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Date: 20020118

Dossier: 2001-1628-IT-I

ENTRE :

GINNIE DUNN,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

Le juge suppléant Rowe, C.C.I.

[1]      L'appelante a déclaré des frais médicaux de 17 189,93 $ pour l'année d'imposition 1998, mais le ministre du Revenu national (le « ministre » ) a refusé d'admettre 5 484,00 $ de ladite déduction en partant du fait que certains médicaments ainsi que certaines substances et préparations - considérés comme des suppléments diététiques et thérapeutiques - achetés dans le cabinet ou la clinique d'un médecin, d'un dentiste ou d'un naturopathe ne constituaient pas des frais médicaux admissibles en vertu du paragraphe 118.2(2) de la Loi de l'impôt sur le revenu (la « Loi » ) parce qu'il ne s'agissait pas de dépenses engagées pour l'achat de médicaments d'ordonnance enregistrés par un pharmacien au sens de l'alinéa 118.2(2)n) de la Loi.

[2]      Virginia (Ginnie) Dunn a témoigné être courtière en immeubles et résider à Quesnel, en Colombie-Britannique. En 1998, elle a été très malade et a été traitée par un médecin en titre, un dentiste et un naturopathe. Les médicaments d'ordonnance délivrée par ces professionnels de la santé n'étaient pas offerts par les pharmacies ordinaires ni par aucun autre fournisseur de fournitures médicales. L'appelante a déclaré que son médecin - le Dr Loewen, M.D. - l'avait traitée pour un abcès grave et une infection du maxillaire qui aurait pu mettre sa vie en danger. Le trouble particulier a été décrit dans la lettre non datée déposée sous la cote A-1. L'appelante a également mentionné une autre lettre non datée écrite par le Dr Loewen - pièce A-2 - dans laquelle celui-ci déclare qu'il n'est pas rare pour un médecin autorisé de délivrer des médicaments - surtout dans les localités où il n'y a pas de pharmacien et où les médicaments - qu'ils soient délivrés sur ordonnance ou non - peuvent être enregistrés par le médecin au lieu d'un pharmacien muni d'une licence. En plus de recevoir le traitement du Dr Loewen, l'appelante a consulté son dentiste, Dr Ara Elmajian, D.D.S., et son état ainsi que le traitement entrepris ont été décrits dans une lettre - datée du 20 mars 2001 - déposée sous la cote A-3. Dans ladite lettre, le Dr Elmajian affirme être autorisé à délivrer des médicaments et des remèdes - dont ceux qui ont été utilisés pour le traitement de l'appelante - et indique que ces substances n'étaient pas en stock dans les pharmacies ordinaires. Le coût de certaines gouttes homéopathiques a été facturé comme un article distinct sur les comptes émis à l'appelante et payés par elle. L'appelante a déclaré avoir été traitée également par le Dr Eugene Pontius, N.D. - un médecin naturopathe - et, dans une lettre (pièce A-4) datée du 9 avril 2001 délivrée à la demande de l'appelante, le Dr Pontius indique qu'un mandat législatif permet aux médecins naturopathes de délivrer des médicaments. L'appelante a fait référence à une copie d'une lettre - pièce A-5 - datée du 8 août 2000 et adressée à l'honorable Michael Farnworth, ministre de la Santé de la province de Colombie-Britannique. L'appelante a déclaré avoir reçu ladite lettre du Dr Brian Martin, président du College of Naturopathic Physicians of British Columbia, et qu'elle contenait une liste à jour des substances utilisées par les naturopathes autorisés. L'appelante a déclaré que, lorsque certains médicaments lui avaient été prescrits sur ordonnance par le Dr Pontius, elle a convenu qu'il avait le droit de le faire dans le cadre du traitement prodigué.

