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Date: 20011129

Dossier: 2001-1517-IT-I

ENTRE :

VALENTINA SOBOLEV,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

Le juge Miller, C.C.I.

[1]      Valentina Sobolev est citoyenne canadienne. Elle a soutenu qu'elle était également résidente du Canada pour les années d'imposition 1988 à 1995. De ce fait, elle a demandé le crédit d'impôt pour enfants, le crédit pour taxe fédérale sur les ventes, la prestation fiscale pour enfants et le crédit pour la taxe sur les produits et services, de même que certains crédits d'impôt provinciaux et certaines prestations familiales de la Colombie-Britannique (appelés collectivement les « crédits et prestations » ). Le ministre a établi à l'égard de Mme Sobolev une cotisation, dont l'avis est daté du 18 février 2000, pour les années d'imposition 1988 à 1995 en considérant qu'elle n'était pas résidente du Canada durant les années en question et que, par conséquent, elle n'avait pas droit aux crédits et prestations. Le ministre a également imposé à Mme Sobolev des pénalités pour faute lourde en application du paragraphe 163(2) de la Loi de l'impôt sur le revenu (la « Loi » ). Mme Sobolev a interjeté appel à l'encontre de ces cotisations sous le régime de la procédure informelle.

[2]      Les questions en litige sont les suivantes :

1.        La cotisation établie par le ministre pour les années d'imposition 1988 à 1995 de l'appelante est-elle frappée de prescription?

2.        L'appelante était-elle résidente du Canada pendant les années 1988 à 1995?

3.        Dans l'affirmative, l'article IV de la Convention fiscale entre le Canada et les États-Unis influe-t-il de quelque manière sur le statut de résidente du Canada de l'appelante?

4.        Si Mme Sobolev était résidente du Canada pendant les années 1988 à 1995, ses demandes de crédits et de prestations ont-elles été faites légitimement conformément aux articles 122.2, 122.4, 122.5, 122.6 et 122.61?

5.        Le ministre a-t-il imposé à bon droit à l'appelante des pénalités pour faute lourde en application du paragraphe 163(2)?

[3]      Mme Sobolev est devenue citoyenne canadienne en 1975. Elle a habité à Vancouver avec la famille jusqu'en 1985, date à laquelle elle a épousé un citoyen américain, Paul Sobolev, et a émigré aux États-Unis. En 1988, M. Sobolev a perdu son emploi, ce qui a causé des tensions considérables dans le ménage, de sorte que l'appelante est revenue chez ses parents, à Vancouver, en mai 1988. Ses parents lui ont demandé de s'installer chez eux et de s'occuper d'eux en contrepartie du gîte et du couvert pour elle-même et ses enfants. Mme Sobolev avait à l'époque trois enfants, tous nés aux États-Unis. Elle est restée au Canada jusqu'à la fin de 1988. Selon ses dires, elle a entamé des démarches pour que ses enfants puissent obtenir la citoyenneté canadienne, tout en se renseignant sur les mesures à prendre pour faire venir son mari au Canada. Même si, d'après elle, son mariage ne tenait plus qu'à un fil, elle ne voulait pas divorcer, dans l'intérêt des enfants. En janvier 1989, elle est retournée aux États-Unis, à sa résidence. Au mois de mai, elle est rentrée au Canada, où elle est restée jusqu'à la fin de l'année. Elle vivait dans un petit appartement situé à l'arrière du restaurant appartenant à ses parents; les années suivantes, elle a demeuré au domicile de ses parents, 17e rue Est. Le profil de ses visites au Canada a été le même pendant les années qui ont suivi, soit de 1990 à 1995, sauf qu'en 1991 elle est restée au Canada en janvier et février en raison de la naissance d'un enfant, dont elle a accouché à Vancouver en février. Elle a déclaré que, en 1990, les démarches faites pour son mari ont abouti, de sorte qu'il a cherché du travail au Canada; ses recherches ayant cependant été infructueuses, il est retourné aux États-Unis. De 1991 à 1994, les trois enfants les plus âgés ont fréquenté l'école aux États-Unis, tandis que le plus jeune restait avec l'appelante au Canada. En 1995, les enfants sont demeurés avec l'appelante, de qui ils recevaient un enseignement à domicile.

