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Date: 20010821

Dossier: 98-1745-IT-G

ENTRE :

GLENN McCARTHY,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

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Avocat de l'appelant : Me D. Andrew Rouse

Avocat de l'intimée : Me Marcel Prevost

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Motifsdu jugement

(Rendus oralement à l'audience

à Fredericton (Nouveau-Brunswick), le 13 juillet 2001)

Le juge Bowie

[1]            M. McCarthy interjette appel contre des cotisations d'impôt sur le revenu pour les années d'imposition 1992, 1993 et 1994. Ces cotisations, établies selon la méthode de l'avoir net, ont augmenté son revenu de 100 027 $ pour 1992, de 33 818 $ pour 1993 et de 40 086 $ pour 1994.

[2]            Des cotisations fondées sur l'avoir net sont établies par le ministre du Revenu national (le « ministre » ) soit parce que le contribuable n'a pas tenu de livres et registres permettant de déterminer son revenu selon les méthodes comptables ordinaires, soit lorsque les livres et registres tenus par le contribuable sont considérés comme n'étant pas fiables. On a dit qu'une cotisation selon l'avoir net est un instrument de cotisation rudimentaire, ce qui est le cas. Cependant, il y a des situations dans lesquelles le ministre n'a d'autre choix raisonnable que de recourir à ce moyen. Le fait qu'il s'agissait ici d'une telle situation n'est pas contesté par Me Rouse, l'avocat du contribuable.

[3]            En termes simples, la méthode de l'avoir net utilisée pour estimer le revenu consiste à établir un bilan personnel pour le contribuable. Dans la mesure où il le peut, le ministre calcule quels étaient les actifs et les passifs du contribuable au début et à la fin de l'année visée par la cotisation. Il estime en outre les frais de subsistance du contribuable pour l'année. On présume ensuite que ces frais de subsistance, plus toute augmentation d'avoir net ou moins toute diminution d'avoir net durant l'année, correspondent au revenu du contribuable pour l'année, sous réserve de toute autre explication que le contribuable peut avoir quant au changement dans l'avoir net, par exemple l'acquisition d'un héritage ou un coup de chance au casino. Comme dans le cas de toutes cotisations d'impôt, une fois qu'une telle cotisation est établie, le contribuable qui la conteste doit prouver qu'elle est erronée. Les cotisations selon l'avoir net incluent habituellement de nombreuses variables, dont l'une ou l'ensemble peut être attaqué par le contribuable. En l'espèce, Me Rouse n'a pas adopté l'approche, souvent privilégiée, qui consiste à attaquer bon nombre des éléments de la cotisation en vue de soulever un doute. Il a plutôt choisi d'attaquer quatre éléments distincts des calculs relatifs à l'avoir net. Avant de traiter de ces éléments, je voudrais toutefois dire quelques mots au sujet de l'appelant.

[4]            Glenn McCarthy a grandi dans la région de Miramichi au Nouveau-Brunswick, à Blackville ou dans les environs. À un moment donné, il est allé s'installer en Ontario pour y travailler. Il semble y avoir prospéré, du moins en partie, grâce à l'augmentation considérable des valeurs immobilières qu'il y a eu dans les années 1970 et 1980. Lorsqu'il est retourné dans la région de Blackville après avoir pris sa retraite, il avait énormément de liquidités à investir. Fort malheureusement, entre la période considérée en l'espèce et aujourd'hui, il a été grièvement blessé dans un accident de voiture. Il a été inconscient pendant environ six mois et, lorsqu'il a repris connaissance, il avait des lésions cérébrales, ce qui a été la cause d'une perte de mémoire importante. Ainsi, il n'a qu'un souvenir incomplet de ce qui s'est passé au cours des années considérées en l'espèce et aux environs de cette période. Il disait fréquemment au cours de son témoignage qu'il ne se souvenait pas de renseignements dont on se serait attendu qu'il se souvienne dans d'autres circonstances. Je n'ai pas l'impression qu'il disait cela pour être évasif; essentiellement, je crois qu'il essayait de répondre d'une manière complète et véridique aux questions qui lui étaient posées. Malheureusement, il n'était pas toujours capable de le faire. Il doit néanmoins s'acquitter de la charge de la preuve du mieux qu'il peut.