[3]      Au cours du contre-interrogatoire, l'appelante a admis avoir eu droit à une déduction de près de 12 000 $ pour des frais médicaux au cours de l'année d'imposition 1998. Elle a identifié une feuille à laquelle des reçus étaient joints - pièce R-1 - et sur laquelle elle avait dressé la liste des frais de médicaments et de traitements; feuille dont une copie a été fournie à l'Agence des douanes et du revenu du Canada (ADRC). Elle a expliqué que les notes indiquant sur certains reçus un paiement pour des « suppléments diététiques » ou des « suppléments thérapeutiques » avaient été rédigées par la réceptionniste du médecin. L'appelante a attiré l'attention sur certains articles de la feuille - surlignés en vert - rejetés par le ministre. Une autre feuille à laquelle des reçus étaient joints - pièce R-2 - a été identifiée par l'appelante comme étant un document qu'elle avait préparé et envoyé à l'ADRC dans lequel la preuve d'achat et la description de diverses substances étaient détaillées. Bon nombre étaient décrites simplement comme « suppléments thérapeutiques » . Les comptes du Dr Elmajian - relativement à un remède homéopathique - et du Dr Pontius - pour certains médicaments - ont été déposés sous la cote R-3. L'appelante a déclaré qu'aucun des articles qu'elle avait achetés - et utilisés dans le cadre du traitement - n'était offert en pharmacie ou par des magasins d'aliments naturels.

[4]      L'appelante a fait valoir que, en vertu de l'article 75 de la Pharmacists, Pharmacy Operations and Drug Scheduling Act, RS Chap. 363 de la Colombie-Britannique (Pharmacists Act,) aucune disposition de ladite Pharmacists Act n'empêchait un praticien de délivrer un médicament directement à son patient. Elle s'est reportée aux définitions, dans un dictionnaire, du terme « médicament » et a allégué qu'elles englobaient clairement le type de substances et de médicaments qui lui avaient été prescrits sur ordonnance par les divers professionnels de la santé, qui respectaient tous la définition de médecin figurant au paragraphe 118.4(2) de la Loi. L'appelante a affirmé que toutes les substances déclarées à titre de frais médicaux avaient été délivrées sur ordonnance en bonne et due forme par des professionnels de la santé autorisés. Comme il n'existait aucune autre source d'approvisionnement pour ces médicaments particuliers - notamment des pharmacies ordinaires avec un pharmacien muni d'une licence - la disposition de la Loi prescrivant que l'achat - par l'appelante - des médicaments ou autres préparations ou substances doit être enregistré par un pharmacien était prohibitive et contraire à l'esprit de la Loi.

[5]      L'avocat de l'intimée a allégué que la disposition particulière de la Loi touchant les frais médicaux était claire et concise. Il a indiqué que le législateur, en plus d'exiger que les médicaments soient réservés à l'utilisation par le patient et aient été obtenus sur ordonnance d'une personne répondant à la définition de médecin ou de dentiste, a choisi de disposer dans la Loi que tout achat de substances admissibles soit enregistré par un pharmacien. Dans le cadre du présent appel, l'avocat a soutenu que les substances, bien qu'elles aient été utilisées au cours du traitement de l'appelante pour un trouble grave et douloureux, n'avaient pas été enregistrées par un pharmacien et que le fait qu'un médecin autorisé puisse délivrer un médicament directement à un patient - sans enfreindre la Pharmacists Act - ne fait pas de ce médecin un pharmacien aux fins de la Loi. L'avocat de l'intimée a avisé la Cour que sa recherche indiquait qu'aucun règlement en vigueur en 1998, pris en vertu de l'article 10 de la Naturopaths Act, RS chapitre 297, ne permettait au naturopathe de l'appelante de délivrer des ordonnances ou d'administrer des médicaments et, qu'en l'absence d'une autorisation découlant desdits règlements, aucune autre disposition ne lui permettait de délivrer des ordonnances. L'avocat a également informé la Cour que des règlements étaient en vigueur avant 1998 mais qu'ils ont cessé de s'appliquer à un moment donné.

[6]      La partie pertinente de la disposition de la Loi est la suivante :

118.2(2)            Pour l'application du paragraphe (1), les frais médicaux d'un particulier sont les frais payés :

a)          à un médecin, à un dentiste, [...] pour les services médicaux ou dentaires fournis au particulier, [...] au cours de l'année d'imposition où les frais ont été engagés;

[...]

n)          pour les médicaments, les produits pharmaceutiques et les autres préparations ou substances [...] qui sont, d'une part, fabriqués, vendus ou offerts pour servir au diagnostic, au traitement ou à la prévention d'une maladie, d'une affection, d'un état physique anormal ou de leurs symptômes ou en vue de rétablir, de corriger ou de modifier une fonction organique et, d'autre part, achetés afin d'être utilisés par le particulier, par son époux ou conjoint de fait ou par une personne à charge visée à l'alinéa a), sur ordonnance d'un médecin ou d'un dentiste, et enregistrés par un pharmacien; (Les italiques sont de moi)

