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Date : 20020730

Dossier : 2001-910-IT-I

ENTRE :

SAINT-RAYMOND PLYMOUTH CHRYSLER INC.,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifsdu jugement

Le juge en chef Garon, C.C.I.

[1]            Il s'agit d'un appel d'une cotisation d'impôt sur le revenu du ministre du Revenu national pour l'année d'imposition 1997 de l'appelante. Par cette cotisation, le ministre du Revenu national a refusé la déduction d'une somme de 23 254 $. Cette dernière somme fait partie d'un montant de 26 166 $ réclamé par l'appelante à titre de mauvaise créance à la suite de la vente d'un véhicule par cette dernière à une personne liée, Location Raybec inc.

[2]            Le ministre du Revenu national en procédant à la cotisation dont appel s'est appuyé sur les allégations consignées au paragraphe 5 de la Réponse à l'avis d'appel. Ce paragraphe 5 se lit ainsi :

a)              L'appelante est une entreprise qui exploite la vente au détail de véhicules;

b)             Le 23 janvier 1997, l'appelante a vendu une automobile à la compagnie « Location Raybec inc. » . Le prix de vente était de 22 962 $ plus les taxes soit un total de 26 166 $;

c)              « Location Raybec inc. » et l'appelante sont des entreprises liées aux fins de l'impôt. Plus spécifiquement, les actionnaires de la compagnie « Location Raybec inc. » sont :

                - L'appelante :                                        60%

                - Épouse de Benoît Noreau :                               10%

                - Fils de Benoît Noreau :                      30%

d)             En raison de difficultés financières, la compagnie « Location Raybec inc. » n'a pas payé à l'appelante la somme qu'elle lui devait (26 166 $, incluant les taxes);

e)              Au 30 septembre 1997, soit la fin de l'exercice financier de l'appelante, cette dernière a réclamé une mauvaise créance d'un montant de 26 166 $;

f)              Le 21 juillet 1997, l'appelante a racheté le même véhicule pour la somme de 22 847 $ (incluant taxe) et revendu le véhicule par la suite à un tiers;

g)             Le 5 juillet 2000, suite à une vérification, un avis de nouvelle cotisation a été émis par le Ministre et par lequel un montant de 23 254 $ a été ajouté au revenu de l'appelante;

h)             Ce montant de 23 254 $ correspond à la différence entre le montant de mauvaise créance réclamé par l'appelante (26 166 $) moins le montant de mauvaise créance jugé admissible par le Ministre (2 912 $);

i)               Le montant de mauvaise créance jugé admissible par le Ministre (2 912 $) correspond à la différence entre le montant de vente effectuée par l'appelante à l'égard de la compagnie « Location Raybec inc. » (sans taxe) soit 22 962 $ réduit du montant de l'achat subséquent (sans taxe) soit 20 050 $;

j)               À ce stade-ci des procédures, le Ministre est d'avis qu'aucune perte en capital n'a été réalisée par l'appelante suite aux transactions « vente-achat » décrites ci-dessus.

[3]            Le président de l'appelante, monsieur Benoît Noreau, a témoigné pour le compte de celle-ci. Monsieur Jean-Claude Girard a déposé pour le compte de l'intimée.

[4]            Les faits essentiels pour les fins de ce litige peuvent se résumer en peu de mots. L'appelante, exploitant une entreprise de vente en détail de véhicules, a vendu le 23 janvier 1997 une automobile à la firme Location Raybec inc. pour un prix de 22 962 $, taxes non incluses. Aucune partie du prix d'achat n'a été payée comptant par Location Raybec inc. en raison de difficultés financières auxquelles elle avait à faire face. Aucune garantie pour assurer le paiement du prix de vente n'a été fournie par cette dernière. Le financement de l'acquisition de l'automobile par l'appelante avait été fait par la société Crédit Chrysler Ltée. L'appelante a racheté le 21 juillet 1997 de Location Raybec inc. le même véhicule en payant comptant la somme de 20 050 $, taxes exclues.

[5]            Dans son témoignage, monsieur Noreau a mentionné que Location Raybec inc. exploitait une entreprise de location de voitures. Lors du rachat par l'appelante du même véhicule, le 21 juillet 1997, Location Raybec inc., à cause de sa situation financière, n'avait effectué aucun paiement d'une partie du prix de vente à l'appelante durant cette période de près de six mois. L'appelante n'a pas tenté de reprendre l'automobile en question à la suite du manquement de Location Raybec inc. d'acquitter le prix de vente. L'appelante a préféré verser comptant à Location Raybec inc. la somme de 22 847 $, taxes incluses, au moment du rachat.

