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Date: 20020321

Dossier: 2001-2037-IT-I

ENTRE :

ANIS MIKHAIL,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

Le juge Hershfield, C.C.I.

[1]            Le présent appel sous le régime de la procédure informelle est interjeté à l'encontre de nouvelles cotisations pour les années d'imposition 1997 et 1998 de l'appelant. Le ministre, dans ces nouvelles cotisations, rejette la déduction de certains frais - impôt foncier, charges condominiales, frais de services publics, frais de véhicule à moteur et frais de déplacement - afférents à un bien locatif appartenant à l'appelant.

[2]            Le bien locatif en question était une unité condominiale du nord-ouest de la Floride qui a subi des dommages à cause d'ouragans en 1995 et qui a été retirée du marché locatif en 1996. La réparation des dommages causés par les ouragans en 1995 s'est faite dans les années considérées en l'espèce et pendant un certain temps après. Durant cette période de réparation, le bien en cause n'était pas dans un état convenable pour la location. Comme ce bien n'a généré aucun revenu pendant les années considérées en l'espèce, une perte correspondant au montant total des dépenses déduites pour chaque année a été subie.

[3]            Le fondement des nouvelles cotisations est quelque peu déroutant, et il est difficile d'en traiter. L'intimée se fonde sur différentes dispositions de la Loi, dont l'une quelconque pourrait donner lieu au rejet de l'appel. Toutefois, le principal fondement des nouvelles cotisations, ajouté par voie de requête interlocutoire au début du procès, était le paragraphe 18(3.1) de la Loi, qui entraînerait le rejet des déductions demandées, mais qui, contrairement à d'autres dispositions invoquées, en permettrait la capitalisation (inscription au compte des coûts), ce qui réduirait l'impôt pour une année ultérieure non considérée en l'espèce.

[4]            En termes très généraux, le paragraphe 18(3.1), lu de concert avec le paragraphe 18(3.3), s'applique durant la période de construction, de rénovation ou de transformation d'un bien et ne permet pas de déduire certaines dépenses, comme celles qui ont été déduites pour les années considérées en l'espèce, tant que ne peut commencer l'utilisation pour laquelle la construction, la rénovation ou la transformation du bien a été entreprise. De telles dépenses non admises ne peuvent abriter le revenu même après le commencement d'une telle utilisation, mais, comme je l'ai dit, elles peuvent être capitalisées. Quoique cette disposition puisse s'appliquer dans ce cas-ci, d'aucuns pourraient arguer que l'issue estoppel (préclusion fondée sur la chose jugée) ne se pose pas quant à savoir si cette disposition réduit l'impôt pour une année ultérieure si l'application de cette disposition est remise en question après la vente du bien en cause. Normalement, c'est pour l'année pour laquelle se pose une obligation fiscale particulière que notre cour peut statuer - même concernant des événements d'années antérieures influant sur l'obligation fiscale pour cette année ultérieure. Quoique ce puisse sembler être un faux-fuyant, l'application de ce paragraphe dans les circonstances factuelles de l'espèce s'est révélée quelque peu difficile et a amené la Cour à conclure, sans conviction, que ce qu'il faut faire est de rejeter l'appel selon le fondement de la nouvelle cotisation. Sinon, l'appelant pourrait avoir été dans une situation plus avantageuse en n'interjetant pas appel.

[5]            Il est également à noter que j'ai accueilli la requête visant la modification de la réponse à l'avis d'appel parce qu'en définitive il semblait probable que cela aiderait l'appelant en l'espèce et parce qu'a été présenté un élément de preuve selon lequel telle est la disposition sur laquelle s'est effectivement fondée l'agente des appels qui a ratifié la nouvelle cotisation. J'ai toutefois pris une telle décision en étant conscient que, à cause de cette modification tardive, l'appelant pourrait avoir plus de difficulté à répliquer. La réponse à l'avis d'appel ne doit pas confondre l'appelant concernant les points à aborder, la preuve à présenter et les arguments à invoquer. Tel peut être l'effet de modifications de dernière minute apportées à des actes de procédure. Pour ces raisons, j'ai offert à l'appelant d'ajourner l'audience pour qu'il puisse examiner la modification ou se faire aider dans l'examen de la modification. Je crois qu'il a compris le choix qu'il était invité à faire, mais il a décliné cette invitation.

[6]            Ayant exprimé ces réserves initiales, je décrirai brièvement le fondement de la cotisation expliqué par l'agente des appels, qui a témoigné au procès. Les dépenses avaient initialement été refusées pour le motif qu'il n'y avait pas d'attente raisonnable de profit à l'égard de l'activité qui avait été entreprise. L'agente des appels a abandonné cette approche, mais, initialement du moins, elle voulait ratifier la cotisation en se fondant sur le fait que l'alinéa 18(1)a) de la Loi ne permettait pas de déduire les dépenses déclarées, car l'activité locative avait cessé dans les années considérées en l'espèce. Il n'y avait aucune activité productive de revenu à l'égard de laquelle des dépenses pouvaient être déduites. Toutefois, comme l'activité locative avait cessé à une époque où le bien locatif faisait l'objet d'une reconstruction majeure, l'agente des appels a estimé que refuser ainsi la déduction des dépenses était sévère. Par conséquent, a-t­-elle témoigné, elle a fini par ratifier la cotisation en se fondant sur le fait que le paragraphe 18(3.1) s'appliquait. Contrairement à l'application de l'alinéa 18(1)a), cette approche reconnaissait au moins que les dépenses en cause s'ajoutaient aux coûts. Cependant, comme le montrera mon analyse, on ne peut traiter du paragraphe 18(3.1) sans d'abord examiner l'alinéa 18(1)a), en vertu duquel on ne peut déduire une dépense qui n'a pas été engagée en vue de gagner un revenu. L'analyse exige un examen détaillé des faits.