[5]            Je reviens maintenant aux objections de l'appelant à l'égard des cotisations portées en appel. Lorsque, peu avant les années visées par les appels, l'appelant est retourné à Blackville, il a créé la société Blackville Diner and Take-Out Incorporated, que j'appellerai « Diner » . Cette société exploitait un petit restaurant dans le village de Blackville. M. McCarthy en était le seul actionnaire, dirigeant et administrateur. Blackville est une petite agglomération, et Diner était une petite entreprise, dont l'exploitation a toujours été assurée par M. McCarthy et une ou deux autres personnes. Au début, les locaux étaient vétustes et inadéquats, et M. McCarthy a dépensé beaucoup d'argent entre juillet 1991 et juillet 1992 pour les améliorer; il a dépensé à cet égard entre 32 000 $ et 35 000 $. Il a en outre construit un garage au cours de l'été 1994. Diner n'était pas une entreprise rentable. D'après les états financiers consignés en preuve, cette société a déclaré les pertes suivantes : pour 1991, 16 775 $; pour 1992, 29 841 $; pour 1993, 12 729 $; pour 1994, 15 714 $.

[6]            Une fois établi l'avoir net pour le début d'une période visée par une cotisation, toute augmentation des actifs du contribuable pendant cette période a pour effet d'accroître l'estimation du revenu du contribuable pour la période, à moins d'être compensée par des passifs. L'aide-comptable qui a établi les états financiers annuels pour Diner s'est fondé sur l'hypothèse qu'à la perte pour chaque année devaient correspondre des apports en espèces à l'entreprise sous la forme de prêts consentis par M. McCarthy. Ainsi, chaque année, le bilan de la société indique un solde de prêt dû à M. McCarthy supérieur au solde de prêt de la fin de l'exercice précédent, c'est-à-dire augmenté du montant de la perte enregistrée pour l'année venant de se terminer. C'est évidemment une méthode comptable rudimentaire, mais, avec les registres à sa disposition, il est indubitable que c'était le mieux que l'aide-comptable ait pu faire, et ni l'une ni l'autre partie ne contestaient l'utilisation de cette méthode pour arriver au solde du compte de prêt d'actionnaire de M. McCarthy à la fin de chacune des années pertinentes. Toutefois, l'appelant conteste bel et bien le montant des pertes dont il est dit qu'elles ont été subies par Diner au cours de chacune des années considérées en l'espèce. Il prétend que ce montant est trop élevé. S'il a raison, le montant ajouté à son compte de prêt est également trop élevé, de sorte que son avoir net à la fin de l'année est surestimé dans la même mesure.

[7]            Bien qu'elle ne conteste pas que le fait d'avoir surestimé la perte aurait cet effet, l'intimée dit que les pertes n'ont pas en fait été surestimées et que le répartiteur était en droit de se fier comme il l'a fait aux états financiers de Diner pour chacune des années pertinentes. La principale question litigieuse est donc de savoir si ces pertes ont été surestimées et, si elles l'ont été, dans quelle mesure. J'y reviendrai sous peu. Je traiterai d'abord des trois autres questions soulevées par Me Rouse.

Le camion

[8]            La première de ces questions se rapporte au camion. Le répartiteur avait appris que M. McCarthy avait acquis un camion modèle neuf de 1992. Il a inclus le camion dans les actifs de M. McCarthy pour la première fois en 1992. En fait, M. McCarthy avait acquis le camion vers la fin de décembre 1991, de sorte que le camion aurait dû être inclus dans l'avoir net de M. McCarthy au 31 décembre 1991. Le témoignage de M. McCarthy à cet égard est corroboré par des registres d'assurances. Me Prevost, avocat de l'intimée, a tout à fait à juste titre concédé ce point au procès, après que la preuve eut établi que le camion avait été acquis en 1991 et non en 1992. La valeur du camion est de 16 000 $, et ce montant doit être supprimé de l'estimation du revenu pour l'année 1992.

