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Date: 20000210

Dossier: 97-3347-GST-G

ENTRE :

COMMISSION SCOLAIRE DES CHÊNES,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

Le juge Lamarre Proulx, C.C.I.

[1]            Les parties ont convenu que le jugement dans cet appel sera versé dans 28 autres appels similaires, soit ceux de :

COMMISSION SCOLAIRE CHOMEDEY DE LAVAL, 97-3330(GST)G

COMMISSION SCOLAIRE D'AVIGNON, 97-3331(GST)G

COMMISSION SCOLAIRE SEIGNEURIE, 97-3332(GST)G

COMMISSION SCOLAIRE PRINCE-DAVELUY, 97-3333(GST)G

COMMISSION SCOLAIRE DE LE GARDEUR, 97-3334(GST)G

COMMISSION SCOLAIRE DE CHÂTEAUGUAY, 97-3335(GST)G

COMMISSION SCOLAIRE DES CANTONS, 97-3336(GST)G

COMMISSION SCOLAIRE DU HAUT ST-MAURICE, 97-3337(GST)G

COMMISSION SCOLAIRE THETFORD-MINES, 97-3338(GST)G

COMMISSION SCOLAIRE DES MILLES-ÎLES, 97-3339(GST)G

COMMISSION SCOLAIRE DE LA HAUTE-GATINEAU, 97-3340(GST)G

COMMISSION SCOLAIRE PIERRE-NEVEU, 97-3341(GST)G

COMMISSION SCOLAIRE DE L'ASBESTERIE, 97-3342(GST)G

COMMISSION SCOLAIRE DE L'EAU-VIVE, 97-3343(GST)G

COMMISSION SCOLAIRE DE MEMPHREMAGOG, 97-3344(GST)G

COMMISSION SCOLAIRE DE ST-HYACINTHE-VAL-MONTS, 97-3346(GST)G

COMMISSION SCOLAIRE DE COATICOOK, 97-3349(GST)G

COMMISSION SCOLAIRE ST-JEAN-SUR-RICHELIEU, 97-3351(GST)G

COMMISSION SCOLAIRE LES ÉCORES, 97-3353(GST)G

COMMISSION SCOLAIRE CHAVIGNY, 97-3354(GST)G

COMMISSION SCOLAIRE ST-JÉRÔME, 97-3356(GST)G

COMMISSION SCOLAIRE DU GOÉLAND, 97-3357(GST)G

COMMISSION SCOLAIRE DU LAC ST-JEAN, 97-3358(GST)G

COMMISSION SCOLAIRE MORILAC, 97-3359(GST)G

COMMISSION SCOLAIRE DE VAL D'OR, 97-3361(GST)G

COMMISSION SCOLAIRE DE SOREL, 97-3362(GST)G

COMMISSION SCOLAIRE LAURENTIAN, 97-3375(GST)G

COMMISSION SCOLAIRE ROUYN-NORANDA, 97-3376(GST)G

[2]            Au début de l'audition, les parties ont produit une entente sur les faits :

1.              L'Appelante est une administration scolaire régie, entre autres, par la Loi sur l'instruction publique (L.R.Q., c. I-13.3);

2.              Elle est inscrite aux fins de la TPS (numéro d'inscription 122509979);

3.              Elle organise le transport scolaire de tout ou partie de ses élèves et détient l'autorisation du ministre des Transports à cet effet;

4.              La fourniture du service de transport par l'Appelante est effectuée gratuitement à ses élèves pour l'entrée et la sortie quotidienne;

5.              La fourniture du service de transport du midi ou du service de transport aux adultes effectuée par l'Appelante est payable par les parents ou les élèves qui choisissent d'utiliser ce service;

6.              Le ministre des Transports, conformément à la Loi sur l'instruction publique, verse une subvention à l'Appelante pour la fourniture du service de transport des élèves pour l'entrée et la sortie quotidienne;

PIÈCE I-1               En liasse, lettres émanant du ministère des Transports relatives à l'établissement préliminaire des allocations budgétaires versées à l'Appelante pour les années scolaires 1992-1993, 1993-1994, 1994-1995 et 1995-1996;