[7]      Le présent appel ne soulève aucune question quant à la disposition ci-dessus, sauf en ce qui concerne l'exigence que les médicaments, préparations ou substances visés par l'ordonnance du médecin, du dentiste et du médecin naturopathe de l'appelante soient enregistrés par un pharmacien. L'avis du ministre est que la seule interprétation appropriée du terme « pharmacien » est celle d'une personne munie d'une licence en vertu de la Pharmacists Act.

[8]      L'appelante a invoqué la décision du juge Teskey - Cour canadienne de l'impôt - dans l'affaire Frank c. Sa Majesté la Reine, C.C.I, no 2000-3586(IT)I, 30 avril 2001 (2001 CarswellNat 1492). Dans cette affaire, le juge Teskey faisait face à la thèse de l'avocat de l'intimée que l'alinéa 118.2(2)n) de la Loi exigeait que le médicament en question soit un médicament délivré sur ordonnance et que l'achat soit enregistré par un pharmacien. Le juge Teskey a conclu que les vitamines et suppléments pouvaient être considérés comme des médicaments, des produits pharmaceutiques ou autres préparations ou substances au sens de l'alinéa parce qu'ils étaient obtenus sur ordonnance d'un médecin et étaient nécessaires au maintien de la vie du contribuable. À l'alinéa 9 - et aux alinéas suivants - de son jugement rendu oralement, le juge Teskey a déclaré ce qui suit :

9.          Il s'agit à mon avis de déterminer si je peux faire abstraction des termes "enregistrés par un pharmacien".

10.        Selon la preuve, l'appelante peut acheter ses vitamines et suppléments au téléphone; c'est plus économique que de se rendre à la pharmacie ou au magasin d'aliments naturels, et c'est plus facile pour elle. L'appelante a témoigné qu'elle avait parlé à un pharmacien et que ce dernier lui avait dit qu'il pouvait les enregistrer. D'ailleurs, que signifie le passage "enregistrés par un pharmacien"? Il doit avoir un sens plus large que celui de médicament "délivré sur ordonnance". Il ne saurait être simplement question ici du fait pour un pharmacien de consigner les vitamines et les suppléments vendus.

11.        Le terme "enregistrés" a peut-être trait aux bordereaux d'achat ou aux factures de vente du pharmacien. Dans les deux cas, ce sont des enregistrements faits par le pharmacien.

[9]      Dans l'affaire Mauro c. Sa Majesté la Reine, C.C.I., no 2000-5023(IT)I, 18 avril 2001 (2001 CarswellNat 1498), le juge Mogan - de la Cour canadienne de l'impôt - examinait l'alinéa 118.2(2)n) de la Loi dans le contexte d'un appel concernant des frais médicaux dans le cadre duquel bon nombre des indices requis de la disposition étaient en litige. Cependant, par rapport à l'exigence d'enregistrement par un pharmacien, le juge Mogan a déclaré ce qui suit à l'alinéa 11 :

Il ressort clairement de la preuve en l'espèce que les suppléments alimentaires n'étaient pas délivrés sur ordonnance d'un médecin et n'étaient pas enregistrés par un pharmacien. [...] (les italiques sont de moi)

[10]     Il ne fait aucun doute que les tribunaux ont utilisé une interprétation large et libérale des dispositions touchant les frais médicaux. Des décisions récentes de la Cour canadienne de l'impôt ont permis à des particuliers de déduire - à titre de frais médicaux - les coûts des modifications à apporter à une maison avant que ne commence la construction. Le bon sens dictait que le redressement en question ne devrait pas être limité aux contribuables qui rénovent ou modifient une habitation existante. L'une de ces décisions était l'affaire Hillier c. Sa Majesté la Reine, C.C.I., no 1999-3017(IT)I, 30 mai 2000 (2000 DTC 2145). Dans le cadre de cette affaire, le juge en chef adjoint Bowman, C.C.I., examinait l'appel interjeté par un contribuable qui était tenu de construire une nouvelle maison exempte de problèmes environnementaux et d'autres problèmes responsables du trouble médical de sa fille. À l'alinéa 12 et aux alinéas suivants de son jugement, le juge Bowman a déclaré ce qui suit :

