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Date: 20011108

Dossier: 1999-4847-IT-G

ENTRE :

MIMETIX PHARMACEUTICALS INC.,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

La juge Lamarre, C.C.I.

[1]            Il s'agit de l'appel d'une cotisation établie par le ministre du Revenu national (le « ministre » ) en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu ( « Loi » ) relativement à l'année d'imposition 1996 de l'appelante. Dans sa cotisation de l'appelante, le ministre a procédé comme suit :

(a)         il a réduit à 1 755 573 $ les dépenses admissibles aux fins des crédits d'impôt à l'investissement, au lieu du montant de 1 964 600 $ qui avait été déduit par l'appelante[1], la différence de 209 027 $ ayant été refusée à titre de dépense admissible;

(b)         il a calculé les crédits d'impôt à l'investissement en utilisant un taux de 20 pour cent au lieu du taux de 35 pour cent employé par l'appelante[2];

(c)         il a refusé des crédits d'impôt à l'investissement de 600 599 $ qui avaient été déduits par l'appelante.

[2]            En ce qui concerne le paragraphe 1(a) ci-dessus, il semblerait que les dépenses admissibles aient été réduites de 209 027 $ à l'égard d'une pièce d'équipement, le « mélangeur Collette » , que l'appelante avait pris à bail avant de l'acquérir. L'intimée prétend que le mélangeur Collette avait été utilisé par l'appelante avant son acquisition, et que la dépense liée à cet achat était donc une dépense prescrite au sens du paragraphe 2902b) du Règlement de l'impôt sur le revenu (le « Règlement » ). Par conséquent, la dépense n'était pas une dépense admissible au sens du paragraphe 127(9) de la Loi aux fins du crédit d'impôt à l'investissement prévu au paragraphe 127(5) de la Loi.

[3]            En ce qui concerne le paragraphe 1(b) ci-dessus, l'intimée soutient qu'en vertu des paragraphes 127(5) et 127(9) de la Loi, l'appelante n'avait le droit de déduire, de l'impôt à payer, à titre de crédits d'impôt à l'investissement, que 20 pour cent des dépenses admissibles, et non 35 pour cent comme l'appelante l'avait fait en essayant, si j'ai bien compris, de se prévaloir d'un crédit d'impôt à l'investissement supplémentaire en vertu du paragraphe 127(10.1) de la Loi. L'intimée estime que l'appelante n'était pas une société privée sous contrôle canadien ( « SPCC » ) au sens du paragraphe 125(7) de la Loi pendant l'année d'imposition 1996, et qu'elle n'avait donc pas le droit de déduire plus de 20 pour cent des dépenses admissibles à titre de crédits d'impôt à l'investissement.

[4]            Enfin, en ce qui concerne le paragraphe 1(c) ci-dessus, l'intimée affirme que, pour cette même raison (qu'elle n'était pas une SPCC en 1996), l'appelante ne répondait pas à la définition de « société admissible » au paragraphe 127.1(2) de la Loi, et qu'elle n'avait donc pas droit à un crédit d'impôt à l'investissement remboursable pour la recherche scientifique et le développement expérimental ( « RS & DE » ) pour cette année-là, en vertu du paragraphe 127.1(1) de la Loi[3].

Dispositions législatives

[5]            Les dispositions pertinentes des articles de la Loi et du Règlement mentionnées ci-dessus sont reproduites ci-dessous :

Loi de l'impôt sur le revenu

4125(7)3

                (7) Définitions. Les définitions qui suivent s'appliquent au présent article.

[. . .]

« société privée sous contrôle canadien » - « société privée sous contrôle canadien » Société privée qui est une société canadienne, à l'exception des sociétés suivantes :

a) la société contrôlée, directement ou indirectement, de quelque manière que ce soit, par une ou plusieurs personnes non résidantes ou par une ou plusieurs sociétés publiques, sauf une société à capital de risque visée par règlement, ou par une combinaison de celles-ci;

b) si chaque action du capital-actions d'une société appartenant à une personne non-résidente ou à une société publique, sauf une société à capital de risque visée par règlement, appartenait à une personne donnée, la société qui serait contrôlée par cette dernière;

c) la société dont une catégorie d'actions du capital-actions est cotée à une bourse de valeurs visée par règlement.

4127(5)3

                   (5) Crédit d'impôt à l'investissement. Est déductible de l'impôt payable par ailleurs par un contribuable en vertu de la présente partie pour une année d'imposition un montant qui ne dépasse pas le moins élevé des montants suivants :

                   a) le total des montants suivants :

                          (i) le crédit d'impôt à l'investissement du contribuable à la fin de l'année au titre de biens acquis avant la fin de l'année ou de son compte de dépenses admissibles de recherche et de développement à la fin de l'année ou d'une année d'imposition antérieure,

                         

(ii) le moins élevé des montants suivants :

(A) le crédit d'impôt à l'investissement du contribuable à la fin de l'année au titre de biens acquis au cours d'une année d'imposition ultérieure ou de son compte de dépenses admissibles de recherche et de développement à la fin d'une année d'imposition ultérieure, dans la mesure où un crédit d'impôt à l'investissement n'était pas déductible pour l'année ultérieure en application du présent paragraphe ou du paragraphe 180.1(1.2),

(B) l'excédent éventuel de l'impôt payable par ailleurs par le contribuable en vertu de la présente partie pour l'année sur le montant éventuel calculé selon le sous-alinéa (i); [. . .]

4127(9)3

                (9) Idem. Les définitions qui suivent s'appliquent au présent article.

« crédit d'impôt à l'investissement » - « crédit d'impôt à l'investissement » Le crédit d'impôt à l'investissement d'un contribuable à la fin d'une année d'imposition correspond à l'excédent éventuel du total des montants suivants :

a) l'ensemble des montants représentant chacun le pourcentage déterminé du coût en capital, pour le contribuable, d'un bien admissible ou d'un bien certifié qu'il a acquis au cours de l'année;

a.1) 20 % du compte de dépenses admissibles de recherche et de développement du contribuable à la fin de l'année; [. . .]

« société non admissible » - « société non admissible » L'une des sociétés suivantes à un moment donné :

a) une société qui, à ce moment, n'est pas une société privée sous le contrôle canadien; [. . .]

« dépense admissible » - « dépense admissible » Dépense engagée par un contribuable au cours d'une année d'imposition qui représente :

a) soit une dépense relative à des activités de recherche scientifique et de développement expérimental qui, selon le cas :

[. . .]

Ne sont pas des dépenses admissibles :

c) une dépense prévue par règlement que le contribuable a engagée au cours de l'année; [. . .]

« pourcentage déterminé » - « pourcentage déterminé » Le pourcentage déterminé correspond aux pourcentages suivants :

[. . .]

             e) dans le cas d'une dépense admissible :

             [. . .]

             (iv) faite par un contribuable soit après son année d'imposition 1984 et avant 1995, soit après 1994 en conformité avec une convention écrite qu'il a conclue avant le 22 février 1994, à l'exclusion d'une dépense admissible à laquelle s'applique le sous-alinéa (ii), pour des activités de recherche scientifique et de développement expérimental à effectuer :

(A) dans les provinces de la Nouvelle-Écosse, du Nouveau-Brunswick, de l'Île-du-Prince-Édouard ou de Terre-Neuve ou dans la péninsule de Gaspé, 30 %,

(B) dans une autre région du Canada, 20 %

(v) faite par un contribuable après 1994, 20 %, s'il s'agit d'une dépense autre qu'une dépense faite après 1994 en conformité [. . .]

4127(10.1)3

                (10.1) Crédit d'impôt à l'investissement majoré. Pour l'application de l'alinéa e) de la définition de « crédit d'impôt à l'investissement » au paragraphe (9), le montant correspondant à 15 % du moins élevé des montants suivants est à ajouter dans le calcul du crédit d'impôt à l'investissement d'une société à la fin de l'année d'imposition tout au long de laquelle elle a été une société privée sous contrôle canadien :

                a) le montant qu'elle demande;

b) son compte de dépenses admissibles de recherche et de développement à la fin de l'année;

                c) sa limite de dépenses pour l'année.