PIÈCE A-1              En liasse, formulaires TE-104 (Rapports d'exploitation pour le transport des élèves) complétés par l'Appelante pour les années 1992-1993, 1993-1994, 1994-1995 et 1995-1996;

7.              N'ayant ni le personnel, ni l'équipement adéquat pour effectuer le transport des élèves, l'Appelante contracte avec des transporteurs indépendants à ces fins;

PIÈCE A-2              En liasse, copies des contrats conclus par l'Appelante avec Autobus Robert Blanchard Inc. pour la période 1992-1995 et la période 1995-1998;

8.              L'Appelante et l'Intimée conviennent de ne produire que la copie de contrats intervenus avec Autobus Robert Blanchard Inc. puisqu'il s'agit de contrats types et que les autres contrats intervenus avec d'autres transporteurs indépendants pour les périodes en litige ne diffèrent qu'en ce qui a trait aux montants;

9.              L'Appelante a payé la considération prévue aux contrats de transport pour les périodes en litige ainsi que la T.P.S. exigible en vertu de la Loi sur la taxe d'accise, L.R.C., 1985, c. E-15 (ci-après " L.T.A. ");

10.            Depuis le 1er juillet 1992, l'Appelante a toujours réclamé du ministre, en vertu de l'article 259 L.T.A., le remboursement partiel de la T.P.S. payée aux transporteurs indépendants;

11.            Depuis le 1er juillet 1992, l'Appelante a toujours reçu le remboursement partiel réclamé en vertu de l'article 259 L.T.A.;

12.            Dans sa déclaration de T.P.S. pour la période du 1er au 31 mai 1996, l'Appelante a réclamé des C.T.I. de 505 273,42 $ représentant, selon elle, la différence entre le total de la T.P.S. payée aux transporteurs indépendants depuis le 1er juillet 1992 et les sommes remboursées par le ministre depuis cette date au titre de remboursement partiel en vertu de l'article 259 L.T.A.;

PIÈCE A-3              En liasse, copie des formulaires FPZ 500 (Déclaration de taxe sur les produits et services) et GST 66F (Demande de remboursement de la taxe sur les produits et services à l'intention des organismes de services publics inscrits) pour la période du 1er au 31 mai 1996;

Avis de cotisation no. 22239, daté du 24 septembre 1996, émis pour la période du 1er au 31 mai 1996;

Avis d'opposition daté du 6 décembre 1996.

13.            Le 24 septembre 1996, le ministre a émis à l'égard de l'Appelante l'avis de cotisation portant le numéro 22239 pour la période du 1er au 31 mai 1996;

14.            Par cet avis de cotisation, le ministre a refusé de verser à l'Appelante les C.T.I. au montant de 505 273,42 $;

15.            Le 6 décembre 1996, l'Appelante a logé un avis d'opposition à l'encontre de la cotisation numéro 22239;

16.            L'Appelante a déposé un avis d'appel au greffe de cette Cour le 14 novembre 1997, avant qu'une décision n'ait été rendue par le ministre suite à l'avis d'opposition, soit plus de 180 jours suivant la production dudit avis d'opposition;

17.            Les parties conviennent que le jugement à intervenir dans le présent dossier soit versé dans les 28 autres dossiers connexes dont la liste est jointe en annexe aux présentes;

18.            Les parties conviennent également que le montant de remboursement C.T.I. réclamé par l'Appelante ou les 28 autres commissions scolaires ne fait l'objet d'aucune admission, les parties s'étant d'ailleurs entendues pour que le ministre ait la possibilité, avant de se conformer à tout jugement final éventuellement rendu en faveur des Appelantes, de vérifier toutes et chacune des demandes de crédit de taxe sur les intrants afin de valider l'exactitude du montant réclamé, avec diligence et dans un délai raisonnable;

19.            Les pièces I-1, A-1, A-2 et A-3 auxquelles il est référé aux paragraphes 6, 7, 12, 13 et 15 des présentes sont en conséquence produites de consentement.

