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Date: 20020930

Dossier: 2001-1077-IT-I

ENTRE :

RÉJEAN GOSSELIN,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

Le juge Angers, C.C.I.

[1]            Dans cet appel, interjeté selon la procédure informelle, il s'agit de déterminer si l'imposition d'une pénalité, à l'encontre de l'appelant, pour les années d'imposition 1994, 1995 et 1996, à l'égard d'une déduction au titre des pertes autres qu'en capital d'autres années, pour chacune des années d'imposition concernées, était justifiée. Le fait que l'appelant n'était pas en droit de déduire, dans le calcul de son revenu imposable pour les trois années en question, les sommes réclamées annuellement au titre de pertes autres qu'en capital d'autres années n'est pas contesté.


[2]            Les faits sur lesquels le ministre du Revenu national (le « ministre » ) a établi les cotisations pour les trois années en question et que l'appelant a admis à l'audience sont les suivants :

a)            le dossier origine d'une enquête interne concernant certains employés du Centre fiscal de Jonquière qui avaient mis sur pied un stratagème qui consistait à faire bénéficier, à certaines personnes, de remboursements d'impôt frauduleux en contrepartie d'une commission fondée sur un pourcentage des dits remboursements;

b)            le 28 avril 1997, l'appelant a reçu un remboursement d'impôt total s'élevant à une somme de 7 772,13 $, à l'égard des années d'imposition 1994, 1995 et 1996, suite à des nouvelles cotisations émises à la même date;

c)            les avis de nouvelles cotisations datés du 28 avril 1997, à l'égard des années d'imposition 1994, 1995 et 1996, accordaient à l'appelant, dans le calcul de son revenu imposable, une déduction, au titre de pertes autres qu'en capital d'autres années pour chacune des dites années d'imposition;

d)            la réclamation d'une déduction, au titre de pertes autres qu'en capital d'autres années pour les années d'imposition 1994, 1995 et 1996, avait été rendue possible grâce à l'enregistrement frauduleux dans le système informatique du ministère d'une perte au titre d'un placement d'entreprise totalisant une somme brute de 98 500 $, à l'égard de l'année d'imposition 1990;

e)            l'appelant, aux enquêteurs du ministre, a avoué, par déclaration solennelle, qu'il avait prêté oreille à une suggestion d'un dénommé Guy Joncas, qu'il connaissait depuis 1994, qui lui offrait de faire réviser ses déclarations de revenus par deux personnes qui travaillaient au Centre fiscal de Jonquière, et ce fut dans cette optique qu'il lui divulgua son numéro d'assurance sociale;

f)             l'appelant ne connaissait pas la nature de la déduction qui serait réclamée dans ses déclarations de revenus, ni la somme totale du remboursement qui en résulterait;

h)            aux enquêteurs du ministre, l'appelant a reconnu, par déclaration solennelle, qu'après avoir reçu un chèque de remboursement totalisant la somme de 7 000 $ environ, monsieur Joncas est venu le rencontrer pour lui demander, de la part des deux personnes travaillant au Centre fiscal de Jonquière, de lui remettre une somme de 5 000 $, ce qu'il a refusé, et en retour, a demandé d'annuler le remboursement;

i)             aux enquêteurs du ministre, l'appelant a allégué, par déclaration solennelle, que monsieur Joncas lui a dit qu'il était impossible de procéder à de nouvelles cotisations pour faire annuler le remboursement;

j)             aux enquêteurs du ministre, l'appelant a admis, par déclaration solennelle, qu'il avait paniqué, qu'il a déposé son bilan et qu'il a déclaré dans sa faillite la dite somme de 5 000 $;

k)            l'appelant n'a entrepris aucune démarche auprès du ministre :

i)               communiquer avec les autorités du Centre fiscal de Jonquière, ou

ii)              retourner tout simplement le chèque aux dites autorités;

Les faits ignorés et/ou niés par l'appelant sont les suivants :

g)            aux enquêteurs du ministre, l'appelant a soutenu, par déclaration solennelle, qu'il n'avait jamais encouru une perte d'entreprise totalisant une somme brute de 98 000 $;

l)             le ministre est d'avis que la négligence dont l'appelant a fait montre dans cette affaire s'apparente à de la complicité;

m)           à l'égard des années d'imposition 1994, 1995 et 1996, l'appelant a fait une présentation erronée des faits, par négligence, inattention ou omission volontaire ou a commis quelque fraude ou en fournissant quelque renseignement sous le régime de la « Loi » ;

n)            la réclamation d'une déduction, au titre de pertes autres qu'en capital d'autres années, à l'égard de chacune des années d'imposition 1994, 1995 et 1996, porte le ministre à croire que l'appelant a fait sciemment, ou dans des circonstances qui justifient l'imputation d'une faute lourde, un faux énoncé ou une omission dans les déclarations de revenus produites pour les années d'imposition 1994, 1995 et 1996, ou a participé, consenti ou acquiescé à ce faux énoncé ou cette omission, d'où il résulte que l'impôt qu'il aurait été tenu de payer d'après les renseignements fournis dans les déclarations de revenus déposées pour ces années-là était inférieur au montant d'impôt à payer pour ces années-là.

