Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

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Date: 20010330

Dossiers: 1999-4106-IT-I,

1999-4107-IT-I

ENTRE :

KEN HARVERSON

CAROLE HARVERSON,

appelants,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Représentant des appelants :              Walter T. Bower

Avocate de l'intimée :                          Me Charlotte Coombs

Motifs du jugement

(Prononcés oralement à l'audience le 2 novembre 2000

à Vancouver (Colombie-Britannique))

Le juge Campbell

[1]            Les appels de Ken et de Carole Harverson ont été entendus conjointement le 31 octobre 2000.

[2]            Lors des années d'imposition 1995 et 1996, Ken Harverson (l'appelant dans le dossier 1999-4106(IT)I) a déduit des dépenses de 13 497,24 $ et de 26 820 $, respectivement. Les sommes en question avaient été versées en contrepartie des soins fournis à sa belle-mère, Grace Noren, dans un ensemble résidentiel communautaire pour retraités. Dans la nouvelle cotisation établie à l'égard de M. Harverson pour l'année d'imposition 1995 et dans la cotisation établie pour son année d'imposition 1996, le Ministre a rejeté ces déductions pour frais médicaux.

[3]            Lors des années d'imposition 1995 et 1997, Carole Harverson (l'appelante dans le dossier 1999-4107(IT)I) a déduit des dépenses de 13 497,24 $ et de 28 006,24 $, respectivement. Les sommes en question avaient été versées en contrepartie des soins fournis à sa mère, Grace Noren, dans deux ensembles résidentiels communautaires pour retraités. Dans la nouvelle cotisation établie à l'égard de Mme Harverson pour l'année d'imposition 1995, le Ministre a rejeté la déduction; dans la cotisation établie à l'égard de son année d'imposition 1997, la déduction pour frais médicaux a été réduite de 26 077,50 $.

[4]            Selon la preuve, Grace Noren a résidé durant quatre ans environ dans un appartement aménagé au sous-sol du domicile des Harverson, jusqu'à ce qu'elle commence à éprouver des pertes de mémoire, de la confusion, etc., ce qui a forcé sa fille, Carole Harverson, à prendre d'autres dispositions pour son logement. L'ensemble résidentiel de Whitecliff a été préféré à une résidence administrée par l'État parce qu'on y trouvait un environnement et des conditions de vie plus susceptibles de répondre aux besoins de la mère de l'appelante et de lui permettre de vivre une existence heureuse. Grace Noren a résidé à Whitecliff au cours des années d'imposition 1995 et 1996 ainsi que de janvier à octobre de l'année d'imposition 1997. En novembre et en décembre 1997, Grace Noren a résidé dans un des logements autonomes de Crescent Garden.

[5]            Carole Harverson a témoigné que sa mère occupait un logement autonome à Whitecliff et à Crescent Garden. La chose a été confirmée par un administrateur de Crescent Garden et par la directrice générale de Whitecliff, appelés à témoigner par l'intimée.

[6]            L'intimée a admis que Grace Noren était une personne handicapée. Le Ministre soutient toutefois que les dépenses déduites ont été engagées au titre du loyer et de frais accessoires et que ni l'ensemble résidentiel de Whitecliff, ni les logements autonomes de Crescent Garden n'étaient des maisons de santé ou de repos où des soins étaient prodigués à temps plein à Grace Noren. L'intimée maintient donc que les appelants n'ont pas droit à la déduction pour frais médicaux prévue à l'article 118.2 de la Loi de l'impôt sur le revenu.

[7]            La question est dès lors de savoir si le Ministre était fondé à réduire les montants déduits par les appelants à titre de frais médicaux pour les années d'imposition 1995, 1996 et 1997.

[8]            De façon plus précise, la question consiste à déterminer si les sommes en question ont été versées pour les services de préposés aux soins à temps plein ou pour des soins prodigués à temps plein à Grace Noren durant les périodes en cause.

[9]            Les dispositions de la Loi qui régissent la déduction de ce genre de dépenses sont :

l'article 118.2, qui énonce une formule de calcul pour la déduction de ces frais médicaux;

et le paragraphe 118.2(2), qui précise la définition des frais médicaux pour l'application de la formule prévue à l'article 118.2.

[10]          L'intimée a appelé deux témoins : M. Leon Joseph Joyal, chef de l'exploitation de Crescent Garden, et Sherry Fossum, directrice générale de Whitecliff. M. Joyal a témoigné que, en novembre et en décembre 1997, Grace Noren résidait à Crescent Garden. Selon son témoignage, Crescent Garden était un ensemble résidentiel communautaire pour retraités comportant trois composantes distinctes, soit des logements privés en copropriété, des logements loués (les logements autonomes) et un centre de soins courants accrédité.