[3]            L'entente sur les faits reproduit de façon presque intégrale les faits décrits au paragraphe 17 de la Réponse à l'avis d'appel (la " Réponse ") décrivant les hypothèses de faits sur lesquelles le ministre du Revenu national (le " Ministre ") s'est fondé pour établir la cotisation de l'appelante. Les faits décrits à l'Avis d'appel ne sont pas non plus très différents de l'entente sur les faits.

[4]            La question en litige est de savoir si les allocations budgétaires versées à l'appelante pour le transport des élèves sont la contrepartie du service de transport des élèves. Si la réponse est affirmative, cela aurait-il pour effet de mettre de côté l'article 5 de la Partie III de l'Annexe V de la Loi sur la taxe d'accise (la " Loi ") qui prévoit que le transport des élèves est une fourniture exonérée. L'appelante prétend que la réponse est oui aux deux questions et elle réclame des crédits de taxe sur les intrants (" CTI "), en vertu de l'article 169 de la Loi. Le montant qu'elle réclame est la différence entre le total de la taxe sur les produits et services payée aux transporteurs indépendants depuis le 1er juillet 1992 au 31 mai 1996 et les sommes remboursées par l'intimée depuis le 1er juillet 1992 au titre de remboursement partiel en vertu de l'article 259 de la Loi.

[5]            Madame Carmen Lemire, directrice des ressources financières pour l'appelante, et madame Lucie Leduc, agent de recherche en droit fiscal à Revenu Québec, ont témoigné à la demande des avocats de l'appelante. Monsieur Serge Charest, économiste au ministère de l'Éducation, a témoigné à la demande des avocats de l'intimée.

[6]            Madame Lemire a expliqué à la Cour le mode d'octroi des subventions du ministère des Transports à une commission scolaire aux fins du transport des élèves. Ce ministère émet des règles budgétaires qui ont été déposées comme pièce A-4. Au début de l'année scolaire, le Ministère envoie une lettre qui confirme de façon préliminaire quelle sera l'enveloppe budgétaire. La commission scolaire signe des contrats avec les transporteurs scolaires pour des périodes de trois ans dans le cadre des règles budgétaires. Une copie du contrat est envoyée au ministère des Transports. À la fin de l'année, l'appelante envoie un rapport qui s'appelle le TE-104, donnant les détails de l'organisation et du coût du transport. Là-dessus, le Ministère produit sa certification finale. Ceci confirme que l'organisation du transport a respecté les règles budgétaires.

[7]            C'est à la commission scolaire d'organiser le transport des élèves. Le ministère des Transports ne verse ni de TPS ni de TVQ à l'intérieur de l'enveloppe budgétaire. Ni le transport du midi, ni celui des adultes ne sont inclus dans la subvention. Les parents qui veulent bénéficier du transport du midi doivent payer le montant annuel déterminé. Cette information est donnée au ministère des Transports par l'intermédiaire du rapport fait dans le TE-104. Le nombre d'enfants n'est pas un élément qui est pris en compte pour l'établissement de l'enveloppe budgétaire. Si la commission scolaire réussit à organiser son transport en faisant une économie de coût par rapport à la subvention, la commission scolaire peut conserver une partie du surplus. Si elle arrive en deçà de son budget, c'est elle qui en assume la différence.

[8]            Madame Lemire s'est référée au paragraphe 2.0 (page 10 de l'onglet 1 de la pièce A-4) intitulé : " Calcul de l'enveloppe budgétaire ". Il y a trois catégories d'allocation : l'allocation de base, l'allocation supplémentaire et l'allocation spécifique. L'allocation de base est l'allocation principale. Son calcul est toujours fondé sur l'allocation de base de l'année précédente. L'allocation supplémentaire concerne les activités reliées au transport des élèves inscrits aux programmes maternelle-maison ou maternelle-animation. L'allocation spécifique concerne le transport des élèves handicapés ou en difficulté d'adaptation et d'apprentissage.