FAITS

[7]            Le bien en cause a été acquis par l'appelant en avril 1994. J'accepte le témoignage de l'appelant selon lequel le bien en cause a été acquis comme bien locatif qui, estimait l'appelant, pourrait générer un revenu de location net. L'appelant a témoigné que, avant de venir au Canada, il avait géré des biens locatifs que sa famille avait en Égypte et qu'il n'était donc pas inexpérimenté relativement à de telles activités. Plus récemment, en 1993, il avait converti en bien locatif un appartement condominial de Winnipeg réservé à son usage personnel et il a exploité ce bien locatif à profit. Une telle activité locative rentable est confirmée dans la réponse à l'avis d'appel, en ce que celle-ci reconnaît un revenu provenant de l'appartement condominial de Winnipeg d'un montant de 7 260 $ pour 1997 et de 6 293 $ pour 1998, ainsi que des déductions de dépenses de 5 278 $ pour 1997 et de 5 414 $ pour 1998. Un historique plus complet du revenu net provenant du bien locatif de Winnipeg figure à l'annexe 8 de la réponse à l'avis d'appel. Cette annexe indique un revenu net de 1 312 $ pour 1996. Il y avait eu pour 1994 et 1995 des pertes nettes de 4 147 $ et de 1 185 $ respectivement.

[8]            L'appelant a témoigné que sa décision en 1994 d'acquérir un autre bien locatif, cette fois en Floride, se fondait sur son désir de diversifier son portefeuille d'investissements de manière à inclure un autre bien locatif. Le choix de la Floride comme emplacement représentait des difficultés, ainsi que des dépenses, du fait que l'appelant devrait s'occuper personnellement de certaines opérations, mais l'appelant avait déterminé qu'il pourrait tirer un revenu positif de la location de cet appartement condominial, tout en ayant une certaine attente en ce qui concerne l'appréciation du capital. J'accepte ce témoignage et reconnais donc que des dépenses courantes engagées dans l'exploitation de l'appartement de la Floride seraient déductibles dans le cadre normal de la détention de cet appartement comme bien locatif.

[9]            L'appelant a témoigné que, contrairement à ce qu'il en était dans le sud de la Floride, la pointe touristique saisonnière dans le nord-ouest de la Floride, où se trouvait son appartement condominial, était en été. En d'autres termes, son appartement condominial était situé dans une station balnéaire d'été qui connaissait en été sa période locative de pointe, d'une durée d'environ trois mois et demi. L'appelant a témoigné que l'activité locative diminuait pendant le reste de l'année, mais des éléments de preuve indiquaient qu'il y avait tout de même une certaine activité pendant les mois d'hiver grâce à la présence de « retraités migrateurs » . Quoi qu'il en soit, les taux locatifs saisonniers les plus élevés étaient les taux estivaux, et il a été reconnu que l'été était la principale saison locative.

[10]          L'appelant a reconnu qu'il utilisait personnellement l'appartement condominial de la Floride pendant environ un mois chaque année. Il a témoigné qu'il l'utilisait ainsi chaque année entre décembre et janvier, période où l'unité locative était plus difficile à louer. Il a témoigné qu'il était nécessaire de se rendre là où se trouvait le bien locatif et qu'il choisissait chaque année cette période de ralentissement se situant entre décembre et janvier pour aller là-bas afin de s'occuper de questions exigeant son attention personnelle. Il lui fallait inspecter ce bien et il fallait qu'il habite quelque part. Du point de vue des frais, habiter cette unité représentait le choix le moins coûteux. D'autre part, l'appelant a continué à utiliser l'unité pendant la même période au cours des années considérées en l'espèce et des quatre années suivantes, alors que l'unité n'était pas louée. Quoique l'on ne doive pas être pénalisé à cause de l'emplacement d'un investissement et que le fait de se rendre à l'endroit en question soit conforme aux exigences d'une entreprise, la régularité et la durée de ces visites - avec ou sans activité locative - indique l'existence d'un élément personnel.

[11]          En 1994, l'appartement condominial de la Floride a généré 7 676 $ de revenus bruts. En 1995 et en 1996, il en a généré 11 591 $ et 5 200 $ respectivement. En 1997 et en 1998, il n'a généré aucun revenu de location.

[12]          Il n'y avait aucun différend quant à la raison pour laquelle le bien n'avait généré aucun revenu de location en 1997 et en 1998. De même, il semble qu'il ne puisse guère y avoir de différend quant à la raison pour laquelle les revenus ont chuté en 1996 comparativement à 1995 et même quant à la raison pour laquelle les revenus en 1995 ont été inférieurs aux attentes de l'appelant. Depuis l'acquisition du bien en 1994, trois ouragans consécutifs avaient frappé toute l'agglomération où se trouvait l'appartement condominial de la Floride.

[13]          Pour aider à comprendre l'impact des ouragans, l'appelant a donné une description utile du bien situé en Floride et il a notamment fourni des photographies. L'unité de l'appelant faisait partie d'un complexe d'habitations condominiales (les tours Shoreline) situé à Destin (Floride) ou à proximité, sur une péninsule en L accessible par une seule route et un seul pont. L'appelant a témoigné que, en 20 ans, il n'y avait eu aucun problème d'ouragan à cet endroit et dans les environs. Il a consigné en preuve une liste des 30 ouragans les plus destructeurs en termes de dollars survenus aux États-Unis de 1900 à 1996. Cette liste provenait d'un site Web, qui, a témoigné l'appelant, était un site du gouvernement. L'intimée ne s'est pas opposée à ce que cette liste soit consignée en preuve et n'en a pas contesté l'authenticité ou l'exactitude. La liste indique que l'ouragan Eloise a frappé le nord-ouest de la Floride en 1975. L'ouragan suivant (assez gros pour être mentionné dans la liste) a été l'ouragan Alberto, qui a frappé le nord-ouest de la Floride en 1994. L'appelant a témoigné que cet ouragan était passé après qu'il eut acheté l'unité en cause. L'ouragan suivant qui a frappé la région est survenu en août 1995. Il s'agit de l'ouragan Erin, qui est le quinzième ouragan le plus destructeur en termes de dollars à avoir frappé les États-Unis en 96 ans et qui a causé 700 millions de dollars de dommages dans la région comprenant, outre le nord-ouest de la Floride, le centre de la Floride et le sud-ouest de l'Alabama. Le dernier et le pire des ouragans a été l'ouragan Opal, qui a frappé le nord-ouest de la Floride en octobre 1995. L'ouragan Opal, qui est le quatrième le plus destructeur en termes de dollars à avoir frappé les États-Unis en 96 ans, a causé des dommages s'élevant à trois milliards de dollars dans la région comprenant non seulement le nord-ouest de la Floride, mais aussi le nord-ouest de l'Alabama. On ne conteste pas le fait que l'ouragan Opal a dévasté la région de Destin.