ARTICLE 127.1: Crédit d'impôt à l'investissement remboursable.

                (1) Lorsqu'un contribuable (à l'exception d'une personne exonérée d'impôt en vertu de l'article 149) présente :

a) avec sa déclaration de revenu produite pour une année d'imposition, à l'exception d'une déclaration de revenu produite en vertu des paragraphes 70(2) ou 104(23), de l'alinéa 128(2)f) ou du paragraphe 150(4);

                b) avec un formulaire prescrit modifiant une déclaration visée à l'alinéa a),

un formulaire prescrit contenant les renseignements prescrits, il est réputé avoir payé, à la date d'exigibilité du solde qui lui est applicable pour l'année, une somme au titre de son impôt payable pour l'année en vertu de la présente partie égale à son crédit d'impôt à l'investissement remboursable pour l'année ou, s'il est inférieur, au montant qu'il a indique dans le formulaire prescrit.

4127.1(2)3

                (2) Définitions. Les définitions qui suivent s'appliquent au présent article.

[. . .]

« crédit d'impôt à l'investissement remboursable » - « crédit d'impôt à l'investissement remboursable » Crédit, pour une année d'imposition, d'un contribuable qui est soit une société admissible pour l'année, soit un particulier autre qu'une fiducie, soit une fiducie dont chaque bénéficiaire est une société admissible pour l'année ou un particulier autre qu'une fiducie. Le crédit correspond à 40 % de l'excédent éventuel du total visé à l'alinéa a) sur le total visé à l'alinéa b) : [. . .]

« société admissible » - « société admissible » Pour une année d'imposition donnée se terminant dans une année civile :

a) société qui est une société privée sous contrôle canadien tout au long de l'année donnée, sans être associée à une autre société au cours de cette année, et dont le revenu imposable pour son année d'imposition précédente, calculé avant la prise en compte des conséquences fiscales futures déterminées, ne dépasse pas son plafond des affaires pour cette année précédente;

b) société qui est une société privée sous contrôle canadien tout au long de l'année donnée et associée à une autre société au cours de cette année, dans le cas où le total des montants représentant chacun le revenu imposable de la société ou d'une telle société associée pour sa dernière année d'imposition terminée dans l'année civile précédente, calculé avant la prise en compte des conséquences fiscales futures déterminées pour cette dernière année, ne dépasse pas le total des montants représentant chacun le plafond des affaires de la société ou d'une telle société associée pour cette dernière année.

Règlement de l'impôt sur le revenu

                2902. Pour l'application de la définition « dépense admissible » , au paragraphe 127(9) de la Loi, une dépense prescrite est

[. . .]

                b) une dépense en capital engagée par un contribuable

[. . .]

(iii) pour l'acquisition d'un bien utilisé ou acquis pour être utilisé ou loué à quelque fin que ce soit avant son acquisition par le contribuable;

Questions en litige

[6]            Les parties conviennent que la portée de l'appel est limitée à deux questions. Il s'agit d'abord de déterminer si l'appelante était une SPCC pendant son année d'imposition 1996. Ensuite, il faut décider si l'acquisition du mélangeur Collette représentait une dépense prescrite au sens du sous-alinéa 2902b)(iii) du Règlement.

I.               Première question en litige : l'appelante était-elle une SPCC pendant son année d'imposition 1996?

[7]            L'appelante sera considérée comme une SPCC en 1996 s'il peut être démontré qu'elle n'était pas, cette année-là, une société contrôlée, directement ou indirectement, de quelque manière que ce soit, par une ou plusieurs personnes non résidantes, au sens du paragraphe 125(7) de la Loi. Les deux parties ont convenu que personne n'avait de contrôle de jure sur l'appelante. Il s'agit plutôt de savoir si l'appelante était contrôlée en fait, directement ou indirectement, de quelque manière que ce soit, par une personne non résidante. Autrement dit, il faut déterminer si la société non résidante Mimetix Inc. ( « Mimetix » ), propriétaire de 50 pour cent des actions avec droit de vote de l'appelante en 1996, exerçait un contrôle de fait sur celle-ci au sens du paragraphe 256(5.1) de la Loi, rédigé comme suit :

4256(5.1)3

                (5.1) Contrôle de fait. Pour l'application de la présente loi, lorsque l'expression « contrôlée, directement ou indirectement, de quelque manière que ce soit, » est utilisée, une société est considérée comme ainsi contrôlée, par une autre société, une personne ou un groupe de personnes - appelé « entité dominante » au présent paragraphe - à un moment donné si, à ce moment, l'entité dominante a une influence directe ou indirecte dont l'exercice entraînerait le contrôle de fait de la société. Toutefois, si cette influence découle d'un contrat de concession, d'une licence, d'un bail, d'un contrat de commercialisation, d'approvisionnement ou de gestion ou d'une convention semblable - la société et l'entité dominante n'ayant entre elles aucun lien de dépendance - dont l'objet principal consiste à déterminer les liens qui unissent la société et l'entité dominante en ce qui concerne la façon de mener une entreprise exploitée par la société, celle-ci n'est pas considérée comme contrôlée, directement ou indirectement, de quelque manière que ce soit, par l'entité dominante du seul fait qu'une telle convention existe.

Faits

[8]            L'appelante a été constituée en personne morale au Canada en 1994 pour mener des activités de recherche et de développement relatives à un produit pharmaceutique appelé DIAC, une poudre d'iode diatomique conçue pour traiter les femmes atteintes de fibrose kystique du sein. Le brevet d'origine de la formule DIAC a été enregistré par feu le Dr Ghent, qui résidait à Kingston (Ontario) à l'époque. En 1993, la succession du Dr Ghent a négocié avec Mimetix, une société américaine, afin d'établir un mécanisme de licence pour DIAC, permettant à Mimetix de devenir titulaire d'une licence exclusive visant ce produit. Mimetix a versé une redevance de 100 000 $US. En janvier 1995, Mimetix a cédé en sous-licence à l'appelante, sans contre-partie, le droit non exclusif de mener au Canada les essais cliniques et autres recherches touchant le produit licencié, et de développer le produit en vue d'obtenir l'autorisation de sa mise en marché au Canada.

[9]            Conformément au contrat de sous-licence, l'appelante avait le droit de recourir à des sous-traitants, sous réserve de l'approbation de Mimetix, en vue de réaliser ou de mener certains aspects de ce développement. L'appelante a ainsi embauché des sous-traitants ou des consultants en vue de mener les épreuves cliniques au Canada et aux États-Unis. L'appelante a également embauché un cabinet appelé Custom Pharmaceuticals ( « Custom » ), une filiale appartenant à 100 pour cent à une société canadienne appelée Patheon Inc. (laquelle avait investi dans Mimetix en 1994), située à Fort Erie (Ontario), afin de s'occuper des activités courantes liées à la fabrication du produit. L'appelante a utilisé un terrain appartenant à Custom à Fort Erie pour construire une usine. L'appelante a investi quelque 600 000 $ dans cette usine, conformément à son bilan en date du 31 décembre 1996.

[10]          L'administration de l'appelante était menée depuis San Francisco, aux États-Unis, par Mimetix, puisque, comme l'a expliqué James Wooder, seul administrateur de l'appelante qui ait témoigné, c'était bien moins cher pour l'appelante. Son témoignage ne permet pas d'établir avec certitude si Mimetix a perçu auprès de l'appelante des frais pour les services administratifs qu'elle offrait, mais, d'après les états financiers préparés par l'appelante pour l'année d'imposition 1996, il semble que l'appelante ait versé à quelqu'un des frais administratifs totalisant 12 000 $ cette année-là. Toutefois, lors de son interrogatoire préalable, M. Wooder avait affirmé qu'aucun versement n'avait été fait pour ces services.

