Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date: 20011108

Dossier: 1999-277-IT-G

ENTRE :

WILLIAM GOSSE,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

Le juge Sarchuk

[1]            Les appels en l'instance sont interjetés par William Gosse à l'égard des cotisations établies pour les années d'imposition 1986 à 1994. Trois aspects des cotisations mentionnées ci-dessus sont en litige, soit l'inclusion d'un revenu de location supplémentaire, le rejet des frais d'intérêts et l'imposition de pénalités et d'intérêts.

[2]            Le paragraphe 4 de la réponse à l'avis d'appel établit les hypothèses sur lesquelles le ministre s'est fondé. Les sections pertinentes se lisent comme suit :

                [TRADUCTION]

a)              Revenu de location

                au cours des années d'imposition 1986 à 1994 inclusivement, l'appelant a loué des pièces de sa résidence et a ainsi touché les revenus de location nets suivants :

1986

1987

1988

1989

1990

1991

1992

1993

1994

4 357 $

6 713 $

12 527 $

12 479 $

12 326 $

18 175 $

18 073 $

13 861 $

13 775 $

b)             au cours des années d'imposition 1986 à 1994, pendant lesquelles l'appelant a reçu un revenu de location, les loyers bruts perçus et les dépenses engagées par l'appelant ont été les suivants :

1986

1987

1988

1989

1990

1991

1992

1993

1994

Loyers bruts

10 800 $

12 150 $

16 200 $

16 200 $

16 200 $

22 200 $

22 200 $

18 000 $

18 000 $

Moins : redressement après vérification

(4 800)

(3 600)

Loyers bruts révisés

6 000 $

8 550 $

16 200 $

16 200 $

16 200 $

22 200 $

22 200 $

18 000 $

18 000 $

Moins:

Impôt foncier

1 244

1 344

1 444

1 544

1 776

1 858

1 954

2 051

2 151

Services publics

2 364

2 414

2 464

2 514

2 564

2 902

2 902

2 632

2 684

Assurance

540

540

540

540

540

336

336

545

559

Intérêt hypothécaire

2 293

2 906

1 867

1 800

1 780

1 825

1 904

1 888

1 870

Dépenses totales

6 441

7 204

6 315

6 398

6 660

6 921

7 096

7 116

7 264

Dépenses personnelles

(4 798)

(5 367)

(2 642)

(2 677)

(2 786)

(2 896)

(2 969)

(2 977)

(3 039)

Dépenses déductibles

1 643

1 837

3 673

3 721

3 874

4 025

4 127

4 139

4 225

Revenu de location net

4 357 $

6 713 $

12 527 $

12 479 $

12 326 $

18 175 $

18 073 $

13 861 $

13 775 $

                Frais d'intérêts

c)              au cours des années d'imposition 1986 à 1994, l'appelant a engagé et a le droit de déduire les frais d'intérêts suivants, ceux-ci étant associés aux sommes qu'il a empruntées dans le but de gagner un revenu de location :

1986

1987

1988

1989

1990

1991

1992

1993

1994

CIBC 12,5 %

1 016 $

774 $

48 $

néant

   néant

   néant

   néant

néant

néant

Trust Household 12,5 %

1 278

909

néant

néant

néant

néant

néant

néant

néant

Onorio Colucci

néant

néant

néant

néant

néant

798

1 904

1 888

1 870

Société hypothécaire Scotia

néant

1 222

1 818

1 800

1 780

1 027

néant

néant

néant

Montant total admissible

2 293 $

2 906 $

1 866 $

1 800 $

1 780 $

1 825 $

1 904 $

1 888 $

1 870 $

d)            aucun montant, au-delà des montants déjà accordés à l'appelant, n'a été engagé par ce dernier pour payer les intérêts exigibles sur de l'argent emprunté et utilisé pour tirer un revenu d'une entreprise ou d'un bien. Par conséquent, aucun montant au-delà des montants permis et établis au sous-alinéa (e) ci-dessus n'est déductible relativement aux frais d'intérêts s'appliquant au revenu de l'appelant pour les années d'imposition 1986 à 1994 inclusivement;

