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Date: 20011107

Dossier: 2000-2184-IT-I

ENTRE :

MARCELLE DUMOULIN,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifsdu jugement

La juge Lamarre Proulx, C.C.I.

[1]            Il s'agit d'un appel selon la procédure informelle concernant l'année d'imposition 1998.

[2]            La question en litige est de savoir si des paiements au montant de 5 900,52 $ faits à l'appelante, retraitée de la Fonction publique, en vertu du Régime de pensions du Canada (" RPC ") sont des pensions au sens du paragraphe 1 de l'article 18 de la Convention entre le gouvernement du Canada et le Conseil fédéral suisse en vue d'éviter les doubles impositions en matière d'impôts sur le revenu et la fortune, Gaz.Can.II, Vol. 132, no 20 SI/TR/98-94, (la " Convention de 1998 ") ou des paiements faits en vertu de la législation sur la sécurité sociale d'un État contractant.

[3]            L'appelante a témoigné. Elle est née au Canada et a travaillé pour le ministère des Affaires étrangères pendant 35 ans. En fin de carrière, elle a épousé un Suisse et elle réside à Bâle, en Suisse. Elle s'est retirée en 1990. L'appelante a déposé quelques documents, dont une lettre en date du 31 janvier 1996 reçue de la Direction des pensions de retraite l'informant que puisque qu'elle avait atteint l'âge de 65 ans, sa pension de la Fonction publique serait réduite. On lui disait que la pension de base de 3 319,73 $ serait réduite à 2 919,98 $ à compter du 1er février 1996 et que cette réduction était basée seulement sur le service ouvrant droit à pension accumulé après le 1er janvier 1966. On l'informait de plus que si elle ne recevait pas déjà une rente de retraite anticipée en vertu du RPC, elle devait présenter une demande de pension de retraite au RPC.

[4]            En 1998, elle a reçu un avis de cotisation pour un impôt des non-résidents non retenu à la source, au montant de 808,98 $, en ces termes :

D'après les renseignements fournis sur votre déclaration de revenus 1998, vous êtes un non-résident du Canada et avez reçu un revenu de source Canadienne assujetti à l'impôt des non-résidents de la Partie XIII.

Le payeur n'a retenu qu'une partie de l'impôt des non-résidents de la partie XIII. Vous devez donc payer la différence.

Veuillez informer le payeur canadien qu'il doit retenir l'impôt des non-résidents de la partie XIII sur les prochains paiements. ...

[5]            L'appelante s'est aussi référée au Bulletin de l'association nationale des retraités fédéraux, Printemps 2001, Vol. 39, no 1 :

RÉDUCTION DE LA PENSION DE RETRAITE

...

Les régimes de retraite de l'administration fédérale sont intégrés au Régime de pensions du Canada et au Régime de rentes du Québec. Cela veut dire que ces régimes sont traités comme s'ils n'étaient qu'un seul lorsqu'on calcule aussi bien le taux de cotisation que les prestations. En conséquence, les cotisations que versent les membres des Forces canadiennes et de la GRC sont partagées entre le régime de retraite et le RRQ. De même, le régime de retraite et le RRQ combinés fourniront une pension de retraite correspondant à 2% du salaire moyen des 5 meilleures années consécutives, multiplié par le nombre d'années de service ouvrant droit à pension.

UN BRIN D'HISTOIRE

Au moment de l'instauration du RRQ en 1966, les dispositions de plusieurs régimes de pension, y compris celles des régimes fédéraux, ont été réexaminées car bien des gens considéraient que le RRQ représentait un dédoublement d'une certaine partie de la protection en matière de pensions déjà offerte aux membres de ces régimes. Nombre de régimes ont donc été " intégrés " avec le RRQ pour qu'il n'y ait pas de dédoublement de la protection.

...

Ainsi, une personne gagnant un salaire moyen ou inférieur aurait eu droit à une pension de retraite et à des prestations du RRQ qui représenteraient une pension combinée équivalant à 95 % des gains avant la retraite. De plus, cette personne aurait eu droit à la Sécurité de la vieillesse (SV), ce qui lui aurait donné un revenu de pension supérieur à son revenu avant la retraite. Ce scénario a été jugé trop généreux, car la plupart des gens conviennent que le revenu de retraite acceptable représente environ 70% des gains avant la retraite.

Compte tenu de ces éléments, les régimes de pension de retraite fédéraux, ainsi que bien d'autres régimes, ont été réduits du montant de leurs cotisations au RRQ. ...