Le garage

[9]            Le répartiteur croyait à tort que le garage avait été construit en 1993. Il estimait la valeur du garage à 15 000 $ et a inclus ce montant dans l'avoir net de M. McCarthy au 31 décembre 1993. Il a dit au cours de son témoignage qu'il s'attendait que M. McCarthy conteste la valeur de 15 000 $ et il a dit qu'il aurait alors cherché à s'entendre sur une valeur avec M. McCarthy. Le garage a en fait été construit en 1994, comme le prouvent les nombreux reçus relatifs à des matériaux. M. Derek Williston, menuisier d'expérience, a au cours de son témoignage émis l'opinion que les matériaux doivent avoir coûté à cette époque environ 4 500 $. Il ne prétendait pas que ce montant était précis, car les prix varient, et des estimations ne sont que des estimations. Par exemple, l'écart de prix pour des portes de garage est considérable, selon la qualité. La porte de garage effectivement achetée et installée a coûté un peu plus que ce que M. Williston avait estimé. Je pense que le montant de 5 000 $ est un montant vraisemblable pour ce qui est des matériaux utilisés dans la construction du garage. Le travail avait été exécuté par un dénommé McCormack. Ce dernier n'a pas été payé pour son travail, a-t-il dit, parce qu'il avait conclu avec M. McCarthy un arrangement en vertu duquel il pourrait se servir du garage, une fois celui-ci construit, pour exploiter une petite entreprise de réparation de moteurs. En fait, cette entreprise n'a jamais vu le jour, et M. McCormack n'a tiré aucun avantage de son travail. Malgré un vigoureux contre-interrogatoire, j'accepte le témoignage de M. McCormack selon lequel ce dernier n'a pas été payé. Le garage n'aurait pas dû être inclus dans les actifs de M. McCarthy en 1993 ni être estimé comme représentant un coût de 15 000 $. Il aurait dû être inclus dans les actifs de M. McCarthy en 1994 et être estimé comme représentant un coût de 5 000 $. Le montant de 15 000 $ devrait être supprimé pour l'année d'imposition 1993. Je reviendrai à la question de savoir si le montant de 5 000 $ devrait être ajouté pour 1994.

Rénovations

[10]          Le point suivant concerne les rénovations faites par Diner. Lorsque les rénovations eurent été faites aux locaux de Diner, l'aide-comptable a, pour des raisons que la preuve n'indique pas, pris ces rénovations en compte en ajoutant 35 000 $, soit plus précisément 34 999,91 $, à la valeur d'immeubles figurant dans le bilan, tout en ajoutant le même montant au compte de prêt d'actionnaire de M. McCarthy, sans aucun doute en s'appuyant sur la thèse que M. McCarthy devait personnellement avoir été la source des fonds ayant servi à payer la main-d'oeuvre et les matériaux. Une grande partie des dépenses ont en fait été effectuées en 1991 et non en 1992, et l'augmentation du compte de prêt de M. McCarthy aurait dû refléter cela. Des pièces justificatives totalisant environ 32 264 $ ont été produites au procès; là-dessus, un montant de 24 401 $ représentait des dépenses effectuées en 1991, et un montant de 7 863 $ représentait des dépenses effectuées en 1992.

[11]          La tenue de registres de l'appelant est telle que je ne peux être convaincu que l'appelant a pu produire toutes les factures relatives à l'ensemble du travail et des matériaux. Le montant de 34 999,91 $ de l'aide-comptable est probablement plus exact. Toutefois, je conviens avec Me Rouse que la somme dépensée en 1991 aurait dû être ajoutée au compte de prêt pour 1991 et que la somme dépensée en 1992 aurait dû être ajoutée au compte de prêt pour 1992. Le droit de M. McCarthy d'être remboursé remonte logiquement à la date à laquelle M. McCarthy a déboursé la somme. Le solde du compte de prêt de M. McCarthy au 31 décembre 1991 devrait donc refléter la somme de 24 401 $ dont M. McCarthy a prouvé qu'elle avait été dépensée en 1991. Cela a pour effet de réduire de ce montant l'estimation du revenu de M. McCarthy pour 1992.

