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Date: 19990407

Dossier: 98-169-IT-I

ENTRE :

JOHN CAREY,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

Le juge Bowie, C.C.I.

[1]            Le présent appel soulève la question de la déductibilité, en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu (la Loi), de certains paiements de pension alimentaire pour enfants effectués par l'appelant au cours des années 1994 et 1995. Les faits ne sont pas contestés.

Faits

[2]            L'appelant et son ex-conjointe de fait ont vécu ensemble en union conjugale de juillet 1984 à janvier 1988. Ils ont eu un enfant, né en 1985. Lorsqu'ils se sont séparés, en 1988, ils ont signé un accord de séparation aux termes duquel l'appelant s'engageait à payer 400 $ par mois à titre de pension alimentaire pour l'enfant. Les paiements sont demeurés en souffrance et, en juillet 1993, l'ex-conjointe de l'appelant a fait les démarches nécessaires pour faire exécuter l'accord au moyen d'une saisie-arrêt du salaire de l'appelant. L'accord de séparation a été déposé à la Cour de l'Ontario (Division provinciale) conformément à l'article 35 de la Loi sur le droit de la famille[1]. Le 19 juin 1994, un avis de saisie-arrêt délivré par le greffier de la cour en question à l'employeur de l'appelant, la Couronne du chef du Canada, exigeait que les montants en souffrance et les montants à payer à cette date aux termes de l'accord de séparation soient déduits du salaire de l'appelant et versés au directeur du Régime des obligations alimentaires envers la famille. Conformément à cet avis, les montants de 6 756 $, en 1994, et de 4 940 $, en 1995, ont été versés au directeur, et ensuite à l'ex-conjointe de l'appelant, en règlement de l'obligation de l'appelant aux termes de l'accord de séparation. L'appelant a déduit ces montants dans le calcul de son revenu des années en litige. Le ministre du Revenu national (le ministre) a établi à l'égard de l'appelant une nouvelle cotisation dans laquelle il a refusé les déductions.

Dispositions législatives

[3]            Les dispositions de la Loi applicables en l'espèce à l'égard des années en cause[2] étaient libellées dans les termes suivants :

60b)         toute somme payée dans l'année par le contribuable, en vertu d'un arrêt, d'une ordonnance ou d'un jugement rendus par un tribunal compétent ou en vertu d'un accord écrit, à titre de pension alimentaire ou autre allocation payable périodiquement pour subvenir aux besoins du bénéficiaire, des enfants issus du mariage ou à la fois du bénéficiaire et des enfants issus du mariage, si le contribuable vivait séparé, en vertu d'un divorce, d'une séparation judiciaire ou d'un accord écrit de séparation du conjoint ou de l'ex-conjoint à qui il était tenu de faire le paiement, le jour où le paiement a été effectué et durant le reste de l'année;

60c)         toute somme payée dans l'année par le contribuable, en vertu d'une ordonnance rendue par un tribunal compétent, à titre d'allocation payable périodiquement pour subvenir aux besoins du bénéficiaire, d'enfants du bénéficiaire ou à la fois du bénéficiaire et d'enfants du bénéficiaire, si, à la date où le paiement a été effectué et jusqu'à la fin de l'année, le contribuable vivait séparé de son conjoint auquel il était tenu de faire le paiement;

252(4) Dans la présente loi:

a)                   les mots se rapportant au conjoint d'un contribuable à un moment donné visent également la personne de sexe opposé qui, à ce moment, vit avec le contribuable en union conjugale et a vécu ainsi durant une période de douze mois se terminant avant ce moment ou qui, à ce moment, vit avec le contribuable en union conjugale et est le père ou la mère d'un enfant dont le contribuable est le père ou la mère, autrement que par l'effet du sous-alinéa (2)a)(iii); pour l'application du présent alinéa, les personnes qui, à un moment quelconque, vivent ensemble en union conjugale sont réputées vivre ainsi à un moment donné après ce moment, sauf si elles ne vivaient pas ensemble au moment donné, pour cause d'échec de leur union, pendant une période d'au moins 90 jours qui comprend le moment donné;

b)                   la mention du mariage vaut mention d'une union conjugale entre deux particuliers dont l'un est le conjoint de l'autre par l'effet de l'alinéa a);

c)                    les dispositions applicables à une personne mariée s'appliquent à la personne qui est le conjoint d'un contribuable par l'effet de l'alinéa a);

d)                   les dispositions applicables à une personne non mariée ne s'appliquent pas à la personne qui est le conjoint d'un contribuable par l'effet de l'alinéa a).