[14]          Dans sa réponse à l'avis d'appel, l'intimée disait que l'ouragan Andrew avait affecté l'endroit en cause en 1992. Cependant, d'après la liste présentée par l'appelant, cet ouragan a frappé la côte sud-est de la Floride et la Louisiane et n'a pas touché le nord-ouest de la Floride, où était située l'unité de l'appelant. La preuve que l'appelant a déposée étaye donc son témoignage selon lequel il avait des raisons de croire que, historiquement du moins, Destin ne comportait pas les risques d'ouragan liés à certaines parties du sud de la Floride. Quoi qu'il en soit, la réponse de l'intimée à l'avis d'appel reconnaît que l'ouragan Erin a frappé Destin en août 1995 et que l'ouragan Opal a frappé Destin en octobre 1995. L'intimée admet que l'ouragan Erin a fait que l'unité en cause n'a pas été disponible pour location pendant une partie d'août 1995 et elle admet également que l'ouragan Opal a causé de sérieux dommages à l'ensemble du complexe des tours Shoreline, où se trouvait l'unité en cause, ainsi que dans toute la région de Destin (Floride).

[15]          Les dommages causés à l'unité de l'appelant par ces ouragans n'ont pas empêché l'appelant d'occuper l'unité en décembre 1995 ou d'en tirer un certain revenu de location en 1996. Toutefois, certains dommages causés à l'unité de l'appelant et à la tour dans laquelle se trouvait son unité n'ont été réparés qu'en 2001. Il n'y avait pas d'éléments de preuve quant à savoir en quoi avaient consisté les réparations faites à la tour dans son ensemble, mais l'appelant a témoigné que, pour ce qui était de son unité, les dommages concernant l'étanchéité des fenêtres et les dommages causés au béton et à la balustrade du balcon n'avaient été réparés qu'en 2001. Ces dommages et d'autres facteurs résultant tous des ouragans ont contribué à ce que l'unité soit retirée du marché locatif en 1996.

[16]          Bien que l'étendue des dommages causés par l'ouragan Opal ne soit pas contestée, il semble nécessaire en toute justice de donner un certain nombre de précisions à cet égard, pour décrire les circonstances dans lesquelles l'appelant s'est trouvé et auxquelles il lui fallait réagir.

[17]          L'appelant a consigné en preuve une carte postale illustrée montrant la seule route donnant accès aux tours Shoreline. Qu'il suffise de dire que cette route avait l'air non plus d'une route, mais simplement d'une partie ravagée de la côte. L'appelant a également témoigné que le seul pont donnant accès aux tours Shoreline avait été sérieusement endommagé et que les réparations faites au pont et à la route avaient pris plus d'un an.

[18]          Les tours Shoreline - en fait, toute la région de Destin -, qui avaient été avantagées comme attraction touristique estivale, étaient devenues une destination menacée par les ouragans, après avoir été frappées par trois de ces ouragans entre l'été 1994 et l'automne 1995. En tant qu'attraction touristique, la région en avait évidemment été affectée et allait l'être encore pendant un certain temps.

[19]          Les annexes de la pièce R-1 de l'intimée fournissent des éléments de preuve quant à la situation ayant cours aux tours Shoreline pendant les années en cause et les années subséquentes. Le complexe comprenait au moins trois tours, un certain nombre de maisons en rangée et des parties communes, y compris une piscine. Le fait que l'unité de l'appelant - dans la tour III - était en état pour être occupée à la fin de 1995 et que, d'après des reçus de location, elle était apparemment en état pour être louée en 1996 ne décrit pas pleinement l'état général du complexe ou l'état de l'unité à titre de bien locatif.

[20]          Des dommages ont été causés à tous les bâtiments et à toutes les parties communes. Après l'ouragan Opal, l'association condominiale n'avait plus les moyens d'offrir aux propriétaires un programme de location sur place lucratif qui avait été établi en février 1995. Ce n'est qu'à la fin de 1999 que l'association a proposé de rétablir le programme de location sur place. En mars 2000, le programme de location de l'association était en cours, et un avis (annexe 4 de la pièce R-1) indiquait qu'il y avait une liste d'attente de locataires ayant demandé des réservations et qu'il n'y avait pas suffisamment d'unités locatives disponibles par rapport à cette liste d'attente. Les membres de l'association (y compris l'appelant) étaient exhortés à adhérer au programme de location de l'association. L'appelant avait demandé des renseignements à l'association et avait été avisé le 20 septembre 2000, comme l'indique l'annexe 1 de la pièce R-1, que l'association ne cherchait pas à louer des unités de la tour III tant que les réparations n'étaient pas terminées. Cela est conforme au témoignage de l'appelant selon lequel les dommages causés au complexe - en fait, à sa propre unité - n'ont fini par être complètement réparés qu'environ cinq ans après avoir été causés par l'ouragan Opal. L'appelant n'avait pas de contrôle sur le calendrier de réparation.