[11]          Lors de sa constitution en société au mois de novembre 1994, l'appelante a émis 100 actions ordinaires avec droit de vote à 1,00 $ chacune, dont 50 ont été souscrites par Mimetix, et 50 par Robert Tedford, résident canadien et administrateur de haut rang chez Patheon. À ce moment-là, trois administrateurs ont été élus au conseil d'administration de l'appelante : Robert Tedford, Donald Eaton, résident américain qui était le président et chef de la direction de Mimetix, et une troisième personne, Nick DiPietro, un résident canadien.

[12]          Le 20 juin 1995, Nick DiPietro et Robert Tedford ont démissionné du conseil d'administration de l'appelante. À cette même date, le Dr Marie-Madeleine Bernard, résidente canadienne qui, semble-t-il, était employée par l'appelante à titre de directeur médical canadien, et Ewart Budgell, également un résident canadien, qui est apparemment un comptable et un consultant occasionnel pour Patheon, ont été élus afin de combler les postes vacants au conseil d'administration de l'appelante. Robert Tedford, toutefois, est demeuré l'un des dirigeants de l'appelante, de même que Donald Eaton. Le 31 janvier 1996, le Dr Marie-Madeleine Bernard a offert sa démission à titre d'administratrice de l'appelante, et elle a été remplacée le jour même par James Wooder[4], un résident canadien qui est vice-président de Helix Investments, Canada, entreprise canadienne de capital de risque qui investit dans les sociétés technologies émergentes, et qui venait d'investir 3 millions de dollars dans Mimetix. À la même date, Robert Tedford a transféré 25 actions ordinaires à James Wooder[5]. MM. Wooder, Eaton et Tedford ont également été nommés dirigeants de l'appelante : M. Wooder à titre de président, M. Eaton, de vice-président et secrétaire-trésorier, et M. Tedford, également à titre de vice-président.

[13]          Pour résumer : à partir du 31 janvier 1996 et jusqu'à la fin de cette année-là, Mimetix détenait 50 actions ordinaires du capital-actions de l'appelante, et Robert Tedford et James Wooder en avaient 25 chacun. Trois personnes ont été élues membres du conseil d'administration, soit Donald Eaton, James Wooder et Ewart Budgell. En outre, Donald Eaton, James Wooder et Robert Tedford ont été nommés dirigeants de l'appelante.

[14]          Selon les dires de M. Wooder, celui-ci serait devenu un actionnaire et aurait été élu au conseil d'administration de l'appelante quand Helix (société dont il était l'un des vice-présidents) a investi 3 millions de dollars dans Mimetix. Si Helix n'avait pas investi dans Mimetix, il ne serait pas devenu un actionnaire et administrateur de l'appelante. D'ailleurs, il a été élu en même temps au conseil d'administration de Mimetix.

[15]          Dans son témoignage, M. Wooder a affirmé qu'il n'avait jamais rencontré ni même eu de contact avec l'autre administrateur canadien de l'appelante, M. Budgell. Certes, ils signaient tous deux les résolutions du conseil d'administration, mais ils le faisaient séparément et n'en discutaient jamais entre eux, puisqu'ils ne se connaissaient pas. M. Wooder a également expliqué qu'il avait eu l'occasion de rencontrer M. Eaton ou M. Tedford à San Francisco, aux États-Unis, ou à Toronto, au Canada, afin de « recevoir une mise à jour sur l'évolution des deux sociétés [l'appelante et Mimetix] » [6]. Quoique tous les administrateurs aient eu le pouvoir de signer pour l'appelante, il semblerait qu'en juin 1995, M. Eaton ait, de son propre chef, ajouté un signataire autorisé, le Dr Sam Teichman, un cardiologue américain qui avait été embauché à titre de président et chef de la direction pour Mimetix[7]. Cette démarche a été entreprise sans aucune résolution de la part du conseil d'administration de l'appelante. Apparemment, le Dr Teichman a été nommé en raison de son expertise en matière d'épreuves cliniques et de sa connaissance de l'industrie pharmaceutique. Ensuite, c'est le Dr Teichman qui a approuvé et signé toutes les factures de l'appelante, qui a signé les contrats avec les sous-traitants, qui a signé les ententes relatives au déroulement des épreuves cliniques et qui s'est généralement occupé de l'administration des affaires de l'appelante. En fait, il semble que le motif du départ du Dr Marie-Madeleine Bernard en janvier 1996 était lié à un différend survenu entre elle et le Dr Teichman. D'après une lettre envoyée par l'avocat de l'appelante, Me Mark L. Siegel, à Revenu Canada le 21 avril 1999[8], [TRADUCTION] « [s]uite au départ [du Dr Bernard] de la société [appelante], [l'appelante] a décidé que, puisque la société [appelante] avait établi une structure pouvant compter sur les connaissances médicales ainsi que sur les services de planification et de gestion de la recherche offerts par les employés des entreprises de recherche engagées par la société [appelante], il serait raisonnable, sur le plan économique, d'éliminer le coût d'avoir un directeur médical distinct au Canada. [. . .] Le Dr Teichman a signé les contrats avec les entreprises de recherche puisque, vu ses connaissances médicales, il pouvait offrir la compétence professionnelle requise pour s'assurer que les contrats seraient conformes aux besoins de la société [appelante] canadienne. »

[16]          M. Wooder a témoigné qu'il avait rencontré le Dr Teichman à San Francisco ou à Toronto. Toutefois, comme l'a dit lui-même M. Wooder, M. Eaton était le seul administrateur à avoir eu affaire à l'appelante depuis sa création. Outre le Dr Teichman, il semble que seul M. Eaton signait des chèques et autres documents pour l'appelante. D'autre part, c'est M. Eaton qui a signé le contrat de sous-licence au nom de Mimetix et de l'appelante. En fait, Mimetix avait investi dans des actions privilégiées rachetables au gré de l'acheteur et de l'émetteur et émises par l'appelante depuis décembre 1994. À la fin de 1996, Mimetix avait investi 3 millions de dollars dans l'appelante, et près de 4,5 millions de dollars à la fin de 1997[9]. Mimetix avait également prêté à l'appelante un montant de 1,1 million de dollars, exempt d'intérêt, d'après les états financiers 1996 de l'appelante. Aucun autre actionnaire ne détenait d'actions privilégiées en 1996 ou avait consenti de prêts à l'appelante cette année-là.

[17]          M. Wooder, qui a l'expérience du capital de risque et qui a siégé au conseil d'administration de nombreuses sociétés, a expliqué qu'il avait accepté de devenir un administrateur et dirigeant de l'appelante uniquement parce qu'il voyait l'appelante comme une société virtuelle, c'est-à-dire une société dont le personnel est pratiquement inexistant et qui a recours aux services de plusieurs entreprises de recherche pharmaceutique au Canada pour mener ses activités de recherche au jour le jour, au lieu d'embaucher ses propres employés. Ces entreprises, faisant usage de leur expertise dans le domaine pertinent, offraient des services de gestion et de planification relativement aux études de recherche. D'après M. Wooder, les administrateurs et dirigeants d'une société virtuelle ont très peu à faire, et il n'est pas nécessaire pour eux de connaître à fond les activités de celle-ci ou de participer aux activités de gestion ordinaires. En fait, il a été démontré, lors du contre-interrogatoire, que M. Wooder connaissait très mal les activités de l'appelante ainsi que les membres de son conseil d'administration, malgré le fait qu'il était le président de l'appelante.

[18]          L'idée que M. Wooder avait de son rôle à titre d'administrateur de l'appelante contredit du tout au tout les remarques faites par M. Eaton dans une lettre envoyée à Revenu Canada le 20 mai 1998[10]. Dans cette lettre, M. Eaton affirme que [TRADUCTION] « [l]a responsabilité générale à l'égard des activités ordinaires de l'[appelante] en 1996 relevait du conseil d'administration de l'[appelante], lequel se faisait parfois aider du Dr Sam Teichman, du Dr Marie-Madeleine Bernard (pour une partie de 1996), de Cato Pharma Canada [la division Custom Pharmaceuticals de Patheon Inc. à Toronto], d'Alison Ghent [épouse du Dr Ghent] et de Custom Pharmaceuticals (Patheon). » M. Eaton a également affirmé dans cette lettre que [TRADUCTION] « [e]n 1996, les administrateurs de l'[appelante] se sont acquittés des fonctions normales d'un conseil d'administration, notamment la gestion des activités courantes de l'entreprise, ainsi que l'approbation des politiques et résolutions de la société » .