Pertes surestimées

[12]          Je passe maintenant à la question des pertes surestimées de Diner, soit l'aspect le plus inusité des appels. L'appelant affirme que les pertes de Diner ont été surestimées pour chacune des années 1992, 1993 et 1994, de sorte que les augmentations de son solde de prêt d'actionnaire ont également été surestimées, ce qui fait que son avoir net et donc son revenu pour chacune des années ont aussi été surestimés. Cette affirmation se fonde sur une preuve selon laquelle M. McCarthy a, comme dirigeant de Diner, passé de fausses écritures dans les registres de paye de Diner. Ces fausses écritures indiquent relativement à un certain nombre de personnes des salaires qui n'ont jamais été payés. Elles indiquent des dépenses qui n'ont jamais été engagées, ce qui a donc donné lieu à un gonflement de la perte pour chaque année. Si la preuve de cette pratique n'avait été présentée que par l'appelant lui-même, j'aurais été enclin à ne pas l'accepter. Tel n'a toutefois pas été le cas. Quatre particuliers ont témoigné qu'ils avaient été inscrits dans le livre de paye de Diner pendant plus de temps qu'ils avaient en fait travaillé là ou que, dans deux de ces cas, ils avaient été inscrits dans le livre de paye de Diner malgré le fait qu'ils n'avaient jamais travaillé là.

[13]          Jackie Curtis a dit qu'elle avait travaillé à Diner pendant une semaine en 1992, semaine pour laquelle elle n'a reçu aucune paye. Elle a toutefois reçu un relevé d'emploi indiquant qu'elle avait travaillé là pendant plusieurs semaines et elle a reçu un feuillet T4 pour cette année-là indiquant des gains de 3 009 $. Elle a utilisé le relevé d'emploi pour demander et recevoir des prestations d'assurance-chômage. Le grand livre de paye indique qu'on lui a payé une somme brute de 3 009 $.

[14]          Roberta Duffy a également reçu un relevé d'emploi indiquant qu'elle avait travaillé à Diner en 1992. Elle a toutefois témoigné qu'elle n'avait nullement travaillé là. Elle a reçu un feuillet T4 indiquant des gains bruts de 4 150 $ pour l'année, et ce montant a été enregistré dans le grand livre de paye. Elle a témoigné que son père et M. McCarthy étaient amis et que son père s'était arrangé avec M. McCarthy pour qu'elle reçoive ce faux relevé d'emploi. Elle a témoigné qu'elle croit que son père a versé de l'argent à M. McCarthy dans le cadre de cet arrangement, mais elle ne pouvait dire combien.

[15]          Velma Campbell a présenté un témoignage semblable. En 1994, elle avait travaillé à Diner pendant quatre, cinq ou six semaines - elle n'était pas certaine du nombre exact de semaines. Elle a dit qu'elle n'avait nullement été payée, car M. McCarthy lui avait dit qu'il ne faisait pas assez d'argent pour pouvoir la payer. Il pouvait cependant lui remettre un faux relevé d'emploi si elle travaillait sans rémunération, et c'est ce qui est en fait arrivé. On lui a remis un feuillet T4 indiquant des gains de 2 013 $ pour l'année, soit des gains qu'elle n'a jamais reçus. Elle aussi a utilisé le relevé d'emploi pour demander et recevoir des prestations d'assurance-chômage. Elle a dit qu'en échange elle avait versé de l'argent à M. McCarthy, qu'elle connaissait depuis des années, mais elle non plus ne pouvait dire avec certitude de combien d'argent il s'agissait.