[12]       En l'espèce, l'intimée soutient qu'à l'alinéa l.2), je devrais ajouter, par voie d'interprétation, le terme « existante » immédiatement après le terme « habitation » . Je ne crois pas qu'un tel ajout soit justifié, ni qu'il aide à réaliser l'objet de la loi (Bank of England v. Vagliano Brothers, [1891] A.C. 107 à la p. 120). Le fait d'ajouter à la loi un terme qui ne s'y retrouve pas restreint le sens ordinaire du terme « habitation » d'une façon qui est, à tout le moins, contraire à ce que l'alinéa l.2) est censé faire. En l'espèce, une habitation est construite pour un particulier. Au fur et à mesure que la construction avance, des modifications sont apportées ou incorporées pour répondre aux besoins spéciaux du particulier. Ces modifications font en sorte que l'édifice est différent de ce qu'il aurait été s'il avait été construit pour quelqu'un ne souffrant pas de l'état médical de Lauren. À mon avis, voilà une interprétation raisonnable du terme « transformations » : une transformation progressive au fur et à mesure que la construction avance. L'appelant ne demande que la déduction du coût des écarts de la norme, et non du coût de la maison en entier.

[13]       On m'a référé à la décision du juge suppléant Rowe, C.C.I. dans l'arrêt Gustafson c. R., (98-1358(IT)I), un jugement rendu le 30 avril 1999. Dans cette affaire, le juge Rowe a rejeté l'appel interjeté à l'encontre d'une cotisation dans laquelle le ministre avait refusé de considérer comme frais médicaux les frais supplémentaires engagés pour la révision des plans d'une nouvelle maison construite pour les besoins de l'époux de l'appelante, lequel était quadriplégique. Le juge Rowe s'est référé à la décision du juge Rip dans l'affaire Vantyghem c. R., C.C.I., no 97-3607(IT)I, 17 décembre 1998 ([1999] 2 C.T.C. 2159). Dans ce jugement, le juge Rip a dit, aux pages 4 et 5 (C.T.C. : à la page 2162):

14         Le Shorter Oxford définit les verbes « alter » (transformer) et « renovate » (rénover) de la manière suivante :

            [TRADUCTION]

            transformer : 1. Changer ou modifier une chose d'une manière quelconque sans en altérer l'essence. 2. Devenir différent, subir une modification...

            rénover : 1. Renouveler. 2. Renouveler d'une manière importante; réparer, restaurer en remplaçant les parties perdues ou endommagées; créer de nouveau.

15         Pris dans son sens ordinaire, le mot « transformations » semblerait comprendre presque toutes sortes de modifications. Ainsi, le verbe « transformer » semble assez large pour comprendre des installations. En outre, le fait que les mots « transformations » et « rénovations » soient utilisés d'une manière disjonctive à l'alinéa 118.2(2)l.2) incite à les interpréter de manière à ce que ni l'un ni l'autre ne soit superflu. Il est tout à fait raisonnable de donner au mot « transformations » un sens qui s'étend à d'autres modifications que celles qui sont comprises dans le mot « rénovations » . Une installation peut être une « transformation » qui n'est pas simplement une « rénovation » . [Note infra-paginale omise.]

À la page 6 (C.T.C. : à la page 2163), il a ajouté :

19         Les dispositions de la Loi portant sur les frais médicaux et les crédits d'impôt pour personnes handicapées doivent recevoir l'interprétation la plus juste et la plus libérale qui soit compatible avec la réalisation de leur objet et l'intention du législateur lorsqu'il les a adoptées. Tout texte « s'interprète de la manière la plus équitable et la plus large qui soit compatible avec la réalisation de son objet » . Dans les cas où il n'est pas déraisonnable, selon les circonstances de l'affaire, de conclure qu'une somme payée par un contribuable représente des frais médicaux, le tribunal doit examiner si la somme ainsi payée se qualifie comme des frais médicaux aux termes du paragraphe 118.2(2) de la Loi.