[9]            Toujours selon madame Lemire, le transport scolaire, si on n'inclut pas de TPS ni de TVQ, coûte, bon an mal an, 5 700 000 $. À cela, on doit ajouter un 330 000 $ pour la TPS et la TVQ, qui ne leur est pas retourné. Le remboursement partiel est de 68 p. 100 au niveau de la TPS, et de 47 p. 100 au niveau de la TVQ.

[10]          Monsieur Serge Charest est économiste au ministère de l'Éducation. Il a témoigné pour l'intimée. Il est responsable du Programme d'aide au transport scolaire du ministère de l'Éducation. Avant, ce programme appartenait au ministère des Transports. L'aspect financement du programme a été transféré, alors que l'aspect sécurité est demeuré au ministère des Transports pour une bonne part. Les témoins utilisent surtout l'expression ministère des Transports et ces motifs font de même.

[11]          Selon le témoin, le ministère des Transports établit des cadres financiers de trois ans. Cela a commencé vers les années 1982-83. Les commissions scolaires sont avisées, via le cadre financier, des grandes orientations que le gouvernement va prendre pour trois ans. Par la suite, on émet des règles budgétaires annuelles, qui viennent préciser de façon plus pointue, comment va être calculé chacune des enveloppes des commissions scolaires. Même le cadre financier triennal habituellement se fonde sur les enveloppes historiques, c'est-à-dire, les allocations des années antérieures, en tenant compte de certains ajustements. Cette politique, selon le témoin, suppose sans doute qu'on a fait le constat que les besoins de la clientèle ont été adéquatement desservis. C'est une question de faire la part des choses entre la gestion locale et l'administration centrale.

[12]          Jusqu'en 1994, il y avait récupération d'une partie des surplus budgétaires sans que l'allocation de base de l'année subséquente ne soit affectée. À partir de 1994, il n'y a plus eu de récupération des surplus. Avant 1994, le Ministère reprenait 50 p. 100 du surplus selon la formule exprimée ainsi par le témoin : il y a récupération de 50 p. 100 du surplus normalisé si le surplus est supérieur à 1 p. 100 ou 20 000 $. Si une commission scolaire fait un surplus normalisé de 25 000 $, le surplus auquel le Ministère a droit est de 5 000 $. Si une commission scolaire avait un surplus de 150 000 $, il est possible que le Ministère n'ait pu récupérer aucun montant, si 150 000 $ par rapport à son budget global, était moins que 1 p. 100. Il fallait que le surplus soit au moins égal à 1 p. 100 de son budget.

[13]          En ce qui concerne la transférabilité des subventions, monsieur Charest déclare que les commissions scolaires ont beaucoup de latitude. Il se réfère au paragraphe 1.6 ( pièce A-4, " Règles budgétaires ", onglet 1, page 9) ayant pour titre transférabilité et concernant la transférabilité de l'allocation de base, de l'allocation supplémentaire et de l'allocation spécifique. Les allocations de base et supplémentaires sont transférables entre elles et vers d'autres postes budgétaires que le transport scolaire des élèves. L'allocation spécifique n'est pas transférable vers d'autres postes budgétaires. Lorsque des allocations versées aux fins de défrayer des activités de transport font l'objet d'un transfert vers d'autres postes budgétaires, elles sont assujetties aux règles générales de fonctionnement des commissions scolaires édictées en vertu de la Loi sur l'instruction publique (...) et des règles budgétaires des commissions scolaires (...) établies par le ministre de l'Éducation.

[14]          Monsieur Charest explique par la théorie du fardeau fiscal neutre pourquoi les subventions n'ont pas été augmentées pour prendre en compte la nouvelle imposition de la TPS et de la TVQ. Avant la mise en vigueur de ces taxes, les commissions scolaires payaient la taxe fédérale de vente dans le prix du produit. Donc, si d'une part la commission scolaire payait déjà un montant de taxe cachée, et si d'autre part la Loi lui accorde un remboursement de 68 p. 100 de la taxe applicable au bien ou au service, son fardeau fiscal devrait demeurer neutre malgré l'assujettissement à la Loi.

