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Date: 20000316

Dossier: 2000-2528-GST-I

ENTRE :

JOEL W. WINCH,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifsdu jugement

Le juge Bell, C.C.I.

QUESTION EN LITIGE

[1]            Il s'agit de déterminer si, en application du paragraphe 323(1) de la Loi sur la taxe d'accise, partie IX (la " Loi "), l'appelant est tenu de payer 47 992,09 $ au titre de la taxe sur les produits et services (la " TPS "), ainsi que les intérêts et les pénalités, relativement à cinq périodes allant du 1er juin 1993 au 3 août 1995.

FAITS

[2]            L'appelant et trois autres personnes étaient administrateurs de Inverary Properties Inc. (" Inverary "), qui a omis de verser la TPS relativement aux périodes susmentionnées. Inverary a été mise sous séquestre le 4 août 1995 et a fait une cession conformément à la Loi sur la faillite et l'insolvabilité le 29 août 1995. Le montant de 16 219,05 $ était dû pour la cinquième période susmentionnée et devait être versé le 30 septembre 1995. Une lettre que l'avocate de l'intimée a adressée à l'appelant le 23 février 2001 est reproduite ci-après :

                                [TRADUCTION]

Le 23 février 2001

PAR TÉLÉCOPIEUR

220, avenue Richview

Toronto (Ontario)

M5P 3G3

À l'attention de Joel Winch

Objet : WINCH, Joel c. S.M.R.

No du dossier de la Cour : 2000-2528(GST)I

Monsieur,

                                Nous confirmons par la présente notre conversation du 21 février 2001, au cours de laquelle vous avez posé les questions suivantes :

1)                    Le montant de 47 992,09 $, représentant la taxe sur les produits et services que Inverary Properties Inc. et Golf Haven Country Club (la " société ") ont omis de verser, ainsi que les intérêts et pénalités y afférents, ont-ils été payés au receveur général?

2)                    Le ministre du Revenu national a-t-il établi une cotisation à l'égard de tous les administrateurs de la société?

3)                    L'intimée me fournira-t-elle des documents se rapportant aux autres administrateurs de la société?

Les réponses à vos questions sont les suivantes :

1)                    Le montant de 47 992,09 $, représentant la taxe sur les produits et services payable par la société, ainsi que les intérêts et pénalités y afférents, ont été payés au receveur général après la faillite de la société et après la date à laquelle la société était tenue d'effectuer le versement.

2)                    Le ministre du Revenu national a établi une cotisation à l'égard de tous les administrateurs de la société.

3)                    L'intimée fournira uniquement des copies des documents qui seront invoqués au procès.

Si vous avez des questions à cet égard, n'hésitez pas à m'appeler au (416)973-2138.

Veuillez agréer, Monsieur, mes salutations distinguées.

" signature "

Jocelyn Espejo Clarke

Avocate

Direction des services du droit fiscal

L'appelant a produit la lettre en preuve à l'audience. Cette lettre a amené la Cour à demander pourquoi, puisque la taxe, les intérêts et les pénalités avaient été payés au complet, l'affaire en l'espèce se retrouvait devant elle. Après un assez long moment, l'avocate de l'intimée a informé la Cour qu'une partie du montant indiqué dans la lettre qu'elle avait écrite avait été " payé ", mais que le solde avait été " recouvré ". L'avocate a indiqué également que l'intimée avait admis que la somme de 16 219,05 $ se rapportant à la dernière période devait être exclue du montant pour lequel on demandait un jugement à l'encontre de l'appelant, ce qui ramène le montant de la taxe nette à 31 773 $. Évidemment, à ce montant doivent être ajoutés les intérêts et pénalités.

[3]            Finalement, l'avocate de l'intimée a remis à la Cour une déclaration selon laquelle deux administrateurs, qui ne s'étaient pas opposés aux cotisations établies à leur égard, avaient payé un montant total de 23 874 $ en réduction de la taxe. Au moyen d'une action en recouvrement, l'Agence a recouvré la somme de 24 117,91 $ auprès de l'autre administrateur. Ce dernier s'est opposé à la cotisation. Les montants payés par les deux premiers administrateurs ne leur sont pas remboursables, aucune procédure d'appel n'ayant été instituée. Il est cependant possible qu'une partie ou que la totalité du montant payé par le troisième administrateur lui soit remboursée s'il obtient gain de cause dans son appel.

[4]            Nous verrons que, si le total de la TPS due était de 31 773 $ et que le montant de 23 874 $ a été payé par deux administrateurs qui n'ont pas interjeté appel de la cotisation établie à leur égard, le montant maximal de la taxe nette payable est de 7 899 $. Même si le troisième administrateur obtient gain de cause dans son appel, le montant maximal de taxe que l'appelant sera tenu de payer est de 7 899$.

[5]            L'appelant a déclaré qu'il n'invoquait pas une défense fondée sur la diligence raisonnable et que, en fait, il n'avait aucune défense à faire valoir à l'égard de la cotisation. À mon avis, lorsqu'un appelant interjette appel devant la Cour d'une cotisation établie à son égard à titre d'administrateur pour la taxe que la société dont il est administrateur a omis de verser, l'intimée doit lui fournir une information complète sur le montant qui a été versé au titre de la taxe, des intérêts et pénalités, et par qui, ainsi que du solde impayé à tous les chapitres. Compte tenu des circonstances susmentionnées, l'appelant, qui n'a invoqué aucun moyen de défense, aurait bien pu, s'il avait été informé des faits pertinents, consentir à jugement, ce qui lui aurait évité de devoir comparaître en Cour. À coup sûr, toutes les personnes qui ont comparu ici en auraient bénéficié. L'intimée, qui demande jugement pour le plein montant de l'obligation à laquelle l'appelant peut être assujetti selon la Loi, aurait dû informer ce dernier de l'état exact du compte de la société, comme elle l'a finalement fait ici. Cela ne se serait pas produit sans l'intervention de la Cour.