20         Le mot « transformations » à l'alinéa 118.2(2)l.2) comprend l' « installation » ; une personne typique trouverait que cette interprétation est raisonnable étant donné la situation de Mme Vantyghem.

[Notes infra-paginales omises.]

[14]       Je trouve la méthode du juge Rip très utile. Toutes les transformations ou rénovations ont exigé, dans une certaine mesure, la création de quelque chose de neuf. Je ne vois aucune raison pour que cela ne puisse comprendre, dans le contexte de la Loi, la création d'une nouvelle structure où des modifications et des ajouts doivent être apportés aux plans conventionnels afin d'incorporer des caractéristiques particulières qui sont nécessaires pour répondre aux besoins médicaux d'une personne donnée. Cette conclusion est conforme à celles du juge Bowie dans Michael George c. La Reine, 98-1697(IT)I et du juge Beaubier dans Harold Rosen c. La Reine, 1999-2043(IT)I. Dans ces deux affaires, les coûts supplémentaires engagés pour apporter des modifications à la construction d'une nouvelle maison, pour des raisons médicales, ont été admis à titre de déductions en vertu de l'alinéa 118.2(2)l.2).

[15]                   L'appel est admis et la cotisation est déférée au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation au motif que l'appelant a droit à une déduction en vertu de l'alinéa 118.2(2)l.2) de la Loi de l'impôt sur le revenu au montant de 29 754 $. L'appelant a droit à ses frais, s'il en est.

[11]     Comme le juge Bowman l'a indiqué, j'ai pris l'approche contraire dans l'affaire Gustafson, précitée, en partant du fait que, bien qu'il soit désirable d'accorder le redressement demandé parce qu'il était plus logique d'admettre les frais de modification des plans d'une résidence projetée que de construire la maison puis d'entreprendre les modifications dictées par le trouble médical existant - je me suis vu contraint par le libellé clair de la disposition qui - dans sa spécificité - n'était pas hors contexte par rapport à l'article entier traitant des frais médicaux. À l'alinéa 12 de ce jugement, j'ai formulé les commentaires suivants :

         


... De toute évidence, le législateur visait la situation habituelle où les particuliers ou leurs conjoints deviennent handicapés alors qu'ils vivent déjà dans une maison et où, en raison de cette déficience nouvelle, des rénovations ou des transformations doivent être apportées à l'habitation. Indépendamment des considérations d'ordre fiscal, ce n'aurait pas été très malin de la part des Gustafson d'entreprendre la construction de leur nouvelle résidence tout en sachant qu'elle ne leur conviendrait pas, c'est-à-dire qu'elle ne pourrait satisfaire les besoins particuliers du conjoint de l'appelante, puis, tout de suite après l'achèvement des travaux, d'apporter les modifications nécessaires pour permettre au conjoint non seulement d'avoir accès à sa résidence, mais encore de s'y déplacer et d'y accomplir les tâches de la vie quotidienne dans la mesure du possible, compte tenu des restrictions imposées par sa déficience. Si l'on se reporte aux dispositions pertinentes du paragraphe 118.2(2) de la Loi, le niveau de précision de plusieurs des alinéas a) à q) est anormalement élevé. Il appert que le législateur cherchait précisément à reconnaître certaines dépenses qui ont été engagées pour des raisons particulières, dans des circonstances particulières. Le législateur est allé jusqu'à reconnaître comme frais médicaux - à l'alinéa k) - les frais payés pour de l'extrait hépatique injectable ou des vitamines B12, mais uniquement lorsque l'extrait ou les vitamines ont été obtenus sur ordonnance d'un médecin en vue du traitement d'une maladie particulière, soit l'anémie pernicieuse - par opposition à l'anémie ordinaire.

[12]     Pour en revenir à la question précise de l'exigence que les substances admissibles soient « enregistrées par un pharmacien » - en plus d'être obtenues sur ordonnance d'un médecin - je me reporte à la décision récente du juge Miller, C.C.I., dans l'affaire Pagnotta c. Sa Majesté la Reine, C.C.I., no 2000-4291(IT)I, 27 août 2001 (2001 CarswellNat 1887). En étudiant ladite exigence, le juge Miller a déclaré ce qui suit à l'alinéa 30 :