[21]          La correspondance du 20 septembre indique en outre que l'association avait des réservations de « retraités migrateurs » pour toutes les unités inscrites au programme (sauf une) et que, en présumant que les travaux de construction relatifs à la tour où se trouvait l'unité de l'appelant seraient terminés à temps, l'association prenait des réservations concernant cette tour pour la période commençant le 1er janvier 2001. L'appelant avait été invité à adhérer au programme de location en fonction de cela. Il n'a pas inscrit son unité au programme de location, mais il semble que son unité n'aurait quand même pas été louée au mois de janvier 2001, car, comme je l'ai mentionné, la réparation de la tour où se trouvait l'unité de l'appelant n'a été terminée qu'à un moment donné en 2001.

[22]          Malgré la situation existant après l'ouragan Opal et en dépit de l'effondrement du programme de location sur place, l'appelant avait pu retenir les services d'un agent de location indépendant, de la région, pour poursuivre les activités locatives en 1996. Cela explique les revenus pour 1996. Toutefois, a témoigné l'appelant, l'agent a été malhonnête, et continuer d'exploiter le bien comme unité locative dans les circonstances se révélait impossible. Les réparations ou le manque de réparations rendaient le complexe bruyant, poussiéreux et probablement peu sûr; de plus, l'état des aménagements du complexe et de la région n'était pas propice à la location. De l'avis de l'appelant, l'unité ne convenait pas à la location. Le fait qu'un agent sans scrupules ait pu trouver un locataire est à mon avis insuffisant dans ces circonstances pour permettre de conclure que le bien convenait à la location en 1996 ou dans les années considérées en l'espèce. Si l'agence de location sur place - qui était fiable, honnête et qui cherchait des locaux à louer en l'an 2000 - ne considérait pas l'unité de l'appelant comme convenant à la location, que pouvait espérer de mieux l'appelant comme corroboration quant au fait qu'il avait déterminé que son unité ne convenait pas à la location? En outre, l'économie de la région avait changé d'après l'appelant. Les perspectives concernant l'unité en tant que bien locatif viable avaient changé. L'appelant a témoigné qu'il avait donc fait la seule chose qu'il estimait qu'il pouvait faire. Il avait mis son unité en vente. Quoique cela tende à étayer le point de vue selon lequel l'activité locative était absolument terminée, je fais remarquer que l'appelant n'a pas dit qu'il n'aurait pas recommencé à louer l'unité si elle avait été réparée plus tôt. Cela ne pouvait simplement pas être fait dans les années considérées en l'espèce, et le fait de mettre le bien en vente ne l'empêchait pas de reprendre l'activité locative. Dans les circonstances, je crois qu'il est juste de dire que la possibilité d'un revenu futur existait encore, quoique l'appelant ait admis que son but en détenant le bien dans les années considérées en l'espèce était de vendre ce bien.

[23]          L'unité a initialement été mise en vente pour une période de six mois, à la fin de laquelle le mandat de vente a été renouvelé pour une autre période de six mois, et ainsi de suite jusqu'à ce que, en 2001, le bien finisse par se vendre. Jusqu'à ce que l'unité se vende, l'appelant a continué à en payer les frais et a continué à y habiter pendant environ 30 jours entre décembre et janvier chaque année. À cause de l'état des aménagements de la région et du complexe tout au long de cette période, l'appelant continuait à croire que louer l'unité ne représentait pas une solution viable. Je suis d'accord.

[24]          Pour récapituler brièvement, il est clair que l'ouragan Opal a eu un effet perturbateur à long terme sur le potentiel de l'unité à titre de bien locatif. Non seulement il a contribué à affaiblir l'économie de la région pendant une longue période, mais il a notamment rendu le complexe où se trouvait l'unité moins attrayant comme bien locatif pour touristes. Il a fallu des années pour terminer complètement la réparation du complexe et, tout au long de cette période, les aménagements de la région et du complexe n'étaient pas propices à la jouissance paisible d'une destination de villégiature. Même en septembre 2000, la tour où se trouvait l'unité de l'appelant n'était pas considérée comme suffisamment restaurée pour être incluse dans le programme de location sur place qui avait été rétabli avec succès.

Position de l'intimée à l'égard des cotisations

[25]          Comme je l'ai mentionné précédemment, Revenu Canada a d'abord établi pour les années en cause des cotisations et refusé la déduction des pertes pour le motif qu'il n'y avait pas d'attente raisonnable de profit relativement à l'exploitation de l'entreprise de location. À l'étape de l'opposition, la division des appels a renoncé à la position relative à l'attente raisonnable de profit en faveur d'une position fondée sur l'alinéa 18(1)a). La raison de ce changement afférent aux nouvelles cotisations de l'intimée était que, d'après l'agente des appels, les années en cause faisaient encore partie des années de démarrage et que la doctrine d'attente raisonnable de profit ne semblait donc pas s'appliquer. De plus, cette doctrine serait moins susceptible de s'appliquer dans la mesure où les pertes étaient attribuables à des circonstances sur lesquelles l'appelant n'avait aucun contrôle. Renoncer à la doctrine d'attente raisonnable de profit - comme fondement des nouvelles cotisations - en faveur de l'application de l'alinéa 18(1)a) n'est pas susceptible de changer l'analyse à mon avis du moins concernant le fait de permettre la déduction de dépenses après qu'une source de revenu a été supprimée.

[26]          En appliquant l'alinéa 18(1)a), l'agente des appels se fondait sur le fait qu'il n'y avait aucune activité productive de revenu en 1997. L'appelant avait alors cessé de chercher à louer le bien. Après 1996, il détenait le bien simplement afin de le vendre. Les dépenses relatives à 1997 et à 1998 n'ont pas été engagées pour gagner un revenu de location et, de l'avis de l'agente des appels, l'alinéa 18(1)a) en empêcherait la déduction. Autrement dit, indépendamment de la raison pour laquelle le bien n'était pas loué, il n'y avait aucune intention de gagner un revenu durant les années en cause grâce aux dépenses engagées ces années-là. Appliquer l'alinéa 18(1)a) semblait toutefois sévère dans les circonstances, de sorte que l'agente des appels a appliqué le paragraphe 18(3.1), qui, de par sa formulation expresse, semblait également s'appliquer au cas de l'appelant. Comme je l'ai mentionné précédemment, cette disposition permettait la capitalisation des dépenses.