[4]      Les activités courantes de l'appelante au Canada pendant les années en question semblent avoir consisté à s'occuper de ses parents (tout particulièrement en 1994, après que son père eut subi un grave accident), à donner un coup de main dans le restaurant, à s'occuper des enfants lorsqu'ils étaient là, à rendre visite à ses frères et soeurs (qui habitaient tous la région de Vancouver) et à fréquenter le centre communautaire local. Son mari venait de temps en temps au Canada, bien que l'appelante ait soutenu que leur mariage était toujours chancelant. L'appelante gardait des articles d'ameublement à Vancouver et avait un compte en banque au Canada. Tous les membres de la famille détenaient des cartes d'assurance-maladie de la Colombie-Britannique.

[5]      L'appelante avait les liens suivants avec les États-Unis : elle était propriétaire, conjointement avec son mari, du domicile conjugal, de même que d'un bien locatif (encore que l'appelante ait affirmé n'avoir jamais rien investi dans ce bien puisqu'il appartenait en fait à son mari), détenait un permis de conduire des États-Unis, avait des comptes bancaires conjoints aux États-Unis, possédait le statut de résidente permanente à titre d'étrangère admise aux États-Unis et était titulaire de diverses cartes de crédit américaines. L'appelante avait à la fois un numéro d'assurance sociale au Canada et une carte de sécurité sociale des États-Unis. Son mari exploitait un atelier de réparation de petits appareils électroménagers situé au domicile conjugal à Lake Oswego, en Oregon; d'après ce que son mari disait à l'appelante, cette activité était peu lucrative, si encore elle rapportait quelque chose. Selon l'appelante, ils devaient recourir à l'aide financière de membres de leur famille. Elle n'a jamais eu d'emploi aux États-Unis, bien qu'elle ait reconnu avoir reçu de l'argent de son mari au titre de la location du bien dont ils étaient conjointement propriétaires. Un chèque de 440 $ établi à l'ordre de l'appelante a été produit pour prouver qu'un montant provenant des loyers lui avait été versé. Le témoin de la Couronne, une vérificatrice de l'Agence des douanes et du revenu du Canada qui s'appelait Mme Chow, a déclaré dans sa déposition qu'elle avait obtenu des renseignements du ministère de la santé de la Colombie-Britannique, qui les avait lui-même obtenus de la Marian Company Housing Authority, en Oregon, selon lesquels trois familles versaient chacune 440 $ par mois aux Sobolev comme loyer. Mme Chow n'a produit aucune preuve à l'appui de cette affirmation, contre laquelle l'appelante s'est inscrite en faux.

[6]      En 1996, les Sobolev ont vécu une expérience troublante à la frontière canado-américaine, où ils ont subi un interrogatoire de plusieurs heures alors qu'ils voulaient entrer aux États-Unis. Selon Mme Sobolev, l'interrogatoire portait sur la contrebande d'enfants, d'armes et de drogues. On lui a confisqué des documents et elle a indiqué qu'elle craignait qu'on lui refuse l'autorisation de rentrer aux États-Unis au motif qu'elle avait renoncé au statut de résidente permanente dans ce pays. Son mari et elle ont dû remplir une déclaration sous serment. Elle a admis ne pas avoir dit la vérité dans cette déclaration sous serment, par crainte des conséquences auxquelles elle s'exposerait autrement. Elle avait indiqué dans la déclaration qu'elle ne vivait pas au Canada et souhaitait continuer de vivre aux États-Unis. On a demandé aux Sobolev de fournir la preuve des liens qu'ils avaient avec les États-Unis. Ils ont dû, en conséquence, se rendre ultérieurement à un bureau des douanes pour y présenter des cartes de crédit américaines et des chèques oblitérés tirés sur un compte aux États-Unis. Un autre agent s'est livré à une nouvelle longue enquête. Mme Chow a admis qu'elle s'était fondée sur les déclarations sous serment, les cartes de crédit et les chèques pour conclure que Mme Sobolev n'était pas résidente du Canada.

[7]      Interrogée par l'avocate de la Couronne, Mme Sobolev a admis qu'elle était en possession d'au moins 2 000 dollars canadiens en liquide lorsqu'elle avait traversé la frontière.

