu national a conclu qu'une grande partie des sommes déduites par l'appelante pour boissons renversées, événements et promotions représentait des ventes non déclarées à l'égard desquelles de la TPS qui avait été perçue ou qui aurait dû être perçue n'a pas été versée. Le ministre réclame en outre des intérêts et des pénalités. Des doutes avaient surgi après une vérification parce que le ministre avait utilisé une règle générale selon laquelle le montant moyen pour boissons renversées, événements et promotions se rapportant à des établissements semblables représente environ 10 p. 100 des ventes totales. L'appelante a déduit un montant représentant plus de 30 p. 100 des ventes brutes.

[3]            L'appelante soutient que la proportion de 10 p. 100 utilisée par le ministre est purement arbitraire. Elle dit qu'elle a eu un pourcentage d'activités promotionnelles exceptionnellement élevé à cause de la récession ou du ralentissement de l'économie survenu au cours de la première moitié des années 1990. Un effort promotionnel maximum avait été fait pour accroître les ventes.

[4]            Le propriétaire de Gestion Cheers Inc., William Wolfstein, a été la seule personne à témoigner pour l'appelante. Il a exploité neuf bars semblables au fil des ans et est un expert dans son domaine. Il a décrit le bar comme étant un très gros établissement de 550 places assises qui comptait 50 employés. À cause de la grosseur du bar, M. Wolfstein exigeait de stricts contrôles sur l'alcool servi. On tenait des registres en vue d'une vérification éventuelle et chaque once d'alcool était comptabilisée pour empêcher le vol.

[5]            M. Wolfstein a décrit et expliqué le dispositif antivol utilisé, soit le système " Burg ". Une société externe scellait chaque bouteille d'alcool avec un pistolet spécial à air chaud. Chaque goutte versée est comptabilisée, que de l'argent soit perçu ou non. Les états financiers de l'appelante se fondaient sur l'alcool versé à l'aide du système " Burg ", soit un dispositif ayant l'aspect d'une petite boîte. Aucune goutte d'alcool ne pouvait être versée sans passer par le système " Burg ", qui permettait de comptabiliser chaque verre d'alcool comme représentant une vente aux fins des états financiers, que de l'argent ait ou non été perçu. Les chiffres relatifs aux ventes figurant dans les états financiers de l'appelante tenaient compte de la valeur des boissons servies mais non payées (environ 4 $ l'unité). Cela pouvait inclure les boissons gratuites - servies lors des " cinq à sept " et des soirées des dames ou servies à des joueurs de hockey -, les boissons renversées et les boissons retournées par des clients parce qu'ayant été mal préparées. À certaines heures, toutes les boissons se vendaient à 1 $, mais les états financiers les indiquaient au plein prix.

[6]            On arrivait comme suit aux chiffres concernant les ventes effectives : la compilation des sommes relatives aux boissons renversées et aux promotions (consignées dans un livre afférent aux activités promotionnelles) était déduite des chiffres initiaux relatifs aux ventes figurant dans les états financiers. M. Wolfstein a dit qu'il avait modifié le système comptable de 1995 à cause de la position du ministre dans le présent appel. Les états financiers pour 1995 n'indiquaient pas de frais promotionnels, mais les boissons renversées et les boissons gratuites étaient quand même comptabilisées d'une manière contrôlée.

[7]            Au cours du long interrogatoire principal auquel il a été soumis, M. Wolfstein a dit que toute boisson préparée mais non vendue devait faire l'objet d'une note que le gérant signait avec sa justification, sinon la personne préposée au bar devait payer. Une liasse de ces notes a été consignée en preuve à titre d'exemple. Les montants indiqués dans ces notes étaient reportés dans le livre afférent aux activités promotionnelles. M. Wolfstein a expliqué que, dans un gros bar, il était inévitable que des boissons soient renversées, que des verres soient cassés et que des boissons soient retournées par des clients. Pour promouvoir le bar, il invitait des joueurs de hockey et d'autres célébrités, qui pouvaient boire gratuitement. Une liste de prix consignée en preuve indique qu'il y avait des soirées " deux pour un " et des soirées à 1 $ certains jours, à des heures précises.

[8]            Le vérificateur du ministre a témoigné qu'il n'y avait aucun écart important entre les reçus de caisse enregistreuse et les relevés bancaires. La cotisation établie à l'égard de l'appelante se fondait seulement sur le fait que les montants déclarés pour boissons renversées et boissons gratuites étaient excessifs. Le vérificateur a fait remarquer que le grand livre afférent aux activités promotionnelles qui a été déposé au cours de l'audience n'était pas disponible lors de la vérification, époque à laquelle on avait présenté pour vérification un autre grand livre avec notes à l'appui parce que le grand livre précédent avait été égaré, mais on l'a retrouvé avant le procès. À quelques exceptions mineures près, les inscriptions figurant dans les deux livres étaient les mêmes.

