Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date: 20000316

Dossier: 2000-2293-IT-I

ENTRE :

CARLENE SATCHWELL,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifsdu jugement

Le juge Rip, C.C.I.

[1]            Carlene Satchwell interjette appel de cotisations d'impôt sur le revenu établies à l'égard des années d'imposition 1996, 1997 et 1998[1]. Elle a demandé pour son fils le crédit équivalent pour personne entièrement à charge prévu à l'alinéa 118(1)b) de la Loi de l'impôt sur le revenu (la " Loi ") lors de chacune des trois années en question. Pour 1996 et 1997, elle a demandé la prestation fiscale pour enfants et le crédit pour taxe sur les produits et services (" TPS "). Le ministre du Revenu national (le " ministre ") a rejeté les demandes en question, au motif que l'appelante était mariée et que le couple ne vivait pas séparé durant les années en cause dans les appels.

[2]            L'appelante, Carlene Satchwell, a épousé Barrington Satchwell le 23 janvier 1993. Ils ont eu un enfant. L'appelante a déclaré s'être séparée de M. Satchwell le 4 août 1994, date à laquelle elle a quitté l'appartement où les deux conjoints vivaient avec leur fils ainsi qu'avec la fille de l'appelante, née d'une relation précédente. L'appelante a emménagé dans un autre appartement du même immeuble (l'appartement 703), qui était loué par un ami. Dans la journée du 1er décembre 1995, l'appelante et ses enfants se sont réinstallés dans l'appartement du mari (appartement 711), mais ils ne vivaient pas ensemble [TRADUCTION] " comme mari et femme ".

[3]            L'appartement 711 comptait deux chambres, une salle de repos, une salle de bains complète plus une demi-salle de bains, une salle de séjour doublée d'une salle à manger et une cuisine. Mme Satchwell et sa fille dormaient dans l'une des chambres, son fils, dans la salle de repos et son mari, dans l'autre chambre.

[4]            Le loyer de l'appartement 711, services publics inclus, était de 923 $ par mois; l'appelante a indiqué que sa part du loyer s'élevait à 400 $. Son mari et elle-même étaient les locataires. Mme Satchwell a déclaré que, même s'ils habitaient le même appartement, son mari et elle vivaient chacun de leur côté. Ils dormaient dans des lits différents et n'entretenaient pas de rapports d'ordre social. Mme Satchwell a témoigné que son mari et elle n'avaient pas eu de rapports sexuels depuis leur séparation. Elle a déclaré que son mari [TRADUCTION] " couchait avec d'autres femmes ". Elle ne savait absolument pas où il prenait ses repas; elle ne l'a jamais vu dans la cuisine. Durant la semaine, les enfants dînaient avec leur grand-mère, la mère de l'appelante, qui vivait elle aussi dans le même immeuble (appartement 1203). L'appelante dînait avec ses enfants les fins de semaine. Elle ne faisait ni la cuisine, ni la lessive pour son mari. Celui-ci ne regardait jamais la télévision avec les enfants. À la connaissance de Mme Satchwell, son mari ne faisait rien d'autre à l'appartement que dormir et prendre sa douche.

[5]            À l'occasion, M. Satchwell allait prendre une glace avec son fils. Selon Mme Satchwell, c'est elle qui subvenait aux besoins essentiels de son fils.

[6]            M. Satchwell s'entendait " très bien " avec la famille de sa femme, qu'il avait connue alors qu'il était encore enfant en Jamaïque. Cependant, il n'a jamais accepté leurs invitations à dîner.

[7]            Mme et M. Satchwell ont rendu visite aux parents de ce dernier en Jamaïque. Leurs amis communs en Jamaïque savaient où en était leur relation conjugale. Mme Satchwell ignore si la mère de M. Satchwell était au courant de leur séparation, mais elle pense que cette dernière [TRADUCTION] " se doutait qu'ils étaient séparés ".