[19]          M. Wooder s'est montré en désaccord avec l'affirmation de M. Eaton selon laquelle le conseil d'administration s'occupait des activités au jour le jour. Il a essayé d'expliquer que M. Eaton voulait sans doute dire que le conseil d'administration était responsable de l'administration courante. M. Wooder a ajouté qu'en fait, M. Eaton avait un rôle important à jouer dans l'administration, puisqu'il signait des chèques et des contrats et qu'il travaillait en collaboration étroite avec le Dr Teichman. En outre, toute la documentation transitait par Mimetix à San Francisco (y compris la déclaration de revenus de l'appelante, où figure l'adresse de Mimetix, ainsi que les relevés bancaires).

[20]          En 1997, des essais cliniques ont eu lieu, mais le produit licencié ne s'est pas avéré efficace. M. Wooder a témoigné que, juste avant la fin des essais, l'appelante avait obtenu 3 millions de dollars US d'une société canadienne du nom de Fonds de relance canadien inc. ( « Fonds de relance » ) en contrepartie de 800 000 actions privilégiées de l'appelante. À cette époque, le Fonds de relance avait un représentant élu au conseil d'administration de l'appelante, lequel aurait apparemment adopté une résolution exigeant au moins deux signatures pour toute transaction sur le compte en banque (résolution qui n'a toutefois pas été présentée comme preuve). À compter de ce moment, M. Eaton ne pouvait semble-t-il plus transférer de fonds unilatéralement à Mimetix, et il a fini par démissionner du conseil.

Arguments de l'appelante

[21]          L'avocat de l'appelante affirme que l'appelante était à tous moments une SPCC au sens des paragraphes 125(7) et 256(5.1) de la Loi. L'appelante n'était pas, pendant l'année d'imposition en question, directement contrôlée par une ou plusieurs personnes non résidantes. En effet, 50 pour cent des actions avec droit de vote appartenaient à des résidents du Canada. En outre, l'avocat souligne que l'appelante n'était pas indirectement contrôlée par une ou plusieurs personnes non résidantes, puisque son conseil d'administration était contrôlé par des résidents du Canada (deux administrateurs sur trois étaient des résidents canadiens). À son avis, le fait que le personnel administratif de Mimetix s'acquittait de fonctions liées à la tenue de livres, aux transactions bancaires et à la signature de contrats pour l'appelante ne signifiait pas que le conseil d'administration s'était fait usurper le contrôle de l'appelante, puisque le personnel administratif agissait sous l'autorité du conseil d'administration.

[22]          D'autre part, l'avocat soutient que plusieurs autres facteurs permettent de conclure que le contrôle était exercé au Canada. Le produit DIAC avait été inventé au Canada et approuvé par la Direction générale de la protection de la santé de Santé Canada. Toutes les activités pharmaceutiques avaient lieu au Canada, à une usine construite par l'appelante à Fort Erie (Ontario). La recherche avait lieu au Canada par l'intermédiaire de sous-traitants canadiens engagés par l'appelante, et la fabrication du produit était confiée à Custom, une société canadienne sise à Fort Erie. La majorité du conseil d'administration était composée de résidents canadiens, y compris M. Wooder, avec sa vaste expérience de l'investissement en capital de risque et de l'administration de sociétés. La plupart des dirigeants de l'appelante étaient des résidents canadiens, y compris M. Tedford, vice-président de l'appelante, un grand investisseur par l'intermédiaire de Patheon et propriétaire de Custom, ces deux entreprises étant des sociétés canadiennes. M. Tedford connaissait le domaine pharmaceutique, et c'est pourquoi le conseil d'administration n'avait pas besoin de prendre une part active aux activités courantes de l'appelante.

[23]          Du point de vue de l'avocat, le fait que Mimetix détenait dans l'appelante un nombre significatif d'actions privilégiées sans droit de vote et rachetables au gré du porteur, ou que l'appelante était endettée envers son actionnaire non résidante, Mimetix, ne signifie pas que Mimetix exerçait le contrôle de fait de l'appelante. Il soutient que les actions privilégiées avaient été acquises par Mimetix dans le cadre de son investissement à long terme dans l'appelante. Le simple fait qu'un type d'action permette à un actionnaire de racheter ses actions à son gré n'entraîne pas forcément que cet actionnaire détienne une position de contrôle sur la société dont il a souscrit des actions. D'ailleurs, en vertu de la Loi canadienne sur les sociétés par actions ( « LCSA » ), les actions ne peuvent être rachetées si cela entraînerait l'insolvabilité de la société (voir le paragraphe 36(2) de la LCSA).

[24]          En ce qui concerne la dette intersociétés payable à Mimetix, elle concerne l'acquisition de pièces d'équipement par l'appelante en vue d'être utilisées dans le cadre de ses activités commerciales au Canada. D'après l'avocat, le prêt avait été consenti à des fins commerciales et n'avait pas pour résultat d'assujettir l'appelante à des pressions financières ou à un contrôle financier de la part de Mimetix.

[25]          L'avocat mentionne la décision de la Cour d'appel fédérale dans l'affaire Robson Leather Co. Ltd. c. M.R.N., C.A.F., no A-394-74, 14 février 1977 (77 DTC 5106), en affirmant que ces facteurs (un rapport d'endettement entre un actionnaire et une société, ou la détention par un actionnaire d'actions privilégiées rachetables au gré du porteur dans la société) ne peuvent être considérés comme donnant un contrôle à un actionnaire que si la société se trouve en difficulté financière et les autres actionnaires ne sont pas aussi solvables que l'actionnaire titulaire de la créance ou des actions rachetables. Dans le cas qui nous occupe, l'appelante n'était pas en difficulté financière, comme le montrent les états financiers qui indiquent que l'appelante a dépensé des millions de dollars au Canada sur la recherche scientifique liée au développement d'un produit pharmaceutique. En outre, les actionnaires et administrateurs résidents de l'appelante étaient solvables et n'auraient pas été assujettis à des pressions économiques de la part de l'actionnaire non résidante, Mimetix.

[26]          L'avocat a également mentionné la décision de cette cour dans l'affaire Zinkhofer c. M.R.N., C.C.I., no 89-2108(IT) 18 février 1991 (91 DTC 643), où M. Sobier, qui était juge à l'époque, avait affirmé que l'existence d'un rapport d'endettement ou d'actions privilégiées rachetables au gré du porteur ne pouvait produire un contrôle, puisque l'une des conséquences de cela serait que les grands créanciers qui ne sont pas des actionnaires de la société pourraient exercer un contrôle sur elle.

[27]          L'avocat a également cité Birmount Holdings Ltd. c. La Reine, C.A.F., no A-231-77, 14 avril 1978 (78 DTC 6254), en soulignant que le centre du contrôle et de la gestion d'une société est un facteur à considérer pour déterminer qui exerce le contrôle. À son avis, le fait que l'appelante était constituée en personne morale au Canada, qu'elle menait toutes ses activités commerciales au Canada, qu'elle produisait des déclarations de revenu canadiennes et que Mimetix n'avait aucun droit de regard sur les décisions des administrateurs canadiens de l'appelante relativement aux activités de l'appelante, prouve que le centre de la gestion et du contrôle se trouvait bel et bien au Canada.

[28]          L'avocat conclut enfin que, si la preuve n'a pas montré à la satisfaction de la Cour que le contrôle de l'appelante était exercé par des résidents canadiens (ce qu'il ne croit pas), elle a certainement démontré que le contrôle n'était pas exercé aux États-Unis par l'actionnaire non résidante Mimetix, et cela suffit pour déclarer que l'appelante était une SPCC en 1996. La meilleure preuve de cela est qu'en 1997, M. Eaton avait été empêché par le conseil d'administration de l'appelante de transférer de l'argent de l'appelante à Mimetix.