[8]      Mme Sobolev a produit des déclarations de revenu canadiennes pour toutes les années en question. Le tableau qui suit résume certains renseignements qu'elle a fournis dans ces déclarations.

Année

Revenu de l'appelante

Revenu de son mari

1988

2 000 $

Inconnu

1989

2 498 $

Inconnu

1990

6 451 $

4 945 $

1991

5 160 $

0 $

1992

6 874 $

0 $

1993

6 738 $

0 $

1994

8 149 $

0 $

1995

4 278 $

538 $

[9]      L'appelante a soutenu qu'elle avait déclaré son revenu locatif sous la rubrique « Autres revenus » dans sa déclaration. Elle avait aussi produit des déclarations indiquant qu'elle était « mariée » plutôt que « séparée » , contrairement à ce qu'elle a prétendu se souvenir d'avoir fait. Les documents n'étayaient pas cette assertion. En réponse à une question de la Couronne qui voulait savoir pourquoi un revenu faible ou nul était indiqué dans les déclarations pour son mari, l'appelante a déclaré qu'elle croyait devoir indiquer uniquement le revenu gagné au Canada.

[10]     La Couronne a présenté un certain nombre de documents visant à mettre en doute la crédibilité de Mme Sobolev. Comme je l'ai mentionné, celle-ci a reconnu avoir menti dans les déclarations sous serment. Dans sa demande d'aide au titre des primes d'assurance-maladie de la Colombie-Britannique, en 1992, elle avait indiqué être résidente permanente du Canada depuis douze mois. Au service des admissions de l'Hôpital de Vancouver, en 1996, elle avait déclaré que son mari résidait 17e rue Est à Vancouver. Pour parler franchement, étant donné que Mme Sobolev croyait être légitimement résidente du Canada pendant l'année en question, je ne sais pas trop en quoi ces documents aident la Couronne à jeter le doute sur la crédibilité de l'appelante.

[11]     L'intimée doit surmonter l'obstacle initial constitué par les exigences de l'article 152, qui interdit d'établir une cotisation à l'égard des années en question, à moins qu'il ne soit prouvé que l'appelante a fait une présentation erronée des faits, par négligence, inattention ou omission volontaire. L'intimée soutient que l'appelante a fait à plusieurs reprises une présentation erronée des faits, premièrement en produisant une déclaration de revenu à titre de résidente du Canada, deuxièmement en déclarant un revenu de toutes provenances qui était inférieur à la réalité, troisièmement en ne déclarant pas la totalité du revenu de son mari. En ce qui concerne le premier cas de prétendue présentation erronée des faits, il s'agit d'une pétition de principe. En effet, la question dont je suis saisi consiste précisément à déterminer si l'appelante était résidente du Canada pendant les années en cause. Je suis convaincu qu'il n'y a pas eu de présentation erronée des faits en ce qui concerne la résidence, pas plus qu'il n'y en a eu en ce qui a trait au revenu de l'appelante. Je dispose toutefois de preuves suffisantes pour conclure que le revenu du mari de l'appelante n'était pas aussi faible que celle-ci l'a indiqué dans ses déclarations pour les années en question. Non seulement il existait un revenu locatif, bien qu'il n'y ait aucune preuve convaincante quant au montant, mais M. Sobolev exploitait aussi une petite entreprise. L'appelante a soutenu qu'elle croyait que seul le revenu gagné au Canada par son mari devait être déclaré, ce qui l'a amenée à déclarer le revenu de celui-ci comme elle l'a fait. Même si j'admets le témoignage de l'appelante à cet égard, je suis encore en présence d'une présentation erronée des faits si je suis convaincu que le mari de l'appelante a gagné un revenu pendant les années en question. Je considère la présentation erronée des faits par l'appelante comme innocente. Cela équivaut-il donc à de la négligence, comme l'exige le paragraphe 152(4)? Dans l'affaire Venne c. Sa Majesté La Reine, C.F. 1re inst., no T-815-82, 9 avril 1984 ([1984] C.T.C. 223), le juge Strayer a déclaré :