[8]            En 1997, le frère de Mme Satchwell a suggéré qu'ils fassent l'acquisition d'une maison. Ils ne pouvaient à eux deux obtenir un emprunt hypothécaire suffisant pour acheter une maison. M. Satchwell, qui était un ami du frère de l'appelante, a proposé de participer à l'acquisition de la maison. L'appelante, son frère et son mari ont donc acquis la maison à titre de copropriétaires. Chacun d'eux est responsable à titre de débiteur hypothécaire (constituant de la charge) à l'égard de la maison. Mme Satchwell a indiqué que, dans l'acte hypothécaire (charge grevant un bien-fonds), elle et M. Satchwell sont désignés en tant que conjoints. Le 24 octobre 1997, l'appelante, son frère et leurs parents ont emménagé dans leur nouvelle résidence.

[9]            En 1997, le revenu de Mme Satchwell s'élevait à environ 20 000 $. Le prix de la maison était de 191 000 $. C'est Mme Satchwell qui a fait le versement initial, apparemment modeste, sur la maison. L'emprunt hypothécaire contracté pour acheter la maison était de 194 647 $. Les mensualités s'élevaient à 1 357 $, ce qui comprenait le principal, les intérêts et les impôts fonciers. Lorsque la facture de gaz naturel était élevée, M. Satchwell et le frère de l'appelante fournissaient un appoint. Mme Satchwell a dit qu'elle acquittait le coût des réparations et de l'entretien.

[10]          La nouvelle résidence comportait un sous-sol meublé comptant deux portes d'entrée, une salle de bains complète, une salle de séjour et une chambre. On trouvait au rez-de-chaussée une cuisine, une salle à manger doublée d'une salle de séjour et un cabinet de toilette. Il y avait trois chambres ainsi qu'une salle de bains au premier étage, tandis que le deuxième étage se composait d'une chambre et d'une salle de bains.

[11]          Vers le mois d'avril 1998, d'après les souvenirs de Mme Satchwell, son mari a demandé s'il pouvait résider au sous-sol. Le frère de Mme Satchwell a accepté de partager le sous-sol avec lui. Le frère de l'appelante couchait dans la chambre, M. Satchwell dans la salle de séjour. Mme Satchwell et sa fille partageaient la chambre du deuxième. Ses parents et son fils occupaient les chambres du premier.

[12]          Mme Satchwell a déclaré un revenu de location tiré du bien du chemin Weston en 1997 et en 1998; elle a également déclaré des frais. Dans son état des revenus de location, elle a indiqué être propriétaire en totalité du bien. Pour l'année 1997, elle a déclaré un revenu de location de 3 100 $ et des frais de location de 8 525 $. En 1998, elle a déclaré un revenu de location de 9 000 $ et des frais de 13 845 $. Ses parents, son frère et M. Satchwell, après que celui-ci eut emménagé dans la maison en janvier 1998, payaient chacun un loyer mensuel de 300 $ à Mme Satchwell, et ce, même si son frère et M. Satchwell étaient également propriétaires de la maison. Mme Satchwell a déclaré que, avant que M. Satchwell ne vienne résider dans la maison, ses parents lui payaient 600 $ par mois.

[13]          Durant les années en cause dans le présent appel, M. et Mme Satchwell avaient un compte bancaire conjoint, qui est encore actif. Elle dépose son chèque de paie dans ce compte et y effectue des retraits. De même, M. Satchwell dépose des sommes dans ce compte et y fait des retraits.

[14]          En 1993, Mme Satchwell s'est procuré une carte de crédit Visa de la Banque Toronto Dominion; la carte était détenue conjointement par M. Satchwell et elle, mais c'est elle qui l'utilisait. M. Satchwell possède une carte de crédit Visa de la Banque Canadienne Impériale de Commerce. M. et Mme Satchwell étaient responsables conjointement à l'égard de ces deux cartes de crédit.

[15]          Les bénéficiaires de la police d'assurance-vie de Mme Satchwell sont ses enfants et M. Satchwell.

[16]          Au moins trois dispositions de la Loi sont pertinentes dans l'appel en l'instance : l'alinéa 118(1)b), qui prévoit le crédit équivalent pour personne entièrement à charge — relativement au fils de Mme Satchwell —, pour les années 1996, 1997 et 1998; l'article 122.5, qui a trait au crédit pour taxe sur les produits et services, pour 1996 et 1997; et l'article 122.6, qui concerne la prestation fiscale pour enfants, également pour 1996 et 1997.