[6]            Monsieur Noreau a aussi témoigné que l'exploitation de l'entreprise de Location Raybec inc. avait débuté en novembre 1996 et avait cessé en janvier 1998.

[7]            Quant à monsieur Jean-Claude Girard, vérificateur au service de l'Agence des douanes et du revenu, il a fourni des explications sur les modalités du calcul de la mauvaise créance, calcul sur la base duquel a été établie la cotisation.

Prétentions de l'appelante

[8]            Il y a lieu de reproduire certaines observations du représentant de l'appelante. Se référant au mois de juin 1997, il s'est exprimé ainsi :

C'est sûr que au mois de juin j'ai désillusionné, là, parce que ça ne s'améliorait pas d'une façon excessive et moi j'en reviens tout le temps avec le fait que cet argent-là, c'est sûr, je la devais à Chrysler Crédit.

[...]

Ça c'est évident, je le devais. Quand même que j'ai racheté le véhicule, ça n'a aucun lien avec, moi c'était pour récupérer le plus possible de mon argent que j'ai ... je vous l'ai dit tantôt, que j'ai repayé le véhicule. Parce que je payais tous les autres et puis celui-là aussi.

[Transcription des notes, page 67,

lignes 4 à 8 et lignes 11 à 16]

[9]            À la question suivante posée par le tribunal :

Mais pourquoi St-Raymond, à ce moment-là n'a pas décidé de dire à Location Raybec : je rachète la voiture, Location Raybec vous êtes en difficultés financières, je rachète la voiture mais je ne vous paie pas, vous ne m'avez pas payé en premier lieu?

[Transcription des notes, page 69,

lignes 8 à 13]

[10]          Monsieur Noreau répond ainsi :

O.K. ça aurait pu être ça. Je ne le paie pas puis d'un autre côté je lui fais une avance de 20 000 $, ça aurait revenu au même, à ce moment-là.

[Transcription des notes, page 69,

lignes 14 à 17]

[11]          Se référant à son comptable, monsieur Noreau témoigne ainsi :

Puis il se base aussi sur le fait qu'une décision avait été mise dans les livres mauvaise créance, bien pas mauvaise créance, compte à recevoir. Puis au trente (30) septembre on savait qu'il n'y avait plus de récupération à y avoir.

[Transcription des notes, page 70,

lignes 13 à 17]

[12]          Abordant le paragraphe 8 de la Réponse à l'avis d'appel, monsieur Noreau a fait les observations suivantes :

Le paragraphe 8, là, c'est là qui est mon cheval de bataille, comme on peut dire, que je ne peux pas accepter autrement, là.

Il soutient que dans un contexte d'une vente à une personne non liée, jamais l'appelante n'aurait accepté de débourser un montant pour acquérir de nouveau un véhicule d'une personne à qui elle l'a vendu sans avoir été payé.

C'est le gros point chez eux autres, là, chez le ministère. Sauf que j'en ai un petit peu effleuré tantôt, si je n'avais pas racheté le véhicule ou pas j'aurais toujours eu la perte à exercer versus Chrysler Crédit, je devais ce véhicule-là qui ne m'a pas ... Raybec ne m'a pas payé, qu'il y ait eu ...

[Transcription des notes, page 77,

ligne 21 à la page 78, ligne 4]

[13]          Monsieur Noreau fait état du fait que, selon lui, il a agi raisonnablement et de bonne foi comme le font voir les commentaires qui suivent :

Enfin ce véhicule-là on l'a acheté 20 050 $ et on l'a revendu 21 600 $ pour faire un 1 550 $ de profit moins les dépenses de reconditionnement. Puis comme un peu comme je disais tantôt autant qu'il est en inventaire, la dette est toujours là par Chrysler Crédit, qu'il soit en inventaire chez St-Raymond Plymouth Chrysler ou à Location Raybec, il y avait toujours un lien avec le véhicule. Donc je considère que j'ai agi raisonnablement et de bonne foi dans cette situation-là. C'est un petit peu la conclusion que je veux y apporter. Merci.

