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Date: 20010822

Dossier: 2001-1123-IT-I

ENTRE :

JOHN SKORY,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

Le juge Miller, C.C.I.

[1]      L'appelant, John Skory, interjette appel sous le régime de la procédure informelle des nouvelles cotisations établies par le ministre pour 1997 et 1998. Le ministre rejette la demande de déduction de M. Skory de la pension alimentaire versée par M. Skory en 1997 et 1998 au motif que son ancienne partenaire n'était pas un conjoint au sens de la Loi de l'impôt sur le revenu (la « Loi » ), et que les paiements n'ont pas été versés aux termes de l'ordonnance d'un tribunal compétent.

[2]      Les faits ne sont pas contestés. M. Skory et Jacqueline Rosemin ont vécu ensemble en union de fait de 1982 jusqu'à leur séparation au mois de février 1990. Ils ne se sont jamais mariés et ils n'ont donc jamais obtenu de certificat ni de licence de mariage. De cette union de fait sont nés deux enfants, Timothy (né le 16 août 1985) et Kimberly-Ann (née le 13 avril 1988). Le 17 juillet 1991, ils ont conclu un accord écrit prévoyant le paiement d'une pension alimentaire. Aux termes de cet accord, M. Skory a versé des paiements directement à Mme Rosemin jusqu'en 1997. Le 14 janvier 1997, M. Skory a reçu une lettre du Régime des obligations alimentaires envers la famille de l'Ontario l'avisant que son accord avait été déposé au bureau du directeur du Régime des obligations alimentaires envers la famille et qu'à l'avenir, les paiements devaient être envoyés au directeur. C'est ce que M. Skory a fait tout au long de 1997 et de 1998.

[3]      M. Skory a obtenu de la Division provinciale de la Cour de l'Ontario à Newmarket un affidavit à l'appui du dépôt d'un contrat familial. M. Skory a pensé que son accord était ainsi devenu une ordonnance du tribunal.

[4]      Le seul argument invoqué par l'appelant était que le dépôt en 1997 de l'accord de 1991 exigeant que les paiements soient versés au directeur du Régime des obligations alimentaires envers la famille équivalait au remplacement de l'accord par une ordonnance exigeant le paiement. La question, soulevée par M. Skory, est de savoir si les versements effectués après cette date l'ont été aux termes de l'accord ou aux termes de l'ordonnance d'un tribunal compétent en conformité avec les lois d'une province.

[5]      L'alinéa 60b) se lit comme suit :

Peuvent être déduites dans le calcul du revenu d'un contribuable pour une année d'imposition les sommes suivantes qui sont appropriées :

[...]

b)          le total des montants représentant chacun le résultat du calcul suivant :

A - (B+C)

où :

A          représente le total des montants représentant chacun une pension alimentaire que le contribuable a payée après 1996 [...]

[6]      Le paragraphe 56.1(4) définit la pension alimentaire comme suit :

« pension alimentaire » Montant payable ou à recevoir à titre d'allocation périodique pour subvenir aux besoins du bénéficiaire, d'enfants de celui-ci ou à la fois du bénéficiaire et de ces enfants, si le bénéficiaire peut utiliser le montant à sa discrétion et, selon le cas :

a) le bénéficiaire est le conjoint ou l'ancien conjoint du payeur et vit séparé de celui-ci pour cause d'échec de leur mariage et le montant est à recevoir aux termes de l'ordonnance d'un tribunal compétent ou d'un accord écrit;

b) le payeur est le père naturel ou la mère naturelle d'un enfant du bénéficiaire et le montant est à recevoir aux termes de l'ordonnance d'un tribunal compétent rendue en conformité avec les lois d'une province.

[7]      Le dépôt de l'accord et la confirmation de ce dépôt par le directeur du Régime des obligations alimentaires envers la famille, ainsi qu'une demande présentée à M. Skory pour qu'il effectue ses paiements au Directeur, ne correspondent pas du tout à l'ordonnance d'un tribunal compétent. Il n'y a pas de preuve de l'existence d'une ordonnance. La lettre du Régime des obligations alimentaires envers la famille confirme les exigences de l'accord de 1991 en matière de pension alimentaire et prévoit que les versements effectués aux termes de l'accord seront contrôlés et obligatoires. Les paiements n'ont pas été effectués aux termes d'une ordonnance, mais ils ont continué d'être versés aux termes de l'accord.