Position de l'appelant

[27]          L'appelant affirme que le bien en cause était un bien locatif à l'égard duquel les dépenses courantes ont à bon droit été déduites. Il invoque l'affaire McGovern c. La Reine, C.F. 1re inst., nos T-3088-90 et T-3089-90, 24 mai 1994 (94 DTC 6527), à l'appui de la déductibilité de dépenses engagées durant une phase de liquidation afférente à une activité locative. Il pourrait avoir été utile à l'appelant de témoigner que, à défaut d'une vente opportune, il espérait louer le bien, mais il n'a pas témoigné que tel était le cas. Comme je l'ai mentionné, il ne voyait simplement pas cela comme pouvant être fait à l'époque.

[28]          L'appelant n'a formulé aucun argument quant à l'application du paragraphe 18(3.1), comptant sur la Cour pour examiner la question de savoir si ce paragraphe s'appliquait bel et bien aux circonstances propres à l'appelant, c'est-à-dire compte tenu du fait que l'absence d'activité locative dans les années en cause résultait directement d'une série de catastrophes naturelles. Évidemment, les réparations aussi résultaient directement de telles catastrophes et n'étaient pas de ce point de vue la cause ou raison sous-jacente au fait que l'unité n'était pas utilisée aux fins prévues.

ANALYSE

[29]          En ce qui a trait à l'alinéa 18(1)a), je suis enclin à dire qu'il ne doit pas être si facilement appliqué simplement parce que le bien productif de revenu est à vendre pendant une longue période de privation de revenu, notamment dans des cas comme celui-ci où la longue période de privation de revenu est attribuable à des conditions extraordinaires sur lesquelles le contribuable n'avait pas de contrôle et auxquelles il ne pouvait s'attendre. Le bien en cause avait été acquis et était détenu comme bien locatif. Il continuait d'être un bien locatif même lorsque le flux de revenu a cessé. Lorsque le caractère du bien n'a pas changé, on ne doit pas, avant d'examiner la question des dépenses, si facilement rejeter l'existence d'un but qui consiste à gagner un revenu. En d'autres termes, pourvu que le bien n'ait pas été affecté à un autre usage auquel il pourrait être plus approprié de rattacher de telles dépenses, il demeure un bien locatif, et les dépenses courantes engagées, y compris pendant que le bien ne génère pas un revenu, ne doivent pas être si facilement refusées comme n'ayant pas été engagées en vue de gagner un revenu. Quoique ceci aille à l'encontre du courant de pensée actuel, je pourrais aller jusqu'à dire que, même si le flux de revenu d'une entreprise a complètement cessé, il faut prendre en compte une période raisonnable de liquidation, période pour laquelle des dépenses afférentes à la détention du bien doivent être admises. Il s'agit de frais liés au processus consistant à gagner un revenu, lequel processus inclut des frais de démarrage et des frais de liquidation. Le fait que des dépenses engagées vers la fin de la vie d'une entreprise puissent se rapporter à un revenu gagné dans une année précédente ne doit pas nécessairement être fatal pour la déductibilité de ces dépenses lorsqu'il s'agit de dépenses faisant nécessairement partie de l'activité productive de revenu, quoiqu'elles n'aient pas été engagées durant les années productives de revenu. Prendre en compte de telles dépenses donne une image plus fidèle du profit ou de la perte provenant d'une activité particulière. Ainsi, relativement au critère de l'objet énoncé à l'alinéa 18(1)a), il ne faut pas exiger que l'objet soit strictement prospectif, bien que ce soit ainsi que l'alinéa 18(1)a) a toujours été appliqué. Après tout, cet alinéa ne dit pas « en vue de tirer un revenu à l'avenir » .

[30]          Quoique l'appelant n'ait nullement exploité le marché locatif dans les années considérées en l'espèce, je n'ai pas conclu que l'activité locative était terminée. Le bien n'était pas dans un état convenable pour la location, mais des perspectives de location existaient encore, malgré la décision de l'appelant de mettre le bien en vente dans les années en cause. Même un critère subjectif de l'objet ne doit pas empêcher la Cour de prendre en compte de telles perspectives lorsqu'il n'y a pas de changement quant à l'utilisation du bien.

[31]          Le bien n'était pas devenu un élément d'inventaire de l'appelant. Ni l'une ni l'autre partie n'ont argué qu'il était devenu un élément d'inventaire. En outre, la jurisprudence dans ce domaine étaye le fait de ne pas considérer dans ces circonstances qu'il y a eu un changement d'utilisation de sorte que le bien est devenu un élément d'inventaire. La seule intention de vendre une immobilisation ne fait pas du vendeur un commerçant. Il faudrait qu'il s'agisse d'un commerce, ce qui n'est pas le cas lorsque des immobilisations d'une entreprise sont simplement mises en vente. Le bien liquidé demeure une immobilisation, et l'on peut soutenir qu'il faut également considérer qu'il conserve son caractère de bien détenu en vue de gagner un revenu, même si, à cause d'événements perturbateurs commandant la liquidation, le bien ne peut générer un revenu durant cette période.