Analyse

[9]            La question dont je suis saisi est une question de fait. Est-ce que j'accepte ou non le témoignage de M. Wolfstein? La charge de la preuve incombe à l'appelante, tout comme dans les appels en matière d'impôt sur le revenu[1]. L'appelante a la charge initiale de réfuter les hypothèses du ministre et doit pour cela présenter à tout le moins une preuve prima facie, auquel cas il incombe alors au ministre de prouver les hypothèses selon la prépondérance des probabilités.

[10]          Bien que la déposition de l'appelante comporte plusieurs faiblesses, je conclus que l'appelante a présenté une preuve prima facie. La cause de l'appelante a été bien exposée et M. Wolfstein était très bien informé. Pour l'essentiel, le témoignage de M. Wolfstein n'a pas été contredit. Au détriment de la cause de l'appelante, il n'y avait aucune corroboration du témoignage présenté pour l'appelante. Apparemment, l'aide-comptable qui a passé les écritures de grand livre vit maintenant en Alberta. J'ai été incapable de concilier l'ensemble des notes et tickets présentés et les inscriptions figurant dans le livre afférent aux activités promotionnelles. Il y avait des écarts notables. Ni l'une ni l'autre partie n'a traité de ces écarts, auxquels j'ai accordé très peu de poids.

[11]          Pour l'essentiel, les livres et registres de l'appelante étayaient la preuve verbale. Les livres relatifs aux ventes reflétaient le revenu de l'appelante et il n'y avait pas d'éléments de preuve incompatibles, sauf pour ce qui était des doutes du ministre. Les livres afférents aux activités promotionnelles ont été déposés. Le livre qui a été reconstitué et le livre qui avait été égaré étaient semblables. Je ne crois pas que l'un de ces livres ou les deux soient fictifs.

[12]          L'appelante s'est acquittée de la charge qui lui incombait de réfuter les hypothèses du ministre ou d'inverser le fardeau de la preuve, c'est-à-dire d'obliger le ministre à prouver ses hypothèses. Le ministre a été incapable de prouver ses hypothèses. Certes, le ministre a soulevé un doute sur les affirmations de l'appelante. Le ministre invoque une proportion générale de 10 p. 100. À cet égard, l'appelante a expliqué qu'elle avait fait de sérieux efforts promotionnels. À l'alinéa 20h) de la réponse à l'avis d'appel, le ministre disait :

20h)         l'intimée a donc considéré que le montant des promotions et/ou des gratuités refusées totalisant 770 564 $ était excessif et non justifié et qu'il constituait des ventes non déclarées à l'égard desquelles la taxe devait être remise.

[13]          La justification de l'appelante quant à ces déductions de frais promotionnels n'a pas été réfutée par le ministre lorsque la charge de la preuve est passée de l'appelante au ministre. Pour obtenir gain de cause, le ministre devait établir que l'appelante avait mis en oeuvre un stratagème pour falsifier les notes et les livres. Le vérificateur du ministre n'avait parlé à aucun employé ou gérant à propos des notes. Le document bancaire existant et les grands livres afférents aux activités promotionnelles étaient essentiellement exacts. Pour arriver aux conclusions auxquelles est arrivé le ministre, il aurait fallu qu'il y ait une planification et des machinations concertées de la part de M. Wolfstein et de ses employés. La preuve n'étayait pas cela.

[14]          L'appel est accueilli, avec dépens, et la cotisation est renvoyée au ministre pour nouvel examen et nouvelle cotisation selon les présents motifs.

Signé à Ottawa, Canada, ce 26e jour de mars 2001.

" C. H. McArthur "

J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme ce 17e jour d'octobre 2001.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Mario Lagacé, réviseur

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

1999-491(GST)G

ENTRE :

GESTION CHEERS INC.,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Appel entendu le 6 décembre 2000 à Montréal (Québec), par

l'honorable juge C. H. McArthur

Comparutions

Avocat de l'appelante :               Me Christopher R. Mostovac

Avocate de l'intimée :                 Me Jocelyne Mailloux Martin

JUGEMENT

          L'appel contre la cotisation de taxe sur les produits et services établie en vertu de la Loi sur la taxe d'accise, dont l'avis est daté du 26 janvier 1996 et qui porte le numéro 03B0294, pour la période allant du 1er juin 1991 au 31 janvier 1995, est accueilli, avec dépens, et la cotisation est renvoyée au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation compte tenu du fait que l'appelante n'a pas à payer 53 519 $ de taxe nette concernant de prétendues ventes non déclarées d'un montant de 770 565 $.

Signé à Ottawa, Canada, ce 26e jour de mars 2001.

" C. H. McArthur "

J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme

ce 17e jour d'octobre 2001.

Mario Lagacé, réviseur




[1]               620247 Ontario Ltd. c. La Reine, C.C.I., no 94-2401 (GST)I, 18 avril 1995 ([1995] G.S.T.C. 22).

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