[16]          Jo-Anne Burns a dit qu'elle avait travaillé à Diner en 1992, en 1993 et en 1994 et qu'elle n'avait toutefois pas été payée pour ce travail. Elle a cependant bel et bien reçu un faux relevé d'emploi et elle aussi a reçu des prestations d'assurance-chômage sur la foi de ce relevé. Ses feuillets T4 pour les trois années indiquaient des gains bruts de 7 516 $, de 7 754 $ et de 10 113 $ respectivement, et ces mêmes montants figurent dans les registres de paye comme représentant sa paye brute. Jo-Anne Burns avait en outre conclu avec M. McCarthy un arrangement semblable pour sa mère, Doreen Burns. Cette dernière n'a nullement travaillé à Diner, mais a, en 1994, reçu elle aussi un faux relevé d'emploi qu'elle a utilisé pour obtenir des prestations, et on lui a remis un feuillet T4 faisant état de gains de 4 589 $. Ce montant a été indiqué dans le grand livre de paye comme représentant sa paye brute.

[17]          Me Prevost a contre-interrogé tous ces témoins d'une manière approfondie, mais n'a pas ébranlé leurs dépositions. Ces personnes savaient toutes qu'elles commettaient une infraction lorsqu'elles ont demandé des prestations d'assurance-chômage en se fondant sur de faux relevés d'emploi. Elles savaient que c'était une infraction aussi que de produire de fausses déclarations de revenu. Me Prevost arguait que leurs dépositions n'étaient pas crédibles et me demandait de régler cet aspect de l'affaire en conséquence.

[18]          J'ai observé attentivement ces quatre témoins. Je pense qu'il est fort peu probable que ces personnes se parjureraient et qu'elles admettraient sous serment avoir commis de graves infractions si elles ne les avaient pas effectivement commises. Il n'est pas logique de penser qu'elles témoigneraient ainsi simplement pour aider M. McCarthy dans ses appels en matière d'impôt sur le revenu. Tous ces témoins m'ont semblé dire la vérité au mieux de leur connaissance. J'accepte la déposition de ces personnes selon laquelle elles n'ont pas reçu la paye qui a été enregistrée comme leur ayant été versée. Je crois que M. McCarthy et ces quatre personnes estimaient, comme Mme Burns l'a dit au cours de son témoignage, « [...] que les amis sont là pour ça [...] » . M. McCarthy considérait peut-être qu'il améliorait sa réputation dans la communauté en conférant à des personnes des avantages auxquels elles n'avaient pas droit. Quoi qu'il en soit, j'accepte la preuve selon laquelle les écritures comptables relatives à la paye de ces cinq personnes ont été falsifiées, ce qui a donné lieu à une surestimation des pertes de Diner pour les années en question. J'arrive à cette conclusion en me fondant sur mon observation du comportement de Mme Curtis, de Mme Duffy, de Mme Campbell et de Mme Burns et aussi en raison du fait que leurs dépositions représentent un scénario plus probable que l'autre, à savoir que ces personnes se parjuraient pour aider M. McCarthy.

[19]          Je n'accepte toutefois pas la déposition de M. McCarthy selon laquelle lui non plus n'a pas reçu certaines payes enregistrées dans le grand livre de paye de Diner comme lui ayant été versées. J'ai déjà mentionné sa perte de mémoire. Il est illogique de penser qu'il aurait créé un faux registre de paye pour lui-même. Il n'aurait pas été en mesure d'en bénéficier personnellement. Il avait en outre beaucoup à gagner dans cet appel en présentant ce témoignage.

[20]          Une certaine preuve indiquait que des sommes avaient été versées à M. McCarthy par les employés qui ont témoigné ou, dans le cas de Mme Duffy, par son père, ainsi que par Doreen Burns. Toutefois, cette preuve présentée par chacun des témoins était vague au point de n'avoir aucune valeur. Je conclus selon la prépondérance des probabilités que, sur les sommes indiquées comme charges salariales dans le cas de chacun des cinq employés en question, seule la paye nette figurant dans la colonne 10 des feuilles du grand livre de paye n'a pas en fait été versée. J'accepte la preuve selon laquelle les diverses sommes représentant les cotisations au régime de pensions du Canada, les cotisations d'assurance-chômage et les retenues d'impôt ont en fait été versées. Sinon, tout ce procédé aurait rapidement été décelé.