Je suis convaincu qu'il suffit au Ministre, pour invoquer son pouvoir en vertu de l'alinéa 152(4)a)(i) de la Loi, de démontrer la négligence du contribuable, à l'égard d'un ou plusieurs éléments de sa déclaration de revenus au titre d'une année donnée. Cette négligence est établie s'il est démontré que le contribuable n'a pas fait preuve de diligence raisonnable. C'est sûrement là le sens des termes « présentation erronée des faits, par négligence » , en particulier avec d'autres motifs comme l'inattention ou l'omission volontaire qui font référence à un degré de négligence plus élevé ou à une mauvaise conduite délibérée. Sauf si ces termes étaient superflus dans cet article, hypothèse que je ne puis accepter, le terme « négligence » impose un critère moins strict de faute, semblable à celui qui est utilisé dans les autres domaines du droit, comme la responsabilité délictuelle.

[12]     Je considère que, en se fondant sur sa conception erronée des exigences de la Loi et en se fiant aux indications de son mari, selon lesquelles l'entreprise ne marchait pas bien, l'appelante a fait preuve d'inattention. Cela suffit pour que le ministre puisse établir une cotisation à l'égard des années en question.

[13]     En ce qui concerne maintenant la question de la résidence, il existe plusieurs façons de conclure qu'une personne est résidente du Canada : premièrement, en appliquant le critère habituel de common law qui est énoncé, par exemple, dans le jugement Thomson v. Minister of National Revenue, [1946] C.T.C. 51 (C.S.C.); deuxièmement, en s'appuyant sur le paragraphe 250(3) de la Loi, selon lequel la mention d'une personne résidant au Canada vise aussi une personne qui, au moment considéré, résidait habituellement au Canada; troisièmement, en appliquant l'alinéa 250(1)(a) de la Loi, qui dispose qu'une personne est réputée avoir résidé au Canada tout au long d'une année d'imposition si elle a séjourné au Canada au cours de l'année pendant une période ou des périodes dont l'ensemble est de 183 jours ou plus. Bien que les facteurs à prendre en considération selon la common law aient été longuement débattus, je juge inutile de les passer en revue, la preuve montrant clairement que l'appelante a séjourné plus de 183 jours au Canada. Cela règle complètement la question de la résidence, du point de vue du droit canadien. Je ne doute point non plus que Mme Sobolev entretenait des liens importants avec les États-Unis, qui pourraient bien la faire considérer comme une résidente américaine si je devais appliquer les normes du droit canadien à la question de la résidence. Cela ne conviendrait toutefois pas, étant donné que la Convention fiscale entre le Canada et les États-Unis contient une définition du mot « résident » . L'intimée soutient que, si je conclus que l'appelante était à la fois résidente du Canada et résidente des États-Unis, je dois appliquer les dispositions de la Convention fiscale qui servent à trancher dans ce genre de situation.

[14]     L'article IV de la Convention se lit comme suit :

Article IV

Résidence

1.          Au sens de la présente Convention, l'expression « résident d'un État contractant » désigne toute personne qui, en vertu de la législation de cet État, est assujettie à l'impôt dans cet État, en raison de son domicile, de sa résidence, de son siège de direction, de son lieu de constitution ou de tout autre critère de nature analogue mais, dans le cas d'une succession ou d'une fiducie, seulement dans la mesure où les revenus que tire cette succession ou cette fiducie sont assujettis à l'impôt dans cet État, soit dans ses mains soit dans les mains de ses bénéficiaires.

2.          Lorsque, selon les dispositions du paragraphe 1, une personne physique est un résident des deux États contractants, sa situation est réglée de la manière suivante :

(a)         Cette personne est considérée comme un résident de l'État contractant où elle dispose d'un foyer d'habitation permanent; si elle dispose d'un foyer d'habitation permanent dans les deux États ou ne dispose d'un tel foyer dans aucun des États, elle est considérée comme un résident de l'État contractant avec lequel ses liens personnels et économiques sont les plus étroits (centre des intérêts vitaux);

(b)         Si l'État contractant où cette personne a le centre de ses intérêts vitaux ne peut pas être déterminé, elle est considérée comme un résident de l'État contractant où elle séjourne de façon habituelle;

(c)         Si cette personne séjourne de façon habituelle dans les deux États ou si elle ne séjourne de façon habituelle dans aucun des États, elle est considérée comme un résident de l'État contractant dont elle possède la citoyenneté; et

(d)         Si cette personne possède la citoyenneté des deux États ou si elle ne possède la citoyenneté d'aucun d'eux, les autorités compétentes des États contractants tranchent la question d'un commun accord.