Pénalités

e)              lorsqu'il a produit ses déclarations de revenus pour les années d'imposition 1987 à 1993, à la demande du ministre, l'appelant a omis de déclarer des montants au titre d'un revenu de location;

f)              en fait, au cours des années d'imposition 1986 à 1994, l'appelant a reçu et omis de déclarer les revenus de location suivants et n'a déclaré que les revenus nets établis ci-dessous :

Année d'imposition

Revenu de location non déclaré

Revenu net déclaré

1986

4 357 $

27 541 $

1987

6 713

22 979

1988

12 527

20 608

1989

12 479

3 231

1990

12 326

néant

1991

18 175

néant

1992

18 073

néant

1993

13 861

néant

1994

3 954

9 821

g)             pour les années d'imposition 1986 à 1994 inclusivement, l'appelant est passible d'une pénalité pour avoir, sciemment ou dans des circonstances équivalant à faute lourde, consenti ou acquiescé à un faux énoncé ou une omission dans ses déclarations de revenus pour les années en question, car l'impôt exigible calculé en vertu du sous-alinéa 163(2)a)(i) dépasse l'impôt qui aurait été exigible s'il avait été calculé en vertu du sous-alinéa 163(2)a)(ii). Les différences sont les suivantes :

1986

1987

1988

1989

1990

1991

1992

1993

1994

1 091,41 $

1 627,69 $

2 644,85 $

2 777,52 $

2 200,19 $

3 244,24 $

3 210,66 $

2 427,06 $

692,33 $

h)             par conséquent, l'appelant est passible des pénalités suivantes :

1986

1987

1988

1989

1990

1991

1992

1993

1994

545,71 $

813,85 $

1 322,43 $

1 388,76 $

1 100,10 $

1 622,12 $

1 605,33 $

1 213,53 $

346,16 $

Intérêts

i)               l'appelant ayant omis de payer l'impôt en vertu de la Loi pour les années d'imposition 1986 à 1994, des intérêts sont exigibles en vertu de l'article 161.

[3]            L'appelant n'était pas représenté par un avocat mais, avec la permission de la Cour, il a reçu dans des limites établies l'aide du comptable Timothy J. Millard. En plus du témoignage de l'appelant, Wayne Wilkinson, comptable général licencié, qui, à partir de 1990 environ, s'est occupé des livres de Global Stationary Limited ( « Global » ), une société dont l'appelant était le propriétaire unique, ainsi que les enfants de l'appelant, Darlene J. Allen et Bruce W. Gosse, ont présenté des éléments de preuve en son nom.

[4]            Dans le cadre de la vérification de Global, Revenu Canada a découvert que l'appelant n'avait pas produit ses déclarations de revenus pour les années d'imposition 1986 à 1993 inclusivement. En réponse aux demandes officielles qui lui ont été formulées aux termes du paragraphe 150(2) de la Loi de l'impôt sur le revenu (la « Loi » ), l'appelant a produit des déclarations pour les années d'imposition 1986 à 1993 le 25 mai 1994[1]. La déclaration pour l'année d'imposition 1994 a été déposée le 3 novembre 1995[2]. En mars 1997, le ministre du Revenu national a établi des cotisations pour toutes ces années d'imposition.

Revenu de location non déclaré

[5]            Les revenus en litige portent sur une propriété située au 338, avenue Lorne à Newmarket (Ontario), qui était la résidence de l'appelant pendant toute la période pertinente. L'appelant a décrit sa propriété comme étant une maison à mi-étages de trois chambres à coucher, d'une superficie approximative de 1 200 pieds carrés, comprenant un appartement aménagé de deux chambres situé au sous-sol. L'appelant a soutenu que pendant les années en litige, il n'a loué des parties de sa résidence qu'à trois occasions, pendant une période totale d'environ deux ans (en 1993 et en 1994), et que tout le revenu perçu à partir de cette location avait été déclaré[3]. Il a mentionné le fait que pendant un certain temps au cours des années précédentes, sa fille, son mari et leur enfant avaient occupé l'appartement du sous-sol, et que son fils ainsi que d'autres parents de Terre-Neuve y avaient habité gratuitement à divers moments. Il a précisé qu'il ne connaissait absolument pas la source des chiffres de location communiqués au vérificateur de Revenu Canada (à l'exception des chiffres pour les années 1993-1994). Selon M. Gosse, le comptable Wilkinson, qui avait la responsabilité de préparer les relevés de revenu de location et de dépenses produits, lui a affirmé que ces montants déclarés n'étaient pas des loyers réels mais correspondaient [TRADUCTION] « au montant des loyers s'il y avait eu location » .