Thèse de l'appelant

[4]            La thèse de l'appelant est la suivante. En vertu du paragraphe 252(4), ce dernier est considéré comme ayant été marié avec son ancienne conjointe de fait, de sorte qu'il a droit à la déduction aux termes de l'alinéa 60 c). Son avocat fait valoir subsidiairement que, du fait du dépôt de l'accord conformément à la Loi sur le droit de la famille et de l'avis de saisie-arrêt obtenu en vertu de cette loi, les montants déduits et payés ont été payés en vertu d'une ordonnance rendue par un tribunal.

Thèse de l'intimée

[5]            L'avocate de l'intimée fait valoir que les alinéas 60 b) et c), tels qu'ils étaient rédigés dans les années en cause, prévoyaient deux scénarios. L'alinéa 60 b) s'appliquait à la séparation d'un couple marié et l'alinéa 60 c), à la séparation d'un couple non marié vivant en union de fait. Dans le premier cas, les paiements effectués en vertu d'une ordonnance rendue par un tribunal ou d'un accord de séparation étaient déductibles. Dans le deuxième cas, seuls les paiements effectués en vertu d'une ordonnance rendue par un tribunal étaient déductibles.

Analyse

[6]            Dans l'affaire Yakubu c. La Reine[3], le juge en chef adjoint Christie (titre qu'il portait à l'époque) a cité en l'approuvant le passage suivant du Canadian Tax Reporter[4] :

[TRADUCTION]

Pour l'année 1993 et les années subséquentes, l'alinéa 252(4)a) prévoit que le mot "conjoint" comprend les conjoints de fait. Par conséquent, le conjoint du contribuable comprend la personne de sexe opposé qui vit avec le contribuable en union conjugale à condition qu'ils aient vécu ainsi durant une période de douze mois se terminant avant ce moment. Le mot "conjoint" comprend également la personne qui est le père ou la mère d'un enfant du contribuable.

[7]            À mon avis, ce commentaire décrit avec exactitude l'effet de l'alinéa en question. En conséquence, dans la présente affaire, l'appelant a droit à la déduction par l'effet de l'alinéa 60 b). Cette conclusion cadre avec le libellé clair de cet alinéa et de l'alinéa 252(4)a). L'avocate de l'intimée n'a fait valoir aucune raison convaincante de rejeter ce libellé clair en faveur de l'interprétation avancée par le ministre.

[8]            L'argument subsidiaire de l'appelant semble être réfuté par le raisonnement du juge Bowman dans l'affaire Fantini c. La Reine[5], auquel je souscris, et par la décision de la Cour d'appel fédérale dans l'affaire Armstrong c. Canada[6], par laquelle je suis lié. Compte tenu de la conclusion à laquelle je suis arrivé ci-dessus, je ne me pencherai pas davantage sur cette question.

[9]            Les appels sont admis, et les cotisations sont déférées au ministre pour nouvel examen et nouvelle cotisation au motif que l'appelant a droit aux déductions de 6 756 $ et de 4 940 $ qu'il a faites à l'égard des années d'imposition 1994 et 1995 respectivement. Il a également droit à ses frais.

Signé à Ottawa, Canada, ce 7e jour d'avril 1999.

" E. A. Bowie "

                J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme ce 26e jour de septembre 2001.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Mario Lagacé, réviseur

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

98-169(IT)I

ENTRE :

JOHN CAREY,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Appels entendus le 18 mars 1999 à Ottawa (Ontario), par

l'honorable juge E. A. Bowie

Comparutions

Avocat de l'appelant :                          Me Michael G. Carey

Avocate de l'intimée :                           Me Michelle Farrell

JUGEMENT

                Les appels des cotisations établies en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour les années d'imposition 1994 et 1995 sont admis avec frais et les nouvelles cotisations sont déférées au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelles cotisations, au motif que l'appelant a droit aux déductions de 6 756 $ et de 4 940 $ qu'il a faites à l'égard des années d'imposition 1994 et 1995 respectivement.

Signé à Ottawa (Ontario), ce 7e jour d'avril 1999.

" E. A. Bowie "

J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme

ce 26e jour de septembre 2001.

Mario Lagacé, réviseur




[1]               L.R.O. 1990, ch. F.3.

[2]               Les modifications faites à ces alinéas dans L.C. 1993, ch. 24 et L.C. 1994, ch. 7 ne s'appliquent que dans les cas où la rupture du mariage a eu lieu après 1992.

[3]               C.C.I., no 96-4445(IT)I, 5 septembre 1997 ([1997] 1 C.T.C. 2649).

[4]               Au paragraphe 28, 377a.

[5]               C.C.I., no 96-3863(IT)I, 5 décembre 1997 (1997 CanRepNat 2220).

[6]               C.A.F., no A-189-95, 10 mai 1996, aux pages 10 et 11(96 DTC 6315, à la page 6321).

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