[11]          Grace Noren résidait dans l'un des logements autonomes. Le bail de l'appartement, dont une copie a été déposée en preuve, avait été signé par l'appelante, Carole Harverson, pour le compte de sa mère. Il s'agissait d'un bail ordinaire comportant les clauses que l'on s'attend à trouver dans n'importe quel document de ce type pour un appartement. Selon les dires de M. Joyal, le loyer mensuel couvrait différents services — sécurité, repas, divertissements et services de soutien de nature générale —, mais pas la prestation à temps plein de soins de santé. M. Joyal a déclaré que le loyer devait être versé intégralement, même si un résident choisissait de ne pas se prévaloir de tous les services prévus. Il a précisé que Grace Noren n'était pas censée recevoir de soins, sauf en cas d'urgence. Étant donné les différentes composantes de la résidence, on ne fournissait pas de soins infirmiers à proprement parler aux résidents des logements autonomes. Grace Noren était une locataire au plein sens du terme, le loyer donnant droit à divers services : repas, sécurité, ménage, etc. Le bail était d'une durée d'un an; il était assorti d'un dépôt pour dommages éventuels et prévoyait des avis de renouvellement; d'après M. Joyal, ce bail était conforme à la Rentalsman Act et à la réglementation connexe.

[12]          Le deuxième témoin de l'intimée était Sherry Fossum, directrice générale de Whitecliff. Elle a confirmé que Grace Noren avait résidé à Whitecliff en 1995, en 1996 et de janvier à octobre 1997 dans un logement où l'on fournissait des soins courants, tout comme à Crescent Garden. Le bail signé par Grace Noren et Whitecliff a été déposé en preuve. Il s'agissait d'un contrat de location au mois prévoyant des services comme le ménage, la lessive et les repas. Un espace de stationnement était en outre réservé à Mme Noren, qui disposait de son propre véhicule. Le témoignage de Mme Fossum a clairement établi que la résidence où Mme Noren louait un logement ne fournissait pas de soins de santé accrédités, mais seulement les services prévus dans le contrat. On considérait que Grace Noren était autonome, et aucune infirmière diplômée ne s'occupait d'elle. Mme Fossum a d'ailleurs précisé que les infirmières autorisées faisant partie du personnel de Whitecliff ne pouvaient prodiguer de soins à l'extérieur des endroits désignés à cette fin.

[13]          Bien que le terme " maison de santé ou de repos " ne soit pas défini dans la Loi, je ne vois pas l'utilité qu'il y aurait ici à discuter en long et en large de la définition qu'il conviendrait d'utiliser. Il est clair en l'instance que Grace Noren louait un logement à Whitecliff et à Crescent Garden conformément aux clauses d'un bail écrit. On ne fournissait pas de soins infirmiers à temps plein, et il n'y avait pas de préposé à temps plein pour répondre aux besoins de Mme Noren, si l'on fait exception de l'aide qui aurait pu lui être fournie en cas d'urgence ou de la possibilité que l'on retienne à l'occasion les services d'un préposé de l'extérieur, tout dépendant des besoins de Grace Noren.

[14]          Je félicite la famille de Grace Noren d'avoir accepté d'engager les dépenses requises afin que cette dernière puisse habiter dans une résidence où elle pouvait continuer de vivre dans la dignité et en toute sécurité, mais je ne puis toutefois autoriser la déduction de ces dépenses. La preuve ne permet tout simplement pas de conclure qu'elles ont servi à rémunérer un préposé à temps plein ou à payer des soins infirmiers à temps plein dans une maison de santé ou de repos comme l'exige la Loi.

[15]          Dans l'affaire Miles c. Sa Majesté la Reine, no 98-1797(IT)I, le 8 avril 1999, à la page 10 (99 DTC 958, à la page 962), la Cour déclarait :

Il est indubitable que l'occupant avait son propre appartement (manifestement un très bel appartement) et qu'il était capable d'aller et venir à sa guise et de prendre soin de lui-même, sauf à certains égards. Certains services étaient fournis par le personnel infirmier. Les repas de M. Miles devaient être préparés pour lui. Rien n'indique qu'on devait le nourrir ou quoi que ce soit du genre; il avait donc manifestement un certain degré d'autonomie.

Dans un cas de ce genre, il incombe à la partie appelante d'établir selon la prépondérance des probabilités à quoi servait le paiement. Il doit donc y avoir dans le reçu une ventilation indiquant quelle partie du paiement était destinée à des soins de préposé.

[16]          Or, dans l'affaire en l'instance, je ne suis pas convaincu qu'une partie des paiements correspondait à des soins de préposé. Les appelants ne sont pas parvenus à s'acquitter du fardeau de la preuve; autrement dit, ils n'ont pas pu établir, selon la prépondérance des probabilités, que des soins à temps plein ou des soins de préposé étaient fournis à Grace Noren. Les dépenses mensuelles correspondaient à un loyer, versé pour la location d'un logement et pour la prestation de services additionnels, de manière que des particuliers comme Grace Noren puissent continuer de mener une existence autonome aux ensembles résidentiels de Whitecliff et de Crescent Garden. À tout le moins, les parties de chacune de ces résidences où Grace Noren occupait un logement n'étaient pas des maisons de santé ou de repos, au sens qu'une personne raisonnable donnerait à ce terme.

[17]          Je dois donc malheureusement rejeter les appels de Ken et de Carole Harverson, et confirmer les cotisations du Ministre dans l'un et l'autre appels.

[18]          Je tiens à féliciter à la fois M. Bower et Me Coombs du professionnalisme dont ils ont fait preuve. Je les remercie de la clarté avec laquelle ils ont exposé à la Cour les questions à examiner ainsi que la preuve.

Signé à Ottawa, Canada, ce 29e jour de mars 2001.

" Diane Campbell "

J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme ce 25e jour de septembre 2001.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Martine Brunet, réviseure

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