Arguments

[6]            L'appelante fait valoir que la pension de retraite du RPC est partie intégrante de la pension de la Fonction publique et qu'à ce titre, elle doit être imposée au même taux de 15 p. 100 qu'à l'égard de cette dernière. Le paiement provenant du RPC est de la nature d'une pension de retraite de la Fonction publique car le droit à ce paiement provient de la même source soit le travail auprès de la Fonction publique et devrait recevoir le même traitement fiscal en vertu de la Convention de 1998. L'avocat de l'intimée fait valoir qu'il s'agit d'un paiement fait en vertu de la législation sur la sécurité sociale, qu'il ne s'agit pas d'une pension au sens de l'article 18 de la Convention de 1998 et que le montant est assujetti à l'impôt de 25 p. 100 prévu à l'alinéa 212(1)h) de la Partie XIII de la Loi de l'impôt sur le revenu (la " Loi "). L'avocat de l'intimée fait état d'une autre convention liant le Canada et la Confédération suisse, soit la Convention de sécurité sociale, Gaz.Can.II, Vol. 129, no 22 SI/TR/95-112. L'article 2 de cette convention précise qu'en ce qui concerne le Canada elle s'applique à la Loi sur la sécurité de la vieillesse et le Régime de pensions du Canada. Cette convention est entrée en vigueur le 1er octobre 1995. Ceci, soutient l'avocat de l'intimée, ne laisse aucun doute que les autorités compétentes considèrent le RPC comme faisant partie de la législation de sécurité sociale du Canada.

Conclusion

[7]            Selon l'article 28 de la Convention de 1998, les dispositions de cette dernière sont applicables à l'égard de l'impôt retenu à la source à partir du 1er janvier 1998. La Convention de 1998 remplace la Convention entre le Canada et la Suisse, tendant à éviter les doubles impositions en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune, Annexe VI, S.C. 1976-77, c. 29 (la " Convention de 1976 "). Le paragraphe 1 de l'article 18 de cette dernière convention se lisait comme suit :

ARTICLE XVIII

Pensions et rentes

1.              Les pensions et les rentes provenant d'un État contractant et payées à un résident de l'autre État contractant sont imposables dans l'État d'où elles proviennent et selon la législation de cet État. Toutefois, dans le cas de paiements périodiques d'une pension ou d'une rente (à l'exclusion des paiements en vertu d'un contrat de rente à versements invariables), l'impôt ainsi établi ne peut excéder 15 pour cent du montant brut du paiement.

[8]            Le paragraphe 1 de l'article 18 de la Convention de 1998 se lit comme suit :

Article 18

Pensions et rentes

1.              Les pensions et les rentes provenant d'un État contractant et payées à un résident de l'autre État contractant sont imposables dans l'État d'où elles proviennent et selon la législation de cet État. Toutefois, dans le cas de paiements périodiques d'une pension ou d'une rente (à l'exclusion des paiements forfaitaires découlant de l'abandon, de l'annulation, du rachat, de la vente ou d'une autre forme d'aliénation de la rente, et des paiements de toute nature en vertu d'un contrat de rente le coût duquel était déductible, en tout ou en partie, dans le calcul du revenu de toute personne ayant acquis ce contrat), l'impôt ainsi établi ne peut excéder 15 pour cent du montant brut du paiement. Au sens du présent article, le terme " pensions " ne comprend pas les paiements en vertu de la législation sur la sécurité sociale dans un État contractant.

[9]            Comme on peut le constater, l'article 18 actuel prévoit que le terme " pensions " qui est l'objet de l'article 18 ne comprend pas les paiements faits en vertu de la législation sur la sécurité sociale. Ce qui n'était pas le cas dans la Convention de 1976. Dans les années 1996 et 1997, l'appelante n'a donc payé que 15 p. 100 sur la totalité des montants reçus à titre de pensions, pensions de la Fonction publique et pensions de retraite du RPC.

[10]          Il est intéressant de noter ici qu'à partir de janvier 1996, l'alinéa 212(1)h) de la Loi a été modifié. Avant les pensions de vieillesse et les pensions de retraite sous le RPC n'étaient pas sujettes à l'impôt de la Partie XIII, soit l'impôt sur le revenu de personnes non-résidentes provenant du Canada.