[32]          La question suivante est de savoir si l'immobilisation en cause était devenue un bien réservé à un usage personnel. Il s'agit en l'espèce d'une question à deux volets. Premièrement, il y a eu une utilisation personnelle continue du bien pendant un mois chaque année, ce qui pourrait indiquer que l'utilisation globale était devenue une utilisation personnelle, de sorte que les dépenses en cause seraient à juste titre refusées en vertu des alinéas 18(1)a) ou 18(1)h); deuxièmement, le bien a été détenu pour récupération de l'investissement de façon à minimaliser la perte ou à accroître le gain relatif au bien, ce qui, puisqu'il ne s'agit pas d'une utilisation productive de revenu, pourrait indiquer que l'utilisation avait changé de sorte que les dépenses en cause seraient à bon droit refusées en vertu de l'alinéa 18(1)a). Dans le premier cas, la capitalisation des dépenses en cause est clairement inappropriée et, dans le second cas, quoique l'on puisse soutenir qu'une capitalisation est appropriée, aucune disposition de la Loi ne semblerait permettre la capitalisation de telles dépenses courantes (à moins que le paragraphe 18(3.1) s'applique comme l'affirme l'intimée).

[33]          Quant à savoir si le bien en cause était devenu un bien réservé à une utilisation personnelle, je conclus que tel n'était pas le cas. En l'espèce, l'appelant était prisonnier de circonstances indépendantes de sa volonté. Il était prisonnier d'un investissement à l'égard duquel il devait payer des frais de possession. L'investissement avait été fait pour gagner un revenu. La Cour n'a pas à dicter les mesures nécessaires dans ces circonstances, pourvu que les mesures qui ont été prises soient raisonnables. Le fait de mettre le bien en vente pendant qu'il n'était pas dans un état convenable pour la location était non seulement raisonnable, mais probablement prudent. Cela ne reflétait pas un changement d'utilisation.

[34]          Quoiqu'il ne semble pas y avoir de jurisprudence concernant l'application de l'alinéa 18(1)a) à des dépenses relatives à une période de liquidation, une comparaison pertinente pourrait être faite avec des causes d'attente raisonnable de profit dans lesquelles on a formulé des observations sur la déduction de pertes subies lors de périodes de liquidation. Il est à noter que la doctrine d'attente raisonnable de profit se résume souvent à la question de savoir s'il existe une source de revenu. Lorsqu'une source effective ou potentielle a été liquidée ou est en cours de liquidation, il ne peut y avoir une source de revenu, à moins que l'on considère qu'il continue d'y en avoir une pour quelque raison. La question de l'autorisation de prendre en compte une source dans une affaire d'attente raisonnable de profit lorsque cette source a été liquidée ou était en voie de liquidation correspondrait, me semble-t-il, à la question qui se pose dans l'examen de l'application de l'alinéa 18(1)a), qui exige que le but de la dépense soit de tirer un revenu d'une source. Quoi qu'il en soit, dans une affaire récente entendue sous le régime de la procédure informelle, à savoir l'affaire Heard c. Canada, 2001 A.C.I. 554, le juge Miller a conclu que la doctrine d'attente raisonnable de profit ne doit pas être appliquée relativement à une période raisonnable de liquidation. Je souscris à ce point de vue et affirme qu'il reconnaît implicitement la déductibilité de dépenses engagées pendant une période raisonnable de liquidation où s'est arrêté le flux de revenu attribuable à une source antérieure. L'alinéa 18(1)a) imposerait un point de vue contraire, à moins qu'il permette aussi que le but d'une dépense puisse être lié au but de la détention du bien, ce qui inclut le but historique lorsqu'aucun but nouveau ne l'emporte.

[35]          L'affaire McGovern invoquée par l'appelant étaye également ce point de vue dans une certaine mesure. Dans cette affaire, tout comme en l'espèce, la liquidation était due à un changement de conditions économiques imputable à des événements sur lesquels le contribuable n'avait pas de contrôle. Contrairement à ce qu'il en est dans la présente espèce, le contribuable avait bel et bien continué une certaine activité locative pendant la phase de liquidation. Des dépenses (pertes) ont été admises. Quoique la différence entre les deux affaires, tenant au fait qu'il y avait eu certains revenus de location, aie une certaine importance, je suis enclin à appliquer aux faits de l'espèce le principe qui se dégage de l'affaire McGovern. On ne pouvait raisonnablement s'attendre que l'appelant en l'espèce obtienne des loyers, car l'unité n'était pas dans un état convenable pour la location pendant qu'il la détenait comme bien locatif. Les obligations afférentes à cette source de revenu n'ont pas disparu simplement parce que le flux de revenu a cessé. L'analogie avec l'affaire McGovern est valable, à mon avis, indépendamment du fait qu'il n'y a eu aucun revenu en l'espèce pendant les années en cause.

[36]          Jusqu'ici, ma préoccupation relative à l'alinéa 18(1)a) résulte d'un problème que me pose l'approche de l'intimée concernant l'application du paragraphe 18(3.1). D'une part, l'intimée affirme que l'appelant n'avait pas le but requis en engageant les dépenses en cause, car il avait retiré le bien du marché locatif et le détenait seulement pour le vendre. D'autre part, l'intimée veut que le paragraphe 18(3.1) s'applique. Toutefois, ce paragraphe ne peut s'appliquer à mon avis si l'alinéa 18(1)a) s'applique de manière à ne pas permettre la déduction des dépenses en cause. Le paragraphe 18(3.1) dit que, malgré les autres dispositions de la Loi, aucune déduction ne peut être faite. Il ne peut à mon avis s'appliquer à des dépenses déjà refusées en vertu d'une autre disposition de la Loi. Interpréter cette disposition autrement permettrait de capitaliser des dépenses non déductibles. Des frais personnels par exemple pourraient être capitalisés en vertu de cette disposition si elle n'exigeait pas implicitement que les dépenses soient par ailleurs déductibles. En appliquant le paragraphe 18(3.1), il semble donc que la principale position de l'intimée en matière de cotisation soit nécessairement que l'alinéa 18(1)a) ne s'applique pas[1]. Il semble que je m'efforce le plus possible d'être d'accord avec l'intimée, de peur de mettre l'appelant dans une position pire que s'il n'avait pas interjeté appel devant notre cour.