[3]            La déclaration solennelle de l'appelant a été déposée en preuve sous la cote I-2. Dans l'avant-dernier paragraphe, il avoue n'avoir jamais subi une perte d'entreprise de 98 000 $ car il était chauffeur camionneur. Quant aux paragraphes d), f) et j), l'appelant les a admis mais il voulait, lors de son témoignage, ajouté des commentaires.

[4]            L'appelant a effectivement témoigné dans le même sens que ses admissions relatives à la Réponse à l'avis d'appel mais en fournissant davantage de précisions. Il relate qu'à l'époque, soit en 1997, il était à l'emploi du journal « Étoile du Lac » . Alors qu'il faisait un montage commercial pour H & R Block, il a engagé une discussion avec Guy Joncas, un journaliste au même journal, à propos de son insatisfaction avec ses déclarations de revenus préparées par H & R Block. C'est à ce moment-là que Guy Joncas l'a informé d'une révision possible de cinq ans sur ses déclarations de revenus. Pour ce faire, il connaissait deux confrères d'école qui travaillaient pour le ministère du Revenu en tant qu'inspecteurs embauchés pour détecter les fraudeurs. Il suffisait à l'appelant de lui fournir son numéro d'assurance sociale pour que ces deux amis puissent examiner ses déclarations des cinq dernières années, ce qu'il fit. Il décrit Guy Joncas comme étant une personne hors pair. Ne connaissant rien en comptabilité ni impôt, l'appelant s'est fié à lui.

[5]            Sans avoir signé de documents ou de déclarations modifiées, l'appelant recevait, à peine un mois plus tard, un chèque de 7 772,13 $, soit le 28 avril 1997 et ce, du gouvernement du Canada. Il a dit avoir été très surpris à la réception du chèque. Il avait cru qu'il n'allait recevoir que 200 $ ou 300 $. Il avoue avoir « paniqué » et ne pas avoir su quoi faire. Le lendemain, Guy Joncas est allé voir l'appelant pour lui demander la somme de 5 000 $ que les deux employés du Ministère exigeaient. Il a refusé de payer cette somme car, pour lui, ça le rendait coupable. Cela confirmait aussi ce qu'il avait pensé la veille, soit que tout ça n'était pas normal. Il craignait de plus que la situation ne s'aggrave s'il retournait le chèque. Par instinct, il a décidé de déposer le chèque, ce qu'il a fait la même journée, soit le 29 avril 1997. Il a alors demandé à Guy Joncas de faire annuler cette affaire par les deux employés, ce à quoi Guy Joncas lui a répondu qu'il ne pouvait pas faire. Il a alors décidé d'attendre que le ministère du Revenu lui réclame le remboursement. Une demande lui fut éventuellement acheminée par Revenu Canada le 30 juin 2000, après une longue enquête interne à son ministère.

[6]            Entre-temps, soit le 15 septembre 1998, l'appelant a fait faillite. Durant la période, entre la réception du chèque et une rencontre avec un enquêteur de Revenu Canada, monsieur Roland Pelletier en mai 2000, il n'a parlé de cette affaire à aucun représentant du ministère du Revenu sous le prétexte qu'il ne faisait plus confiance à personne et qu'il avait peur que quelqu'un pense qu'il était impliqué dans ce stratagème.

[7]            Ce n'est qu'en mai 1998 qu'un employé du ministère du Revenu s'est rendu compte que le ministère aurait fait des remboursements d'impôt à des contribuables sans pièces justificatives à leur dossier. Monsieur Roland Pelletier, était chargé, avec d'autres, d'enquêter sur cette affaire. Le résultat de cette enquête a mené à la condamnation de deux employés du ministère du Revenu. L'enquête a révélé qu'environ 45 contribuables auraient été contactés par ces deux employés ou des tiers et que ces derniers recevaient 66 2/3 p. 100 du remboursement d'impôt perçu par le contribuable. Guy Joncas aurait été impliqué dans quatre ou cinq de ces dossiers, dont celui en l'espèce.