Arguments de l'intimée

[29]          L'avocat de l'intimée soutient que le sens de contrôle, selon la définition donnée dans Buckerfield's Ltd. et al. v. M.N.R., 64 DTC 5301 (C. de l'É. du Canada), a changé, du moins depuis l'ajout du paragraphe 256(5.1) pour définir le concept de contrôle dans la Loi en incluant le contrôle de fait. (Voir Société Foncière d'Investissement Inc. c. Canada, [1995] A.C.I. no 1568 (C.C.I.)(Q.L.).)

[30]          L'avocat pour l'intimée affirme que l'appelante était placée sous le contrôle de fait d'une personne non résidante en 1996. D'après lui, l'appelante était effectivement contrôlée par Mimetix, l'actionnaire américain, en 1996. Le fait que Mimetix avait investi 3 millions de dollars en actions privilégiées et avait consenti à l'appelante un prêt exempt d'intérêt de 1,1 million de dollars est, selon lui, très pertinent en l'espèce, surtout si l'on considère que les autres actionnaires n'avaient investi que 25 $ chacun dans des actions ordinaires. Comment est-il possible d'affirmer qu'avec un investissement de 25 $ chacun, les actionnaires canadiens auraient le contrôle sur l'appelante alors que l'actionnaire non résidante avait investi plus de 4 millions de dollars dans l'appelante? En effet, la preuve montre que Mimetix, par l'intermédiaire de M. Eaton, surveillait de très près les affaires de l'appelante. L'ensemble de la preuve montre que les documents traitant des affaires de l'appelante transitaient par Mimetix ou par le Dr Teichman, l'expert en industrie pharmaceutique qui avait été engagé à l'initiative de Mimetix.

[31]          L'avocat soutient que l'endroit où la recherche a lieu est dénué de pertinence, de même que le fait que l'équipement utilisé pour les affaires de l'appelante se trouvait au Canada. Ce qui est pertinent pour déterminer si l'appelante était une SPCC, c'est de savoir qui, en 1996, détenait le contrôle de fait sur la société au sens du paragraphe 256(5.1) de la Loi, qu'il s'agisse ou non d'une société virtuelle, comme l'affirme l'avocat de l'appelante.

[32]          De l'opinion de l'avocat, la preuve montre sans l'ombre d'un doute que les deux administrateurs canadiens qui, d'après l'argument de l'appelante, étaient censés contrôler l'appelante, ne savaient en fait presque rien de l'appelante (par exemple, au moment de l'interrogatoire préalable, M. Wooder ne savait pas combien d'employés travaillaient pour l'appelante, qui avait le pouvoir de signer, etc.).

[33]          L'avocat estime que Mimetix exerçait un contrôle financier sur l'appelante et une influence déterminante sur les affaires de celle-ci. La meilleure preuve en est, à son avis, que le Dr Marie-Madeleine Bernard, administratrice canadienne de l'appelante, avait dû partir suite à un différend avec le Dr Teichman, qui n'était même pas un actionnaire, administrateur ou dirigeant de l'appelante, mais qui avait été embauché à l'initiative de M. Eaton, sans aucune résolution du conseil d'administration. L'avocat affirme que, dans ces circonstances, il est difficile de soutenir que le conseil d'administration au Canada détenait un contrôle sur les affaires de l'appelante. À son avis, la situation a peut-être changé en 1997, avec l'arrivée d'un nouvel actionnaire, le Fonds de relance. Mais les choses étaient ce qu'elles étaient en 1996, et cette cour ne doit examiner que l'année d'imposition 1996.

[34]          Pour ces motifs, l'avocat soutient que l'appelante était contrôlée par la société non résidante Mimetix en 1996, et qu'elle ne remplissait donc pas les critères d'une SPCC.

Analyse

[35]          L'appelante doit démontrer qu'elle était une SPCC tout au long de son année d'imposition 1996 pour bénéficier du taux plus élevé de crédit d'impôt à l'investissement et d'un crédit d'impôt à l'investissement remboursable (voir le paragraphe 127(10.1) et l'article 127.1 de la Loi).

[36]          Pour qu'une société soit considérée comme une SPCC, il faut notamment démontrer qu'elle n'était pas, pendant l'année en cause, contrôlée, directement ou indirectement, de quelque manière que ce soit, par des non-résidents. C'est l'enjeu de l'affaire qui nous occupe.

[37]          Le mot « contrôle » n'est pas défini dans la Loi. Le contrôle signifie normalement le droit de contrôle dépendant de la possession du nombre d'actions requis pour avoir droit à la majorité des voix à l'élection du conseil d'administration (voir Buckerfield's, précité). C'est ce qu'on appelle un contrôle de droit. Autrement dit, les détenteurs de la majorité des droits de vote d'une entreprise sont, de plein droit, ceux qui ont le contrôle effectif de ses affaires et de sa destinée (énoncé approuvé par la Cour suprême du Canada dans l'affaire M.N.R. v. Dworkin Furs(Pembroke) Ltd. et al., 67 DTC 5035 et, plus récemment, dans l'affaire Duha Printers (Western) Ltd. c. Canada, [1998] 1 R.C.S. 795 (98 DTC 6334).

[38]          Toutefois, le paragraphe 256(5.1) a intégré le concept du contrôle de fait aux fins de la Loi. Comme le faisait observer le juge Iacobucci dans l'affaire Duha Printers, précité, à la page 824 (DTC : à la page 6334) :

                52. [. . .] le Parlement a reconnu la distinction entre le contrôle de jure et le contrôle de facto, en retenant ce dernier comme étant la nouvelle norme des règles de la société associée, au moyen du par. 256(5.1) de la Loi de l'impôt sur le revenu adopté en 1988.

[39]          En vertu du paragraphe 256(5.1), une société est considérée comme étant contrôlée, directement ou indirectement, de quelque manière que ce soit, par une autre personne (l' « entité dominante » ) si l'entité dominante a une influence directe ou indirecte dont l'exercice entraînerait le contrôle de fait de la société. C'est ainsi que l'on définit le contrôle de fait, et pour déterminer son existence, il faut passer en revue tous les faits de chaque situation particulière. Le paragraphe 256(5.1) contient une exception à la règle ci-dessus, si la société et l'entité dominante n'ont aucun lien de dépendance et si l'influence de cette dernière est déterminée par un contrat ou une convention de ce genre dont le principal objectif est de régir les rapports entre les parties quant à la façon dont les affaires de la société doivent être menées. Cette exception n'a pas été invoquée en l'espèce.

[40]          Dans le récent Bulletin d'interprétation IT-64R4 intitulé Sociétés : Association et contrôle - Version finale, en date du 26 juin 2001, le paragraphe 256(5.1) et la notion du contrôle de fait sont expliqués comme suit aux paragraphes 21 et 23 :

21. Le contrôle de fait va au-delà du contrôle de droit et comporte la capacité de contrôler « de fait » en exerçant une influence directe ou indirecte. On peut détenir le contrôle de fait sans même posséder d'actions. Le contrôle de fait peut se traduire, par exemple, par le pouvoir que possède une personne de changer le conseil d'administration ou de revenir sur les décisions de celui-ci, de prendre d'autres décisions concernant les actions de la société à court, à moyen ou à long terme, de mettre fin directement ou indirectement à la société ou à son entreprise ou de s'en approprier les bénéfices ou les biens. Même si elle n'est pas exercée effectivement, l'existence d'une telle influence serait suffisante pour conférer le contrôle de fait.

[. . .]