[15]          Selon le témoin, la première lettre est appelée la signification de l'enveloppe. Elle est envoyée en mai. Ce sont ces documents qui se retrouvent à la pièce I-1. Au mois de juin, un autre document, qui s'appellerait " la certification du Ministre ", certifie l'enveloppe de base. Le ministère des Transports n'est pas impliqué dans la négociation du contrat que la commission scolaire conclut avec les transporteurs.

[16]          En contre-interrogatoire il a été amené à commenter sur l'" Arrêt de service imputable à la commission scolaire... ", article 5.2.3 des Règles budgétaires (page 27, onglet 1, pièce A-4) : Lorsque le service de transport scolaire est interrompu, en tout ou en partie, suite à une cause imputable à une commission autorisée ou à une institution subventionnée, le ministre des Transports effectue un ajustement. Selon monsieur Charest, cette disposition signifie ce qu'elle dit mais elle serait rarement appliquée, la dernière fois qu'elle l'aurait été, est en 1985-86.

[17]          Madame Lucie Leduc est un agent de recherche en droit fiscal à Revenu Québec. Elle est dans le service des oppositions du Ministère. Elle se serait fondée sur les paragraphes 10 et 11 du Mémorandum 300-4-3, sur le Bulletin d'information technique B-067, ainsi que sur des lettres d'interprétation de la direction de l'interprétation à Québec, pièce I-2. Elle n'a pas eu à émettre sa décision dans ce dossier, vu que l'Avis d'appel a été interjeté avant la ratification.

[18]          Les paragraphes 10 et 11 du Mémorandum 300-4-3, relatifs aux services d'enseignement, se lisent comme suit :

Services d'autobus scolaires

10.            La fourniture effectuée par une administration scolaire, au profit d'élèves du primaire ou du secondaire, d'un service consistant à assurer leur transport entre un point donné et une école administrée par une administration scolaire, est exonérée.

11.            Toutefois, lorsqu'une administration scolaire signe un contrat avec une entreprise privée en vue d'assurer un service de transport d'écoliers, la fourniture de ce service à l'administration scolaire, par l'entreprise privée, est taxable. Toute taxe payée par l'administration scolaire aux termes d'un tel contrat sera partiellement remboursée, en vertu de l'article 259 de la Loi, si l'administration scolaire est mise sur pied et exploitée à des fins non lucratives.

[19]          D'après madame Leduc, selon une lecture attentive du Bulletin d'information technique B-067 relatif aux subventions, la subvention en l'espèce n'est pas une contrepartie d'une fourniture. Selon le Bulletin B-067, des subventions pourraient être une contrepartie et d'autres non. La subvention sera considérée une contrepartie s'il y a un lien direct entre la subvention et la fourniture, ce qui n'est pas le cas ici selon le témoin.

Arguments

[20]          L'avocat de l'appelante soutient en se fondant sur la notion d'acquéreur que le transport des élèves ne constitue pas une fourniture exonérée pour l'appelante malgré l'article 5 de la Partie III de l'Annexe V de la Loi, qui prévoit que la fourniture effectuée par une administration scolaire au profit d'un élève du primaire ou du secondaire, d'un service consistant à assurer le transport de l'élève entre un point donné et une école administrée par l'administration scolaire constitue une fourniture exonérée.

[21]          L'appelante prétend que l'article 5 de la Partie III de l'Annexe V de la Loi ne s'applique pas parce que la subvention qui lui est payée par le ministère des Transports du Québec est directement liée au prix du service de transport des élèves. Elle est donc la contrepartie relative à la fourniture de ce service. Dans ces circonstances, ce n'est pas l'élève qui est l'acquéreur mais la personne tenue de payer le montant ou la contrepartie pour la fourniture du transport, soit le ministère des Transports. Ainsi la fourniture du transport n'étant pas une fourniture exonérée, elle a été fournie par l'appelante dans le cours de ses activités commerciales au sens de la Loi. L'appelante était donc en droit de réclamer la totalité de la TPS payée aux transporteurs indépendants. C'est ce que fait l'appelante en réclamant le crédit de taxe sur les intrants au montant demandé, soit la différence entre le total de la taxe payée aux transporteurs pour les périodes faisant l'objet de la présente contestation et le remboursement partiel déjà accordé.