[Transcription des notes, page 80,

lignes 14 à 24]

Prétentions de l'intimée

[14]          Dans la Réponse à l'avis d'appel, l'intimée avait invoqué au soutien de sa cotisation en plus de l'alinéa 20(1)p), l'article 69 de la Loi de l'impôt sur le revenu (la « Loi » ). À l'audition, l'avocate de l'intimée ne s'est pas appuyée sur ce dernier article de la Loi étant donné qu'aucune preuve n'a été présentée par l'intimée tendant à démontrer que l'appelante avait disposé du véhicule en question pour une contrepartie inférieure à sa juste valeur marchande.

[15]          L'avocate de l'intimée s'est basée particulièrement sur la partie introductive du paragraphe 20(1) de la Loi qui énonce qu'un contribuable a droit à la déduction dans le calcul du revenu d'une entreprise ou d'un bien « celles des sommes suivantes qui se rapportent entièrement à cette source de revenus ou la partie des sommes suivantes qu'il est raisonnable de considérer comme s'y rapportant » . Elle a mis l'accent sur le mot raisonnable qui est utilisé dans le texte de cette partie du paragraphe 20(1) qui vient d'être reproduite. L'intimée s'en prend spécialement au caractère non raisonnable de la perte subie par l'appelante.

[16]          L'intimée a aussi invoqué l'article 67 de la Loi qui dispose ainsi :

Dans le calcul du revenu, aucune déduction ne peut être faite relativement à une dépense à l'égard de laquelle une somme est déductible par ailleurs en vertu de la présente loi, sauf dans la mesure où cette dépense était raisonnable dans les circonstances.

[17]          À la lumière des dispositions du paragraphe 20(1) et de l'article 67 de la Loi, l'avocate de l'intimée s'est exprimée ainsi :

Alors la question que l'on peut se poser : est-ce qu'au trente (30) septembre 1997 on est en présence d'une créance qui n'est pas recouvrée? Les faits viennent nous dire que oui. Mais est-ce qu'il est raisonnable de penser que le montant de la créance ou la dépense que la per... que le contribuable peut prendre est celui qu'il demande, 26 000 $, alors la réponse ça serait non parce que les chances de récupération du contribuable sont en réalité de 20 000 $ plus les taxes, 22 000 $, qui est le montant qu'il a racheté le véhicule.

[Transcription des notes, page 58,

lignes 4 à 13]

[18]          Plus loin, l'avocate de l'intimée poursuit comme suit :

Alors ce qui n'est pas raisonnable là-dedans c'est que le contribuable, par des opérations qui lui sont propres à ses circonstances, à sa situation du fait que ce sont des entreprises liées qui expliquent les circonstances de comment est-ce que ça a été traité. Je suis d'accord avec vous puis je vais être d'accord avec n'importe qui qui va me dire : oui, mais 20(1)p) deman... oppose pas de restriction du fait du lien de dépendance. La seule restriction qu'on a à 20(1)p) c'est le caractère raisonnable des transactions. Ça ça peut être teinté par un lien de dépendance comme ça peut être teinté à un lien de dépendance de faits, un lien de dépendance légale, n'importe ... par toute autre circonstance, ce qui fait que non seulement on demande une mauvaise créance de 25 000 $ mais aussi on demande une dépense de 20 000 $ parce que quand on achète le véhicule, évidemment qu'on rentre une dépense de 20 000 $. Ce qui fait que pour un véhicule de 25 000 $, pour un revenu de 25 000 $, on demande finalement une dépense totale de 45 000 $.

[Transcription des notes, page 59,

lignes 5 à 23]

[19]          Finalement, lors de sa réplique l'avocate de l'intimée a mentionné que « la nouvelle qualification possible eu égard aux opérations qui ont été faites par l'appelante et sa filiale, bien ça devrait être de la compensation. La compensation légale » . Elle a ajouté à ce sujet que la décision de la Cour suprême du Canada dans l'affaire Shell Canada Ltée c. Canada, [1999] 3 R.C.S. 622, « permettrait au ministère d'appliquer compensation parce que les opérations que l'appelante a fait avec sa filiale ne reflétaient pas convenablement les effets juridiques véritables qui étaient la compensation » .