[8]            Toute personne qui, sciemment ou dans des circonstances équivalent à faute lourde, fait un faux énoncé ou une omission dans une déclaration, un formulaire, un certificat, un état ou une réponse rempli, produit ou présenté selon le cas, pour une année d'imposition pour l'application de la présente loi, ou y participe, y consent ou y acquiesce est passible d'une pénalité (paragraphe 163(2) de la Loi de l'impôt sur le revenu). Dans l'affaire Venne c. Sa Majesté la Reine, 84 DTC 6247, la faute lourde a été définie comme étant un cas de négligence plus grave qu'un simple défaut de prudence raisonnable. Il doit y avoir un degré important de négligence qui corresponde à une action délibérée, une indifférence au respect de la loi. Il est évident, en l'espèce, que l'appelant en tout temps, ne savait pas de quelle façon les amis de monsieur Joncas avaient réussi à lui obtenir un remboursement d'impôt de plus de sept mille dollars. Il n'a signé aucun document pouvant modifier ses déclarations de revenus pour les années en litige, et il n'était pas au courant qu'il devait payer pour ce service un pourcentage du montant perçu. En fait, il est resté surpris lorsqu'il a reçu le remboursement en question.


[9]            Cela étant dit, il faut maintenant analyser le comportement de l'appelant une fois qu'il a reçu le remboursement en avril 1997. Il fut d'abord surpris du montant et le lendemain, dans sa conversation avec monsieur Joncas, il apprend qu'il doit payer un pourcentage de ce montant aux amis de monsieur Joncas. Cette conversation lui confirme qu'il y a quelque chose d'anormal dans tout ça. Il choisit malgré tout d'encaisser cet argent et demande à monsieur Joncas de faire les démarches pour que le ministère lui réclame la même somme. Je comprends qu'à cette époque, l'appelant était en instance de séparation et vivait une période difficile. Son bon jugement était peut-être altéré, mais je ne crois pas que l'on puisse invoquer ces raisons sur une période allant du dépôt du chèque à sa rencontre avec monsieur Roland Pelletier, soit presque trois ans plus tard. L'appelant aurait eu maintes occasions de s'informer auprès de gens responsables sur la démarche à suivre devant une telle situation. Il avait, dès la réception du chèque de remboursement, un doute suffisamment grand quant à la légitimité de ce remboursement et aurait dû, dès lors, entreprendre des démarches auprès des autorités pour corriger cet état de chose. L'appelant a choisi de ne rien faire. Cette inaction de sa part démontre son insouciance et son indifférence au respect de la loi. Son comportement, à mon avis, constitue un degré important de négligence que je qualifie de faute lourde. Il a profité de cet argent sachant qu'il avait été obtenu par des moyens anormaux. Il a donc acquiescé aux faux énoncés faits par les deux amis de monsieur Joncas pour obtenir le remboursement en omettant d'agir. Sa situation financière s'est détériorée et il a bénéficié du remboursement obtenu.

[10]          Je suis donc satisfait que l'intimée a établi selon la prépondérance des probabilités, qu'elle était justifiée d'imposer une pénalité pour chacune des années d'imposition en litige. Les appels sont donc rejetés.

Signé à Ottawa, Canada, ce 30e jour de septembre 2002.

« François Angers »

J.C.C.I.No DU DOSSIER DE LA COUR :                            2001-1077(IT)I

INTITULÉ DE LA CAUSE :                                                 RÉJEAN GOSSELIN et

                                                                                                                Sa Majesté la Reine

LIEU DE L'AUDIENCE :                                      Roberval (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :                                    3 septembre 2002

MOTIFS DE JUGEMENT PAR :                         L'honorable juge François Angers

DATE DU JUGEMENT :                                      30 septembre 2002

COMPARUTIONS :

Pour l'appelant :                                                    Me Martin Dallaire

Pour l'intimée :                                                       Me Philippe Dupuis

AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER :                  

Pour l'appelant :                                                   

                                Nom :                                       Me Martin Dallaire

                                Étude :                                     Cain Lamarre Casgrain Wells

                                                                                                Roberval (Québec)

Pour l'intimée :                                                       Morris Rosenberg

                                                                                                Sous-procureur général du Canada

                                                                                                Ottawa, Canada

2001-1077(IT)I

ENTRE :

RÉJEAN GOSSELIN,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Appels entendus le 3 septembre 2002 à Roberval (Québec) par

l'honorable juge François Angers

Comparutions

Avocat de l'appelant :                                                                          Me Martin Dallaire

Avocat de l'intimée :                                                                            Me Philippe Dupuis

JUGEMENT

                Les appels des cotisations établies en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu à l'égard des années d'imposition 1994, 1995 et 1996 sont rejetés.

Signé à Ottawa, Canada, ce 30e jour de septembre 2002.

« François Angers »

J.C.C.I.

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