[22]          L'avocat de l'intimée fait valoir que selon la définition d'activités commerciales à l'article 123 de la Loi, la réalisation de fourniture exonérée ne constitue pas de telles activités commerciales, de sorte que la fourniture exonérée d'un service de transport scolaire effectué par l'appelante en faveur de ses élèves n'est pas effectuée dans le cadre de ses activités commerciales. Au terme de l'article 169 de la Loi, l'appelante ne peut réclamer de CTI au titre de la TPS payée aux transporteurs indépendants relativement aux services de transport acquis de ces derniers parce qu'ils n'ont pas été acquis pour consommation, utilisation ou fourniture dans le cadre de ses activités commerciales. Conformément à l'article 259 de la Loi et aux règlements d'application, l'appelante, à titre d'organisme déterminé de services publics, ne peut donc bénéficier que du remboursement partiel de la TPS payé aux transporteurs indépendants.

[23]          Pour l'intimée, c'est l'élève qui est l'acquéreur : les subventions versées à l'appelante par le ministère des Transports ne constituent pas la contrepartie d'une fourniture parce qu'il n'y a pas de lien direct entre le paiement des subventions et la fourniture du service de transport. Les élèves sont les acquéreurs parce qu'ils sont les personnes à qui un service est rendu, alors qu'aucune contrepartie n'est payable. De plus, l'intention du législateur est bien claire car l'article 5 de la Partie III de l'Annexe V ne comporte aucune ambiguïté : le transport des élèves est exonéré.

Conclusion

[24]          Il s'agit en premier lieu de déterminer qui est l'acquéreur du service de transport de l'appelante au sens de la Loi. La subvention du ministère des Transports constitue-t-elle une contrepartie au sens de la Loi? En deuxième lieu, si la réponse est affirmative, cela peut-il modifier l'article 5 de la Partie III de l'Annexe V de la Loi.

[25]          Selon le paragraphe 123(1) de la Loi, une " fourniture taxable " est une fourniture effectuée dans le cadre d'une activité commerciale. Une " activité commerciale " est l'exploitation d'une entreprise, sauf dans la mesure où l'entreprise comporte la réalisation de fournitures exonérées. Une " fourniture exonérée " est la fourniture figurant à l'Annexe V.

[26]          L'Annexe V est intitulée : " Fournitures exonérées ". La Partie III concerne les Services d'enseignement. L'article 5 se lit ainsi :

5               Service consistant à assurer le transport d'un élève La fourniture, effectuée par une administration scolaire au profit d'un élève du primaire ou du secondaire, d'un service consistant à assurer le transport de l'élève entre un point donné et une école administrée par une administration scolaire.

[27]          Un " acquéreur ", à l'article 123, est défini de la façon suivante :

a)             Personne qui est tenue, aux termes d'une convention portant sur une fourniture, de payer la contrepartie de la fourniture;

b)             personne qui est tenue, autrement qu'aux termes d'une convention portant sur une fourniture, de payer la contrepartie de la fourniture;

c)              si nulle contrepartie n'est payable pour une fourniture :

(i)             personne à qui un bien, fourni par vente, est livré ou mis à sa disposition,

(ii)            personne à qui la possession ou l'utilisation d'un bien, fourni autrement que par vente, est transférée ou à la disposition de qui le bien est mis,

(iii)           personne à qui un service est rendu.

Par ailleurs, la mention d'une personne au profit de laquelle une fourniture est effectuée vaut mention de l'acquéreur de la fourniture.