[37]          Le paragraphe 18(3.1) et le paragraphe 18(3.3), auquel fait également référence la réponse modifiée à l'avis d'appel, se lisent comme suit :

(3.1) Coûts liés à un bâtiment ou à un fonds de terre

Malgré les autres dispositions de la présente loi, dans le calcul du revenu d'un contribuable pour une année d'imposition :

a) aucune déduction n'est faite à l'égard d'une dépense engagée ou effectuée par le contribuable (à l'exception d'une somme déductible en application des alinéas 20(1)a), aa) ou qq) ou du paragraphe 20(29)) qu'il est raisonnable de considérer soit comme un coût attribuable à la période de construction, de rénovation ou de transformation d'un bâtiment par le contribuable, par une personne avec laquelle il a un lien de dépendance, par une société dont il est un actionnaire déterminé ou par une société de personnes dont sa part sur le revenu ou la perte est d'au moins 10 %, ou pour leur compte, et lié à cette construction, rénovation ou transformation, soit comme un coût attribuable à cette période et lié à la propriété, pendant cette période, d'un fonds de terre qui :

(i) soit est sous-jacent au bâtiment,

(ii) soit remplit les conditions suivantes :

(A) il est contigu au fonds de terre sous-jacent au bâtiment,

(B) il est utilisé, ou destiné à être utilisé, comme terrain de stationnement, voie d'accès, cour ou jardin ou à un usage semblable,

(C) il est nécessaire à l'utilisation présente ou projetée du bâtiment;

b) dans la mesure où il serait déductible par ailleurs dans le calcul du revenu du contribuable pour l'année, le montant d'une telle dépense est inclus dans le calcul du coût ou du coût en capital, selon le cas, du bâtiment pour le contribuable, pour la personne avec laquelle il a un lien dépendance, pour la société dont il est un actionnaire déterminé ou pour la société de personnes dont sa part du revenu ou de la perte est d'au moins 10 %, selon le cas.

[...]

(3.3) Achèvement de la construction

Pour l'application du paragraphe (3.1), la construction, la rénovation ou la transformation d'un bâtiment est terminée au premier en date des jours suivants : le jour où la construction, la rénovation ou la transformation est effectivement terminée et le jour où la totalité, ou presque, du bâtiment est utilisée aux fins auxquelles il a été construit, rénové ou transformé.

[38]          Ces dispositions ont été édictées pour empêcher que soient déduits des « frais annexes » engagés pendant la construction[2]. Comme je l'ai mentionné, elles n'étaient pas destinées à procurer un allégement et, tel étant le cas, appliquer ces dispositions à la présente espèce pose certaines difficultés.

[39]          Les dépenses ou coûts non admis du fait de l'application du paragraphe 18(3.1) doivent être liés à la construction, à la rénovation ou à la transformation d'un bâtiment (ce qui n'est pas le cas en l'espèce) ou être des dépenses ou coûts qui doivent premièrement être attribuables à la période de construction, de rénovation ou de transformation (les « dépenses de la période de construction » ) et qui doivent deuxièmement être des dépenses de la période de construction « lié[es] à la propriété, pendant cette période, d'un fonds de terre qui [...] est sous-jacent » à ce bâtiment[3].

[40]          En ce qui a trait à la deuxième exigence concernant l'application du paragraphe 18(3.1) à des dépenses de la période de construction, l'impôt foncier et les charges condominiales déduits par l'appelant en l'espèce se rapportent, du moins en grande partie, à la propriété d'un fonds de terre sous-jacent au bâtiment abritant l'unité dont l'appelant était propriétaire durant la période de réparation. On peut soutenir que de telles dépenses sont toutes « liées » à la propriété de tels fonds de terre sous­-jacents, quoique de telles dépenses puissent être partiellement attribuables à des parties communes ou même à des fonds de terre sous-jacents à d'autres bâtiments[4].

[41]          Pour ce qui est de la première exigence concernant l'application du paragraphe 18(3.1) aux dépenses de la période de construction, nul doute que les années en cause entrent dans une période où le complexe Shoreline faisait l'objet de réparations majeures. Est-ce là une période « de construction, de rénovation ou de transformation » ? Il pourrait être plus facile de répondre à cette question n'était-ce le fait que la preuve n'indique pas quels travaux ont effectivement été accomplis durant les années en cause. Il reste qu'il est probable que des réparations importantes ont été faites du moins au complexe, ce qui incluait des « bâtiments » . En ce qui a trait à la question plus vaste de savoir si la période durant laquelle les réparations ont été effectuées est une période « de construction, de rénovation ou de transformation d'un bâtiment » , le Canadian Oxford Dictionary dit que le mot anglais « renovate » (rénover) désigne entre autres l'action de remettre en bon état ou de réparer. L'ampleur des réparations nécessaires à cause des dommages causés par des forces extérieures fait que ces réparations peuvent être décrites comme une remise en bon état. Des réparations aussi majeures effectuées sur une période aussi prolongée pourraient même représenter une période de « construction » .

[42]          Le paragraphe 18(3.3) indique que « la construction, la rénovation ou la transformation » dont il est question au paragraphe 18(3.1) doit servir à préparer un bien (un bâtiment) pour une utilisation après l'achèvement des travaux. Cela implique l'impossibilité d'affecter le bien à cette utilisation durant la période de construction. Cette période est terminée lorsque le bien construit, rénové ou transformé est utilisé « aux fins auxquelles il a été construit, rénové ou transformé » . Quelles sont ces fins lorsque le travail est accompli pour de nombreux propriétaires, chacun utilisant à sa façon son unité respective? L'utilisation doit alors représenter à mon avis une jouissance sûre et paisible de l'unité permettant une utilisation complète, y compris une utilisation locative, ce qui n'a été le cas qu'en 2001 pour ce qui est de l'appelant. Il semble donc que l'on puisse conclure que les dépenses en cause sont des dépenses de la période de construction engagées dans les années en cause.