[11]          Les paragraphes 4(1) et 11(2) de la Loi sur la pension de la fonction publique se lisent comme suit :

4(1)          Sous réserve des autres dispositions de la présente partie, une pension ou autre prestation spécifiée dans la présente partie doit être versée à toute personne qui, étant tenue de contribuer au compte de pension de retraite ou à la Caisse de retraite de la fonction publique d'après la présente partie, décède ou cesse d'être employée dans la fonction publique, ou relativement à cette personne; sous réserve des autres dispositions de la présente partie, cette pension ou prestation est basée sur le nombre d'années de service ouvrant doit à pension au crédit de cette personne.

11(2)        Nonobstant le paragraphe (1), à moins que le ministre ne soit convaincu qu'un contributeur :

a)             d'une part, n'a pas atteint l'âge de soixante-cinq ans;

b)             d'autre part, n'a pas droit à une pension d'invalidité payable aux termes de l'alinéa 44(1)b) du Régime de pensions du Canada ou d'un régime provincial de pensions analogue,

il est déduit du montant de toute pension à laquelle ce contributeur a droit en vertu de la présente partie un montant égal à trente-cinq pour cent :

c)              du traitement annuel moyen reçu par le contributeur au cours de la période de service ouvrant droit à pension décrit au paragraphe (1) qui lui est applicable, n'excédant pas la moyenne des maximums de ses gains ouvrant doit à pension,

multiplié par :

d)             le nombre d'années de service ouvrant droit à pension, postérieures à 1965, au crédit du contributeur, n'excédant pas trente-cinq, divisé par cinquante.

[12]          En vertu du paragraphe 11(2) de la Loi sur la pension de la fonction publique, la pension de la Fonction publique que l'appelante recevait a été réduite quand cette dernière a atteint l'âge de 65 ans. Elle a alors eu droit à une pension de retraite en vertu du RPC. C'est ce paiement qui est en litige. Il faut bien constater que ce paiement n'est pas un paiement de pension de la Fonction publique mais un paiement d'une pension de retraite en vertu du RPC.

[13]          Il n'y a pas de doute que le Régime de pensions du Canada est une législation sur la sécurité sociale. Deux décisions ont été rendues par cette Cour le confirmant bien que les points en litige aient été différents, soit Trsic c. Canada, [1998] A.C.I. no 279 (Q.L.) et Hausmann, succession c. Canada, [1998] A.C.I. no 401 (Q.L.). Il y a aussi la convention de sécurité sociale dont a fait état l'avocat de l'intimée.

[14]          Il est difficile de ne pas avoir de la sympathie pour l'appelante devant la différence d'imposition des deux paiements de pensions de retraite mais la Convention de 1998 est ainsi rédigée que le paiement en vertu du RPC n'est pas sujet à la limite d'impôt de 15 p. 100. Il est sujet à l'impôt de 25 p. 100 prévu à l'alinéa 212(1)h) de la Loi.

[15]          L'appel doit être rejeté.

Signé à Ottawa, Canada, ce 7e jour de novembre 2001.

Louise Lamarre Proulx

J.C.C.I.

No DU DOSSIER DE LA COUR :        2000-2184(IT)I

INTITULÉ DE LA CAUSE :                 Marcelle Dumoulin et Sa Majesté la Reine

LIEU DE L'AUDIENCE :                      Montréal (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :                    le 26 juin 2001

MOTIFS DE JUGEMENT PAR :         l'honorable juge Louise Lamarre Proulx

DATE DU JUGEMENT :                      le 7 novembre 2001

COMPARUTIONS :

Pour l'appelante :                  l'appelante elle-même

Pour l'intimée :                       Me Alain Gareau

AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER :

Pour l'appelante :

                                Nom :                      

                                Étude :                    

Pour l'intimée :                       Morris Rosenberg

                                                Sous-procureur général du Canada

                                                Ottawa, Canada

2000-2184(IT)I

ENTRE :

MARCELLE DUMOULIN,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Appel entendu le 26 juin 2001 à Montréal (Québec) par

l'honorable juge Louise Lamarre Proulx

Comparutions

Pour l'appelante :                                          L'appelante elle-même

Avocat de l'intimée :                                     Me Alain Gareau

JUGEMENT MODIFIÉ

          L'appel de la cotisation établie en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu dont l'avis porte le numéro 6105444 et est daté du 2 juillet 1999 est rejeté, selon les motifs du jugement ci-joints.

Signé à Ottawa, Canada, ce 7e jour de novembre 2001.

" Louise Lamarre Proulx "

J.C.C.I.

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