[15]     Selon la définition du paragraphe 1 de l'article IV, un résident est toute personne qui, en vertu de la législation de l'État dont il est question, est assujettie à l'impôt dans cet État. L'appelante est assurément résidente du Canada et assujettie à l'impôt au Canada, comme je l'ai déjà conclu, à titre de résidente réputée du Canada selon la disposition relative au « séjour » . Par conséquent, c'est une « résidente » aux fins de la Convention. Cependant, l'appelante était aussi citoyenne canadienne. Je n'ai été saisi d'aucune preuve indiquant qu'elle était une personne qui, en vertu de la législation des États-Unis, était assujettie à l'impôt aux États-Unis. Il existait assurément des indices de résidence aux États-Unis, d'après l'application de la législation canadienne, mais aucune preuve ne m'indique que la situation de Mme Sobolev l'amenait à être assujettie à l'impôt aux États-Unis, de sorte qu'elle aurait aussi été résidente des États-Unis au sens du paragraphe 1 de l'article IV. Je ne puis donc conclure que l'appelante est résidente des États-Unis aux fins de la Convention, de sorte que les dispositions de l'article IV permettant de régler la situation ne s'appliquent tout simplement pas en l'occurrence.

[16]     L'avocate de l'intimée a cité trois jugements rendus par la Cour canadienne de l'impôt à l'appui de l'application de l'article IV (Endres c. Sa Majesté la Reine, C.C.I., no 96-665(IT)G, 1er octobre 1997 ([1998] 1 C.T.C. 2259, Huh c. Sa Majesté la Reine, C.C.I., no 1999-2824(IT)I, 23 août 2000 ([2000] 4 C.T.C. 2239) et Wolf c. Sa Majesté la Reine, C.C.I., no 98-2647(IT)G, 31 août 2000 ([2001] 1 C.T.C. 2172)), mais je n'ai pas besoin de me pencher sur ces jugements, puisque j'ai conclu que l'article IV n'est pas applicable en l'espèce. Je signale, toutefois, que, de toute façon, les trois affaires citées peuvent toutes être distinguées de celle dont je suis saisi ici.

[17]     Ayant conclu que Mme Sobolev était une résidente du Canada et que l'application de la Convention fiscale entre le Canada et les États-Unis ne la privait pas de ce statut, je suis convaincu qu'il n'y a pas eu de faute lourde fondant le ministre à lui imposer des pénalités aux termes du paragraphe 163(2). Bien que ce paragraphe ait subi des modifications au fil des ans, la disposition applicable en l'espèce n'a pas changé pour l'essentiel. Elle se lit comme suit :

Toute personne qui, sciemment ou dans des circonstances équivalant à faute lourde dans l'exercice d'une obligation prévue à la présente loi ou à son règlement, fait un faux énoncé ou une omission dans une déclaration, un formulaire, un certificat, un état ou une réponse - appelé « déclaration » au présent article - rempli, produit ou présenté selon le cas, pour une année d'imposition conformément à la présente loi ou à son règlement, ou y participe, y consent ou y acquiesce est passible d'une pénalité [...]

[18]     Les énoncés qui sont faux selon l'intimée sont l'indication de résidence au Canada, laquelle, ainsi que je l'ai déjà conclu, n'est pas fausse, et la déclaration, pour l'appelante ainsi que pour son mari, d'un revenu inférieur à leur revenu réel. J'ai déjà traité de ces points dans le contexte de la question préliminaire, qui portait sur le paragraphe 152(4), pour conclure que seule la déclaration d'un revenu inférieur dans le cas du conjoint de l'appelante justifiait les cotisations tardives. Le degré de négligence nécessaire à l'application du paragraphe 152(4) est moins élevé que celui, équivalant à une faute lourde, qui justifie l'imposition de pénalités en application du paragraphe 163(2). Ainsi que l'a déclaré le juge Strayer dans l'affaire Venne :

            Quant à la possibilité d'une faute lourde, j'ai conclu, après hésitation, qu'elle n'a pas non plus été établie ici. La « faute lourde » doit être interprétée comme un cas de négligence plus grave qu'un simple défaut de prudence raisonnable. Il doit y avoir un degré important de négligence qui corresponde à une action délibérée, une indifférence au respect de la loi.