                Le cinquième critère est en quelque sorte une pierre d'achoppement pour l'appelante, soit le critère selon lequel les produits prescrits doivent être « enregistrés par un pharmacien » . L'appelante m'exhortait à me fonder sur les jugements Lawlor et Tanguay et à conclure que le mot « et » dans le membre de phrase « sur ordonnance d'un médecin [...] et enregistrés par un pharmacien » , devrait être interprété comme ayant une valeur disjonctive et non pas conjonctive. La formulation interprétée d'une manière disjonctive dans ces causes s'inscrit dans un contexte bien différent de celui qui m'est soumis. Si je faisais fi de l'exigence selon laquelle les produits doivent être enregistrés par un pharmacien, je ferais plus que faire preuve de compassion dans le cadre de l'interprétation de cette mesure législative qui serait complètement dépourvue de sens. Il n'y a aucune ambiguïté quant à la nécessité qu'un pharmacien fasse quelque chose; il y a peut-être une certaine ambiguïté quant à savoir ce que l'on entend par le mot « enregistrés » . Je ne suis toutefois pas disposé à faire fi de l'exigence relative à un pharmacien. L'appelante se fondait beaucoup sur la récente décision que le juge Teskey a rendue dans l'affaire Frank, dans laquelle il a posé la même question. Lui non plus n'a pas fait fi des termes; ayant conclu que des substances avaient été prescrites par un médecin, il est parvenu à la conclusion que des produits étaient possiblement « enregistrés » sous la forme du bordereau d'achat ou de la facture de vente du pharmacien. Cette interprétation libérale de l'exigence ne peut être justifiée que par des circonstances qui incitent fortement à une approche fondée sur la compassion. Je conclus que la situation de l'appelante correspond exactement à cela. Trois médecins reconnaissent qu'une combinaison de traitements était la seule façon dont l'appelante pouvait obtenir un certain soulagement. Affirmer que seulement certains des produits de ce traitement obtenus d'un pharmacien peuvent être considérés comme donnant lieu à des frais médicaux admissibles représente une interprétation trop stricte de cet alinéa. Il reste toutefois que les substances doivent avoir été obtenues d'un pharmacien. Il n'y a simplement rien qui permet de contourner cette exigence. Jusqu'à ce que le gouvernement du Canada, par des initiatives comme l'élaboration d'un cadre réglementaire visant les produits de santé naturels, fasse apporter les modifications législatives nécessaires, je dois appliquer, quoique libéralement, l'exigence selon laquelle il doit s'agir de produits enregistrés par un pharmacien. Il est facile de prévoir que, lorsque des herbes, vitamines et nutraceutiques chinois seront réglementés, notre législation fiscale sera modifiée en conséquence. En attendant, je ne peux que conclure que seules les substances obtenues d'un pharmacien peuvent être considérées comme correspondant au sens de l'alinéa 118.2(2)n). Aucune interprétation ne me permet de conclure que les herbes, vitamines et nutraceutiques fournis par le Dr Aung directement ainsi que par Supplements & More sont admissibles en tant que produits enregistrés par un pharmacien. Les dépenses de 344,73 $ faites à Nutrition Plus Pharmacy et les dépenses de 188,56 $ faites à Kripps Pharmacy Ltd. sont toutefois bel et bien admissibles pour les raisons que j'ai données, et j'admets l'appel dans cette mesure. Je tiens à établir clairement que je ne veux pas ainsi inviter ouvertement les contribuables dont le mode de vie inclut un régime vitaminique à invoquer l'alinéa 118.2(2)n) pour obtenir un crédit en alléguant que les dépenses y afférentes constituent des frais médicaux. Cela se limite au rare cas d'un contribuable qui a de graves problèmes médicaux et qui cherche à obtenir un soulagement par divers traitements recommandés par un certain nombre de médecins. Dans un tel cas, comme celui qui m'est soumis, une interprétation libérale semble respecter l'objectif de l'alinéa.

