Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date: 20010817

Dossier: 2000-2860-IT-I

ENTRE :

LUC LAFRANCE,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifsdu jugement

La juge Lamarre Proulx, C.C.I.

[1]            Le présent appel interjeté sous le régime de la procédure informelle concerne l'année d'imposition 1998. La question qui nous occupe consiste à savoir si l'appelant a droit à un crédit d'impôt non remboursable de 5 380 $ comme crédit équivalent pour personne entièrement à charge, en vertu de l'alinéa 118(1)b) de la Loi de l'impôt sur le revenu (la « Loi » ), l'année où il était admissible à une déduction en vertu de l'alinéa 60b) de la Loi pour le même enfant et qu'il s'en est prévalu.

[2]            Le ministre du Revenu national a émis les hypothèses de fait suivantes, lesquelles sont décrites à l'alinéa 6 de la réponse à l'avis d'appel modifiée (la « réponse modifiée » ) :

[TRADUCTION]

(a)            Au cours de l'année d'imposition 1998, l'appelant était tenu de payer pour l'enfant une pension d'un montant total de 8 916 $ à Julie-Christine Houle, son ex-conjointe, en vertu d'une ordonnance de la Cour supérieure de la province de Québec datée du 16 novembre 1996;

(b)            pendant toute l'année d'imposition 1998, l'appelant et son ex-conjointe étaient séparés;

(c)            pour calculer son revenu net pour l'année d'imposition 1998, l'appelant avait droit à une déduction en vertu de l'alinéa 60b) de la Loi de l'impôt sur le revenu (la « Loi » ) relativement à ladite pension;

(d)            le montant de ladite pension de 8 916 $ a été déduit par l'appelant lorsqu'il a calculé son revenu net pour l'année d'imposition 1998 en vertu de l'alinéa 60b) de la Loi; et

(e)            l'appelant n'a pas droit au crédit équivalent pour personne entièrement à charge dans le calcul de ses crédits d'impôt non remboursables et de l'impôt exigible pour l'année d'imposition 1998.

[3]            Les raisons de l'appel décrites par l'appelant dans son avis d'appel sont les suivantes :

[...]

De mai 1993 à juin 1998, mon ex-conjointe et moi avions la garde conjointe de notre fille, Mariepierre Lafrance (maintenant âgée de 8 ans) ; elle habitait avec moi une semaine sur deux. Cette entente de garde conjointe faisait que ma fille passait la moitié du temps avec moi, et l'autre moitié avec sa mère. En vertu de cette entente, j'étais tenu de maintenir une résidence convenant à ma fille et à moi. De plus, en juillet 1998, la mère de ma fille a déménagé à Toronto, en Ontario, et j'ai finalement obtenu la garde exclusive de ma fille en octobre 1998.

À la fin de 1996, un jugement m'ordonnant de verser une pension alimentaire à la mère de ma fille a été rendu, malgré l'entente de garde conjointe à 50-50 entre elle et moi.

Lorsque j'ai préparé ma déclaration de revenus de 1998, j'ai déclaré des versements de pension alimentaire de 8 916,00 $ (ligne 220 de ma déclaration) en déduction de mon revenu brut (puisque le jugement régissant ces paiements avait été rendu avant l'entrée en vigueur des Lignes directrices sur les pensions alimentaires pour enfants en mai 1997). Ces versements de pension alimentaire couvraient la période du 1er janvier au mois d'octobre 1998, soit jusqu'à ce qu'un jugement officiel remplaçant le premier jugement ait été rendu.

Comme j'ai déclaré les versements de pension alimentaire effectués cette année-là, l'Agence des douanes et du revenu du Canada ne me permet pas de déclarer ma fille comme « personne entièrement à charge » (ligne 305 de ma déclaration). Je comprends que, dans la plupart des cas, le crédit équivalent pour personne entièrement à charge ne devrait pas être accordé lorsque des versements de pension alimentaire sont faits, puisque la majorité de ceux qui paient une pension n'exercent qu'une garde limitée des enfants. Cependant, cela n'est pas mon cas. Je devais maintenir une résidence pour ma fille puisqu'elle a passé de 65 à 75 % du temps chez moi en 1998 (50 % de janvier à juin et près de 100 % de juillet à décembre 1998), même si je payais une pension alimentaire considérable à la mère de ma fille...

[4]            L'appelant a témoigné. Il a admis les sous-alinéas 6(a) à 6(d) de la réponse modifiée.