Analyse

[20]          La question en litige consiste à déterminer si l'appelante a droit lors du calcul du revenu de son entreprise pour son année d'imposition 1997 à la déduction d'une mauvaise créance s'élevant à 26 166 $ relativement au montant impayé par Location Raybec inc. du prix de vente (incluant les taxes) de l'automobile acquise le 23 janvier 1997.

[21]          Le droit à la déduction d'une somme à titre de mauvaise créance est régi par l'alinéa 20(1)p) de la Loi qui se lit ainsi :

Malgré les alinéas 18(1)a), b) et h), sont déductibles dans le calcul du revenu tiré par un contribuable d'une entreprise ou d'un bien pour une année d'imposition celles des sommes suivantes qui se rapportent entièrement à cette source de revenus ou la partie des sommes suivantes qu'il est raisonnable de considérer comme s'y rapportant :

[...]

p) le total des montants suivants :

(i) les créances du contribuable qu'il a établies comme étant devenues irrécouvrables au cours de l'année et qui sont incluses dans le calcul de son revenu pour l'année ou pour une année d'imposition antérieure,

(ii) les montants dont chacun représente la partie du coût amorti, pour le contribuable, à la fin de l'année d'un prêt ou d'un titre de crédit qu'un contribuable - qui est un assureur ou dont l'activité d'entreprise habituelle consiste en partie à prêter de l'argent - a consenti ou acquis dans le cours normal des activités de son entreprise qu'il a établie comme étant devenue irrécouvrable au cours de l'année.

[22]          Il n'est pas contesté que la créance de l'appelante était devenue irrécouvrable au moment du rachat par l'appelante de l'automobile en question le 21 juillet 1997.

[23]          Tout d'abord, je ne partage pas le point de vue de l'avocate de l'intimée quant à l'interprétation de la partie introductive du paragraphe 20(1) de la Loi. Le critère de raisonnabilité ne se rapporte pas à la transaction ou à l'opération visée dans l'un quelconque des alinéas du paragraphe 20(1) mais bien plutôt à la portion de la déduction d'une somme qui se rapporte à une source particulière de revenus. Une lecture attentive de la partie introductive de ce paragraphe suffit pour s'en convaincre. Je me réfère au passage suivant : « celles des sommes suivantes qui se rapportent entièrement à cette source de revenus ou la partie des sommes suivantes qu'il est raisonnable de considérer comme s'y rapportant » . Ce texte tient tout simplement compte du fait que dans certaines situations la déduction des sommes se rapporte entièrement à une seule source de revenus tandis que dans d'autres cas la déduction d'une somme peut se rapporter à plusieurs sources de revenus et que partiellement à une source de revenus. Dans ce dernier cas, seule la partie de cette somme qu'il est raisonnable de considérer comme se rapportant à cette source de revenus est déductible.

[24]          Je ne crois pas non plus que l'article 67 de la Loi puisse s'appliquer dans le cas actuel. La restriction posée par cet article ne s'applique que lorsqu'il s'agit d'une dépense qui n'est pas raisonnable dans les circonstances, comme le précise le libellé de cet article qui se lit ainsi :

Dans le calcul du revenu, aucune déduction ne peut être faite relativement à une dépense à l'égard de laquelle une somme est déductible par ailleurs en vertu de la présente loi, sauf dans la mesure où cette dépense était raisonnable dans les circonstances.

[25]          La somme que l'appelante désire déduire est égale au prix du véhicule, y compris les taxes, stipulé dans le contrat de vente du véhicule intervenu entre l'appelante et Location Raybec inc. L'appelante n'a reçu aucune partie de ce prix de vente. Elle a alors réclamé à titre de mauvaise créance le plein montant du prix de vente, taxes incluses. Il n'a pas été mis en preuve que le prix de vente était excessif. Sous l'angle de l'article 67, le quantum de la déduction me paraît raisonnable. En venant à cette conclusion j'ai pris pour acquis qu'une mauvaise créance constituait une dépense, ce qui est douteux. En effet, une dépense représente normalement un débours fait dans le but de se procurer un bien ou des services.

[26]          Il s'ensuit que les arguments principaux invoqués par l'intimée lors de l'audition de cette cause ne me paraissent pas appuyer le bien-fondé de la cotisation.

[27]          Étant donné les faits relatifs à cet appel, il me paraît nécessaire de déterminer en premier lieu le montant de la créance de l'appelante contre Location Raybec inc. à la fin de l'année d'imposition 1997 de l'appelante.