[28]          La dernière phrase de la définition est quelque peu ambiguë. Modifie-t-elle la définition d'" acquéreur " par personne au profit de laquelle une fourniture est effectuée, quand ces mots se retrouvent dans la Loi, ou renvoie-t-elle tout simplement à la définition d'acquéreur? Il est à noter que la description du " service consistant à assurer le transport d'un élève " à l'article 5 de la Partie III de l'Annexe V de la Loi utilise exactement cette même expression : La fourniture, effectuée par une administration scolaire au profit d'un élève. Selon la Note explicative du projet de Loi C-112, février 1993, cette expression, lorsqu'elle est utilisée ailleurs dans la Partie IX de la Loi ou aux Annexes V, VI ou VII, ne vise que l'acquéreur de la fourniture conformément à la définition de ce terme au paragraphe 123(1) de la Loi. Je crois que c'est ainsi qu'il faille interpréter cette phrase car pour lui donner l'ampleur de modifier en quelque sorte la définition d'acquéreur, il faudrait que cette phrase soit dans un alinéa particulier à la définition d'acquéreur et non pas dans l'alinéa concernant le cas où nulle contrepartie n'est payable pour une fourniture. Il demeure donc à déterminer si une contrepartie a été versée à l'appelante pour le service de transport.

[29]          Les articles 291 et 292 de la Loi sur l'instruction publique prévoient le pouvoir d'une commission scolaire d'organiser le transport d'une partie de ses élèves et de conclure avec des transporteurs privés pour faire un tel transport. L'article 292 prévoit que le transport des élèves, pour l'entrée et la sortie quotidienne des classes, est gratuit. Il est donc du pouvoir des commissions scolaires d'organiser le transport des élèves. Si le transport est organisé il doit être gratuit pour l'entrée et la sortie des classes. L'article 300 de la même loi prévoit que le ministère des Transports établit les règles budgétaires pour déterminer les montants des subventions allouées aux commissions scolaires.

[30]          La subvention concernant le service du transport a-t-elle un lien direct avec ce service? L'avocat de l'appelante a inclus dans ses autorités un article que je trouve bien intéressant car il montre que dans l'administration de la " Value Added Taxation " (VAT) , la même question se pose à l'égard des circonstances où une subvention constitue une contrepartie. Cet article, tiré du Vat Monitor, Vol. 7 No. 1, January/February 1996, p. 3, intitulé : " When Is a Link Direct? ", discute de la notion du lien direct. (Cette revue est publiée par l'International Bureau of Fiscal Documentation, à l'intention des quelques 100 pays qui ont quelque forme de VAT). À la page 9, paragraphe D, qui discute des subventions, il y est dit que ces subventions seront considérées une contrepartie quand elles sont liées directement au prix de la fourniture. L'analyse des subventions quant à leur caractère de contrepartie faite dans le Bulletin B-067 intitulé : " Traitement des subventions et des contributions sous le régime de la taxe sur les produits et services " fait aussi référence à la notion du lien direct entre la subvention et la fourniture du service. Je cite à la page 2 :

En règle générale, on ne considère pas les paiements de transfert effectués dans l'intérêt public ou à des fins de charité comme la contrepartie d'une fourniture.

Toutefois, lorsque sont directement liés un paiement de transfert accordé à une personne et une fourniture effectuée par cette personne, soit au donateur du paiement de transfert ou à un tiers, le paiement de transfert sera considéré comme la contrepartie de la fourniture. Si un paiement de transfert est une contrepartie d'une fourniture, il faut alors déterminer si la fourniture est taxable ou non.

[31]          " Contrepartie " est ainsi définie au paragraphe 123(1) de la Loi : Est assimilé à une contrepartie tout montant qui, par effet de la loi est payable pour une fourniture. La définition réfère donc à un montant payable par effet de la loi pour une fourniture. Il est donc intéressant dans ce contexte de se référer à l'article 2098 du Code civil du Québec :

Le contrat d'entreprise ou de service est celui par lequel une personne, selon le cas l'entrepreneur ou le prestataire de services, s'engage envers une autre personne, le client, à réaliser un ouvrage matériel ou intellectuel ou à fournir un service moyennant un prix que le client s'oblige à lui payer.