[8]      M. Skory n'a pas soutenu qu'il pouvait avoir droit à une déduction aux termes de l'alinéa a) de la définition de la pension alimentaire du paragraphe 56.1(4), car il était un conjoint conformément à la définition figurant au paragraphe 252(4). Il a admis que la loi reconnaissant les unions de fait n'est pas entrée en vigueur avant 1993 et il a présumé qu'il n'en remplissait tout simplement pas les conditions exigées. L'avocat de la couronne a toutefois exploré cette possibilité avec compétence et je souhaite donc m'y attarder. Dans la récente affaire Girard c. La Reine, (qui n'a pas encore été publiée) j'ai eu à traiter d'une question similaire. Dans Girard, l'accord de séparation a été conclu après 1992, alors que l'union de fait a pris fin avant 1993. M. Girard et sa conjointe de fait ont conclu l'accord étant entendu que M. Girard aurait droit à la déduction. Je suis d'avis, vu les circonstances, que le paragraphe 252(4) s'applique et que M. Girard peut être considéré comme ayant vécu en union conjugale, même si l'union de fait s'est terminée avant 1993.

[9]      Les arguments de l'avocat de l'intimée rejetant la déductibilité des paiements de M. Skory examinaient davantage en détails la mise en application de l'alinéa 60b) et du paragraphe 252(4) en mai 1994. La Loi de révision des modifications relatives à l'impôt sur le revenu (la « Loi de révision » ), sanctionnée le 12 mai 1994, a apporté des modifications à l'article 60 et a également introduit le paragraphe 252(4). L'avocat de la couronne a mentionné l'ajout de l'alinéa 60b) pour témoigner de l'intention des législateurs de l'époque plutôt que le contenu même de l'article, puisque cet article a été sensiblement modifié avant 1997 et 1998, les années en litige.

[10]     Le paragraphe 20(1) de la Loi de révision contient l'alinéa 60b) modifié. Le paragraphe 20(11) de la Loi de révision prévoit ce qui suit :

Le paragraphe (1) s'applique aux montants reçus en vertu d'une ordonnance ou d'un jugement rendus par un tribunal compétent ou en vertu d'un accord écrit, en cas d'échec du mariage survenant après 1992.

C'est clair. L'alinéa 60b) modifié, tel qu'il était alors, ne s'appliquait pas à l'échec d'un mariage survenant avant 1993. Je compare ce libellé à l'ajout du paragraphe 252(4) (figurant au paragraphe 140(3) de la Loi de révision), qui se lit comme suit :

(4)         Dans la présente loi :

a)          les mots se rapportant au conjoint d'un contribuable à un moment donné visent également la personne de sexe opposé qui, à ce moment, vit avec le contribuable en union conjugale et a vécu ainsi durant une période de douze mois se terminant avant ce moment ou qui, à ce moment, vit avec le contribuable en union conjugale et est le père ou la mère d'un enfant du contribuable; pour l'application du présent alinéa, les personnes qui, à un moment quelconque, vivent ensemble en union conjugale sont réputées vivre ainsi à un moment donné après ce moment, sauf si elles ne vivaient pas ensemble au moment donné, pour cause d'échec de leur union, pendant une période d'au moins 90 jours qui comprend le moment donné;

b)          la mention du mariage vaut mention d'une union conjugale entre deux particuliers dont l'un est le conjoint de l'autre par l'effet de l'alinéa a);

c)          les dispositions applicables à une personne mariée s'appliquent à la personne qui est le conjoint d'un contribuable par l'effet de l'alinéa a);

d)          les dispositions applicables à une personne non mariée ne s'appliquent pas à la personne qui est le conjoint d'un contribuable par l'effet de l'alinéa a).

[11]     Contrairement à l'alinéa 60b) modifié, qui a de nouveau été modifié, le paragraphe 252(4) est resté en vigueur en ces termes tout au long de 1997 et 1998, avant d'être finalement abrogé en 2000. Le paragraphe 140(4) de la Loi de révision se lit ainsi :

Les paragraphes (1) et (3) s'appliquent après 1992.

Ce n'est pas clair. Comme je l'ai indiqué dans l'affaire Girard :

Deux choix s'offrent à moi en ce qui concerne l'application du paragraphe 252(4) :

1.          soit que, pour les années d'imposition postérieures à 1992, j'interprète le terme « conjoint » conformément au paragraphe 252(4);

2.          soit que j'interprète le terme « conjoint » conformément au paragraphe 252(4) uniquement pour les unions conjugales existant après 1992.