[6]            À la fin de 1990 ou en 1991, l'appelant a retenu les services de M. Wilkinson pour que celui-ci s'occupe des registres de la société, mais il n'était pas responsable des déclarations personnelles de l'appelant. M. Wilkinson a découvert qu'aucune déclaration n'avait été produite pendant un certain nombre d'années lorsque Revenu Canada en a fait la demande officielle à la fin de 1993. D'après les renseignements que lui a fournis son client, il a préparé et produit les déclarations pour les années d'imposition 1986 à 1993, et n'a déclaré aucun revenu de location. Peu de temps par la suite, au cours d'une réunion qui a eu lieu au début de la vérification de la société, on a demandé à l'appelant comment il avait pu subsister sans revenu pendant ces périodes. Selon M. Wilkinson, l'appelant a déclaré qu'il avait fait des retraits du compte des actionnaires et que des membres de sa famille habitant avec lui l'avaient aidé à couvrir les dépenses. Cette discussion a permis à M. Wilkinson et à M. Gosse de réunir certains renseignements et de présenter au bout du compte une série de relevés de location pour les années 1986 à 1994 inclusivement[4]. Ces relevés étaient basés sur les renseignements fournis par M. Gosse qui, selon M. Wilkinson, lui avait donné les dates et le nom des personnes qui, à sa connaissance, louaient probablement la résidence à ce moment-là. M. Wilkinson a déclaré avoir ensuite mesuré l'intérieur de la résidence pour « reconstituer » le loyer imposé à chaque locataire selon l'espace équivalent en pieds carrés occupés, d'après la valeur moyenne de la propriété à ce moment dans la région de Newmarket. Il a précisé que cette façon de calculer était la seule possible car M. Gosse n'avait conservé aucun document à cet effet. Une approche semblable a été adoptée relativement aux dépenses qui, de l'avis de M. Wilkinson, ont été évaluées avec le plus de précision possible.

[7]            William Careen est l'agent de Revenu Canada qui était responsable de la vérification de la société de l'appelant, Global, pour les années 1990-1994. Peu de temps après le début de la vérification, M. Careen a découvert qu'aucun salaire et qu'aucune autre somme importante n'avaient été versés à M. Gosse. Lorsqu'il a demandé à l'appelant comme il avait pu subsister, ce dernier lui a répondu avoir couvert ses dépenses en louant des pièces de sa résidence ainsi qu'un appartement situé au sous-sol. M. Careen s'est reporté à une note qu'il a rédigée le 1er mars 1995, qui se lit comme suit :

                [TRADUCTION]

Le contribuable a déclaré qu'aucun bail n'avait été rédigé et que le revenu de location n'avait pas été déposé dans un compte bancaire. Il a également déclaré ne posséder aucun relevé bancaire. Selon lui, l'argent qui lui était remis servait à payer ses frais de subsistance. Il a affirmé pouvoir se souvenir du nom des locataires ainsi que des loyers exigés, et s'est dit prêt à préparer un relevé financier ou un relevé de revenu de location. À ce moment, il a mentionné les frères Murrin, Jim et Susan Snow, Bruce et Laurie Gosse, Claire et Sandra Durant, et Kevin Wilson.