23. Ce sont les faits se rapportant à chaque situation qui permettent de déterminer si une personne ou un groupe de personnes a le contrôle de fait d'une société, même si, juridiquement, ces personnes ne contrôlent pas plus de 50 % des actions de la société avec droit de vote. Voici certains facteurs généraux qui permettent de déterminer s'il y a contrôle de fait :

a) le pourcentage de propriété des actions avec droit de vote (lorsqu'il n'est pas supérieur à 50 %) par rapport aux actions que les autres actionnaires détiennent;

b) la propriété d'une importante dette d'une société qui peut devenir payable sur demande (à moins d'être assujettie à une exemption en vertu du paragraphe 256(3) ou (6)) ou d'un placement important dans des actions privilégiées rachetables au gré du détenteur;

c) les conventions entre actionnaires prévoyant une voix prépondérante;

d) les relations commerciales ou contractuelles de la société, par exemple, la dépendance économique à l'endroit d'un fournisseur ou d'un client unique;

e) la possession de connaissances tout à fait particulières qui sont requises pour l'exploitation de l'entreprise;

f) l'influence qu'un membre d'une famille, qui est un actionnaire, un créancier, un fournisseur, etc., d'une société peut avoir sur un autre membre de la famille qui est un actionnaire de la société.

« [. . .]

En plus des facteurs généraux mentionnés ci-dessus, il faudrait tenir compte de la composition du conseil d'administration et du contrôle de la gestion quotidienne et du fonctionnement de l'entreprise.

[41]          Dans Duha Printers, précité, le juge Iacobucci a souligné, aux pages 824 à 826 (DTC : à la page 6345), le fait que, même si les conventions externes n'avaient pas leur place dans l'analyse du contrôle de droit, elles étaient pertinentes pour déterminer l'existence d'un contrôle de fait.

[42]          En l'espèce, plusieurs éléments doivent être considérés ensemble pour déterminer s'il existait un contrôle de fait en 1996.

[43]          À mon avis, la preuve montre que non seulement M. Eaton et le Dr Teichman contrôlaient les activités quotidiennes de l'appelante depuis San Francisco, mais qu'ils contrôlaient également sa destinée en prenant toutes les décisions. L'avocat de l'appelante soutient néanmoins que toutes les décisions étaient prises sous l'autorité du conseil d'administration. Celui-ci était composé de trois personnes, à savoir MM. Wooder, Eaton et Budgell. Aucune preuve n'a été présentée quant au rôle de M. Budgell à l'égard de l'appelante. Tout ce qu'on sait, c'est qu'il est canadien, qu'il était comptable, qu'il travaillait occasionnellement pour Custom, et qu'il n'a jamais rencontré l'autre administrateur canadien, M. Wooder. Quant à M. Wooder, il était l'un des administrateurs et le président de l'appelante. On pourrait présumer qu'à ces titres, il serait relativement bien informé des affaires de l'appelante. Cette hypothèse est renforcée par les fonctions du président telles qu'elles sont décrites dans les résolutions organisationnelles et administratives générales du conseil d'administration de [l'appelante]. Ces fonctions sont ainsi décrites à la pièce A-2, onglet 44, pp. 8-9 :

                [TRADUCTION]

(a) PRÉSIDENT. Le président est le chef de l'exploitation, et il assume les pouvoirs et fonctions qui lui sont attribués par les statuts de la société et par la présente résolution, ainsi que les autres pouvoirs et fonctions que le conseil d'administration peut déterminer. Le président exerce un contrôle et une supervision d'ensemble sur les affaires de la société, sauf si le conseil d'administration en décide autrement.

[44]          Il se dégage de la preuve que M. Wooder n'a pas exercé de contrôle ou de supervision sur les affaires de l'appelante. À l'égard des services administratifs prodigués par Mimetix à l'appelante, M. Wooder a témoigné que ces services n'ont été ainsi fournis par Mimetix que parce que cela coûtait moins cher qu'au Canada. M. Wooder ne savait pas si des frais avaient été déboursés pour les services administratifs, mais il suppose que la somme de 12 000 $ figurant à l'état financier de l'appelante pour l'année correspondait à une rémunération pour ces services. En outre, M. Wooder ne savait même pas qui étaient les dirigeants autorisés à signer pour l'appelante, et il n'avait jamais rencontré l'autre administrateur canadien, M. Budgell. D'autre part, à l'exception de l'acquisition du mélangeur Collette, il n'était au courant d'aucun des contrats signés par l'appelante dans le cadre de l'exploitation de ses affaires. Il semble fort inhabituel pour un administrateur et président de compagnie d'être aussi peu informé. M. Wooder a admis que, si Helix n'avait pas investi 3 millions de dollars dans Mimetix, il n'aurait pas été nommé membre du conseil d'administration de l'appelante. Il est donc erroné d'affirmer, comme le fait l'avocat de l'appelante, que le personnel administratif aux États-Unis agissait sous l'autorité et la supervision du conseil d'administration de l'appelante. M. Eaton ne constituait pas à lui seul le conseil d'administration.

[45]          En effet, d'après la preuve présentée, le seul administrateur qui exerçait un tel contrôle et une telle supervision était M. Eaton, l'administrateur non résidant. C'est lui qui prenait ou approuvait toutes les décisions, la principale étant l'embauche du Dr Teichman, qui a remplacé le médecin canadien, le Dr Bernard. Cette décision a été prise sans l'approbation du conseil d'administration. Il semble que ni M. Wooder, ni M. Budgell ait été consulté à l'époque; du moins, la preuve ne montre pas qu'ils l'aient été.

[46]          Le Dr Teichman était autorisé par M. Eaton à signer les ententes, les factures et les chèques relativement aux affaires de l'appelante. Tout le travail imparti à des sous-traitants était autorisé et approuvé, non par le conseil d'administration, mais par M. Eaton et le Dr Teichman. Cela signifie que Mimetix avait un contrôle de fait sur l'appelante. En effet, la société non résidante Mimetix était, par l'intermédiaire du Dr Teichman et de M. Eaton, tous deux non-résidents du Canada, le décideur de l'appelante. D'autre part, aucune preuve n'a été présentée quant au rôle joué par M. Tedford, le seul dirigeant canadien de l'appelante. Tout ce que nous savons, c'est que Patheon, où M. Tedford travaillait, a investi dans Mimetix en 1994, et non dans l'appelante. Par conséquent, je n'accorderai aucun crédit à l'assertion émise par l'avocat de l'appelante, à l'effet que M. Tedford aurait exercé de l'influence sur l'appelante en 1996. Du moins, la preuve documentaire ne montre pas qu'il en soit ainsi.

[47]          Pour expliquer l'absence de connaissances et d'autorité de M. Wooder, l'avocat de l'appelante a mentionné que l'appelante était une société virtuelle, qui faisait donc appel à des personnes ayant les compétences nécessaires pour s'acquitter de certaines tâches à contrat. Ces sous-traitants s'occupaient non seulement de la mission qui leur était confiée, mais aussi de la gestion de celle-ci. Par conséquent, les administrateurs et les dirigeants n'étaient que très peu informés des activités de l'appelante. Toutefois, cette explication ne concorde pas avec le rôle joué par M. Eaton pendant l'année d'imposition 1996. À titre d'administrateur, il était le seul acteur constamment informé des besoins de l'appelante en matière de compétences, et il a pris les dispositions nécessaires pour y répondre.

[48]          Par ailleurs, bien que l'appelante n'était pas en mauvaise posture comme c'était le cas d'une société dans l'affaire Robson, précitée, (malgré des pertes de 1,6 million de dollars en 1996 et de 2,5 millions de dollars en 1997), j'estime que Mimetix, à titre d'investisseur unique dans l'entreprise de l'appelante en 1996, était en position d'exercer le genre de pression qui lui permettrait d'imposer sa volonté sur la gestion des affaires. Cette conclusion est confirmée, à mon avis, par d'autres exemples montrant que l'appelante n'avait pas avec Mimetix des rapports commerciaux. En effet, il semble que, même si Mimetix a versé 100 000 $US pour acquérir une licence concernant DIAC, une sous-licence a également été consentie à l'appelante à titre gracieux. D'autre part, quand Mimetix a prêté 1,1 million de dollars à l'appelante, elle l'a fait sans demander d'intérêts. En ce qui concerne les services administratifs, la preuve n'est pas claire quant au coût de ces services pour l'appelante, mais, si coût il y a, il était certainement insignifiant. À mon avis, tout cela constitue certainement une forme d'influence économique déterminante exercée par Mimetix sur l'appelante en 1996, et c'est justement ce que l'on veut dire par la définition du contrôle de fait qui se trouve au paragraphe 256(5.1) de la Loi.