[19]     Tout bien réfléchi, je considère les faux énoncés comme innocents, marqués au coin de l'inattention mais innocents. Je ne crois pas que l'appelante essayait sciemment d'obtenir les crédits et prestations par fraude. Son manque de compréhension des exigences de la Loi et le fait qu'elle s'est fiée à des déclarations que son mari a faites en passant au sujet de son revenu n'équivalent pas à la négligence grave qui est nécessaire à l'application des pénalités prévues au paragraphe 163(2).

[20]     Je dois maintenant me pencher sur la façon dont il convient d'appliquer les articles 122.2, 122.4, 122.5 et 122.6. J'ai conclu que Mme Sobolev avait déclaré, au titre du revenu de son mari, un montant inférieur à la réalité. Cela a peut-être influé sur le calcul des crédits et prestations. Malheureusement, on ne m'a présenté que des preuves vagues en ce qui concerne le montant du revenu de M. Sobolev. Celui-ci exploitait une petite entreprise de réparation. De plus, il louait un immeuble. Nous ne savons pas quel revenu il tirait de ces deux activités, bien que je sois convaincu que ce revenu était positif. Je ne suis pas en mesure d'essayer de me livrer à une évaluation de l'avoir net du mari de l'appelante et, même si je disposais d'information pertinente, il ne conviendrait pas que je le fasse.

[21]     Dans le calcul des crédits et prestations en cause entrent en ligne de compte des seuils de revenu rajusté, c'est-à-dire, en l'occurrence, le revenu combiné de l'appelante et de son mari. Par exemple, le seuil prévu au sous-alinéa 122.5(3)(f)(ii) s'élevait à 25 921 $ de 1992 à 1998. Même si l'on prenait pour hypothèse le revenu locatif brut indiqué par l'intimée, diminué d'un certain montant déclaré par l'appelante elle-même, cela ne donnerait qu'un revenu de tout au plus 10 000 $ à 15 000 $. L'appelante a nié que le revenu locatif dépassât 5 000 $. Si l'on ajoute à ces renseignements financiers extrêmement limités le fait le fait que n'a été produite aucune preuve du revenu tiré de l'entreprise de réparation de petits appareils, si ce n'est le témoignage de l'appelante selon lequel l'entreprise de son mari n'était pas un succès, je conclus que le revenu de l'appelante et de son mari était très probablement inférieur aux seuils établis dans les articles applicables. Par conséquent, aucun rajustement du montant des crédits et prestations n'est nécessaire.

[22]     Pour ces motifs, j'accueille les appels et défère les questions au ministre pour nouvel examen et nouvelles cotisations en tenant compte du fait que l'appelante était résidente du Canada au cours des années en question, que les pénalités prévues au paragraphe 163(2) ne sont pas applicables et que la somme du revenu de l'appelante et de celui de son mari était inférieure aux seuils applicables pour le calcul des crédits et prestations. Aucuns frais ne sont adjugés.

Signé à Ottawa, Canada, ce 29e jour de novembre 2001.

« Campbell J. Miller »

J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme

ce 19e jour d'août 2002.

Erich Klein, réviseur

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

2001-1517(IT)I

ENTRE :

VALENTINA SOBOLEV,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Appels entendus le 20 novembre 2001, à Vancouver (Colombie-Britannique),

par l'honorable juge Campbell J. Miller

Comparutions

Pour l'appelante :                                L'appelante elle-même

Avocate de l'intimée :                          Me Johanna Russell

JUGEMENT

          Les appels interjetés contre les nouvelles cotisations établies en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour les années d'imposition 1988, 1989, 1990, 1991, 1992, 1993, 1994 et 1995 sont admis, sans frais, et les nouvelles cotisations sont déférées au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelles cotisations, selon les motifs du jugement ci-joints.


Signé à Ottawa, Canada, ce 29e jour de novembre 2001.

« Campbell J. Miller »

J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme

ce 19e jour d'août 2002.

Erich Klein, réviseur


[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

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