[43]          Comme je l'ai dit au début, j'ai trouvé l'analyse de la nouvelle cotisation en cause difficile et exigeante et j'ai fini par conclure, sans trop de conviction, que rejeter l'appel en application du paragraphe 18(3.1) est ce qui est requis. Il pourrait avoir été préférable que je rejette l'appel à l'audience en adoptant simplement les points de vue de l'agente des appels, car, dans les circonstances, je reconnais que le meilleur résultat tient à l'application du paragraphe 18(3.1).

[44]          Il reste un point à trancher, à savoir la question de l'application de l'alinéa 18(1)h) de la Loi.

[45]          L'annexe B de la réponse à l'avis d'appel indique que pour 1997 et 1998 ne sont pas admis des frais de véhicule à moteur de 99 $ et de 100 $ respectivement (engagés en Floride), lesquels sont considérés comme des frais personnels, et que ne sont pas admis non plus des frais de déplacement de 45 $ et de 801 $ respectivement (engagés pour aller en Floride et en revenir). A également été refusée la partie de tous les frais locatifs (charges condominiales, impôt foncier et frais de services publics) qui est également assimilée à des frais personnels. La partie non admise parce qu'assimilée à des frais personnels est une proportion d'un douzième, qui représente le mois pendant lequel l'appelant vivait dans l'unité chaque année. Cette partie de la nouvelle cotisation est également ratifiée. Les frais de déplacement et les frais de véhicule à moteur ont à bon droit été refusés, car ils ne peuvent vraisemblablement se rapporter à autre chose qu'à une utilisation personnelle, étant donné qu'il n'y avait aucune activité locative dans les années en cause. Ces frais ne concernent pas la détention du bien même dans la perspective d'un revenu futur potentiel. Pour ce qui est du fait que l'intimée a assimilé à des frais personnels un douzième des autres dépenses susmentionnées, je conclus que c'était raisonnable.

[46]          En conséquence, les appels sont rejetés.

Signé à Ottawa, Canada, ce 21e jour de mars 2002.

« J. E. Hershfield »

J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme ce 2e jour d'octobre 2002.

Mario Lagacé, réviseur

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

2001-2037(IT)I

ENTRE :

ANIS MIKHAIL,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Appels entendus le 10 décembre 2001 à Winnipeg (Manitoba), par

l'honorable juge J. E. Hershfield

Comparutions

Pour l'appelant :                                     L'appelant lui-même

Avocate de l'intimée :                           Me Angela Evans

JUGEMENT

                Les appels interjetés à l'encontre de cotisations établies en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour les années d'imposition 1997 et 1998 sont rejetés selon les motifs du jugement ci-joints.

Signé à Ottawa, Canada, ce 21e jour de mars 2002.

« J. E. Hershfield »

J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme ce 2e jour d'octobre 2002.

Mario Lagacé, réviseur

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]



[1] Il va sans dire que l'avocate de l'intimée n'a pas fait valoir cette position. La contradiction de la position de son client n'a simplement pas été abordée. L'intimée croyait peut-être comprendre que, n'eut été de la reconstruction en cours, l'alinéa 18(1)a) ne se serait pas appliqué et que nier l'existence d'un but consistant à gagner un revenu durant une période de reconstruction irait à l'encontre de l'objet de l'article. Cela supposerait que la disposition a pour objet un allégement, ce qui n'est évidemment pas le cas. Elle est là pour empêcher des déductions pour une période particulière lorsque le bien est détenu, même durant cette période, pour gagner un revenu (à l'avenir) mais ne permet pas alors de le faire à cause de perturbations attribuables à des travaux de construction effectués sur place durant cette période. En l'espèce, l'intimée affirme que le bien a cessé d'être détenu pour une fin consistant à gagner un revenu. Il était détenu pour être vendu. Normalement, il pourrait être détenu pour être vendu tout en continuant à générer un certain revenu, mais, en l'espèce, les dommages causés à l'immeuble ainsi qu'à la région rendaient cela impossible. Pour permettre que le paragraphe 18(3.1) allège cette situation, il faut considérer comme avéré - et je considère comme avéré - que le bien était encore un bien locatif détenu pour fins de production de revenu malgré le fait qu'il ne convenait pas à la location et que le contribuable l'avait mis en vente sans penser à le louer de nouveau.

[2] Voir les Notes explicatives au projet de loi [C-139] modifiant la Loi de l'impôt sur le revenu, décembre 1982, à la page 23.

[3] Il y a une autre catégorie de dépenses non déductibles en vertu de cette disposition, à savoir des dépenses liées à des fonds de terre contigus. Il semble que seules les dépenses liées à des fonds de terre contigus utilisés de certaines manières ne soient pas déductibles même si le contribuable détient une participation dans ces fonds de terre - ce qui serait probablement le cas relativement à un complexe d'habitations condominiales. Il semble que, de mon point de vue à tout le moins, cela soulève des questions très difficiles. Les charges condominiales et l'impôt foncier relatifs à l'unité en cause de la tour III devraient-ils être répartis entre cette tour et des fonds de terre contigus s'ils sont basés dans une certaine mesure sur une participation commune détenue à l'égard de l'ensemble du complexe? Ces dispositions ne semblent guère conçues pour s'appliquer facilement à la situation en l'espèce. En fait, à ma connaissance, elles n'ont jamais auparavant été appliquées dans le cas du propriétaire d'une unité d'un complexe d'habitations condominiales.

[4] D'autre part, les dispositions en question n'imposent une restriction qu'à l'égard de dépenses de la période de construction concernant des fonds de terre contigus utilisés à certaines fins (par exemple comme voies d'accès, jardins, etc.). Encore là, ces dispositions ne semblent guère conçues pour être facilement appliquées à la situation en l'espèce.

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