L'appelant a entrepris de fournir des relevés de location, en octobre 1995 il a produit des relevés pour les années d'imposition 1991 et 1992[5], et plusieurs mois plus tard les relevés pour les années d'imposition 1986 à 1990[6]. Ensuite, en décembre 1996, un relevé pour l'année d'imposition 1993[7] a été présenté à M. Careen par le comptable de l'appelant, M. Wilkinson. En janvier 1996, M. Careen a rencontré M. Gosse et M. Wilkinson pour leur faire une proposition relativement à Global, et leur demander plus de détails relativement aux chiffres de location de M. Gosse. Plus particulièrement, il a demandé à M. Gosse et à M. Wilkinson de préciser le nom des locataires (ces renseignements ne figuraient pas dans les documents qui lui avaient été remis), les loyers bruts, les périodes de location, les dépenses, etc. Au cours de cette discussion, M. Gosse a décrit sa maison, a indiqué sa superficie et a donné des détails sur les sections spécifiques qu'il a louées à divers moments pendant les périodes en question[8]. M. Careen a affirmé avoir demandé à visiter la maison pour confirmer certains renseignements, mais que la permission ne lui avait pas été accordée. Par conséquent, il s'est entièrement fondé sur les renseignements que M. Gosse lui a communiqués pour répartir les dépenses et évaluer les revenus de location nets non déclarés.

Conclusion

[8]            Selon M. Gosse, c'est à la demande du vérificateur de Revenu Canada qu'il a déclaré un revenu de location n'ayant jamais existé, calculé en tenant pour acquis que le revenu, représenté par la juste valeur marchande des loyers qu'il aurait perçus si les personnes résidant dans sa maison au cours des années avaient en réalité été locataires. M. Wilkinson, qui n'avait aucune connaissance personnelle des événements de 1986 à 1992, a fait remarquer pendant son témoignage qu'il croyait que les locations étaient des opérations entre des parties ayant un lien de dépendance qui ne produisaient aucun revenu de location. Il a aussi déclaré avoir étudié les années en question avec M. Gosse et [TRADUCTION] « avoir évalué la juste valeur marchande de ce que les locations auraient représenté pendant cette période, et les dépenses étaient suffisantes par rapport à ce revenu au point de ne pas avoir d'incidence sur le dépôt des déclarations de revenus. Parce que nous n'étions pas certains, en fait, vous savez, s'il y avait un revenu de location, mais, vous savez, il n'y avait aucune incidence au moment où nous l'avons déposée » .

[9]            Je ne souhaite pas contester ce point, mais les témoignages de M. Gosse et de M. Wilkinson étaient, pour être charitable, discutables. Ils se contredisent tous les deux relativement à la source des renseignements relatifs aux dépenses; M. Wilkinson soutient que, faute de documents, il en a fait une évaluation tandis que M. Gosse a déclaré : [TRADUCTION] « il les aurait certainement obtenus de moi. Il est impossible qu'il se soit procuré autrement les factures d'électricité, les factures de gaz » . La prétention de l'appelant pour établir qu'il n'y a eu aucun revenu de location (sauf en 1993 et en 1994) est réfutée par une lettre datée du 20 juin 1996[9] écrite par M. Wilkinson et signée par M. Gosse. Cette lettre contient notamment les deux commentaires suivants :

[TRADUCTION]

2.              Étant donné qu'il ne savait pas qu'il devait déclarer le revenu de location qu'il recevait de ses parents et amis lorsqu'ils habitaient chez lui, M. Gosse n'a pas conservé les documents pertinents.

3.              Les relevés de location ont été déposés en fonction des renseignements sur les revenus et les dépenses fournis par M. Gosse, au mieux de sa connaissance.

4.              M. Gosse supposait que ces montants avaient été reçus seulement pour réduire les coûts et qu'aucun impôt ne s'appliquerait.

M. Gosse a déclaré avoir signé cette lettre sans la lire, et sous-entend que les énoncés de cette lettre sont faux.

[10]          Le témoignage de M. Gosse voulant qu'il n'ait pas fourni les renseignements sur les locations à Revenu Canada est contredit par la déclaration de M. Careen. Ce dernier a en effet affirmé avoir pris en note, au cours de sa vérification, les détails sur les diverses locations tels qu'ils lui ont été communiqués par M. Gosse pour toute la période en question. Ces renseignements étaient suffisamment détaillés pour permettre à M. Careen de préparer un tableau et de faire concorder les revenus figurant sur les relevés de location nets de l'appelant. Je devrais également signaler que pendant le contre-interrogatoire, on a demandé à M. Careen s'il se rappelait ce qui suit :

[TRADUCTION]

[...] qu'on lui ait expressément dit que ces loyers avaient été payés à M. Gosse en argent comptant ou vous les a-t-on présentés à titre d'évaluations de la juste valeur marchande des loyers qui auraient pu être perçus pour l'espace occupé par des membres de la famille?