[21]          À première vue, il semble improbable que l'appelant puisse obtenir un certain succès dans cet appel en présentant une preuve de sa propre fraude. On ne m'a cité aucune jurisprudence sur cette question, et je n'en connais aucune. Il ne s'agit pas d'une affaire dans laquelle la question est de savoir si le produit d'une fraude est imposable. À mon avis, dans le cas d'une cotisation selon l'avoir net, les estimations de revenu doivent être confirmées ou infirmées sur la foi des faits dont il est effectivement prouvé qu'ils existaient dans les années considérées dans un appel. En l'espèce, les dépenses ont en fait été augmentées des montants inscrits dans le grand livre de paye et non versés. Les écritures de l'aide-comptable ont fait que ces montants ont été ajoutés au revenu de M. McCarthy déterminé dans les cotisations. Si le répartiteur avait obtenu les renseignements exacts, les cotisations auraient indiqué des montants inférieurs et les cotisations doivent maintenant être corrigées en conséquence.

[22]          Les montants indiqués en trop dans le grand livre de paye pour les trois années en question sont les suivants : en 1992, pour Mme Curtis 2 312 $, pour Mme Duffy 3 185 $, pour Jo-Anne Burns 4 520 $, soit un montant total de 10 017 $, que j'arrondirai à 10 000 $; en 1993, pour Jo-Anne Burns 3 948 $, soit le montant total pour cette année-là; en 1994, pour Jo-Anne Burns 4 841 $, pour Doreen Burns 2 600 $, pour Velma Campbell 2 784 $, soit un montant total de 10 225 $. Ainsi, pour les trois années en question, le résultat est le suivant : pour 1992, il faut déduire du revenu 16 000 $ en raison de la question relative au camion, 24 401 $ en raison de la surestimation du solde de compte de prêt attribuable aux rénovations et 10 000 $ en raison des salaires en trop, soit au total 50 401 $; pour l'année d'imposition 1993, il faut déduire 15 000 $ au titre de la surestimation du garage et 3 948 $ de charges salariales en trop, soit au total 18 948 $; pour l'année 1994, les charges salariales indiquées en trop s'élèvent à un montant de 10 225 $, dont il faut déduire le montant de 5 000 $ relatif à la valeur du garage qui a été payé en 1994 mais enregistré en 1993; bien que le ministre ne puisse porter en appel sa propre cotisation pour 1994, le montant inférieur omis du revenu peut être déduit du montant supérieur inclus à tort; la réduction nette du revenu pour 1994 sera donc de 5 225 $. Des pénalités de presque 40 000 $ avaient été imposées. Me Rouse n'arguait pas qu'il ne convenait pas d'imposer de pénalités en l'espèce. Le montant des pénalités devrait toutefois être rectifié de manière à refléter la réduction du revenu pour chacune des années considérées en l'espèce. J'estime actuellement qu'il ne convient pas en l'espèce d'allouer des dépens à l'une ou l'autre partie.

Addendum

[23]          Après que, le 13 juillet 2001, j'ai rendu oralement les présents motifs du jugement, les avocats des parties ont eu la possibilité de présenter des observations quant aux dépens. Ni l'un ni l'autre ne l'a fait, et j'ai donc signé le jugement admettant les appels et déférant les cotisations au ministre pour nouvel examen et nouvelles cotisations selon les présents motifs, sans rendre d'ordonnance quant aux dépens.

Signé à Ottawa, Canada, ce 21e jour d'août 2001.

« E. A. Bowie »

J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme ce 23e jour de septembre 2002.

Mario Lagacé, réviseur

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