[6]            L'appelant a invoqué l'affaire McCullogh c. M.R.N., C.C.I., no 87-1940(IT), 6 avril 1989 (89 DTC 446). Dans cette affaire, qui portait sur l'obligation des administrateurs sous le régime de l'article 227.1 de la Loi de l'impôt sur le revenu, le ministre du Revenu national avait, au mois de septembre 1984, établi une cotisation à l'égard de l'appelant et d'un autre administrateur. Revenu Canada avait ensuite saisi 27 000 $ au moyen d'une saisie-arrêt auprès d'un autre administrateur, avant de lui restituer ce montant lorsqu'il avait déposé un avis d'opposition. Puis, en février 1987, le ministre avait établi de nouveau une cotisation à l'égard du contribuable, probablement pour les montants qui étaient réclamés dans la première cotisation. La Cour de l'impôt a conclu que l'obligation de la société avait été entièrement acquittée lorsque le ministre avait effectué une saisie de 27 000 $ à l'encontre de l'autre administrateur. Par conséquent, le ministre n'avait pas le droit d'intenter de procédure contre le contribuable pour le montant qui avait déjà été recouvré. Aux pages 5 et 6 (DTC : à la page 448), la Cour s'est prononcée dans les termes suivants :

La somme saisie était suffisante pour acquitter cette dette. Rien ne permet d'indiquer qu'après la saisie, l'Ideal ou M. Sandrin ont continué d'être redevables à l'intimé. Tout l'objet de l'article 227.1 est de permettre au ministre de se tourner vers un administrateur pour fins de paiement lorsque ce dernier n'a pas fait preuve de la diligence voulue pour faire en sorte que sa société s'acquitte de ses obligations envers la Couronne. Cet article ne s'applique plus lorsqu'il a atteint son but en procurant les fonds en question au ministre. Rien dans le texte de la loi n'indique l'intention du législateur de conférer au ministre le pouvoir de se servir de l'article pour obtenir des fonds d'un administrateur après que le ministre a récupéré auprès d'une autre personne toute la somme qui est due. Il ressort clairement de la déclaration de M. Sandrin que la saisie a permis à Revenu Canada de recouvrer la totalité de ce que l'Ideal lui devait. Rien ne permet de conclure que la somme saisie a été versée dans une sorte de compte provisoire ou a servi à une fin autre que la libération de l'obligation de l'Ideal. [...] Je ne vois pas comment l'assujettissement initial de l'Ideal a mystérieusement revu le jour simplement parce que le ministre a décidé de rembourser M. Sandrin. L'intention de l'article 227.1 est de permettre au ministre de ne percevoir une somme qu'une fois seulement.

[7]            Dans cette affaire, la cotisation en vertu de laquelle le ministre avait cherché à établir l'assujettissement de M. McCullogh était une deuxième cotisation (aucun renseignement n'a été fourni sur la façon dont il avait été disposé de la première cotisation) et avait été établie à la suite de la saisie effectuée auprès de l'autre administrateur et du remboursement à ce dernier. Tel n'est pas le cas en l'espèce. La cotisation en cause ici a été établie à l'égard de l'appelant avant qu'une taxe ne soit payée.

[8]            Même si, en pratique, le montant maximal que l'appelant risque de payer au titre de la taxe est de 7 899 $, un jugement sera rendu pour le montant de 31 773 $. En effet, le paragraphe 323(1) de la Loi prévoit que les administrateurs de la personne morale au moment où elle était tenue de verser une taxe nette sont, en cas de défaut de la personne morale, solidairement tenus, avec cette dernière, de payer cette taxe ainsi que les intérêts et pénalités y afférents.

Signé à Ottawa, Canada, ce 16e jour de mars 2001.

" R. D. Bell "

J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme ce 20e jour de septembre 2001.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Martine Brunet, réviseure

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

2000-2528(GST)I

ENTRE :

JOEL W. WINCH,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Appel entendu les 1er et 2 mars 2001 à Toronto (Ontario),

et par conférence téléphonique tenue le 7 mars 2001 par

l'honorable juge R. D. Bell

Comparutions

Pour l'appelant :                         L'appelant lui-même

Avocate de l'intimée :                 Me Jocelyn Espejo-Clarke

JUGEMENT

          L'appel de la cotisation établie en vertu de la Loi sur la taxe d'accise, dont l'avis est daté du 19 novembre 1998 et porte le numéro 6675 est rejeté selon les motifs du jugement ci-joints. L'appelant est tenu de payer 31 773 $ au titre de la taxe sur les produits et services se rapportant à quatre périodes allant du 1er juin 1993 au 30 novembre 1994, ainsi qu'il est déterminé dans la cotisation.

Signé à Ottawa, Canada, ce 16e jour de mars 2001.

" R. D. Bell "

J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme

ce 20e jour de septembre 2001.

Martine Brunet, réviseure


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