Voici la réponse de M. Careen :

[TRADUCTION]

Ils m'ont été présentés comme des loyers ayant été réellement perçus dans le cadre de la location d'unités spécifiques : deux chambres à l'étage supérieur et l'appartement au sous-sol.

[11]          Compte tenu des éléments de preuve qui m'ont été présentés, je conclus que l'appelant exploitait bel et bien des services de location au cours des années en question. Son témoignage ainsi que celui de M. Wilkinson ne m'apparaissent pas dignes de foi. Je conçois qu'en l'absence de tout document, au détriment de l'appelant, les relevés sur les revenus et les dépenses qui ont été présentés au vérificateur aient pu être inexacts[10]. Cependant, l'appelant avait la responsabilité non seulement de conserver les documents appropriés, mais aussi de produire ses déclarations avec les renseignements nécessaires, dans les délais prescrits. Son omission, qui à mon avis était délibérée, est inexcusable.

[12]          Il incombe à l'appelant de démontrer le bien-fondé de son affaire selon la prépondérance des probabilités. Vu les éléments de preuve qui m'ont été présentés, l'appelant a échoué et, par conséquent, les appels portant sur le revenu de location sont rejetés.

Frais d'intérêts

[13]          L'appelant affirme ne pas être en mesure d'expliquer les frais d'intérêts car il s'est fié sur le calcul de ses comptables. Il a mentionné que sa résidence avait fait l'objet de plusieurs refinancements afin qu'il puisse disposer des fonds nécessaires à ses sociétés, W.P. Gosse Investments Limited d'abord, puis Global. Plus spécifiquement, il a mentionné un prêt hypothécaire de 60 000 $ daté du 29 juin 1988 sur sa propriété du 338, avenue Lorne, puis un chèque de 20 500 $[11] daté du 30 juin 1988, qui selon lui était une partie du produit de ce refinancement avancé sous forme de prêt à sa société afin de lui permettre d'acheter la franchise. Il a également mentionné des prêts hypothécaires de 60 000 $ au bénéfice de Jane Haydu[12] ainsi qu'un prêt hypothécaire de 60 000 $ au bénéfice de Trust Household. Cependant, l'appelant a admis qu'il n'y avait absolument aucune trace écrite indiquant quels montants, le cas échéant, ont été avancés à ses sociétés dans des circonstances qui lui donneraient le droit de réclamer les déductions appropriées en vertu de la Loi.

[14]          Je suis disposé à croire que l'appelant a emprunté des fonds à l'occasion au cours des années en question, et qu'un des objectifs de ces emprunts était d'avancer de l'argent à ses sociétés. Ceci étant dit, les preuves ne me permettent pas de déterminer les montants avancés ni les années d'imposition au cours desquelles ces avances ont été faites. M. Careen a déclaré être incapable de faire le suivi des sommes reçues de ces emprunts. Il a cependant mentionné qu'une partie du prêt hypothécaire de Trust Household paraît avoir servi à payer un prêt hypothécaire réalisé en mai 1982. À ce moment, M. Gosse tentait de régler son divorce et il devait, comme M. Careen l'a dit : [TRADUCTION] « acheter la maison de sa femme... et je l'ai autorisé à le faire - cette transaction n'est toutefois pas documentée -, mais les renseignements du bureau d'enregistrement des actes de propriété m'ont permis de retracer la transaction, et je lui ai accordé des intérêts sur environ 35 000 $ » . Il est juste de dire que M. Careen a fait beaucoup d'efforts pour tenter d'accorder à l'appelant autant de frais d'intérêts déductibles que possible. Cependant, l'appelant n'a pas fourni beaucoup d'aide et en fait M. Careen a signalé : [TRADUCTION] « il aurait été beaucoup plus simple qu'il me remette les documents et me laisse retracer les fonds. Si j'avais pu retracer les fonds, j'aurais pu lui accorder les dépenses [...] » .