[13]     Pour ce qui est des qualifications requises d'un pharmacien muni d'une licence dans la province de Colombie-Britannique, les articles 14 et 15 de la Pharmacists Act énoncent les qualifications que doit posséder une personne et les conditions qu'elle doit remplir pour obtenir un permis d'exercice de l'Ordre professionnel des pharmaciens et, par la suite, être autorisée à utiliser certains titres. La loi a une portée très large et prévoit l'établissement d'un ordre des pharmaciens, des procédures d'enregistrement, l'autorisation d'exploiter une pharmacie et des dispositions concernant la conduite de ses membres, dont le droit d'imposer des mesures disciplinaires conformément aux procédures établies par la loi. Le fait que - en vertu de l'article 75 de la Pharmacists Act - aucune autre disposition de cette loi ne puisse être interprétée comme empêchant un médecin (au sens de la définition de ce terme) de délivrer directement un médicament à son patient ne signifie pas que le médecin sera - sans plus - autorisé à participer au bal annuel des pharmaciens ou à assurer toute une gamme de services professionnels au sein de cette discipline particulière. La disposition pertinente - l'alinéa 118.2(2)n) de la Loi - ne traite d'aucune exemption accordée par la Pharmacists Act relativement à l'acte de délivrance directe d'un médicament à un patient spécifique par un médecin. Cependant, elle dispose que les substances délivrées sur ordonnance d'un médecin - défini par la Loi - doivent être enregistrées par un pharmacien. À mon avis, les médecins ayant traité l'appelante n'étaient pas des pharmaciens au sens ordinaire du terme ni au sens prêté par le contexte de la disposition en question. Il n'est pas déraisonnable pour le législateur d'avoir voulu exercé un certain contrôle sur les frais médicaux admissibles en exigeant que tout achat de substances admissibles soit enregistré par un pharmacien. Cette question reviendra probablement dans le cadre d'un autre appel, mais j'ai tendance à accepter l'approche adoptée par le juge Teskey dans l'affaire Frank,précitée, voulant qu'un document créé par un pharmacien muni d'une licence sur les médicaments délivrés au patient sur ordonnance d'un médecin - même si ces médicaments ne sont pas préparés, délivrés ou fournis par cette pharmacie - semblerait satisfaire les exigences de la disposition qui, à mon avis, ne peuvent être lues disjonctivement. L'autre solution serait de reconnaître - à titre de frais médicaux - tout médicament, tout produit pharmaceutique, toute préparation ou toute autre substance admissible délivré sur ordonnance d'un médecin à un patient - du vin rouge maison, peut-être - même si la délivrance contourne le mécanisme sur lequel insiste le législateur - soit, tout simplement, que les médicaments, produits pharmaceutiques, etc., délivrés sur ordonnance, soient enregistrés par un pharmacien.

[14]     Nonobstant l'approche récente adoptée en vue d'une interprétation large et libérale de ces dispositions sur les frais médicaux, je ne vois pas le besoin d'exercer mon pouvoir d'une façon équivalant à modifier la Loi en écartant l'exigence que les médicaments, les produits pharmaceutiques, les préparations ou autres substances, tels que délivrés sur ordonnance, soient enregistrés par un pharmacien, ou de soumettre cette désignation professionnelle bien connue à une nouvelle définition. Le libellé est clair, sans équivoque et, contrairement aux affaires susmentionnées où il était question de rénovation d'habitations, il n'entraîne aucun résultat bizarre.

[15]     L'appelante a présenté une argumentation habile et convaincante, et son point de vue est fondé, mais je suis d'avis que toute modification de la disposition spécifique pertinente doit être entreprise par la législature.

[16]     L'appel est par les présentes rejeté.

Signé à Sidney (Colombie-Britannique), ce 18e jour de janvier 2002.

« D. W. Rowe »

J.S.C.C.I.

Traduction certifiée conforme

ce 16e jour d'août 2002.

Mario Lagacé, réviseur

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

2001-1628(IT)I

ENTRE :

GINNIE DUNN,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Appel entendu le 25 octobre 2001, à Prince George (Colombie-Britannique), par

l'honorable juge suppléant D. W. Rowe

Comparutions

Pour l'appelante :                                 l'appelante elle-même

Avocat de l'intimée :                            Me Victor Caux

JUGEMENT

          L'appel interjeté à l'encontre de la cotisation établie en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour l'année d'imposition 1998 est rejeté selon les motifs du jugement ci-joints.


Signé à Sidney (Colombie-Britannique), ce 18e jour de janvier 2002.

« D. W. Rowe »

J.S.C.C.I.

Traduction certifiée conforme

ce 16e jour d'août 2002.

Mario Lagacé, réviseur


[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

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