[49]          Cela étant dit, et puisque le concept de contrôle a été élargi par l'ajout du paragraphe 256(5.1), je ne pense pas que l'appelante puisse invoquer l'arrêt Zinkhofer précité, qui traitait des pertes en capital essuyées pendant les années d'imposition précédent la modification de la Loi. En effet, une influence économique déterminante n'entraîne pas forcément un contrôle de droit, ce qui, à mon avis, constituait le fondement de l'arrêt du juge Sobier dans l'affaire Zinkhofer.

[50]          D'autre part, le contrôle de fait d'une société peut fluctuer d'un actionnaire à l'autre en raison de facteurs externes, comme l'énonce en termes savants un commentaire cité par l'avocat de l'appelante (D.S. Ewens et S.J. Hugo, « The Effect of Bill C-139 on Certain Corporate Reorganizations » , 88 Canadian Tax Journal 1021, pp. 1032-33) :

[TRADUCTION]

. . . Avec le nouveau critère du contrôle de fait, un actionnaire peut être considéré comme exerçant le contrôle sur une société en raison de changements des conditions économiques, externes ou internes à la société.

Cela aurait été le cas en 1997, avec l'apport d'argent neuf par un nouvel actionnaire, le Fonds de relance, mais ce n'est pas cela qui nous occupe ici.

[51]          Enfin, je ne pense pas que la décision de la Cour d'appel fédérale dans l'affaire Birmount Holdings Ltd., précitée, mentionnée par l'avocat de l'appelante, ait une quelconque pertinence en l'espèce. Dans l'affaire Birmount, la Cour d'appel fédérale devait se pencher sur la question de savoir si le centre de gestion et de contrôle d'une société se trouvait au Canada pour déterminer si la société était un résident canadien. Cette cause ne traitait pas de la question de savoir qui contrôlait la société, mais où était le centre de gestion et de contrôle afin de déterminer la résidence. En tous les cas, je ne suis pas du tout d'accord avec l'assertion de l'avocat de l'appelante selon laquelle Mimetix ne l'emportait pas sur les administrateurs canadiens de l'appelante en termes de décisions relativement aux affaires de l'appelante. Au contraire, la preuve conforte la thèse selon laquelle les administrateurs canadiens ne prenaient absolument pas de décisions concernant les activités de l'appelante.

Conclusion

[52]          De tous les faits présentés, je conclus que l'appelante était en fait contrôlée par Mimetix, l'actionnaire non résidante, en 1996, et qu'elle n'était donc pas une SPCC pendant cette année-là, au sens des paragraphes 125(7) et 256(5.1) de la Loi.

II.             Deuxième question en litige : le mélangeur Collette

[53]          En ce qui concerne la deuxième question en litige, il s'agit de déterminer si le mélangeur Collette avait été utilisé ou acquis en vue de l'utilisation ou d'une location à long terme, à quelque fin que ce soit, avant son acquisition par l'appelante. Si la réponse à cette question est affirmative, l'acquisition du mélangeur Collette devrait être considérée comme une dépense prescrite au sens du sous-alinéa 2902b)(iii) du Règlement, et ne serait donc pas admissible au crédit d'impôt à l'investissement en vertu des paragraphes 127(5) et 127(9) de la Loi. Si, en revanche, la réponse est négative, l'acquisition du mélangeur Collette par l'appelante ne serait pas une dépense prescrite et serait admissible au crédit d'impôt à l'investissement.


Faits

[54]          Le mélangeur Collette était une pièce d'équipement essentielle à la production de l'iode diatomique en poudre. Un modèle tout neuf avait été expédié en avril 1995 à Custom, à Fort Erie, et il n'a été utilisé que dans l'usine de l'appelante à cet endroit. Il a été loué par l'appelante au propriétaire, GEI Processing, Inc.[11].

[55]          Les frais de location s'élevaient à 15 000 $ par mois pour une période de location minimum de six mois et, par la suite, la location devait être renouvelée tous les mois. Le locataire (l'appelante) devait souscrire à ses frais l'assurance nécessaire pour protéger le propriétaire et locateur contre tous les risques touchant l'équipement et contre toute responsabilité civile liée à son utilisation. La montant nominal de l'assurance était de 300 000 $.

[56]          Le contrat de location stipulait que le titre de l'équipement loué demeurait au nom du propriétaire. On y lit également que tous les matériaux devant être traités par l'équipement loué devaient être divulgués au propriétaire en vue de leur approbation avant d'être introduits dans l'équipement. À la fin de la période de location, l'équipement devait être retourné propre et sans aucun résidu, nettoyage qui devait être fait aux frais du locataire. Les frais de matériel et de main-d'oeuvre en cas de réparation ou de remplacement de pièces endommagées ou manquantes devaient être facturés au locataire, à prix coûtant plus 10 pour cent. En outre, le coût des pannes causées par une manipulation abusive, un accident, etc., était à la charge du locataire. Toutefois, le coût d'une panne pendant un fonctionnement normal était à la charge du propriétaire. Le contrat ne prévoyait aucun crédit en vue de l'achat.

[57]          En octobre 1996, soit 18 mois plus tard, l'appelante a acheté le mélangeur Collette au propriétaire de celui-ci, pour 288 241 $ moins un crédit de 50 pour cent correspondant à la location (105 000 $), négocié à ce moment-là afin de réduire le prix d'achat. L'appelante a ensuite émis un chèque au montant de 183 241 $ à l'ordre de GEI Processing Inc.

Arguments de l'appelante

[58]          D'après l'appelante, le mécanisme employé pour financer l'acquisition du mélangeur Collette (une location à long terme suivie d'un achat) ne se distingue pas d'une situation où l'acheteur décide de financer l'acquisition d'un bien à l'aide d'un achat à tempérament. Elle ne conteste pas que l'emplacement physique du mélangeur Collette n'avait pas changé depuis la date de sa livraison à l'usine de Fort Erie, et qu'il n'avait été utilisé que par l'appelante. L'appelante soutient que, si l'utilisateur et locataire d'origine d'un bien admissible devient subséquemment propriétaire de ce bien en l'achetant au locateur d'origine (ce qui est le cas en l'espèce), l'utilisateur devrait avoir droit à un crédit d'impôt à l'investissement à l'égard du coût d'acquisition du bien, et cette dépense devrait être une dépense prescrite au sens du sous-alinéa 2902b)(iii) du Règlement.

Arguments de l'intimée

[59]          L'avocat de l'intimée affirme que l'appelante avait acquis le mélangeur Collette non pas à la signature du contrat de location en avril 1995, mais lors de son acquisition en octobre 1996. Lorsque l'appelante a acheté le mélangeur Collette en 1996, cette pièce d'équipement avait déjà été utilisée.

[60]          L'avocat soutient que l'acquisition d'un bien signifie l'acquisition du titre de propriété de ce bien. À son avis, le contrat de location comporte toutes les caractéristiques d'une location et non d'une vente du bien. En particulier, la clause 5 du contrat[12] stipule que le titre de propriété de l'équipement loué reste au nom du locateur (GEI Processing Inc.). D'autre part, la clause 9 prévoit que le coût des matériaux et de la main-d'oeuvre pour la réparation ou le remplacement de pièces endommagées ou manquantes est facturé au locataire à prix coûtant majoré de 10 pour cent. De l'opinion de l'avocat, si l'appelante avait été propriétaire en vertu du contrat de location, il n'y aurait pas eu de majoration de 10 pour cent.