Conclusion - Frais d'intérêts

[15]          Pour ce qui est de la déduction des intérêts, en raison de l'absence de preuves écrites ou orales à partir desquelles il aurait été possible de retracer les fonds jusqu'à leur déboursement, rien ne me permet de conclure que l'appelant a prouvé son droit à une déduction des frais d'intérêts supérieure à celle qui a été admise dans la cotisation. Par conséquent, l'appelant ne peut obtenir gain de cause en ce qui concerne ce moyen d'appel.

Pénalités

[16]          Le ministre a imposé des pénalités conformément aux dispositions du paragraphe 163(2) de la Loi, qui se lit comme suit :

163(3)      Toute personne qui, dans l'exécution d'une fonction ou d'une obligation imposée par la présente loi ou en vertu de celle-ci, a fait sciemment ou dans des circonstances qui justifient l'imputation d'une faute lourde, un faux énoncé ou une omission dans une déclaration, une formule, un certificat, un relevé ou une réponse (appelé dans le présent article une « déclaration » ) faits à l'égard d'une année d'imposition en vertu de la présente loi ou d'un règlement, ou a participé, consenti, acquiescé à ce faux énoncé ou cette omission, encourt une pénalité, [...]

Le paragraphe 163(3) est reproduit ci-après :

163(3)      Dans tout appel interjeté, en vertu de la présente loi, au sujet d'une pénalité imposée par le ministre en vertu du présent article, la charge d'établir les faits qui justifient l'imposition de la pénalité incombe au ministre.

[17]          Il est de jurisprudence constante que les dispositions de cet article doivent être interprétées de façon à donner le bénéfice du doute à la partie à qui l'on veut imposer une pénalité. Dans l'affaire De Graaf c. La Reine[13], le juge Strayer a fait la remarque suivante :

                D'une façon générale, un contribuable est passible d'une pénalité en vertu du paragraphe 163(2) s'il a fait, sciemment ou dans des circonstances qui justifient l'imputation d'une faute lourde, un faux énoncé ou une omission dans sa déclaration. Comme je l'ai déjà mentionné, la jurisprudence semble reconnaître une certaine mesure de subjectivité dans l'application de ces critères, au point d'accepter l'ignorance de la loi comme justification des faux énoncés dans des déclarations d'impôt sur le revenu : voir Venne c. La Reine, supra. Il ne faut pas oublier non plus, comme je l'ai mentionné précédemment, qu'il incombe au Ministre d'établir l'intention coupable du contribuable pour justifier l'imposition de pénalités.

Je suis convaincu que le ministre a démontré que l'imposition des pénalités dans cette affaire était appropriée et justifiée.

[18]          Un certain nombre de facteurs, qui ont tous été pris en considération par le ministre, m'ont permis d'en arriver à cette conclusion. D'abord, l'appelant a omis de produire ses déclarations pour les années d'imposition 1986 à 1993 inclusivement, et aurait probablement continué d'ignorer son obligation si sa société n'avait pas été l'objet d'une vérification. Au cours des années d'imposition 1986, 1987 et 1988, l'appelant était un employé salarié[14]. Aucune explication acceptable n'a été présentée pour expliquer pourquoi il n'avait pas produit ses déclarations et payé ses impôts, le cas échéant. De plus, le fait qu'il ait de façon délibérée et constante omis de conserver tout document que ce soit équivaut à un acte intentionnel et, combiné aux autres facteurs que j'ai mentionnés, reflète son indifférence totale à l'égard du respect de la loi. Je souligne également que le vérificateur, M. Careen, a exposé en détails au cours de son témoignage les divers facteurs qu'il a pris en considération avant de recommander l'imposition de pénalités et, en plus des facteurs mentionnés ci-dessus, qu'il s'est particulièrement penché sur le fait que l'appelant est un homme d'affaires qui exploite avec succès une papeterie et un service de messagerie par l'entremise d'une société depuis 1988.

[19]          Le juge Strayer a fait la remarque suivante dans l'affaire Lucien Venne c. La Reine[15],dans laquelle il devait déterminer s'il y avait lieu d'imposer des pénalités :

[...] La « faute lourde » doit être interprétée comme un cas de négligence plus grave qu'un simple défaut de prudence raisonnable. Il doit y avoir un degré important de négligence qui corresponde à une action délibérée, une indifférence au respect de la Loi. [...]