[28]          Pour répondre à cette question, il faut considérer l'application de l'une des causes d'extinction de l'obligation, à savoir la compensation.

[29]          Les articles 1672 et 1673 du Code civil du Québec précisent les situations auxquelles la compensation s'applique aussi bien que les conséquences qui en découlent. Ces articles se lisent ainsi :

Art. 1672. Lorsque deux personnes se trouvent réciproquement débitrices et créancières l'une de l'autre, les dettes auxquelles elles sont tenues s'éteignent par compensation jusqu'à concurrence de la moindre.

La compensation ne peut être invoquée contre l'État, mais celui-ci peut s'en prévaloir.

Art. 1673. La compensation s'opère de plein droit dès que coexistent des dettes qui sont l'une et l'autre certaines, liquides et exigibles et qui ont pour objet une somme d'argent ou une certaine quantité de biens fongibles de même espèce.

Une partie peut demander la liquidation judiciaire d'une dette afin de l'opposer en compensation.

[30]          Dans le cas présent, il ne fait aucun doute qu'au moment même de la conclusion du contrat de rachat du 21 juillet 1997 et comme conséquence directe de ce contrat l'appelante est devenue immédiatement débitrice du prix de rachat de l'automobile en question à l'égard de Location Raybec inc. et cette dernière débitrice de l'obligation de « délivrer » au sens technique du Code civil du Québec (art. 1716 et suivants) l'automobile en question. Se plaçant au moment de la conclusion de ce contrat, il s'ensuit pour utiliser la terminologie de l'article 1673 du Code civil du Québec que la dette de l'appelante à l'égard de Location Raybec inc. était certaine, liquide et exigible et portait sur une somme d'argent. Elle était certaine en ce que cette dette ne pouvait pas être l'objet d'aucune contestation sérieuse. Elle était liquide en ce sens qu'elle était déterminée avec certitude quant à son montant. Elle était aussi exigible puisque le contrat de vente n'assujettissait pas le paiement du prix à une condition ou à un terme. Le paiement de cette dette pouvait être immédiatement réclamé. Il n'importe pas, d'après moi, que le paiement du prix de rachat ait été fait par l'appelante lors de la conclusion du contrat de rachat. La situation juridique des parties n'est pas modifiée selon que le prix de rachat ait été payé au moment même du contrat ou quelque temps après.

[31]          Quant à la dette de Location Raybec inc. à l'égard de l'appelante découlant du contrat de vente du 23 janvier 1997 stipulant un prix de 22 962 $, cette dette était également certaine et liquide pour les raisons indiquées plus haut au sujet de la dette de l'appelante. Est-ce que cette dette était exigible ?

[32]          Lors de l'audition de cette cause, le recto de la copie du contrat de vente du 23 janvier 1997 entre l'appelante et Location Raybec inc. avait été produit. Le verso de ce contrat n'avait pas été déposé, sans doute, par inadvertance.

[33]          Au cours du délibéré, j'ai constaté cette lacune dans la preuve et décidé de rouvrir l'audience. Cet endos du contrat faisait partie d'un document-clé étant donné que la déduction à titre de mauvaise créance réclamée par l'appelante découle en effet de ce contrat et du fait que Location Raybec inc. n'a pas acquitté le prix de vente stipulé dans ce contrat.

[34]          Cet endos du contrat stipule notamment ce qui suit :

S'il advenait que l'acheteur ne paie pas en entier le prix de vente dans un délai de trois (3) jours de la date de livraison, le vendeur pourra considérer que l'acheteur manifeste clairement son intention de ne pas respecter ses obligations aux termes des présentes, se mettant ainsi en demeure de plein droit, permettant au vendeur de reprendre les véhicules sans poursuite judiciaire, la présente vente étant résiliée de plein droit.

[35]          Le prix du contrat de vente du 23 janvier 1997 était donc exigible de Location Raybec inc. au plus tard trois jours après la livraison de la voiture en question. En effet, d'après le contrat du 23 janvier 1997, la livraison s'est faite le même jour. La dette de Location Raybec inc. à l'égard de l'appelante portait aussi sur une somme d'argent.