[32]          La contrepartie de la fourniture de service est le prix que le client s'est obligé de payer. (En cela on revient à ce qui est exprimé dans le Vat Monitor ci-avant cité). La preuve n'a pas révélé que la subvention fournie par le ministère de l'Éducation était liée au prix du service du transport. Au contraire, la preuve a révélé que le Ministère n'avait aucune obligation quant au coût réel du service du transport des élèves, que les commissions scolaires conservaient une grande latitude quant à l'usage des fonds attribués pour ce transport et qu'il n'y avait aucun lien entre le paiement de la subvention et le coût réel du service. La subvention est de la nature d'une assistance financière mise à la disposition de la commission scolaire pour lui permettre d'accomplir la prestation d'une de ses tâches, soit le service de transport des élèves. Elle n'est pas de la nature d'un paiement pour le prix d'un service. Aucune contrepartie n'est donc payée pour ce service. L'acquéreur de la fourniture du service est donc l'étudiant du primaire ou du secondaire au profit duquel le service est rendu tel que décrit à l'article 5 de la Partie III de l'Annexe V de la Loi.

[33]          J'en suis venue à la conclusion qu'il n'y avait pas de contrepartie au service de transport des élèves fourni par l'appelante, mais même s'il s'agissait d'une contrepartie, s'agirait-il d'une contrepartie pour une fourniture non taxable? La réponse n'est pas facile. Je crois pour les raisons mentionnées au paragraphe 28 de ces motifs que s'il y avait une contrepartie au service de transport, ce ne serait pas le service décrit à l'article 5 de la Partie III de l'Annexe V qui, lu avec la définition d'acquéreur au paragraphe 123(1) de la Loi, ne prévoit, à mon avis, que le cas d'un service de transport fourni sans contrepartie.

[34]          De toute façon je n'ai pas à décider ce dernier point vu ma conclusion que les subventions octroyées à l'appelante par le ministère des Transports et par la suite par le ministère de l'Éducation pour le transport des élèves ne sont pas de la nature d'une contrepartie.

[35]          L'appel est rejeté avec dépens.

Signé à Ottawa, Canada, ce 10e jour de février, 2000.

" Louise Lamarre Proulx "

J.C.C.I.

No DU DOSSIER DE LA COUR :        97-3347(GST)G

INTITULÉ DE LA CAUSE :                                 Commission scolaire Des Chênes

                                                                                                et Sa Majesté la Reine

LIEU DE L'AUDIENCE :                      Montréal (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :                    Les 6 et 7 octobre 1999

MOTIFS DE JUGEMENT PAR :         L'hon. juge Louise Lamarre Proulx

DATE DU JUGEMENT :                      Le 10 février 2000

COMPARUTIONS :

Pour l'appelante :                                  Me Yves St-Cyr

                                                                                Me Philip Nolan

Pour l'intimée :                                       Me André Forget

                                                                                Me Maryse Lord

AVOCAT(E) INSCRIT(E) AU DOSSIER :

Pour l'appelante :

                                Nom :                       Me Yves St-Cyr

                                Étude :                     Lavery, De Billy

                                                                                Montréal (Québec)

Pour l'intimée :                                       Morris Rosenberg

                                                                                Sous-procureur général du Canada

                                                                                Ottawa, Canada

97-3347(GST)G

ENTRE :

COMMISSION SCOLAIRE DES CHÊNES,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Appel entendu les 6 et 7 octobre 1999 à Montréal (Québec) par

l'honorable juge Louise Lamarre Proulx

Comparutions

Avocats de l'appelante :                                Me Yves St-Cyr

                                                                   Me Philip Nolan

Avocats de l'intimée :                                    Me André Forget

                                                                   Me Maryse Lord

JUGEMENT

          L'appel de la cotisation de la taxe sur les produits et services établie en vertu de la Loi sur la taxe d'accise, dont l'avis est daté du 24 septembre 1996 et qui porte le numéro 22239, est rejeté, avec dépens, selon les motifs du jugement ci-joints.

Signé à Ottawa, Canada, ce 10e jour de février, 2000.

" Louise Lamarre Proulx "

J.C.C.I.

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