C'est le cas en l'espèce. Je crois que la conduite de l'appelant était volontaire et délibérée, et justifie l'imposition des pénalités.

[20]          Les appels sont rejetés, avec dépens.

Signé à Toronto (Ontario), ce 8e jour de novembre 2001.

« A. A. Sarchuk »

J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme ce 27e jour de septembre 2002.

Martine Brunet, réviseure

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

1999-277(IT)G

ENTRE :

WILLIAM GOSSE,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Appels entendus le 20 septembre 2001 à Toronto (Ontario), par

l'honorable juge A. A. Sarchuk

Comparutions

Pour l'appelant :                                     L'appelant lui-même

Avocate de l'intimée :                           Me Carol Shirtliff Hinds

Jugement

                Les appels interjetés à l'égard des cotisations établies en application de la Loi de l'impôt sur le revenu pour les années d'imposition 1986, 1987, 1988, 1989, 1990, 1991, 1992, 1993 et 1994 sont rejetés, avec dépens.

Signé à Toronto (Ontario), ce 8e jour de novembre 2001.

« A. A. Sarchuk »

J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme ce 27e jour de septembre 2002.

Martine Brunet, réviseure

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]



[1]           Pièce R-1, onglets 1 à 6 (déclaration de 1993 non incluse).

[2]           Pièce R-1, onglet 7.

[3]           En fait, la déclaration initiale de 1993 ne comprenait aucun revenu. Cette déclaration a été modifiée par la suite pour y ajouter un revenu de location. La déclaration de revenus de 1994 était datée du 3 novembre 1995 après discussions avec le vérificateur.

[4]           Pièce R-1, onglets 9, 10 et 12.

[5]           Pièce R-1, onglet 9.

[6]           Pièce R-1, onglet 10.

[7]           Pièce R-1, onglet 12.

[8]           M. Careen s'est reporté à sa note de travail datée du 16 janvier 1996 et intitulée [TRADUCTION] « Section de la propriété de location occupée à des fins personnelles » . Cette note se lit comme suit : [TRADUCTION] « Par contribuable, 1 025 pieds carrés sont occupés à des fins personnelles. La superficie totale de la maison étant de 2 450 pieds carrés, cette section équivaut à 41,84 %. Appartement du sous-sol de 800 pieds carrés; deux chambres de 120 pieds carrés chacune (pour un total de 240 pieds carrés); partie commune de 385 pieds carrés; section personnelle de 1 025 pieds carrés pour un total de 2 450 pieds carrés.

[9]           Pièce R-1, onglet 11.

[10]          Il appert que le vérificateur, M. Careen, était conscient de ce fait lorsqu'il a tenté de régulariser et de faire concerder les dépenses et les revenus présentés par l'appelant. Il a en effet choisi de n'inclure, pour la période pendant laquelle la fille de l'appelant, son mari et son enfant ont habité l'appartement du sous-sol, aucun montant à titre de loyer ou de dépense pour calculer le revenu de location net de l'appelant pendant ces années.

[11]          Pièce A-2.

[12]          Pièce A-1.

[13]          C.F. 1re inst., no T-5291-80, 3 mai 1985, à la page 10 (85 DTC 5280, à la page 5284).

[14]          En 1986, en 1987 et en 1988, les revenus nets déclarés correspondent au salaire versé à l'appelant à titre de représentant commercial de Esselte Pendaflex Canada Inc. ainsi qu'à ses prestations d'assurance-chômage. En 1989, le revenu déclaré se rapportait à son emploi auprès de la société The Manufacturers ainsi qu'à ses prestations d'assurance-chômage. En 1988 ou aux environs, l'appelant a constitué W.P. Gosse Investments Limited en personne morale en vue d'acquérir la franchise d'une entreprise de boîtes postales. Selon le témoin M. Millard, l'appelant a, après une dispute avec le franchiseur, constitué Global Stationery Limited en personne morale [TRADUCTION] « seulement pour éviter de payer des frais de franchisage à une société américaine qui ne respectait pas ses engagements. »

[15]          C.F. 1re inst., no T-815-82, 19 avril 1984, à la page 19 (84 DTC 6247, à la page 6256).

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.