[12]     L'avocat de l'intimée a également fait mention du paragraphe 140(5) de la Loi sur la révision :

Le paragraphe (2) s'applique aux années d'imposition 1991 et suivantes.

Il a laissé entendre que l'utilisation de l'expression « et suivantes » au paragraphe 140(5) et non au paragraphe 140(4) aide à préciser l'interprétation que je devrais faire du paragraphe 140(4). Je ne suis pas convaincu que ce soit le cas.

[13]     Avant de laisser de côté la question de l'introduction de la loi, je me penche sur la Loi budgétaire concernant l'impôt sur le revenu (la « Loi budgétaire » ) sanctionnée le 25 avril 1997. Il s'agit de la loi qui a mis en vigueur l'alinéa 60b) tel qu'il s'applique aux années 1997 et 1998. Le paragraphe 10(1) reproduit le nouvel alinéa 60b) et le paragraphe 10(2) prévoit ce qui suit :

Le paragraphe (1) s'applique aux montants reçus après 1996.

C'est également clair.

[14]     Le paragraphe 9(6) de la Loi budgétaire a introduit la définition de la pension alimentaire. Le paragraphe 9(8) de la Loi budgétaire prévoit ce qui suit :

Le paragraphe (6) s'applique à compter de 1997. Toutefois, est exclu de la pension alimentaire, au sens du paragraphe 56.1(4) de la même loi, édicté par le paragraphe (6), le montant qui, s'il était payé et reçu, ne serait pas inclus, si ce n'était la présente loi, dans le calcul du revenu du bénéficiaire.

[15]     Bien que les législateurs aient sans doute souhaité que ce paragraphe soit clair, je trouve l'utilisation d'une quadruple négation assez compliquée. Pour interpréter cette disposition, je me fonderai dans un premier temps sur le paragraphe 56.1(4) pour déterminer si les paiements de M. Skory sont visés par la définition de pension alimentaire, et en me fondant sur l'interprétation de l'applicabilité du paragraphe 252(4), telle que déterminée dans l'affaire Girard, je peux aisément conclure par l'affirmative. Ensuite, je dois me demander, si je ne tiens pas compte de « la présente loi » , qui doit signifier la Loi budgétaire et non la Loi de l'impôt sur le revenu, comment les paiements de M. Skory doivent-ils être traités par Mme Rosemin? S'ils ne doivent pas être inclus dans son revenu, alors il ne s'agit pas d'une pension alimentaire. M. Skory a admis qu'avant 1997 il n'a pas déduit ces versements et Mme Rosemin ne les pas non plus inclus dans son revenu. Aurait-il pu cependant les déduire? Il ne fait aucun doute qu'avant 1993 il n'était pas en mesure de déduire ces versements. La modification de l'alinéa 60b) et l'entrée en vigueur du paragraphe 252(4) ont-elles suffi à rendre déductibles les paiements de M. Skory à partir de 1993? Non, car à l'époque l'alinéa 60b), comme je l'ai déjà mentionné, faisait clairement référence à l'échec d'un mariage après 1992. L'échec, dans la présente affaire, est survenu avant 1992. M. Skory n'avait donc pas le droit de 1993 à 1997, de déduire ses versements. Les montants reçus par Mme Rosemin en 1997 et 1998 ne devraient donc pas être inclus dans le calcul de son revenu. Par conséquent, ces versements
sont exclus de la définition de pension alimentaire conformément au paragraphe 9(8) de la Loi budgétaire. Les paiements de M. Skory ne peuvent donc pas être déduits en 1997 et 1998. Je rejette son appel.

Signé à Ottawa, Canada, ce 22e jour d'août 2001.

« Campbell J. Miller »

J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme

ce 16e jour d'août 2002.

                   

Martine Brunet, réviseure

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

2001-1123(IT)I

ENTRE :

JOHN SKORY,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Appels entendus le 1er août 2001 à Toronto (Ontario), par

l'honorable juge Campbell J. Miller

Comparutions

Pour l'appelant :                                   L'appelant lui-même

Avocat de l'intimée :                            Me James Gorham

JUGEMENT

          Les appels des nouvelles cotisations établies en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour les années d'imposition 1997 et 1998 sont rejetés selon les motifs du jugement ci-joints.

Signé à Ottawa, Canada, ce 22e jour d'août 2001.

« Campbell J. Miller »

J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme

ce 16e jour d'août 2002.

Martine Brunet, réviseure


[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

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