[17]          Aux termes des dispositions pertinentes de la Loi, il faut, lorsqu'on veut déterminer si un particulier a droit à ces crédits d'impôt, prendre en compte le revenu de son conjoint.

[18]          L'une des conditions permettant à un particulier marié d'avoir droit au crédit équivalent pour personne entièrement à charge est que ce particulier ne vive pas avec son conjoint ni ne subvienne aux besoins de celui-ci, pas plus que son conjoint ne doit subvenir à ses besoins. Dans l'appel en l'instance, il appert que Mme Satchwell et son mari, de même que son frère et ses parents, subvenaient mutuellement à leurs besoins.

[19]          En 1996 et durant la plus grande partie de 1997, l'appelante et son conjoint ont payé tous deux le loyer de l'appartement qu'ils occupaient ensemble. M. Satchwell payait 523 $ de loyer par mois et Mme Satchwell, 400 $ par mois. À la fin de 1997 et en 1998, M. Satchwell a contribué à l'entretien de la maison, de même que le frère et les parents de Mme Satchwell. Les sommes versées par M. Satchwell et par le frère de Mme Satchwell à cette dernière ne constituaient pas un loyer. Il s'agissait d'argent fourni par chacun des payeurs pour s'assurer que les intérêts et le principal de l'emprunt hypothécaire sur la maison dont ils étaient propriétaires, ainsi que les impôts fonciers et les autres dépenses reliées à la maison, soient dûment payés.

[20]          M. et Mme Satchwell avaient un compte conjoint, auquel ils versaient et duquel ils retiraient de l'argent, et ils étaient responsables conjointement à l'égard de leurs cartes de crédit respectives. Le mari de Mme Satchwell était désigné par cette dernière comme l'un des bénéficiaires de sa police d'assurance-vie.

[21]          Si M. et Mme Satchwell menaient des existences séparées par ailleurs, ainsi que le prétend Mme Satchwell, celle-ci n'a présenté aucune raison crédible pour expliquer pourquoi son mari et elle dépendaient tellement l'un de l'autre sur le plan financier.

[22]          Le fait que Mme Satchwell ait accompagné son mari en Jamaïque pour rendre visite à la mère de ce dernier, que le voyage se soit déroulé ou non durant les années faisant l'objet d'un appel, accrédite la thèse du ministre selon laquelle Mme Satchwell et son mari ne vivaient pas séparés l'un de l'autre. La mère de M. Satchwell a peut-être " deviné " qu'ils s'étaient séparés, mais M. et Mme Satchwell ne lui ont jamais mentionné que tel était le cas. Ils ont fait ensemble le voyage en Jamaïque et il semble que, là-bas, ils aient rencontré ensemble de vieux amis. Rien ne prouve que leurs relations aient changé entre 1995 et la date de l'audience. M. Satchwell a subvenu aux besoins de sa femme durant les années en cause dans l'appel en l'instance et, à mon sens, ils ne vivaient pas séparés l'un de l'autre.

[23]          Les appels sont rejetés.

Signé à Ottawa, Canada, ce 16e jour de mars 2001.

" Gerald J. Rip "

J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme ce 19e jour de septembre 2001.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Martine Brunet, réviseure

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

2000-2293(IT)I

ENTRE :

CARLENE SATCHWELL,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Appels entendus le 13 février 2001 à Toronto (Ontario), par

l'honorable juge Gerald J. Rip

Comparutions

Pour l'appelante :                       L'appelante elle-même

Avocate pour l'intimée :              Me Tamara Sugunasiri

JUGEMENT

          Les appels des cotisations établies en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour les années d'imposition 1996, 1997 et 1998 sont rejetés.


Signé à Ottawa, Canada, ce 16e jour de mars 2001.

" Gerald J. Rip "

J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme

ce 19e jour de septembre 2001.

Martine Brunet, réviseure




[1]               L'appelante en appelle également du calcul du crédit d'impôt foncier de l'Ontario relativement aux années 1997 et 1998. Notre cour n'a pas compétence pour rendre une décision relativement à une loi de l'Ontario.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.