[5]            La pièce R-1 est le jugement de la Cour supérieure du Québec mentionné au sous-alinéa 6(a) de la réponse modifiée. Ce jugement accordait aux parents la garde légale conjointe. La garde physique de l'enfant a été accordée à la mère jusqu'au 1er janvier 1997, et une disposition prévoyait une pension alimentaire de 950 $ par mois. La garde physique devait changer le 1er janvier 1997. À compter de cette date, la pension alimentaire payable à la mère à l'intention de l'enfant était réduite à 600 $ par mois.

[6]            La pièce A-1 est un jugement de la Cour supérieure du Québec daté du 15 octobre 1998. Les parents conserveront la garde légale conjointe de l'enfant. La garde physique reviendra au père et aucune pension alimentaire ne sera versée.

[7]            La pièce R-2 est la déclaration de revenus de l'appelant pour l'année 1998. Elle montre que l'appelant a déclaré des versements de pension alimentaire totalisant 8 916 $ à la mère de son enfant.

[8]            L'avocat de l'intimée s'est reporté aux décisions de la présente cour dans les affaires Sherrer c. La Reine, C.C.I., no 97-901(IT)I, 27 janvier 1998 ([1998] 2 C.T.C. 3209); Peeck c. La Reine, C.C.I., no 97-1922(IT)I, 2 juin 1998 ([1998] 4 C.T.C. 2279); et Nixon c. La Reine, C.C.I., no 98-2605(IT)I, 14 décembre 1999 (1999 CarswellNat 2693). Il a également consulté la décision de la Cour d'appel fédérale dans l'affaire Nelson c. La Reine, C.A.F., no A-457-99, 3 octobre 2000 ([2000] 4 C.T.C. 252), plus particulièrement les deux passages suivants de cette décision :

[...] Des ordonnances judiciaires accordent à M. Nelson et à son ex-épouse la garde partagée des deux enfants et obligent M. Nelson à payer à son ex-épouse une pension alimentaire pour les deux enfants.

[...]

Le juge de la Cour de l'impôt a eu raison de conclure que le paragraphe 118(5) empêchait M. Nelson de réclamer le crédit d'impôt « équivalent de personne mariée » [...]

[9]            L'argument de l'appelant était le même que celui qui était exprimé dans son avis d'appel.

Conclusion

[10]          Le sous-alinéa 118(1)b) et le paragraphe 118(5) de la Loi applicables pour l'année 1998 se lisent comme suit :

118(1) Le produit de la multiplication du total des montants visés aux alinéas a) à e) par le taux de base pour l'année est déductible dans le calcul de l'impôt payable par un particulier en vertu de la présente partie pour une année d'imposition;

a)             Crédit de personne mariée[...]

b)             Crédit équivalent pour personne entièrement à charge — le total de 6 000 $ et du résultat du calcul suivant :

5 000 $ - (D - 500 $)

où :

D                représente 500 $ ou, s'il est supérieur, le revenu d'une personne à charge pour l'année,

si le particulier ne demande pas de déduction pour l'année par l'effet de l'alinéa a) et si, à un moment de l'année :

i)               d'une part, il n'est pas marié ou, s'il l'est, ne vit pas avec son conjoint ni ne subvient aux besoins de celui-ci, pas plus que son conjoint ne subvient à ses besoins,

ii)              d'autre part, il tient, seul ou avec une ou plusieurs autres personnes, et habite un établissement domestique autonome où il subvient réellement aux besoins d'une personne qui, à ce moment, remplit les conditions suivantes :

(A)           elle réside au Canada, sauf s'il s'agit d'un enfant du particulier,

(B)            elle est entièrement à la charge soit du particulier, soit du particulier et d'une ou plusieurs de ces autres personnes,

(C)            elle est liée au particulier,

(D)           sauf s'il s'agit du père, de la mère, du grand-père ou de la grand-mère du particulier, elle est soit âgée de moins de 18 ans, soit à charge en raison d'une infirmité mentale ou physique;

[...]

118(5)      Pension alimentaire. Aucun montant n'est déductible en application du paragraphe (1) relativement à une personne dans le calcul de l'impôt payable par un particulier en vertu de la présente partie pour une année d'imposition si le particulier, d'une part, est tenu de payer une pension alimentaire au sens du paragraphe 56.1(4) à son conjoint ou ancien conjoint pour la personne et, d'autre part, selon le cas:

a)             vit séparé de son conjoint ou ancien conjoint tout au long de l'année pour cause d'échec de leur mariage;

b)             demande une déduction pour l'année par l'effet de l'article 60 au titre de la pension alimentaire versée à son conjoint ou ancien conjoint.