[61]          L'avocat de l'intimée conclut donc que le mélangeur Collette n'avait été acquis par l'appelante qu'en octobre 1996, et qu'à cette époque, il avait déjà été utilisé. Le mélangeur Collette représentait donc une dépense prescrite au sens du sous-alinéa 2902b)(iii) du Règlement.

Analyse

[62]          Une dépense en immobilisations est une dépense prescrite au sens du sous-alinéa 2902b)(iii) si elle vise l'acquisition d'un bien qui a déjà été utilisé ou acquis en vue de l'utilisation ou de la location, à quelque fin que ce soit, avant son acquisition par le contribuable.

[63]          Il n'est pas contesté que le mélangeur Collette a été utilisé par l'appelante à partir du moment où il a été loué. Il reste à savoir s'il a été acquis par l'appelante au moment de la signature du contrat de location en avril 1995, auquel cas ce n'était pas une dépense prescrite, ou s'il l'a été au moment de son achat définitif en octobre 1996, auquel cas il s'agit d'une dépense prescrite.

[64]          Le sens du mot « acquis » a été examiné dans l'affaire M.N.R. v. Wardean Drilling Ltd., 69 DTC 5194 (C. de l'É. du Canada), où le juge Cattanach devait déterminer si une plate-forme de forage pétrolier avait été « acquise » en vue de décider à quel moment on pouvait se prévaloir de la déduction pour amortissement. Il affirme, à la p. 5197 :

[TRADUCTION]

À mon avis, le critère à utiliser pour déterminer quand un bien a été acquis doit être lié au titre de propriété de ce bien ou aux attributs normaux de la propriété, en réalité ou par présomption, comme la possession, l'usage et le risque.

[65]          Dans l'affaire R. c. Construction Bérou Inc., C.A.F., no A-249-96, 15 novembre 1999 (1999 CarswellNat 2502), une entreprise de crédit-bail avait acquis des camions auprès d'un fournisseur et signé avec le contribuable un contrat de location à long terme pour ces camions, prévoyant un terme de 65 mois et une option d'achat à prix avantageux au 60e mois. Le contrat de location à long terme obligeait le contribuable à indemniser l'entreprise de crédit-bail en cas de perte produite par l'utilisation des camions, et à poursuivre les versements mensuels sans égard à l'utilisation ou à la destruction des camions, tout en l'empêchant de vendre les camions ou de les céder en sous-location. Le contrat stipulait également que le contribuable ne ferait l'acquisition du titre ou du droit de propriété des camions que s'il réglait en entier le prix de l'option d'achat.

[66]          Dans son arrêt majoritaire, la Cour d'appel fédérale a décidé que le contrat de location à long terme n'était pas un contrat ordinaire mais, en fait, un contrat de vente, puisque le contribuable avait acquis la propriété bénéficiaire des camions, même s'il n'avait pas acquis le titre juridique. La majorité des juges a donc estimé que les camions avaient été acquis par le contribuable à la signature du contrat de location à long terme. Dans son jugement dissident, le juge Noël a émis l'opinion que le contrat de location à long terme n'avait aucun effet de vente. Le juge Noël affirme qu'il existe un principe commun de droit contractuel en droit civil et en common law : le principe de l' « intention » des parties pour l'interprétation du contrat qu'elles signent. À son avis, l'intention des parties était que le droit de propriété des camions ne devait pas être transféré au moment de la signature du contrat de location à long terme.

[67]          Ici, j'estime qu'il existe une différence entre les faits qui nous occupent et ceux sur lesquels repose la décision majoritaire dans l'affaire Construction Bérou, précitée. En effet, l'appelante avait convenu de louer l'équipement pour une période minimale de six mois seulement, après quoi la location était renouvelable d'un mois à l'autre. Aucune option d'achat n'était mentionnée dans le contrat de location, qui précisait d'ailleurs qu'il n'y aurait aucun crédit en vue de l'achat.

[68]          De toute évidence, il ne s'agit pas ici d'un contrat de location à long terme avec option d'acheter le bien à un prix nettement plus avantageux que sa juste valeur marchande probable au moment où l'option est exercée. En fait, comme je l'ai déjà dit, le contrat de location ne prévoyait aucune option d'achat, ce qui fait présumer que le propriétaire ne voulait pas s'engager au moment de la signature du contrat (supposition qui est confirmée par la clause selon laquelle aucun crédit ne serait accordé en vue d'un achat). D'autre part, aucune preuve n'a été présentée quant à la juste valeur marchande du mélangeur Collette, à part la clause d'assurance qui propose une valeur approximative de l'équipement loué au moment de la signature du contrat de location. Cette valeur a été fixée à 300 000 $, le prix d'achat étant établi, 18 mois plus tard, à 288 241 $, et réduit de 105 000 $, ce qui correspond seulement à sept mois de loyer. Il ne s'agit pas ici d'une situation, comme dans l'affaire Construction Bérou, précitée, où le locataire se voyait offrir la possibilité d'acquérir le bien à un prix très favorable à l'expiration de la période de location.

[69]          Par ailleurs, ce n'est pas une situation où l'appelante (locataire) assumait tous les risques liés à la propriété. En effet, le coût d'une panne du mélangeur Collette dans le cadre d'une utilisation normale était à la charge du propriétaire.

[70]          Enfin, comme l'a fait remarquer l'avocat de l'intimée, si l'appelante avait acquis le bien au moment de la signature du contrat de location à long terme, il est fort probable qu'elle aurait refusé toute clause du contrat selon laquelle le locataire (l'appelante) devait régler le coût, majoré de 10 pour cent, de la réparation ou du remplacement de pièces endommagées ou manquantes.

Conclusion

[71]          Pour tous ces motifs, je conclus que l'appelante n'a pas fait l'acquisition du mélangeur Collette en avril 1995, au moment de la signature du contrat de location avec GEI Processing, Inc., mais qu'elle l'a acheté en octobre 1996, quand le contrat d'acquisition a été signé.

[72]          Puisque le mélangeur Collette avait déjà été utilisé au moment de son acquisition par l'appelante, l'achat de cette pièce d'équipement constituait une dépense prescrite au sens du sous-alinéa 2902b)(iii) du Règlement et ne donnait pas droit à un crédit d'impôt à l'investissement au sens du paragraphe 127(9) de la Loi.

Décision

[73]          Pour les motifs énoncés ci-dessus, l'appel est rejeté avec dépens.

Signé à Ottawa, Canada, ce 8e jour de novembre 2001.

« Lucie Lamarre »

J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme ce 16e jour de septembre 2002.

Mario Lagacé, réviseur

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

1999-4847(IT)G

ENTRE :

MIMETIX PHARMACEUTICALS INC.,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Appel entendu le 7 mars 2001 à Ottawa (Ontario), par

l'honorable juge Lucie Lamarre

Comparutions

Avocat de l'appelante :                        Me Alan P. Gardner

Avocat de l'intimée :                             Me Richard Gobeil

JUGEMENT

                L'appel de la cotisation établie en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour l'année d'imposition 1996 est rejeté avec frais.

Signé à Ottawa, Canada, ce 8e jour de novembre 2001.

« Lucie Lamarre »

J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme ce 16e jour de septembre 2002.

Mario Lagacé, réviseur

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]



[1]           Voir la pièce A-1, onglet 6.

[2]           Voir la déclaration de revenus, pièce A-1, onglet 4.

[3]           L'appelante ayant déclaré une perte pour son année d'imposition 1996 (voir la pièce A-1, onglet 4).

[4]           Voir la pièce A-2, onglet 44, pp. 58-59.

[5]           Voir la pièce A-2, onglet 44, p. 60.

[6]           Transcription, p. 13.

[7]           Voir la pièce A-3.

[8]           Voir la pièce A-1, onglet 7, pp. 7-8.

[9]           Voir la liste des actionnaires de l'appelante, pièce A-2, onglet 49.

[10]          Voir la pièce A-1, onglet 9.

[11]          Voir la pièce A-2, onglet 39, contrat de location signé en avril 1995.

[12]          Voir la pièce A-2, onglet 39.

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