[36]          Les dettes de l'appelante et de Location Raybec inc. satisfaisaient donc aux quatre conditions posées à l'article 1673 du Code civil du Québec. Il s'ensuit donc que les deux dettes, celle de l'appelante et celle de Location Raybec inc., étaient éteintes de plein droit, jusqu'à concurrence de la moindre. La dette de Location Raybec inc. à l'égard de l'appelante s'élevant à 22 962 $ est réduite par la dette de l'appelante à l'égard de Location Raybec inc. portant sur une somme de 20 050 $. Il en résulte que la dette de Location Raybec Inc. au 21 juillet 1997 lors de la conclusion du contrat de rachat n'est que de 2 912 $. La mauvaise créance de l'appelante à l'égard de Location Raybec inc. n'est donc que de 2 912 $ à compter du 21 juillet 1997 et en particulier à la fin de l'année d'imposition de l'appelante, le 30 septembre 1997. C'est précisément le montant de la déduction qui fut accordé à l'appelante par le ministre du Revenu national lors de la cotisation dont appel.

[37]          Avant de conclure, je devrais faire certaines observations sur l'application de la décision de la Cour suprême du Canada dans Shell Canada Ltée c. Canada précitée aux faits dans la présente cause.

[38]          À mon avis, l'arrêt de la Cour suprême du Canada dans l'affaire Shell n'est pas applicable en l'espèce. Tout d'abord, il s'agit d'un cas portant sur le droit à la déduction de certains paiements d'intérêts. Dans le présent appel, la question en jeu porte sur la déduction d'un montant à titre de mauvaise créance. En outre, la Cour dans l'espèce Shell a décidé que la réalité économique d'une situation ne pouvait justifier une nouvelle qualification des rapports juridiques véritables établis par un contribuable. En l'absence d'une disposition expresse contraire de la Loi ou d'une conclusion selon laquelle l'opération en cause est un trompe-l'oeil, les rapports juridiques établis par le contribuable doivent être respectés en matière fiscale. Le plus haut tribunal a précisé qu'une nouvelle qualification n'est possible que lorsque la désignation de l'opération par le contribuable ne reflète pas convenablement ses effets juridiques véritables. Ici il ne s'agit pas d'une nouvelle qualification des rapports juridiques établis par l'appelante. La compensation est une cause d'extinction des obligations qui s'opère de plein doit, indépendamment des désirs du contribuable et du ministre, comme je l'ai déjà souligné.

[39]          Pour ces motifs, la cotisation du ministre du Revenu national est maintenue et l'appel est rejeté.

Signé à Ottawa, Canada, ce 30e jour de juillet 2002.

« Alban Garon »

J.C.C.C.I.

No DU DOSSIER DE LA COUR :        2001-910(IT)I

INTITULÉ DE LA CAUSE :                                 Entre Saint-Raymond Plymouth Chrysler inc.

                                                                                                et Sa Majesté La Reine

LIEU DE L'AUDIENCE :                      Québec (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :                    le 16 janvier 2002

                                                                                                réouverture d'audience le 7 mai 2002

conférence téléphonique le 23 juillet 2002

MOTIFS DE JUGEMENT PAR :         l'honorable Alban Garon

                                                                                                Juge en chef

DATE DU JUGEMENT :                      le 30 juillet 2002

COMPARUTIONS :

Pour l'appelante :                                  Benoît Noreau

Pour l'intimée :                                       Me Stéphanie Côté

AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER :

Pour l'appelante :

                                Nom :                       --

                                Étude :                     --

Pour l'intimée :                                       Morris Rosenberg

                                                                                Sous-procureur général du Canada

                                                                                Ottawa, Canada

2001-910(IT)I

ENTRE :

SAINT-RAYMOND PLYMOUTH CHRYSLER INC.,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Appel entendu le 16 janvier 2002 en la ville Québec (Québec),

réouverture d'audience le 7 mai 2002

et conférence téléphonique tenue le 23 juillet 2002 à Ottawa (Ontario) par

l'honorable Alban Garon

Juge en chef

Comparutions

Représentant de l'appelante :      Benoît Noreau

Avocate de l'intimée :                 Me Stéphanie Côté

JUGEMENT

          L'appel de la cotisation établie en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu à l'égard de l'année d'imposition 1997 est rejeté.

Signé à Ottawa, Canada, ce 30e jour de juillet 2002.

« Alban Garon »

J.C.C.C.I.

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