[11]          La définition du terme « pension alimentaire » au paragraphe 56.1(4) de la Loi pour l'année 1998 se lit comme suit :

« pension alimentaire » Montant payable ou à recevoir à titre d'allocation périodique pour subvenir aux besoins du bénéficiaire, d'enfants de celui-ci ou à la fois du bénéficiaire et de ces enfants, si le bénéficiaire peut utiliser le montant à sa discrétion et, selon le cas :

a)             le bénéficiaire est le conjoint ou l'ancien conjoint du payeur et vit séparé de celui-ci pour cause d'échec de leur mariage et le montant est à recevoir aux termes de l'ordonnance d'un tribunal compétent ou d'un accord écrit;

b)             le payeur est le père naturel ou la mère naturelle d'un enfant du bénéficiaire et le montant est à recevoir aux termes de l'ordonnance d'un tribunal compétent rendue en conformité avec les lois d'une province.

[12]          Au sens large, le terme « conjoint » signifie ce qui suit au paragraphe 252(4) de la Loi pour l'année 1998 :

252(4)      Dans la présente loi:

a)             les mots se rapportant au conjoint d'un contribuable à un moment donné visent également la personne de sexe opposé qui, à ce moment, vit avec le contribuable en union conjugale et a vécu ainsi durant une période de douze mois se terminant avant ce moment ou qui, à ce moment, vit avec le contribuable en union conjugale et est le père ou la mère d'un enfant dont le contribuable est le père ou la mère [...]; pour l'application du présent alinéa, les personnes qui, à un moment quelconque, vivent ensemble en union conjugale sont réputées vivre ainsi à un moment donné après ce moment, sauf si elles ne vivaient pas ensemble au moment donné, pour cause d'échec de leur union, pendant une période d'au moins 90 jours qui comprend le moment donné;

b)             la mention du mariage vaut mention d'une union conjugale entre deux particuliers dont l'un est le conjoint de l'autre par l'effet de l'alinéa a);

c)              les dispositions applicables à une personne mariée s'appliquent à la personne qui est le conjoint d'un contribuable par l'effet de l'alinéa a);

d)             les dispositions applicables à une personne non mariée ne s'appliquent pas à la personne qui est le conjoint d'un contribuable par l'effet de l'alinéa a).

[13]          Les jugements présentés sous les cotes A-1 et R-1 indiquent que l'appelant et la mère de l'enfant vivaient en union conjugale du 1er juin 1991 au 1er mai 1993. L'appelant n'était pas marié à la mère de l'enfant. Elle n'est donc pas sa conjointe ni son ex-conjointe au sens du paragraphe 118(5) de la Loi. Cependant, le paragraphe 252(4) de la Loi élargit la définition du terme conjoint et inclut la personne de sexe opposé qui a vécu avec le contribuable en union conjugale.

[14]          Le paragraphe 118(5) de la Loi dispose clairement qu'aucun montant ne peut être déduit pour une personne en vertu du paragraphe 118(1) de la Loi lorsque le contribuable est tenu de verser une pension alimentaire, telle que définie au paragraphe 56.1(4) de la Loi, à l'ex-conjoint pour cette personne. L'appelant était tenu de verser une telle pension alimentaire à son ex-conjointe pour l'enfant. Il a également déclaré cette pension alimentaire. La jurisprudence est constante et la loi est claire à ce sujet : dans de telles circonstances, l'appelant ne peut déduire aucun montant en vertu du paragraphe 118(1) de la Loi, qui inclut l'alinéa 118(1)b), à titre de crédit d'impôt pour la personne entièrement à charge.

[15]          L'appel est rejeté.

Signé à Ottawa, Canada, ce 17e jour d'août 2001.

« Louise Lamarre Proulx »

J.C.C.I.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

2000-2860(IT)I

ENTRE :

LUC LAFRANCE,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Appel entendu le 26 juillet 2001 à Ottawa, Canada, par

l'honorable juge Louise Lamarre Proulx

Comparutions

Pour l'appelant :                                   L'appelant lui-même

Avocat de l'intimée :                            Me Gatien Fournier

JUGEMENT

          L'appel de la cotisation établie en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour l'année d'imposition 1998 est rejeté, conformément aux motifs du jugement ci-joints.


Signé à Ottawa, Canada, ce 17e jour d'août 2001.

« Louise Lamarre Proulx »

J.C.C.I.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.